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Permis de construire - Page 13

  • Sur la notion d’ensemble immobilier unique et son incidence sur l’obligation de recourir à un architecte

    Deux habitations réalisées concomitamment sur le même terrain ne forment pas un ensemble immobilier unique dès lors qu’elles n’ont aucun lien physique ou fonctionnel. Partant, chacune peut donner lieu à un permis de construire distinct et, pour la même raison, le seul fait que ces deux maisons excédent globalement le seuil de 170 mètres carrés fixé par l’ancien article R.421-1-2 (a) du Code de l’urbanisme ne suffit pas à rendre obligatoire le recours à un architecte.

    CAA. Nantes, 16 février 2010, Pascal X., req. n°09NT00832


    Dans une précédente note, nous avions traité du bien curieux arrêt par lequel la Cour administrative d’appel de Lyon avait jugé qu’un maire pouvait, sans commettre d'erreur de droit, estimer que la demande de permis de construire était irrecevable dès lors que le projet architectural comprenant deux maisons d'habitation, d'une surface totale de plancher hors œuvre nette de 252 mètres carrés, n'avait pas été établi par un architecte.

    Nous avions en effet formulé quelques réserves sur cette solution dès lors qu’elle résultait de l’analyse de la Cour selon laquelle « les dispositions précitées de l’article L. 421-2 du code de l’urbanisme font référence au projet architectural dans son ensemble, sans apporter de distinctions sur le nombre d’entités à construire » ce dont avait déduit que : « dès lors la surface hors œuvre nette (SHON) à prendre en compte pour l’application des dispositions de l’article R.421-12 du code de l’urbanisme est la SHON totale du projet de construction figurant dans la demande, sans qu’il y ait lieu de se préoccuper du nombre d’entités à construire dans le projet ».

    ensemble pavillonnaire.jpgEn substance, le critère déterminant de la solution retenue par la Cour administrative de Lyon tenait à ce que les deux constructions projetées relevaient d’une seule et même demande de permis de construire et, partant, qu’il n’y avait pas lieu de distinguer la SHON de chacune des constructions projetées.

    Précisément, l’arrêt commenté ce jour va dans le sens contraire. Dans cette affaire le pétitionnaire avait obtenu à quelques semaines d’intervalle deux permis de construire ayant chacun pour objet de transformer en habitation deux bâtiments agricoles sis sur un même terrain.

    Chacun de ces permis de construire devait toutefois être contesté aux motifs tirés notamment de ce que le projet du pétitionnaire aurait dû relever d’un permis de construire unique et être établi par un architecte en application de l’ancien article R.421-1-2 du Code de l’urbanisme dès lors que la SHON global du projet excédait 170 mètres carrés.

    Mais la Cour administrative d’appel de Nantes devait donc rejeter ces moyens au motif suivant :

    « Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, les permis de construire contestés ont pour objet, le premier, le réaménagement d'un bâtiment à usage agricole, le second, le réaménagement avec extension d'un autre bâtiment à usage agricole en vue de transformer chacun des bâtiments existants en une maison d'habitation ; qu'en raison de l'absence de liens physiques ou fonctionnels entre ces deux projets, ces derniers ne peuvent être regardés comme des éléments formant un ensemble immobilier indivisible ; que, par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré par le requérant, de ce que les projets de M. Y formeraient un tout indivisible devant faire l'objet d'un permis de construire unique, ne peut qu'être écarté ; que, pour cette même raison, le moyen tiré de ce que ce projet indivisible porterait sur une surface de plancher hors oeuvre nette totale excédant 170 m² et nécessiterait de ce fait, en application de l'article L. 421-2 du code de l'urbanisme, alors en vigueur, le recours à un architecte, doit, également, être écarté ».

    En substance, chacun des deux moyens pré-exposés fut donc écarté pour le même motif : les deux habitations projetées ne formaient pas un ensemble immobilier unique.

    S’agissant de la question liée à la pluralité de permis de construire obtenus, il s’agit donc là à notre connaissance d’une des premières applications de la jurisprudence « Ville de Grenoble » dans laquelle le Conseil d’Etat a confirmé, tout en l’affinant, le principe selon lequel « une construction constituée de plusieurs éléments formant, en raison des liens physiques ou fonctionnels entre eux, un ensemble immobilier unique, doit en principe faire l'objet d'un seul permis de construire ».

    C’est la raison pour laquelle la Cour a recherché si les deux habitations en cause étaient unies par un lien physique et/ou fonctionnel. Si la Cour n’a pas précisé les éléments pris en compte et ce qui l’a amené à conclure à l’absence d’un tel lien, la démarche adoptée et la solution retenue n’en sont pas pour autant dénuées d’intérêt.

    D’une part, il s’agissait dans cette affaire de deux constructions totalement distinctes. Or, là où une précédente décision du Conseil d’Etat sur l’unicité du permis de construire la décision d’octobre 2007 visait le cas « des constructions indivisibles » (CE. 10 octobre 2007, Association de défense de l'environnement d'une usine située aux Maisons à Saint-Jory-Lasbloux, req. n°277.314), l’arrêt « Ville de Grenoble » envisage uniquement l’hypothèse d’une construction dont les composantes forment un ensemble immobilier unique.

    On pouvait ainsi se demander si la règle de principe conservée par l’arrêt « Ville de Grenoble » ne trouvait à s’appliquer que dans le cas d’une construction unique et si des constructions distinctes pouvaient en toute hypothèse donner lieu à plusieurs permis de construire ?

    A priori, la réponse était négative. Il faut en effet rappeler que dans l’arrêt précité le Conseil d’Etat a également ouvert la possibilité qu’un ensemble immobilier unique fasse l’objet de permis distincts mais ce, notamment « sous réserve que l'autorité administrative ait vérifié, par une appréciation globale, que le respect des règles et la protection des intérêts généraux que garantirait un permis unique sont assurés par l'ensemble des permis délivrés ».

    Or, la nécessaire protection des règles et des intérêts que vise à garantir la délivrance d’un permis de construire unique s’impose également dans le cas de constructions distinctes. Mais en outre, et plus concrètement, il résulte de l’arrêt « Ville de Grenoble » qu’un ensemble immobilier unique peut être constitué par la réunion de composantes physiquement dissociées les unes des autres et uniquement liées entre elles d’un point de vue fonctionnel. Or, si ces composantes n’ont strictement aucun lien physique, c’est nécessairement qu’elles constituent autant de constructions distinctes (CAA. Nancy, 26 juin 2008, M. Aloyse X…, req. n°07NC00436).

    Précisément, en ne se bornant pas à constater qu’il s’agissait de deux constructions à part entière mais en recherchant si elles étaient ou unies par un lien physique et/ou fonctionnel, la Cour administrative d’appel de Nantes nous semble dans cette affaire avoir implicitement confirmé que la règle de principe posée par l’arrêt « Ville de Grenoble » vaut également en cas de pluralité de construction.

    D’autre part, l’arrêt commenté ce jour tend également à confirmer que les liens physiques ou fonctionnels à prendre en compte sont uniquement ceux existant « directement » entre les composantes formant l’ensemble immobilier considéré.

    Si l’arrêt ne le précise pas expressément, force est néanmoins d’admettre que les deux habitations en cause n’étaient pas accolées et, partant, que n’avait pas d’autres « liens » que d’être implantées sur le même terrain.

    Compte tenu de l’objet de l’arrêt « Ville de Grenoble », il y avait fort peu de doute sur le fait que la seule circonstance que deux bâtiments soient projetés sur le même terrain ne suffise pas a en faire un ensemble immobilier unique, bien qu’a contrario, et dès lors qu’un tel ensemble peut résulter de simples liens fonctionnels, le seul fait que les composantes d’un projet soient sises sur des terrains distincts et non contigus ne suffit pas nécessairement à rendre ce dernier dissociable (CE. 26 mars 1997, ADLA, req. n° 172.183).

    On sait d’ailleurs qu’en ce sens, pour application de la jurisprudence « Thalamy », la Cour administrative d’appel de Marseille a pu juger que le seul fait que la construction à édifier soit projetée sur un terrain accueillant un bâtiment irrégulièrement édifié n’impliquait pas de régulariser ce dernier (CAA. Marseille, 15 mai 2008, Cne de Fuveau, req. n°06MA00807).

    Comme l’induit la récente jurisprudence de la Haute Cour (CE. 10 mars 2010, Cne de Clermont l’Herault, req. n°318.235 ; CE. 9 janvier 2009, Ville de Toulouse, req. n°307.265), le lien physique entre les composantes du projet implique donc qu’elles soient structurellement liées, voire ou à tout le moins accolées.

    En revanche, la communauté de terrain peut créer un lien fonctionnel résultant d’équipement commun, tel un accès et/ou des places de stationnement. On sait d’ailleurs que certains projets avaient été qualifiés d’opérations indivisibles en considération de la présence de tels équipements (CAA. Marseille, 15 mai 2008, Cne de Fuveau, req. n°06MA00807).

    Pour autant, la Cour administrative d’appel de Nantes n’a pas opéré une telle recherche. A priori, le lien d’interdépendance fonctionnelle doit donc exister directement entre les constructions elles-mêmes et non pas par l’intermédiaire d’un équipement ou d’un aménagement commun ; sauf peut-être à ce qu’il créé un lien physique entre elles.

    Or, d’une façon générale, on voit mal comment il peut y avoir un tel lien fonctionnel entre deux bâtiments dont chacun constitue une habitation individuelle. Et l’on sait d’ailleurs que le Conseil d’Etat a pu juger que des maisons individuelles bien qu’accolées constituaient néanmoins, précisément au regard de l’autonomie fonctionnelle de chacune, une construction distincte au sens de l’article 8 d’un règlement local d’urbanisme (CE. 7 mai Boisdeffre, req. n°251.596) ; un ensemble immobilier unique n’ayant pas nécessairement à être traiter comme un bâtiment unique pour application des prescriptions d’urbanismes opposables au projet.

    Mais s’agissant du moyen tiré de l’absence de recours à un architecte, celui-ci a donc expressément été rejeté « pour les mêmes raisons », c’st à dire par ce que les deux constructions en cause ne formaient donc pas un ensemble immobilier unique.

    Partant, quand bien même ces deux constructions auraient elles relevaient d’une même autorisation, il nous semble que la Cour administrative d’appel de Nantes n’aurait pas adoptée une autre solution, laquelle sur ce point nous parait conforme aux anciens L.421-2 et R.421-1-2 du Code de l’urbanisme en ce qu’ils disposaient que :

    - « ne sont pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques qui déclarent vouloir édifier ou modifier, pour elles-mêmes, une construction de faible importance dont les caractéristiques, et notamment la surface maximale de plancher, sont déterminées par décret en conseil d'Etat » ;
    - « conformément à l'article 1er du décret n° 77-190 du 3 mars 1977, ne sont toutefois pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques ou les exploitations agricoles à responsabilité limitée à associé unique qui déclarent vouloir édifier ou modifier pour elles-mêmes : une construction à usage autre qu'agricole dont la surface de plancher hors œuvre nette n'excède pas cent soixante-dix mètres carrés ».

    Néanmoins, cet arrêt appelle la même réserve que celle formulée au sujet de celui de la Cour administrative de Lyon dès lors que, d’une part, l’ancien article R.421-1-2 et l’actuel article R.431-2 du Code de l’urbanisme procèdent de l’ancien article L.421-2 et de l’actuel L.431-3 en ce qu’il disposait et dispose respectivement que :

    - d’une part, « conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, par dérogation au quatrième alinéa ci-dessus, ne sont pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques qui déclarent vouloir édifier ou modifier, pour elles-mêmes, une construction de faible importance dont les caractéristiques, et notamment la surface maximale de plancher, sont déterminées par décret en conseil d'Etat. Ces caractéristiques peuvent être différentes selon la destination des constructions » ;
    - d’autre part, « conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, par dérogation à l'article L. 431-1, ne sont pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques ou exploitations agricoles à responsabilité limitée à associé unique qui déclarent vouloir édifier ou modifier, pour elles-mêmes, une construction de faible importance dont les caractéristiques, notamment la surface maximale de plancher, sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. Ces caractéristiques peuvent être différentes selon la destination des constructions ».

    et que, d’autre part, nous avons toujours un certain mal à comprendre comment une même personne physique peut être regardée construire sur le même terrain deux habitations pour elle-même.

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Le permis de construire ne peut légalement autoriser un local « ERP » dont l’aménagement intérieur n’est pas finalisé

    Dès lors que, d’une part, il incombe à l’autorité compétente de prendre parti sur tous les aspects du projet qu’a vocation à sanctionner le permis de construire et que dans le cas d’un établissement recevant du public, d’autre part, l’autorité compétente pour délivrer cette autorisation doit contrôler que l’aménagement intérieur des locaux respecte la règlementation de sécurité et d’accessibilité applicable à ces établissements, un permis de construire ne peut également autoriser un immeuble comprenant un local « ERP » dont seuls la surface, le plan et les façades étaient décrits dans le dossier produit par le pétitionnaire.

    CAA. Versailles, 29 décembre 2009, Cne de Meudon, req. n°08VE03693

     

    Dans cette affaire, un permis de construire avait été délivré en vue de la réalisation d’un immeuble à destination principale d’habitation dont, en revanche, le rez-de-chaussée devait accueillir une crèche. Il reste que s’agissant de ce local, constituant un établissement recevant du public (« ERP »), le dossier produit par le pétitionnaire se bornait à renseigner sur sa surface, son plan et ses façades et, par voie de conséquence, était totalement taisant sur l’aménagement intérieur de ce local.

    C’est pour cette raison que la Cour administrative d’appel de Versailles devait confirmer l’annulation de ce permis de construire de construire en jugeant :

    « Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme dans sa version alors en vigueur : Le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions projetées sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur architecture, leurs dimensions, leur assainissement et l'aménagement de leurs abords et si le demandeur s'engage à respecter des règles générales de construction prise en application du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l'habitation. En outre, pour (...) les établissements recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions des travaux projetés sont conformes aux règles de sécurité propres à ce type d'immeuble ou d'établissement, que les locaux concernés soient ou non à usage d'habitation. Pour les établissements recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux dispositions de l'article L. 111- 7 du code de la construction et de l'habitation (...) ; qu'il résulte nécessairement de ces dispositions que l'autorité qui délivre les permis de construire ne peut s'abstenir de prendre parti sur les questions ainsi définies en subordonnant la réalisation de la construction projetée à la présentation d'un nouveau projet et qu'elle peut seulement assortir l'autorisation donnée de conditions qui n'entraînent que des modifications sur des points précis et limités et ne nécessite pas une telle présentation ;
    Considérant que le projet immobilier de la SOCIETE KAUFMANN ET BROAD DEVELOPPEMENT a été autorisé en tenant compte de l'installation d'une crèche dont seuls la surface, le plan et les façades étaient décrits dans le dossier de demande de permis de construire ; qu'en revanche, le permis de construire en cause renvoyait, pour les autres caractéristiques de cet édifice recevant du public, et notamment pour la vérification des règles de sécurité applicables à la catégorie de bâtiments dont relevait la crèche en question, à la délivrance d'une autorisation distincte ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette crèche devait occuper le rez-de-chaussée du bâtiment B alors que les autres étages étaient destinés à un usage d'habitation ; que, dans ces conditions, le projet autorisé le 4 janvier 2006 était, en dépit de la superficie réduite de cet équipement, indissociable de l'aménagement de ladite crèche ; que, par suite, le maire de la COMMUNE DE MEUDON a statué sans se prononcer sur la conformité aux règles d'urbanisme, à la date du permis de construire litigieux, de l'ensemble du projet immobilier en cause ; qu'au surplus, le permis de construire en cause n'était pas accordé sous réserve de l'obtention d'une autorisation spécifique concernant la crèche en question ; que, dès lors, le maire de la COMMUNE DE MEUDON a, en délivrant une autorisation de construire ne prenant pas en compte l'ensemble des éléments du projet de construction, méconnu les dispositions précitées de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme
    » ;


    la Cour ayant donc estimé qu’en procédant ainsi, la commune avait statué sur la demande, et délivré cette autorisation, sans prendre parti sur l’ensemble des aspects du projet.

    Or, d’une façon générale le permis de construire ne sanctionne pas en tant que tel l’aménagement intérieur d’une construction, si ce n’est à travers la destination de l’ouvrage. Telle est la raison pour laquelle le pétitionnaire n’a pas – et n’a jamais eu – à produire à son dossier des plans de niveaux figurant l’aménagement intérieur de la construction projetée. Il s’ensuit, d’ailleurs, que des différences entre l’aménagement intérieur prévue et celui effectivement réalisé ne sauraient permettre à l’administration de contester la conformité des travaux, sauf lorsque les aménagements effectivement exécutés traduisent un changement de destination de l’ouvrage (CAA. Bordeaux, 30 mars 2000, Rassinoux, req. n°97BX00229).

    coque.jpgIl reste que ce principe connait une exception : les « ERP ». En effet, lorsque le projet porte en tout ou partie sur un « ERP », le permis de construire tient lieu de l'autorisation d’aménagement prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation (art. L.425-3 & R.425-15 ; C.urb) dont on rappellera qu’il dispose que « les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative qui vérifie leur conformité aux règles prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2. Lorsque ces travaux sont soumis à permis de construire, celui-ci tient lieu de cette autorisation dès lors que sa délivrance a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente mentionnée à l'alinéa précédent ».

    Dans ce cas, le dossier de demande de permis de construire devra comporter les pièces anciennement visées par l’article R.421-5-1 et aujourd’hui prévues par l’article R.431-30 du Code de l’urbanisme ; y compris d’ailleurs s’il s’agit d’un ERP de 5e catégorie (CE. 16 juin 2006, Pierre-Mannuel A. & autres, req. n°278.361) bien que dans ce cas la consultation de la commission de sécurité ne soit pas requise (mais même dans ce cas, elle s’impose en revanche pour ce qui concerne la règlementation relative à l’accessibilité des personnes handicapées : CAA. Douai, 5 octobre 2006, SCI Les Epoux, req. n°05DA00420).

    Précisément, l’essentiel des documents à produire à ce titre ont principalement vocation à permettre de vérifier que l’aménagement intérieur des locaux satisfait aux règles de sécurité et d’accessibilité applicables aux ERP ; le respect de cette règlementation ayant vocation à être apprécié par la commission de sécurité et la commission d’accessibilité compétentes dont les avis respectif doivent être recueillis avant que l’autorité compétente ne statue sur la demande de permis de construire.

    Mais par ailleurs, il est de jurisprudence constante que les dispositions de l’alinéa 1er de l’ancien article L.421-3, dont l’économie générale est reprise par l’actuel article L.421-6 du Code de l’urbanisme, imposent à l’administration de prendre parti sur l’ensemble des aspects du projet saisis par ces dispositions (CE. 7 novembre 1973, Giudicelli, req. n° 85.237).

    Or, pour pouvoir prendre partie sur l’ensemble des aspects du projet saisis par l’actuel article L.421-6 du Code de l’urbanisme, encore faut-il que le projet soit totalement finalisé ou, plus précisément, que le dossier produit par le pétitionnaire figure un projet totalement finalisé.

    Telle n’étant précisément pas le cas en l’espèce puisque le dossier produit par le pétitionnaire ne figurait pas l’aménagement intérieur de la crèche à réaliser : la commune de Meudon n’avait donc pas pu prendre parti sur la conformité du projet au regard des règles de sécurité et d’accessibilité applicables aux « ERP ».

    Cet arrêt fait donc application d’une règle jurisprudentielle classique et ancienne à la question particulière de l’aménagement intérieur des « ERP ». Mais cette solution n’est cependant pas totalement inédite puisqu’elle avait déjà été retenue par certains arrêts d’appel (CAA. Marseille, 14 octobre 1999, Société Bâtir Entreprise, req. n°97MA10076). C’est à ce titre qu’il a notamment pu être jugé que l’administration peut légalement solliciter la production de pièces complémentaires au dossier de demande de permis de construire lorsque celles produites par le pétitionnaire se bornent à figurer la vitrine des magasins projetés et, en d’autres termes, ne comportent aucun renseignement sur l’aménagement intérieur de ces locaux assujettis à la règlementation sur les « ERP » (CAA. Marseille, 11 décembre 2008, Mme Frédérique X., req.06MA00808) ou, dans le même sens, que le fait que l’ouverture d’un « ERP » soit conditionnée au contrôle préalable de la commission de sécurité ne saurait pallier la carence de l‘autorité ayant délivré le permis de construire sans pour autant prendre parti sur la conformité du projet au regard de la règlementation applicable au « ERP » ne pouvait être (CAA. Marseille, 1er juin 2006, M. X. & Autres, req. n°02MA01431).

    Mais deux points particuliers de cet arrêt méritent d’être mis en exergue. En premier lieu, le pétitionnaire avait dans son dossier, et pour ce qui concerne l’aménagement de la crèche, pris le parti de renvoyer à une autorisation ultérieure distincte. Mais précisément, la Cour administrative d’appel de Versailles a souligné que le permis de construire en cause n’avait pas été accordé sous réserve de l'obtention d'une autorisation spécifique concernant la crèche en question ; laissant ainsi à penser qu’une telle réserve aurait pu être opérant.

    Or, quand bien même l’arrêté de permis de construire en cause aurait-il expressément prescrit que l’aménagement de la crèche ferait l’objet d’un permis distinct ultérieur, cette circonstance n’aurait toutefois eu aucune incidence. En effet, non seulement les dispositions de l’actuel article L.421-6 du Code de l’urbanisme imposent à l’administration de prendre parti sur tous les aspects du projet mais en outre, et en dehors de prescriptions n'entraînant que des modifications sur des points précis et limités, cette obligation lui interdit de renvoyer l’examen d’un ou plusieurs de ces aspects à l’accomplissement d’une formalité ultérieure (CE. 8 janvier 1982, Association « Tradition & Maintien des Puces », Rec., p. 786), telles la production de documents, l’obtention d’un avis ou la délivrance d’une autorisation distincte (pour un exemple en matière d’ERP : CAA. Marseille, 22 décembre 2003, SCI Magniola, req. n° 99MA00462).

    En second lieu, il faut relever que la commune et la société défenderesses faisaient état de l’obtention ultérieure d’un permis de construire portant précisément sur la crèche en cause ; argument que la Cour administrative d’appel de Versailles devait toutefois rejeter au motif « qu'en se bornant à faire état du permis de construire délivré le 8 avril 2009 pour cette crèche sans en tirer d'autres conclusions, les requérantes ne démontrent pas avoir régularisé le permis de construire délivré le 4 janvier 2006 », laissant ici également à penser qu’il n’était pas exclu que ce second permis de construire ait effectivement pu régulariser le premier. Nous voyons cependant mal comment.

    En effet, l’autorisation délivrée le 8 avril 2009 constituait un nouveau permis de construire, totalement distinct, donc, du permis attaqué délivré pour sa part le 4 janvier 2006. Il ne s’agissait ainsi pas d’un « modificatif » qui s’intégrant au permis initial forme avec ce dernier « un ensemble dont la légalité doit s'apprécier comme si n'était en cause qu'une seule décision » (CAA. Paris, 30 octobre 2008, M. Gilbert Y., req. n°05PA04511) et, en substance, constitue avec l’autorisation primitive «une autorisation de construire unique » (TA. Versailles, 22 février 1994 , SCI Les Ormes, req. n°93-05140) ; ce dont résulte la propension d’un « modificatif » à régulariser les vices dont peut être affecté le permis primitif au regard des règles de forme, de procédure ou de fond lui étant opposables (CE. 2 février 2004, SCI La Fontaine de Villiers, 238.315). Ce qui n’est donc pas le cas d’un nouveau permis de construire qui même lorsqu’il se rapporte au même projet reste distinct du premier et ne s’y intègre donc pas.

    De ce fait, et dès lors qu’en outre il s‘agissait d’une autorisation ultérieure au permis de construire attaqué dont la légalité s’apprécie à sa date de délivrance – indépendamment donc de toute considération liée aux circonstance de droit et de fait ultérieures – ce second permis de construire ne pouvait avoir aucune incidence sur la légalité du permis de construire attaqué ou, plus précisément, ne pouvait avoir régularisé ce dernier.

    Mais bien plus, ce second permis de construire, nous semble dans une certaine mesure avoir entériné l’illégalité du premier. En effet, celui-ci ne portait pas sur l’ensemble du projet mais uniquement sur la crèche en cause.

    Or, ainsi que l’a relevé et souligné la Cour, cette crèche constituait le rez-de-chaussée de l’immeuble à construire dont les autres étages étaient à destination d’habitation. Le permis de construire contesté autorisait ainsi un seul et même bâtiment et, donc, un ensemble immobilier unique au sens de l’arrêt « Ville de Grenoble » (CE. 17 juillet 2009, Ville de Grenoble & Communauté d’Agglomération Grenoble Alpes Métropole, req. n°301.615), ne serait-ce qu’au regard des liens physiques unissant les étages de cet immeuble. Telle est d’ailleurs la raison pour laquelle l’irrégularité du permis de construire à l’égard de cette crèche a suffit à emporter l’annulation de l’ensemble de l’autorisation contestée alors que dans la mesure où cette irrégularité ne concernait donc qu’une « partie du projet » aurait pu penser que ce vice aurait pu ne donner lieu qu’à une annulation partielle sur le fondement de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme.

    Mais dès lors que ce projet n’était ni d’ampleur, ni particulièrement complexe au sens de ce même arrêt, celui-ci devrait donc nécessairement relever d’un seul et même permis de construire. Or, là où le permis de construire attaqué se bornait à ne pas avoir statué sur l’aménagement de la crèche, mais ce sans renvoyer pour celui-ci à une autorisation ultérieure, le permis de construire délivré ultérieurement a donc eu pour effet de faire relever la réalisation de l’ensemble du projet de deux autorisations distinctes, contrairement donc à la règle de principe (CE. 10 octobre 2007, req. n°277.314) confirmée par l’arrêt « Ville de Grenoble »…

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

    A LIRE :

  • Le pétitionnaire doit-il justifier d’une permission de voirie lorsque l’immeuble à construire présente une saillie sur le domaine public ?

    Dès lors que les saillies du projet sont conformes au règlement de voirie auquel renvoie le règlement d’urbanisme local, le permis de construire peut-être légalement délivré sans que le pétitionnaire n’ait à justifier d’une permission de voirie.

    CAA. Nantes, 15 octobre 2009, SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE LE DU BELLAY, req. n°08NT02528



    Voici un arrêt intéressant en tant qu’il porte sur une question se posant fréquemment mais qui, pourtant, n’a donné lieu qu’à très peu de jurisprudence.

    Comme on le sait, il résulte du dispositif entré en vigueur le 1er octobre 2007 que le pétitionnaire, lorsqu’il n’est pas propriétaire du terrain à construire, n’a plus à produire son « titre habilitant à construire » puisqu’il lui incombe simplement d’attester présenter l’une des qualités visées par l’article R.423-1 du Code de l’urbanisme ; attestation intégrée au formulaire « CERFA » et donc établie par la simple signature de celui-ci.

    Mais cette suppression non pas de l’exigence du titre habilitant à construire – puisque précisément il résulte de l’article R.423-1 que le permis a encore vocation à sanctionner la qualité du pétitionnaire – connait cependant une exception.

    En effet, sans reprendre l’obligation posée par l’ancien article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme sur ce point, l’article R.431-13 dispose néanmoins que : "Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public".

    saillie.jpgOr, l’exigibilité de la pièce visée par l’article précité se pose régulièrement dans la mesure où il est fréquent qu’un immeuble pour être implanté sur une parcelle privée présente néanmoins des saillies sur le domaine public ; la circonstance que ces saillies soient en élévation et de faible importance n’ayant aucune incidence dans la mesure où, d’une part, les règles d’occupation du domaine public ne valent pas seulement au niveau dus sol mais s’appliquent pareillement dans l’espace le surplombant et où, d’autre part, il a pu être jugé que la pièces requises au titre de l’article R.421-1-1 était exigible quelles que soient la nature et l’importance de l’empiétement du projet sur le domaine public (CE. 20 mai 1994, C.I.L de Champvert, Rec., p.1250).

    Précisément, dans l’affaire objet de la note du jour, les requérants faisaient griefs au permis de construire attaqué d’autoriser un immeuble présentant des saillies sur le domaine public alors que le pétitionnaire ne justifiait pas avoir obtenu une permission de voirie. Mais ce moyen devait donc être rejeté par la Cour administrative de Nantes aux motifs suivants :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date du permis attaqué : Lorsque la construction est subordonnée à une autorisation d'occupation du domaine public, l'autorisation est jointe au permis de construire ; et qu'aux termes de l'article UB 10 - Hauteur maximale des constructions - du règlement annexé au plan d'occupation des sols de la ville de Nantes alors en vigueur : (...) 4 - En dehors du volume défini au paragraphe 1 du présent article sont autorisées : - les saillies prévues par le règlement de voirie ; qu'aux termes de l'article 26 - Autorisations d'occupation - du règlement général d'utilisation des voies de la ville de Nantes applicable en l'espèce : (...) Les arrêtés de permis de construire ne peuvent valoir occupation du domaine public. Les saillies faisant corps avec la construction (balcons, oriels, corniches, appui de fenêtres...) sont admises dès lors que leurs dimensions n'excèdent pas celles définies à l'article 39 du présent arrêté ; et qu'aux termes de l'article 39 dudit arrêté : (...) Les saillies, qui ne peuvent en aucun cas être établies à une distance inférieure à 0,50 mètre de la bordure du trottoir, doivent obligatoirement s'inscrire dans les dimensions définies ci-dessous : (...) 3 - Voies d'une largeur supérieure à 12 mètres : - 0,80 mètre maximum ; au-delà d'une hauteur de 5 mètres, augmentée de 0,005 mètre par mètre de largeur supplémentaire de voie avec un maximum de 1,20 mètres ;
    Considérant que si le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE LE DU BELLAY ET AUTRES font valoir, à l'appui de leur recours formé contre le permis modificatif du 9 mai 2007, que l'immeuble en cause comporte pour sa partie située en alignement sur 30 mètres de façade un débord de toiture d'environ 0,60 mètre, qui empiète sans autorisation au-dessus du domaine public, il ressort des pièces du dossier que ledit débord du toit de l'immeuble litigieux est situé à une hauteur supérieure à 5 mètres et que la largeur de la voie au droit de l'immeuble est supérieure à 12 mètres ; que le débord de toit étant inférieur à 0,80 mètre, le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE LE DU BELLAY ET AUTRES ne sont pas fondés à soutenir que le projet occuperait le domaine public en sur-sol sans autorisation ; que, dès lors, aucune permission de voirie ne devait être jointe à la demande de permis
    ».


    En substance, la Cour a donc considéré qu’aucune permission de voirie n’était exigible dès lors que le projet et les saillies en cause étaient conformes à celles autorisées par le règlement de voirie applicable.

    Il reste que selon nous l’élément déterminant en l’espèce tient à ce que la disposition du POS communal réglementant les saillies renvoyait expressément à ce règlement de voirie en se bornant à autoriser « les saillies prévues par le règlement de voirie »

    Il nous semble clair en effet que la solution retenue par la Cour n’aurait pas été la même si le règlement de POS n’avait pas opéré un tel renvoi ayant, en substance, pour effet d’intégrer les dispositions de règlement de voierie aux prescriptions d’urbanisme devant être sanctionnées par le permis de construire en cause.

    En effet, la règlementation d’urbanisme et la règlementation sur le domaine et la voirie publics constituent autant de législations indépendantes. Il s’ensuit que même lorsque le pétitionnaire a obtenu la permission de voirie requise et alors même que celle-ci lui a été octroyé par la même autorité que celle lui ayant délivré le permis de construire, ce permis est illégal dès lors que cette permission n’a pas été jointe au dossier de demande d’autorisation d’urbanisme (CAA. Bordeaux, 19 mai 2008, SCI Parc de Fondargent, req. n°06BX01188) ; cette indépendance des législations impliquant que le Maire délivrant un permis de construire en sa qualité d’autorité de police de l’urbanisme n’est pas réputé avoir connaissance des actes qu’il a pris en sa qualité d’autorité de police de la voirie communale (sur la connaissance des actes pris en matière d’urbanisme : CE 26 octobre 1994, OPHLM du Maine-et-Loire, req. n° 127.718).

    Néanmoins, cette solution ne nous parait pas totalement satisfaisante dans la mesure où elle nous semble pour partie procéder d’une confusion entre la conformité du projet et la régularité formelle du dossier ; confusion qu’en outre n’appelait pas à notre sens le règlement de voirie en cause.

    En effet, la Cour a donc considéré que dès lors que le projet était conforme au règlement de voirie en cause et donc aux dispositions du POS renvoyant à ce règlement, aucune permission de voirie n’était exigible.

    Il reste que le propre d’une autorisation statuant sur une demande est de vérifier que le projet est conforme aux règles lui étant opposables ; ce dont il résulte que le fait d’être conforme à une règlementation ne dispense évidemment pas d’obtenir l’autorisation prévue par cette règlementation pour en assurer le contrôle.

    Mais il est vrai qu’en statuant sur la demande de permis de construire et sa conformité au POS, l’administration compétente s’est également prononcé sur la conformité du projet au règlement de voirie auquel renvoyaient les dispositions du POS.

    Il reste qu’en l’espèce, le règlement de voirie en cause précisait lui-même, et à juste titre, que « les arrêtés de permis de construire ne peuvent valoir occupation du domaine public » ; ce dont il résulte que même en statuant sur la demande de permis de construire et ainsi sur la conformité du projet au POS, y compris en ce qu’il renvoyait au règlement de voirie municipale, l’administration ne pouvait être regardée ayant octroyé l’autorisation d’occupation du domaine public éventuellement requise.

    Or, précisément, il ne nous semble pas qu’en disposant que « Autorisations d'occupation - du règlement général d'utilisation des voies de la ville de Nantes applicable en l'espèce : (...) Les arrêtés de permis de construire ne peuvent valoir occupation du domaine public. Les saillies faisant corps avec la construction (balcons, oriels, corniches, appui de fenêtres...) sont admises dès lors que leurs dimensions n'excèdent pas celles définies à l'article 39 du présent arrêté », l’article 26 du règlement de voirie en cause ait entendu dispenser de permission de voirie les saillies conformes à celles visées par l’article 39.

    Force est en effet d’admettre que l’on voit mal l’intérêt qu’il y aurait pour une même disposition à préciser les saillies autorisées tout en rappelant qu’un permis de construire ne saurait valoir autorisation d’occupation du domaine public si les saillies ainsi visées étaient dispensées d’une telle autorisation.

    D’ailleurs, si l’on suit le raisonnement de la Cour c’est dans le cas où les saillies projetées n’auraient pas respecté le règlement de voirie que le pétitionnaire aurait dû solliciter une permission de voirie, donc non conforme à ce règlement, et ce dans le but d’obtenir au permis de construire lui-même irrégulier au regard du POS réglementant ces saillies…

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Sur la qualité habilitant à construire respective des titulaires d’un permis de construire conjoint

    Chacun des co-titulaires d’un permis de construire conjoint doit présenter un titre habilitant à construire au sens de l’ancien article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme, y compris si l’un des pétitionnaires y le propriétaire du terrain à construire.

    CE. 14 octobre 2009, Cne de Messange, req. n°297.727 (139e note de commentaires)



    Voici un arrêt bien plus intéressant qu’il n’y paraît dès lors que l’arrêt « Ville de Grenoble » s’il a ouvert une exception au principe selon lequel un ensemble immobilier unique doit faire l’objet d’un permis de construire unique, il n’en as pas pour autant fait disparaitre l’intérêt du permis conjoint dès lors que le champ d’application et les conditions de mise en œuvre de cette exceptions apparaissent limités et restant à affiner. Mais surtout, le fait que l’arrêt commenté ce jour ait été rendu en application de l’ancien article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme n’en réduit pas totalement l’intérêt.

    Comme on le sait, il résulte de l’actuel article R.431-5 du Code de l’urbanisme, lequel s'est substitué à l’ancien article R.421-1-1 , que le pétitionnaire doit seulement attester de sa qualité ou de son titre habilitant à construire, au regard de ceux visés par l’actuel article R.423-1 , et n’a donc plus à en produire le justificatif au dossier; cette attestation étant en fait "intégrée" au sein du formulaire "CERFA" de demande. De ce fait, d’aucuns estiment que dès lors que l’attestation prévue est remplie par le pétitionnaire, le permis de construire délivré au vu de celle-ci est incontestable s’agissant de la qualité et du titre habilitant à construire et, a contrario, que le permis de construire n’est illégal, et n’emporte la responsabilité de l’administration, que lorsque cette attestation n’a pas été établie.

    Mais, à notre sens, cela n’est pas si certain ; loin s’en faut. Dans son économie générale l’actuel article R.423-1 du Code de l’urbanisme n’est en effet pas si différent de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme puisque l’un comme l’autre se bornent à énoncer les qualités et titres habilitant une personne à déposer une demande de permis de construire. Or, au titre de l’ancien article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme, le juge administratif a toujours estimé que le permis de construire avait vocation à sanctionner la qualité et le titre habilitant à construire du pétitionnaire. On voit donc mal pourquoi il en irait différemment sous l’empire de l’actuel article R.423-5 du Code de l’urbanisme dès lors que le nouvel article R.423-1 du Code de l'urbanisme définit clairement les personnes présentant la qualité requise pour demander une autorisation d'urbanisme.

    A ce titre, il reste donc nécessaire que le pétitionnaire soit habilité à construire sur l’ensemble du terrain d’assiette de sa demande et, a contrario, un permis de construire portant sur un terrain n’étant pas entièrement couvert par le titre du pétitionnaire pourrait s’en trouver affecter d’illégalité et ce, quelle que soit l’importance de la portion du terrain sur laquelle il n’apparaît pas habilité à construire (CE. 20 mai 1994, CIL de Champvert, req. n°106.555).

    immeubles jumelées.jpgOr, un permis de construire obtenu conjointement par deux maîtres d’ouvrage ne constitue pas deux autorisations distinctes délivrées sous la forme d’un seul arrêté mais une seule et même autorisation ayant deux co-titulaires. ll s’ensuit que chacun des titulaires d’un permis de construire conjoint est au regard du droit de l’urbanisme autorisé à en exécuter l’intégralité, y compris lorsqu’il porte sur plusieurs unités foncières. De ce fait, force est donc de considérer que chacun d’entre eux doit disposer d’une qualité et/ou d’un titre l’habilitant à construire sur l’ensemble du terrain d’assiette de l’autorisation.

    Précisément, ce fut l’une des questions posées dans l’affaire « Nouveau Logis Centre Limousin » - premier cas où le juge administratif ait eu à se prononcer clairement sur la pratique du permis de construire conjoint – puisque si chacun des deux pétitionnaires était propriétaire de l’un des deux terrains sur lequel portait le permis de construire en cause, il reste qu’aucun d’entre eux ne disposait d’un titre habilitant à construire sur le terrain dont il n’était pas propriétaire. Cependant, ni le Conseil d’Etat (CE. 28 juillet 1999, SA d’HLM « Le nouveau logis – Centre Limousin », req. n° 182.167) ni la Cour administrative d’appel de Nantes n’ont clairement statué sur cette branche du moyen présenté par les requérants et tiré de l’ancien article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme.

    Mais il ressort, toutefois, des conclusions du Commissaire du gouvernement de la Cour nantaise que celui-ci avait estimé que cette circonstance n’était pas de nature à affecter le permis de construire en cause puisque, justement, les deux propriétaires des terrains concernés s’étaient associés. Dans ce cas, on ne peut en effet que présumer que soit chacun des co-titulaires n’exécutera que les travaux autorisés sur le terrain dont il est propriétaire, soit chacun a accepté que l’autre exécute des travaux sur sa propriété.

    Pour autant, la Cour administrative d’appel de Bordeaux devait ultérieurement juger que chacun des co-titulaires d’un permis de construire devait être titré au sens de l’ancien article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme et ce, alors même que deux d’entre eux étaient les seuls propriétaires de l’unique terrain sur lequel portait l’autorisation en cause.

    Mais dans cette affaire la Cour administrative d’appel de Bordeaux n’a annulé le permis de construire litigieux qu’en tant qu’il avait été délivré au pétitionnaire ne présentant pas un titre habilitant à construire et, en d’autres termes, l’a validité en ce qu’il avait été délivré aux propriétaires du terrain. Précédemment, la Cour administrative d’appel de Lyon avait d’ailleurs également considéré qu’un permis de construire conjoint est à cet égard divisible pour ainsi en confirmer la légalité en ce qu’il avait été délivré au pétitionnaire disposant d’un titre habilitant construire (CAA. Lyon, 12 juin 2001, Assoc. Lac d’Annecy Environnement, req. n°00LY01431).

    Et précisément, c’est cette analyse de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux que le Conseil d’Etat vient de confirmer en tous points en jugeant :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain, soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation dudit terrain pour cause d'utilité publique. / La demande précise l'identité du demandeur, l'identité et la qualité de l'auteur du projet, la situation et la superficie du terrain, l'identité de son propriétaire au cas où celui-ci n'est pas l'auteur de la demande ;
    Considérant qu'il résulte de ces dispositions que lorsqu'une demande de permis de construire est présentée par plusieurs personnes, chacune de ces personnes doit justifier d'un titre l'habilitant à construire ; que par suite, un permis accordé conjointement à plusieurs personnes dont l'une ne justifie pas d'un tel titre est illégal en tant qu'il est délivré à cette personne ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande d'autorisation d'aménager, valant permis de construire, a été présentée conjointement par M. Gérard D, propriétaire du terrain en cause, et par M. Christian D ; que ce dernier ne justifiait pas, lors du dépôt de cette demande, d'un titre l'habilitant à construire ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, après avoir relevé que la demande de permis de construire avait été déposée par M. Gérard D, propriétaire du terrain, et par M. Christian D, que l'autorisation accordée était entachée d'illégalité en tant qu'elle désignait M. Christian D comme bénéficiaire
    ».


    Chacun des co-titulaires d’un permis de construire conjoint doit donc bien présenter une qualité ou un titre habilitant à construire, y compris si l’un des pétitionnaires est le propriétaire du terrain à construire.

    plan conjoint.jpgMais il est vrai que là où l’ancien article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme prescrivait un titre habilitant à construire, l’article R.423-1 du Code de l’urbanisme n’impose plus au pétitionnaire, lorsqu’il n’est pas le propriétaire du terrain à construire, que d’attester être autorisé par celui-ci à exécuter les travaux ; cette attestation s’opérant en fait par la simple signature du formulaire « CERFA » de demande, lequel intègre une formule type à cet effet. On peut donc penser que dès lors que le propriétaire du terrain signera avec un autre pétitionnaire ce formulaire, cette signature vaudra autorisation donnée à l’autre d’exécuter les travaux sur son terrain.

    Il reste que sous l’empire de l’ancien article R.421-1-1, il avait pu être jugé qu’un titre habilitant à construire pouvait procéder d’une simple autorisation ad hoc du propriétaire dont on aurait également pu penser qu’elle pourrait implicitement résulter de la co-signature du formulaire de demande de permis de construire. Il n’est donc pas si certain que l’article R.423-1 du Code de l’urbanisme soit en lui-même de nature à modifier la jurisprudence précitée.

    Mais en toute hypothèse, force est d’admettre qu’il ne pourrait y avoir d’autorisation tacite à exécuter les travaux que pour le cas où celui qui serait réputé la consentir à l’autre, en formant avec lui une demande conjointe, est le propriétaire du terrain à construire ou, à tout le moins, dispose sur ce terrain de droits réels immobiliers dont il a l’entière jouissance et non pas le bénéficiaire d’une simple autorisation ad hoc délivrée intuitu personnae par le propriétaire du terrain sans pour autant lui conférer l’entière jouissance des droits à construire attachés à son terrain et, donc, sans lui permettre d’en faire bénéficier un tiers.




    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit - Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés