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Permis de construire - Page 17

  • Sur les contours de la jurisprudence « Thalamy »

    Dès lors que les travaux projetés portent sur un ouvrage physiquement dissocié d’une construction illégale, le permis de construire s’y rapportant n’a pas à porter également sur celle-ci aux fins de la régulariser.

    CAA. Marseille, 15 mai 2008, Cne de Fuveau, req. n°06MA00807 & CAA. Nancy, 26 juin 2008, M. Aloyse X…, req. n°07NC00436


    Voici deux arrêts intéressant en ce qu’ils illustrent les contours de la jurisprudence dite « Thalamy » (CE. 9 juillet 1986, Thalamy, req. n°51172) dont on rappellera, une nouvelle fois, qu’en substance et sous réserve de la prescription décennale introduite par l’article L.111-12 du Code de l’urbanisme issu de la n°2006-872 du 13 juillet 2006, les travaux se rapportant à une construction illégale – c’est-à-dire édifiée sans autorisation, en méconnaissance des prescriptions de l’autorisation obtenue (voir cependant ici) ou en exécution d’une autorisation ultérieurement annulée ou retirée ou précédemment frappée de caducité (sur la charge de la preuve, voir ici) – ne sauraient être autorisés sans que cette dernière ait été précédemment ou soit concomitamment régularisée (sur la question des ouvrages inachevés, voir ici et ).

    Il faut cependant rappeler que dès l’origine le Conseil d’Etat a systématiquement souligné que cette règle impliquait que l’administration « ne pouvait légalement accorder un permis portant uniquement sur un élément de construction nouveau prenant appui sur une partie du bâtiment » illégal.

    Il reste que ce n’est que tardivement que la Haute Cour a été amenée à faire une application significative de cette « précision » permettant d’affirmer qu’il ne s’agissait pas que d’une clause de style en jugeant que :

    « Considérant que si, dans le cas où un immeuble est édifié en violation des prescriptions du permis de construire, un permis modificatif portant sur des éléments indissociables de cet immeuble ne peut être légalement accordé que s'il a pour objet de permettre la régularisation de l'ensemble du bâtiment, une telle exigence ne trouve pas à s'appliquer dans le cas où le permis de construire initial concerne plusieurs immeubles distincts et où la modification demandée ne concerne pas ceux de ces immeubles qui ont été édifiés en violation de ce permis de construire ; qu'il suit de là que la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que la légalité du permis de construire modificatif du 18 mai 1994 n'était pas subordonnée à la régularisation de la situation des deux immeubles en cause dès lors que les travaux autorisés par ce permis étaient étrangers à l'éventuelle irrégularité de la construction de ces deux immeubles » (CE. 25 avril 2001, Ahlborn, req. n° 207.095) ;

    et, en d’autres termes, que la règle posée par la jurisprudence « Thalamy » n’est pas opposable lorsque les travaux projetés portent sur un ouvrage dissociable de la construction illégale.

    Les deux arrêts objet de la note de ce jour illustrent « l’exception » résultant de la jurisprudence « Ahlborn ».

    Dans la première affaire la décision attaqué était un refus de permis de construire précisément motivé sur la jurisprudence « Thalamy ». Mais le pétitionnaire devait, toutefois, contester cette décision et l’application ainsi faite de cette jurisprudence dans la mesure où son projet portait sur le changement d’un local séparé des constructions irrégulières en cause par un autre ouvrage. Et la Cour administrative d’appel de Marseille devait donc suivre cette argumentation en jugeant que :

    « Considérant qu'à l'appui de sa requête, la COMMUNE DE FUVEAU soutient que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la demande de permis de construire déposée par la société Fre-Lau pouvait ne pas porter également sur les parties du bâtiment construites sans autorisation d'urbanisme, dès lors que les travaux projetés par ladite société s'incorporaient dans l'unité foncière dont dépendaient les constructions irrégulièrement édifiées ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le local susmentionné dont le changement de destination a fait l'objet de la demande de permis de construire est séparé de la terrasse du restaurant et des deux bâtis, respectivement situés en façade sud et en façade est, construits sans autorisation, par la partie du bâtiment réservée à l'habitation de la propriétaire des lieux ; que, dans ces conditions et nonobstant la circonstance que ledit local appartienne à l'unité foncière dont relèvent les éléments non autorisés sus-évoqués, les premiers juges ont pu, à bon droit, considérer que, d'une part, le maire de Fuveau n'était pas tenu de s'opposer aux travaux projetés dès lors que ces derniers apparaissaient, dans les circonstances de l'espèce, suffisamment dissociables et ne comprenaient aucun ouvrage prenant appui sur une partie des constructions édifiées irrégulièrement et que, d'autre part, le maire ne pouvait davantage exiger la production, à l'appui de la demande de permis de construire, d'une autorisation d'occupation du domaine public concernant la terrasse du restaurant ».

    Dans la seconde affaire, la décision contestée était un permis de construire autorisant l’édification d’un local sprinkler et d’une cuve attenante dont les requérants contestaient la légalité au motif que cette autorisation de régularisait pas le bâtiment industriel dont les ouvrages projetés intéressaient l’exploitation et le fonctionnement. Mais la Cour administrative d’appel de Nancy devait rejeter ce moyen en jugeant que :

    « Considérant, en dernier lieu, que si le requérant soutient que le permis de construire litigieux constituerait une régularisation irrégulière de permis de construire d'un bâtiment industriel délivrés en 1988 et 1992, et ultérieurement annulés par jugement du Tribunal administratif de Strasbourg confirmé par la cour, en tant que la construction en cause constituerait un aménagement ou un élément indissociable du bâtiment préexistant et qu'il aurait ainsi appartenu au propriétaire de présenter une demande portant sur l'ensemble constitué par ce bâtiment et les nouvelles constructions, le «local sprinkler» et la cuve y attenante, au demeurant séparés physiquement dudit bâtiment par un espace de 60 cm de largeur, constituent une construction nouvelle et non une transformation du bâtiment préexistant voisin ; qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté »

    Mais en l’état, ce qui nous semble ainsi le plus intéressant tient à ce que ces deux arrêts, combinés à la jurisprudence « Ahlborn », tendent à confirmer que la jurisprudence « Thalamy » a – en ce qu’il en résulte que l’administration ne peut « légalement accorder un permis portant uniquement sur un élément de construction nouveau prenant appui sur une partie du bâtiment » illégal – doit faire l’objet d’une application stricte impliquant que l’indissociabilité des ouvrages considérés doit s’apprécier d’une façon spécifique et distincte de la notion d’indivisibilité utilisée, principalement, pour déterminer si le projet en cause doit ou non relever d’un permis de construire unique.

    Dans ces trois affaires, en effet, l’application du principe posée par la jurisprudence « Thalamy » a été écarté du seul fait que les ouvrages objets des décisions contestées étaient physiquement séparés des constructions illégales en cause.

    Or, au regard du droit commun des autorisations de construire, la notion d’immeuble(s) indivisible(s) et donc indissociable(s) procède de considérations plus étendues que celles tenant au seul point de savoir si les bâtiments en cause sont on non matériellement distincts puisque que des bâtiments physiquement dissociables et ne prenant pas appui l’un sur l’autre peuvent néanmoins former un tout indivisible non seulement lorsqu’ils sont liés entre eux par des équipements communs (tel un parc de stationnement : CE. 1er décembre 1995, M. Ménager & Autres, req. n° 137.832) ou par un autre ouvrage (tels une terrasse ou un muret : CE. 17 novembre 2003, Bontemps, req. n°242.282) mais encore du simple fait qu’ils se rapportent au fonctionnement d’un même ensemble (pour exemple : CE. 26 mars 1997, ADLA, req. n° 172.183).

    Néanmoins, les contours de la jurisprudence « Thalamy » ne doivent pas non plus être appliquée d’une façon excessivement stricte et amener à conclure que dès lors que les travaux projetés ne prennent pas directement appui sur une composante illégale d’un bâtiment mais touchent uniquement à une composante régulière de celui-ci, le principe posée par cette jurisprudence est inapplicable puisque la Cour administrative d’appel de Nantes a pour sa part jugé que :

    « Considérant que les deux extensions litigieuses, d'une surface hors oeuvre nette totale de 130 m², réalisées sur la maison de M. et Mme X, méconnaissaient les dispositions précitées de l'article NH 2 du règlement du plan local d'urbanisme applicables à la date du 8 juin 2004 du permis de construire contesté ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet d'extension autorisé par ce dernier permis de construire, s'il ne prend pas directement appui sur l'élément de construction réalisé sans autorisation au nord-est de la maison d'habitation, n'en forme pas moins, avec cet élément de construction, un tout indissociable de la maison d'habitation, pour l'appréciation de la surface hors oeuvre brute limite autorisée par les dispositions précitées de l'article NH 2 du règlement du plan local d'urbanisme ; que, par suite, il appartenait à M. et Mme X de présenter une demande de permis de construire permettant la régularisation de l'ensemble des éléments de construction constituant ces extensions ; que, dès lors, le maire d'Iffendic ne pouvait légalement accorder à M. et Mme X un permis de construire en vue de la régularisation de la seule extension de 57 m² édifiée au sud-ouest de leur maison d'habitation » (CAA. Nantes, 28 décembre 2006, M. & Mme X., req. n°06NT00016) ;

    la Cour administrative d’appel de Marseille ayant elle-même précédemment jugé que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier (...) que, MM. X et M. Y sont fondés à soutenir que le deuxième niveau abritant le restaurant panoramique constitue un élément de construction présentant un caractère irrégulier ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que les travaux autorisés par le permis de construire en litige du 18 août 1999 portent sur un bâtiment existant qui, s'il comporte plusieurs ailes, constitue un seul bâtiment ; que les travaux de création de la terrasse Est autorisés par le permis de construire contesté prennent appui sur le premier niveau du bâtiment existant, qui est surmonté du deuxième niveau susévoqué, abritant le restaurant dit des invités avec lequel il constitue un élément de construction indissociable ; qu'il suit de là que la demande de permis de construire ici en cause devait porter également sur la régularisation du deuxième niveau réalisé irrégulièrement sans permis de construire ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; qu'il ressort des pièces du dossier que la demande n'avait pas cet objet ; que, par suite, MM. X et M. Y sont fondés à soutenir qu'en délivrant le permis de construire en date du 18 août 1999, le maire de la Ville de Marseille a entaché sa décision d'excès de pouvoir ; qu'alors même que les autres travaux visés dans la demande de permis de construire ne porteraient pas sur l'élément de construction édifié irrégulièrement, l'illégalité du permis de construire entachant la réalisation de la terrasse Est est de nature, en raison de l'indivisibilité du permis de construire portant sur un seul bâtiment, à entraîner l'annulation totale du permis contesté du 18 août 1999 ; que, par suite, ce moyen est de nature à entraîner l'annulation du permis de construire contesté » (CAA. Marseille, 31 mars 2005, M. Bernard X., req. n°00MA01463).

    En résumé, dès lors que les travaux projetés portent sur un bâtiment physiquement distincts d’une construction illégale il n’y pas lieu de régulariser cette dernière (voir également: TA. Amiens, 20 mai 2008.pdf req. n° 06-01597) mais, en revanche, dès lors qu’ils portent sur un bâtiment dont une des composantes est illégale, le permis de construire s’y rapportant doit nécessairement régulariser celle-ci même s’il se borne à autoriser des travaux prenant appui sur les composantes régulièrement édifiées de cet immeuble.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • Sur la prise en compte des aménagements à réaliser dans le cadre d’un projet relevant d’une autre autorisation d’urbanisme

    Lorsque le projet objet de l’autorisation en litige ne répond pas lui-même aux prescriptions de l’article 13 du règlement local d’urbanisme sur le nombre d’arbres à planter, le titulaire de celle-ci ne peut utilement faire état d’arbres à planter dans le cadre d’un autre projet.

    CAA. Lyon, 29 avril 2008, Sté Brennus Habitat, req. n° 06LY01045



    Pour cette dernière note avant notre départ en vacances, on aurait pu souhaiter une décision à commenter d’un plus grand intérêt que l’arrêt objet de la note de ce jour.

    Néanmoins, cet arrêt est loin d’être inintéressant puisque si nous avons plusieurs fois traité de la question relative à la prise en compte des équipements publics futurs nécessaires à la constructibilité du terrain, nous n’avions jamais abordé celle de la prise en compte des d’aménagements certes prévus par le pétitionnaire mais dans le cadre d’un autre projet que celui objet de l’autorisation contestée.

    En l’espèce, le terrain d’assiette du projet présentait une surface de 12.367 mètres carrés. En conséquence de l’article 13 du règle du POS communal prescrivant la plantation « d’un arbre de haute tige pour 200 m² de parcelle », le projet objet de l’autorisation en litige impliquait donc la plantation de 61 arbres de haute tige ; puisque, rappelons-le, en l’absence de précision contraire, une telle prescription impose la plantation d’un arbre par tranche de 200 mètres carrés consommée et non par tranche entamée (à propos des besoins en stationnement : CE. 8 mars 2002, SCI Télémarrk, req. n°226.631).

    Or, si le projet autorisé ne prévoyait la plantation que de 43 arbres, le pétitionnaire devait toutefois faire état d’arbres à planter dans le cadre d’un autre projet. Mais la Cour devait donc rejeter cet argument en jugeant, de façon pour le moins cursive, que la « circonstance que de nouvelles plantations seraient réalisées sur le même terrain dans le cadre d'un projet ultérieur ne peut être prise en compte ».

    A cet égard, cette décision peut-être rapprochée de l’arrêt par lequel le Conseil d’Etat a jugé, en matière de stationnement, que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire présentée par l'office requérant pour la construction d'un immeuble de 41 logements sur un terrain sis 28 rue Sorbier, 20-22 rue Elisa Borey et 1-3 rue Soleillet ne prévoyait l'aménagement d'aucune aire de stationnement dans le bâtiment à édifier et se bornait à renvoyer, pour l'aménagement d'un nombre d'emplacements "à déterminer" à une "2ème phase" de l'opération dite "Les Sorbiers" ; que s'il n'est pas contesté que la configuration des lieux faisait obstacle à l'aménagement d'aire de stationnement dans le sous-sol de l'immeuble à construire, ce qui rendait applicable les dispositions précitées de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme, il est constant que, lorsque le permis de construire lui a été délivré, l'office requérant n'avait pas satisfait aux obligations que lui imposait le plan d'aménagement de zone en recourant à l'une ou l'autre des modalités définies par le 3ème alinéa dudit article ; qu'à défaut de justification de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public et de versement d'une participation en vue de la réalisation de parcs publics, la double circonstance, invoquée par l'office, que des aires de stationnement auraient été prévues dans un autre immeuble compris dans une "2ème phase" de l'opération "Les Sorbiers" qui devait être construit à une date et selon des modalités d'ailleurs non précisées, et que des aires de stationnement en nombre excédentaire étaient aménagées dans l'ilot dit "les Mûriers" à une distance de l'immeuble litigieux qui, au surplus, ne ressort pas du dossier, n'est pas de nature à faire regarder l'office requérant comme ayant satisfait, à la date de délivrance du permis, aux obligations que lui imposaient les dispositions combinées de l'article 12 du plan d'aménagement de zone et de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme ; qu'il suit de là que l'office requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par ce motif, annulé l'arrêté préfectoral du 16 octobre 1980 » (CE. 8 juin 1988, OPHLM de Paris C/ Epx Rougemont, Dr. Adm, 1988, n° 441).

    Il faut cependant relever que la Cour lyonnaise s’est borné à indiquer, sans plus de précision, que la référence à « un projet ultérieur ne peut être prise en compte » cependant que le Conseil d’Etat a lui, plus spécifiquement, relevé que la « circonstance (…) que des aires de stationnement auraient été prévues dans un autre immeuble compris dans une "2ème phase" de l'opération "Les Sorbiers" qui devait être construit à une date et selon des modalités d'ailleurs non précisées (…) n'est pas de nature à faire regarder l'office requérant comme ayant satisfait, à la date de délivrance du permis, aux obligations que lui imposaient les dispositions combinées de l'article 12 du plan d'aménagement de zone » ; laissant ainsi penser qu’en revanche (mais il faut, toutefois, souligner l’usage du, « d’ailleurs », proche du « au surplus » ou encore du « en tout état de cause), si le projet connexe a déjà été autorisé à la date de délivrance du permis de construire en litige, le pétitionnaire peut se prévaloir, pour défendre la légalité de cette autorisation, des aménagements à réaliser dans le cadre de cet autre projet. Et précisément, il a ultérieurement pu être jugé que :

    « Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article UB 13 du règlement du plan d'occupation des sols de la ville de Toulouse : 1.1. Espaces de pleine terre : Excepté pour les équipements publics, une superficie en pleine terre d'au moins 20 % de la surface de l'unité foncière doit être aménagée en jardin... 2.2. Plantations projetées : Excepté pour les constructions à usage d'habitation de deux logements au plus : les espaces libres doivent être organisés et comporter au moins un arbre de haute tige par tranche de 75 m² de surface exigée en pleine terre ; qu'il ressort des documents annexés à la demande de permis de construire que, l'unité foncière étant de 24 097 m², la surface en pleine terre devant être aménagée en jardin est égale à 4 819 m² sur laquelle le pétitionnaire a l'obligation de planter 65 arbres au moins en application des dispositions précitées ; que le premier permis de construire délivré le 29 juin 1994 à la SCI Domaine des Capitouls portant sur un ensemble immobilier de 238 logements sur une parcelle de la même unité foncière, devenu définitif, a prévu la plantation de 283 arbres ; qu'au regard du nombre de plantations prévues dans ce premier permis de construire, dont se prévaut la SCI Domaine des Capitouls, les permis de construire attaqués doivent être regardés comme respectant les dispositions précitées du règlement du plan d'occupation des sols » (CAA. Bordeaux, 28 février 2005, M. X.,req. n° 00BX01995).

    Néanmoins, la solution retenue dans l’arrêt précité nous paraît pour le moins sujette à caution.

    Tout d’abord, elle aboutit à une application de l’article 13 à géométrie variable puisque si le pétitionnaire peut se prévaloir d’arbres à planter sur une autre parcelle que celle constituant l’assiette du permis de construire en litige, les requérants ne sauraient pour leur part faire état d’arbres à abattre sur une autre parcelle puisqu’il a été jugé que :

    « Considérant que, si les requérants soutiennent que le nombre d'arbres à remplacer serait de 16, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la comparaison entre le plan de masse coloré des plantations et le rapport de l'expert horticole désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Nice, qu'en dehors des arbres transplantés, ce nombre s'élève à 14, étant précisé que, pour l'application de la disposition précitée, doivent être décomptés tous les arbres recensés et identifiés par l'expert, figurant dans l'emprise de la seule parcelle support du projet, y compris les arbres fruitiers que l'article UA 13 n'exclut pas et ceux détruits avant la demande de permis de construire, et à l'exclusion des yuccas et de la haie de pittosporum qui ne peuvent être considérés comme des arbres au sens de la disposition en cause du POS ; qu'ainsi, en application de ladite disposition, le pétitionnaire est astreint à planter 28 arbres ; que, ce dernier s'étant engagé à en planter 20, et le permis ayant en outre été assorti d'une prescription spéciale lui imposant la plantation de 10 arbres de haute futaie d'essence locale en plus de ceux initialement prévus dans la demande, les exigences de l'article UA 13 doivent être regardées comme étant respectées » (CAA. Marseille, 23 novembre 2006, Association des Amis de la Napoule, req. n°03MA02037).

    Ensuite, il semble que dans l’affaire objet de l’arrêt de la Cour bordelaise, ce soit seulement au stade du contentieux que le pétitionnaire se soit prévalu des arbres à planter dans le cadre d’un autre projet cependant qu’en vertu du principe d’indépendance des procédures, l’administration est réputée statuer au seul vue des pièces du dossier produit par le pétitionnaire et donc sans avoir connaissance d’un projet annexe.

    Enfin et surtout, cette solution nous paraît contraire au principe d’indivisibilité des projets au regard des normes sanctionnées par permis de construire, tel qu’il est aujourd’hui clairement conçu par le Conseil d’Etat.

    On sait, en effet, qu’antérieurement, le Conseil d’Etat avait pu juger que la légalité d’un permis de construire se rapportant à une opération indivisible devait être appréciée globalement et avait, en matière d’espaces verts (et de places de stationnement), adopter une démarche équivalente en jugeant que :

    « Considérant que les deux arrêtés en date du 30 septembre 1981 par lesquels le maire de Reichstett a autorisé la construction d'une part, d'une recette postale et de magasins par la société civile immobilière "LE DEAUVILLE", et d'autre part, d'un supermarché par l'union des coopérateurs d'Alsace, prévoient l'un et l'autre que les permis de construire ne sont accordés que sous réserve, notamment, que "30 % de la surface de la parcelle devront être traités en aménagements paysagers (arbres, gazon et autres plantations)" ; Considérant que ni les demandes de permis de construire ni les plans annexés ne contenaient d'indications sur la "superficie des espaces verts plantés ou gazonnés" en conformité avec ladite réserve ; que ni les aires de stationnement exigées par l'article 15 du règlement du lotissement "Souffel" ni les "arbres ornementaux à feuillage persistant ou résineux "exigés par l'article 16 à raison d'un arbre par are dépassant la surface de 300 m 2 de chaque lot, ne pouvaient être considérés comme constituant des "aménagements paysagers" imposés par les réserves susanalysées ; que l'emprise des bâtiments, aires de stationnement et voies d'accès, autorisée par les projets était incompatible avec le respect desdites réserves » (CE. 10 MARS 1989, SCI « LE DEAUVILLE », REQ. N° 69.451).

    Dès lors qu’à suivre cet arrêt, la faisabilité des espaces verts respectivement prévus par deux permis de construire distincts doit être appréciée de façon globale, il n’y a contrario rien de plus normal que le pétitionnaire puisse défendre la légalité de l’un au regard de l’article 13 du règlement local d’urbanisme en se prévalant des aménagements prévus par l’autre à ce même titre.

    En outre, il avait pu être jugé que l’irrégularité du fractionnement d’une même opération en deux permis de construire délivrés successivement n’est pas opposable au second puisqu’à sa date de délivrance et du fait de la délivrance du premier, l’administration a une connaissance complète du projet (en ce sens : CE. 23 décembre 1987, Centre national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, Rec., p. 433).

    Il n’en demeure pas moins que la démarche validée par la Cour bordelaise aboutit à faire relever les composantes d’un seul et même projet de deux autorisations distinctes alors que les arbres à planter au titre de l’article 13 d’un règlement local d’urbanisme sont juridiquement indivisibles de la construction autorisée par le permis de construire en litige puisque nécessaire à la légalité de cette autorisation au regard des prescriptions de cet article.

    Or, rien ne saurait garantir que le pétitionnaire se borne à exécuter le permis de construire n°2 et s’abstienne d’exécuter le permis de construire n°1 et, donc, ne réalise pas les arbres dont il s’était prévalu pour établir la légalité du permis de construire n°2 : l’exécution de ce dernier est donc susceptible d’aboutir à un projet non conforme à l’article 13, sans que rien ne puisse être reproché au pétitionnaire.

    Telle étant selon nous, au delà des implications de l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme et de la fiction qu’est le principe d’indépendance des procédures, la principale justification concrète de la règle selon laquelle un projet indivisible ne saurait être légalement fractionné en deux permis de construire et qu’en pareil cas, tant le premier que le second sont illégaux et encourent l’annulation comme la récemment jugé que le Conseil d’Etat pour, d’ailleurs, censurer un arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux. Et si cette décision de la Haute Cour vise « les constructions indivisibles » (CE. 10 octobre 2007, Association de défense de l'environnement d'une usine située aux Maisons à Saint-Jory-Lasbloux, req. n°277.314), nous voyons mal pourquoi la solution ainsi retenue, laquelle procède, au regard de la jurisprudence antérieure, de la règle posée par l’actuel article L.421-6 (qui seule peut d’ailleurs fonder cette solution), ne vaudrait pas pour l’ensemble des aspects indivisibles du projet saisis par cet article et, donc, pour les arbres à planter.

    Sur ce : bonne vacances à tous !!!


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur la prise en compte d’un projet d’élargissement de voie pour l’appréciation des conditions de desserte du terrain à construire

    L’élargissement d’un chemin rural inscrit au POS et matérialisé dans le plan masse produit par le pétitionnaire peut être pris en compte au titre de l’article R.111-4 (anc.) du Code de l’urbanisme pour apprécier les possibilités de croisement de véhicules.

    CAA. Nancy, 28 janvier 2008, Cne de Beuvilliers, req. n°06NC01550



    En l’absence de décision récente plus intéressante (du moins si l’on s’en tient à Légifrance) et pour sortir de JURISURBA du sommeil dans lequel il était, de ce fait, plongé depuis plusieurs semaines, nous revenons sur cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy dont le sens et la portée sont en totale contradiction avec l’ensemble de la jurisprudence précédemment rendue en la matière.

    Dans cette affaire, un refus de permis de construire avait été opposé au pétitionnaire au seul motif tiré de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme dans la mesure où, en l’état où il se présentait à la date à laquelle l’administration avait statué sur la demande, le chemin devant assurer le terrain à construire présentait une largeur insuffisante au regard de la destination de la construction projetée.

    Pour autant, ce motif et, par voie de conséquence, la décision attaquée devaient être censurés par la Cour et ce, au motif suivant.

    « Considérant que si le terrain d'assiette du projet, situé en zone UB du plan d'occupation des sols, se trouve à proximité de la route départementale 906, classée à grande circulation, sa desserte s'effectue par le chemin du Chartron dont l'élargissement à huit mètres est prévu au plan d'occupation des sols et se trouve matérialisé dans le plan de masse joint à la demande de permis de construire, permettant ainsi, contrairement aux motifs de la décision du 24 mai 2004, le croisement des véhicules ; qu'il ressort, au surplus, des pièces du dossier que la circulation induite par la fréquentation de la salle de culte présentera un caractère limité, les fidèles se réunissant deux fois par semaine sur une durée n'excédant pas deux heures ; qu'ainsi, en refusant le permis de construire demandé, le maire de la COMMUNE DE BEUVILLERS s'est livré en tout état de cause à une appréciation erronée des règles prescrites par l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme relatives aux conditions de desserte des immeubles ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE BEUVILLERS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a annulé la décision susmentionnée du 24 mai 2004 ».

    En substance, la Cour a donc annulé le refus de permis de construire attaqué au motif principal que l’élargissement du terrain en cause était inscrit au POS et se trouvait matérialisé dans le plan masse produit par le pétitionnaire puisque ce n’est que « au surplus » que la Cour a relevé que la construction projetée n’avait pas vocation à générer qu’un trafic automobile des plus limités.

    Or, au regard de la jurisprudence précédemment rendue en la matière, une telle décision apparaît pour le moins surprenante.

    Rappelons, en effet, que la légalité d’un permis de construire ou d’un refus d’autorisation s’apprécie à sa date délivrance, c’est-à-dire en considération des éléments de droit et des circonstances de fait présentes à cette date.

    Or, cette règle a notamment pour corollaire que la constructibilité d’un terrain au regard des articles 3 et 4 d’un règlement local d’urbanisme s’apprécie en considération des équipements relevant de la demande de permis de construire et/ou des équipements existants : par principe, la constructibilité d’un terrain ne saurait donc être établie en prenant en compte des équipements futurs dont la réalisation ne relève pas de la demande de permis de construire.

    Par exception, il est toutefois possible de prendre en compte de tels équipements futurs mais ce, à des conditions strictes et cumulatives, à savoir qu’à la date de délivrance du permis de construire :

    • tout d’abord, la réalisation de l’équipement considéré soit planifiée, c’est-à-dire ait donné lieu à une décision de l’autorité compétente (pour exemple : CE. 7 mai 1986, Kindermann, req. n°59.847) ;
    • ensuite, les modalités et les délais de réalisation de cet équipement soient arrêtés (pour exemple : CE. 28 juillet 2000, Cne de Decines-Charpieu, req. n°199.325) ;
    • enfin, cet équipement ait vocation à être achevé à brève échéance (CAA. Bordeaux, 12 février 2007, M. Jacques Y, req. n°04BX00214 ; TA. Poitiers, 25 octobre 2007, Mme Servouse, req. n°06-01532).


    On relèvera, d’ailleurs, que pour ce qui concerne la desserte du terrain par les réseaux publics d’électricité, d’eau et d’assainissement, ces règles, d’origine purement jurisprudentielles en matière de voirie, sont codifiées à l’article L.111-5 du Code de l’urbanisme, lequel dispose que :

    « lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. Lorsqu'un projet fait l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à sa réalisation lorsque les conditions mentionnées au premier alinéa ne sont pas réunies ».

    Mais surtout, force est de constater que la décision commentée ce jour est en contradiction avec la propre jurisprudence de la Cour administrative d’appel de Nancy, laquelle avait préalablement jugé que :

    « Considérant en premier lieu que, par la décision attaquée en date du 16 septembre 2003, le maire d'Eschau a répondu négativement à la demande de certificat d'urbanisme déposée par la Société SERCA en vue de la création d'un lotissement au motif qu'alors que le terrain était situé en zone I NA 1 du plan d'occupation des sols et que l'urbanisation de cette zone était conditionnée par la réalisation des voies d'accès faisant l'objet d'emplacements réservés au bénéfice de la Communauté urbaine de Strasbourg, ces opérations n'étaient ni réalisées, ni programmées à court terme par celle-ci ; qu'il s'ensuit qu'eu égard aux éléments de fait ci-dessus mentionnés, le maire d'Eschau a pu à bon droit délivrer un certificat d'urbanisme négatif concernant le lotissement projeté (et) prendre en considération les seules intentions de la Communauté urbaine de Strasbourg » (CAA. Nancy, 1er mars 2007, Sté CERCA, req. n°05NC00767).

    Il est vrai que dans l’affaire objet de la note de ce jour l’élargissement en cause avait été matérialisé par le pétitionnaire dans le plan masse ; ce qui ne saurait signifié que cet élargissement ait été intégré à la demande et, en d’autres termes, avait vocation à être réalisé par le pétitionnaire en exécution du permis de construire escompté puisque pour ce faire, il aurait en effet fallu que le Conseil municipal adopte une délibération conférant au pétitionnaire un titre l’habilitant à réaliser ces travaux d’élargissement.

    On pourrait, toutefois, penser que la solution dégagée par la Cour procède de l’analyse selon laquelle en matérialisant l’élargissement du chemin dans son plan masse, le pétitionnaire avait subordonné l’exécution et la conformité de son projet à l’accomplissement des travaux d’élargissement du chemin de son projet. En effet, dès lors qu’il a pu être jugé qu’un certificat de conformité pouvait être légalement refusé lorsque le pétitionnaire avait réalisé son accès sur une autre voie que ce qu’il avait annoncé dans son dossier de demande (CE. 20 janvier 1988, M. Maric, req. n°64.616), on pourrait penser que dans l’hypothèse où le pétitionnaire aurait réalisé son accès sur un chemin non élargi ne correspondant pas à celui qu’il avait matérialisé dans le plan masse produit à son dossier de demande, cette circonstance permettrait à l’administration de contester la conformité de la construction réalisée.

    Il reste qu’il est de jurisprudence constante que la conformité des travaux s’apprécie exclusivement au regard de ceux autorisés par le permis de construire et, donc, indépendamment de toute considération liée aux travaux relevant d’un autre projet.

    Il s’ensuit que selon la Cour administrative d’appel de Nancy, le Maire aurait donc délivré le permis de construire sollicité et ce sans que, d’une part, il n’y ait aucune garantie sur l’élargissement du chemin et la conformité de la construction projetée au regard de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme et que, d’autre part et le cas échéant, il puisse être reproché au pétitionnaire d’avoir exécuté son projet alors même que l’élargissement de ce chemin aurait pas été concomitamment réalisé…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur l’autorisation requise pour la réalisation de travaux entrepris sur un terrain faisant l’objet d’un permis de construire en cours de validité.

    La création d’un mur de soutènement d’un parc de stationnement d’un ensemble immobilier en cours de réalisation impliquant une modification du nombre de places projetées et de leur configuration ne saurait relever d’une déclaration préalable mais implique l’obtention d’un permis de construire modificatif.

    CAA. Marseille, 15 mai 2008, SCI Les Hautes Terres, req. n°05BX02700


    Voici un arrêt intéressant le champ d’application respectif du permis de construire modificatif et de la déclaration de travaux ainsi que, surtout, sur leur articulation s’agissant des travaux sur existant et, plus précisément, des travaux portant sur une construction faisant l’objet d’un permis de construire en cours d’exécution ; ce qui est suffisamment rare pour être relevé, d’autant que le motif apparent de la solution retenue surprend quelque peu.

    Il est fréquent, en effet, qu’un projet de construction ayant donné lieu à un permis de construire doive subir certaines modifications au regard du projet initialement autorisé par ce permis de construire.

    Or, certaines des ces modifications pour porter sur un ouvrage assujetti à permis de construire peuvent néanmoins, prises isolément, relever du champ d’application de la déclaration de travaux, voire être exemptées de toute formalité. Mais à leur sujet, la Cour administrative d’appel de Paris a pu juger que si ces travaux « relèvent, lorsqu'ils interviennent sur une construction existante, de la procédure de la déclaration de travaux et non de celle du permis de construire, ils relèvent en revanche de la procédure du permis modificatif, lorsqu'ils se rapportent à un projet autorisé par un précédent permis de construire et qui, en l'absence de déclaration d'achèvement de travaux, ne peut être regardé comme entièrement réalisé » (CAA. Paris, 13 décembre 1994, Ville de Paris, req. n°92PA01420).

    En résumé, si lorsque les travaux précédemment autorisés sont achevés, un permis de construire modificatif ne peut plus être régulièrement obtenu (CE.23 septembre 1988, Sté Maisons Goêland, req. n°72.387 ; TA. Versailles, 27 janvier 1988, M. Moser, req. n°98-00035), a contrario, dès lors que le permis de construire l’ouvrage projeté n’a pas été entièrement exécuté et qu’en conséquence, la déclaration d’achèvement prescrite par l’article R.460-1 du Code de l’urbanisme n’a pas été formulée, toute modification de ce dernier exige l’obtention d’un permis de construite – a priori, modificatif – quand bien même, compte tenu de leur nature et de leur importance, ces modifications relèveraient-elles prises isolément de la simple déclaration de travaux (voir également : CAA. Paris, 26 octobre 1999, Sté foncière de Joyenval, req. n°96PA02891).

    Bien plus, la Cour administrative d’appel de Nancy a pu juger que cette règle était également applicable s’agissant de travaux exemptés de toute formalité, lesquels, dès lors qu’il sont projetés sur un ouvrage en cours de construction en exécution d’un permis de construire n’ayant pas donné lieu à la formulation d’une déclaration d’achèvement, doivent faire l’objet d’un « modificatif » (CAA. Nancy, 28 juin 2001, Gaillot, req. n°97NC00472).

    Mais sans remettre en cause la portée de ces jurisprudences – dont elle a, d’ailleurs, repris la règle de principe s’en dégageant – la Cour administrative d’appel de Bordeaux a récemment nuancé cette règle en jugeant « que les travaux de construction d'une piscine relèvent, lorsqu'ils interviennent sur une construction existante, dont ils sont dissociables, de la procédure de la déclaration de travaux et non de celle du permis modificatif » (CAA. Bordeaux, 26 juin 2007 Cne de Toulouse, req. n°05BX01660).

    Deux de choses l’une en résumé mais en l’état :

    - soit, les travaux projetés présentent un caractère indivisible de l’ouvrage en cours de réalisation en exécution du permis de construire obtenu à cet effet et, en toute hypothèse, ils impliquent l’obtention d’un autre permis de construire - « nouveau » ou « modificatif » selon l’importance de ces travaux et leur impact sur l’économie générale du projet initial – ce qui est normal dès lors qu’un ensemble indivisible doit nécessairement relever d’un permis de construire unique (CE. 10 octobre 2007, Association de défense de l'environnement d'une usine située aux Maisons à Saint-Jory-Lasbloux, req. n°277.314) ; étant précisé qu’un « modificatif » vient s’intégrer au « primitif » pour ainsi former avec celui-ci une seule et même autorisation (TA. Versailles, 22 février 1994, req. n°93-05140) ;

    - soit, comme en l’espèce, ces travaux sont divisibles de l’ouvrage en cours de réalisation et, en pareil cas, la procédure applicable sera déterminée au seul regard de leur nature et de leur importance intrinsèques : le cas échéant, ils pourront donc relever d’une simple déclaration préalable, voir être dispensés de toute formalité mais aussi relever d'un permis de construire distinct du précédent ; ce qui est tout aussi normal dès lors que la simple circonstance que des travaux soient projetées sur une même unité foncière ne suffit pas les rendre indissociables (CAA. Marseille, 15 mai 2008, Cne de Fuveau, req. n°06MA00807) de la même façon, a contrario, que des travaux projetées sur des unités foncières distinctes n’en sont pas nécessairement divisibles (CE. 26 mars 1997, ADLA, req. n° 172.183 ; CE. 9 juillet 2008, Ministère de l’équipement, req. n°284.831).

    Mais précisément, l’arrêt commenté ce jour jette quelque peu le trouble.

    Dans cette affaire, le requérant avait précédemment obtenu un permis de construire un ensemble immobilier comportant un parc de stationnement. Mais ultérieurement, celui-ci devait formuler une déclaration de travaux portant sur un mur de soutènement nécessaire à la réalisation de son projet à laquelle l’administration devait opposer que les travaux déclarés impliquaient un permis de construire modificatif ; ce que confirma la Cour administrative d’appel de Marseille mais ce, au motif suivant.

    « Considérant que l'appelante soutient que la création du mur de soutènement permettrait en réalité l'exécution du programme immobilier en confortant le talus qui supporte la voie de circulation prévue dans ledit ensemble immobilier et en permettant la réalisation de parkings, et non d'apporter des modifications à l'ensemble autorisé comme l'a indiqué le tribunal ; que, cependant, par ces seules affirmations, elle n'établit pas que les modifications affectant le nombre de places de stationnement et l'aire de retournement des services de secours, relevées par le tribunal et ressortant du plan fourni à la commune à l'appui de la demande, ne seraient pas apportées au programme immobilier initialement autorisé ; que, dans ces conditions, pour les mêmes motifs que ceux exposés par le tribunal et qu'il convient d'adopter, la SCI LES HAUTES TERRES n'est pas fondée à soutenir que les travaux qu'elle souhaitait entreprendre entreraient dans le champ d'application des exemptions de permis de construire prévues au titre des paragraphes d ou m de l'article R. 422-2 alors en vigueur du code de l'urbanisme, et relèveraient ainsi, non de la demande de permis de construire modificatif exigée par le maire de Saint-Laurent du Var, mais de la déclaration de travaux ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées à la requête d'appel, la SCI LES HAUTES TERRES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 septembre 2000 sus-évoquée ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la SCI LES HAUTES TERRES le paiement à commune de Saint Laurent du Var d'une somme de 1 500 euros au titre des frais que cette dernière a exposés et non compris dans les dépens ».

    En résumé, la Cour a donc considéré que les travaux déclarés relevaient du champ d’application du permis de construire modificatif non pas en considération du mur de soutènement projeté mais dans la mesure où le projet tel que déclaré incluait une modification de certains des aménagements du parc de stationnement à réaliser ; ce qui induit qu’a contrario, si la déclaration n’avait effectivement porté que sur le mur de soutènement, l’administration n’aurait pu légalement s’y opposer.

    Une telle solution nous apparaît doublement contestable.

    En effet, il convient de souligner que le requérant soutenait lui-même que « la création du mur de soutènement permettrait en réalité l'exécution du programme immobilier en confortant le talus qui supporte la voie de circulation prévue dans ledit ensemble immobilier et en permettant la réalisation de parkings ».

    Or, un mur de soutènement est indissociable de l’ouvrage auquel il se rapporte et pour la réalisation duquel il est nécessaire ; y compris si l’ouvrage en cause ne prend pas directement appui sur ledit mur. Et à cet égard, l’arrêt commenté est d’autant plus surprenante que, validant ainsi un arrêt de cette même cour (CAA. Marseille, 10 novembre 2005, req. n°03MA01105), le Conseil d’Etat a récemment jugé que :

    « Considérant, en premier lieu, qu'en énonçant que l'édification d'un mur de soutènement en façade ouest avait été rendue nécessaire par les remblaiements de terre effectués pour rehausser le niveau de la piscine et de la terrasse par rapport au niveau du terrain naturel et n'en était, dès lors, pas dissociable, puis en relevant que ce mur était implanté parallèlement à la limite séparant la propriété de Mme D de celle de Mme B, la cour a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine qui, dès lors qu'elle est exempte de dénaturation, ne saurait être discutée devant le juge de cassation ; Considérant, en deuxième lieu, qu'en déduisant de ces constatations que ce mur de soutènement faisait partie intégrante d'un projet unique soumis à la procédure du permis de construire » (CE. 27 juin 2008, Cne d’Hyères-les-Palmiers, req. n°290.368) ;

    et que la Cour administrative d’appel de Marseille avait également précédemment jugé que :

    « Considérant (…) bien que le garage aussi autorisé ne prenne pas appui sur ledit mur, eu égard au caractère indivisible des autorisations de construire, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Bastia s'est fondé sur la méconnaissance dudit article du plan d'occupation des sols pour annuler le permis de construire en litige » (CAA. Marseille, 21 février 2007, M. Henri Y., req. n°05MA03332).

    Au surplus, mais plus spécifiquement, si le mur de soutènement projeté était effectivement dissociable de l’ouvrage précédemment autorisé, force est donc de considérer que la déclaration en cause avait deux objets parfaitement dissociables : la réalisation de ce mur et la modification du parc de stationnement à construire.

    De ce fait, l’administration aurait donc dû accepter la déclaration en ce qu’elle concernait ce mur de soutènement et ne s’y opposer qu’en tant qu’elle portait sur la modification du parc de stationnement précédemment autorisé (CE. 4 janvier 1985, SCI Résidence du Port, req. n° 47.248).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés