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Chroniques & études

  • Le nouveau régime des divisions foncières dites « primaires » (3eme partie)

     

    Le BJDU publie ces jours-ci la seconde partie de notre article consacré aux divisions primaires mais au sein de laquelle, malgré l’espace offert par cette revue, nous n’avons pas pu aborder une problématique aussi fréquente qu’importante : le permis de construire modificatif intervenant après la réalisation de la division opérée au bénéfice du titulaire du permis primitif.

    Nous traiterons donc ici cette question constituant, d’ailleurs, l’un des autres versants de la problématique relative à l’assiette du permis de construire abordée dans notre précédente note
    .


    I.- Pour autant qu’il en soit besoin, on rappellera que le droit d’obtenir un « modificatif » constitue pour le pétitionnaire un droit acquis tiré du permis de construire initial.

    1.- Sous réserve des conditions liées au régime propre du « modificatif », tout permis de construire en cours de validité peut donc donner lieu à un « modificatif » et, a contrario, aucun permis de construire n’est par nature insusceptible de faire l’objet d’une telle autorisation modificative ; pas même d’ailleurs le permis de construire valant division prévu par l’article R.431-24 (Pour exemple : CAA. Douai, 27 mars 2012, Association « Les Rossolis de l’Ally », req. n°10DA01617).

    Or, contrairement d’ailleurs au permis de construire valant division – lequel est délivré au vu d’un dossier comportant un plan de division – le permis de construire appelant une « division primaire » au sens de l’article R.442-1 a) ne constitue en aucune mesure une autorisation d’urbanisme à part entière, ni même une forme particulière de permis de construire ; aucune disposition du Code de l’urbanisme ne prévoyant un régime de forme, de procédure ou de fond spécifique à ce permis. Et pour cause puisqu’à la différence de l’article R.431-24, lequel est relatif à la composition du dossier de demande de permis de construire, l’article R.442-1 a exclusivement trait à la notion de lotissement et aux divisions foncières ne relevant pas du champ d’application de cette réglementation s’y rapportant.

    Le permis de construire visé par l’article R.442-1 est donc en tous points un permis de « droit commun » et, partant, celui-ci ne saurait être exclu par nature du champ d’application du permis modificatif.

    2.- D’ailleurs, même à considérer que l’impact de la « division primaire » doive être prise en compte sur la conformité du projet, il n’en demeurait pas moins que cette circonstance ne saurait en elle-même s’opposer par principe à l’obtention de tout « modificatif » ultérieur à cette division et ce, quel qu’en soit l’objet.

    En raison d’une évolution des circonstances de droit et/ou de fait postérieure à sa délivrance, mais étrangères à ses modalités d’exécution, il est fréquent qu’un permis de construire et le projet ainsi autorisé s’en trouvent non pas irréguliers mais non-conformes à la règlementation d’urbanisme leur étant opposable.

    Pour autant, il est de jurisprudence constante qu’une telle circonstance ne s’oppose pas en elle-même à la délivrance d’un « modificatif », et n’impose pas même nécessairement que ce dernier régularise le projet.

    En effet, dès lors que les modifications projetées sont étrangères à la norme méconnue par le projet initial et/ou ne portent pas une nouvelle atteinte à cette norme, ou a fortiori atténuent cette non-conformité, le « modificatif » ne peut être utilement contesté au motif que le projet initial n’est plus conforme aux prescriptions d’urbanisme applicable (CE. 26 juillet 1982, Exp Le Roy, req. n°23.604 ; CE. 24 juillet 1987, Epx. X., req. n°61164) ; ce qui précisément procède des règles de principe liées :

    • d’une part, aux droits acquis que le pétitionnaire titre du permis de construire primitif, lesquels ne sauraient être ultérieurement remis en cause ;
    • d’autre part, à la nature du « modificatif » dont il résulte que sa légalité s’apprécie par rapport à son objet propre.

    Dès lors, même si l’on considère que la réalisation d’une « division primaire » rend le projet non-conforme aux règles d’urbanisme applicables, il reste que la réduction de l’assiette foncière initiale n’a pas vocation à avoir une incidence au regard de la totalité de ces règles.

    En effet, la circonstance qu’une nouvelle unité foncière et une nouvelle limite séparative soient créées ne peut avoir ou n’aura le plus souvent d’incidence que sur les règles générées par la contenance et le périmètre du terrain.

    De ce fait, force est d’admettre que l’on voit ce qui pourrait s’opposer à la délivrance d’un « modificatif » portant uniquement sur des travaux étrangers à ces règles, tels l’aspect extérieur du bâtiment, l’aménagement de ses abords ou les aires de stationnement ; sans compter qu’il serait également possible d’opérer des modifications en rapport avec la règle méconnue dès lors qu’elles auraient pour effet d’atténuer la non-conformité du projet au regard de cette règle, à titre d’exemple en réduisant l’emprise et/ou la densité du bâtiment, voire en modifiant légèrement l’implantation du bâtiment de sorte s’il la règle l’exige à accroitre ou à diminuer le retrait par rapport à la nouvelle limite créée par la « division primaire ».

    II.- Mais précisément, il faut rappeler que sur le plan procédural, un « modificatif » doit nécessairement intervenir avant l’achèvement du projet objet du permis de construire primitif. Quant au fond, et dans la mesure où la procédure d’instruction d’une demande de « modificatif » ne peut légalement pas aboutir à remettre en cause les droits acquis du permis de construire primitif, un « modificatif » ne peut pas être légalement refusé pour des considérations liées au permis primitif que lorsque ce dernier fait l’objet d’une exécution non-conforme que ce « modificatif » n’a pas lui-même vocation à régulariser.

    A/ Ainsi, considérer que la réalisation de la « division primaire » ultérieure à la délivrance du permis de construire s’oppose par principe à l’obtention d’un « modificatif » portant sur le bâtiment à construire ne peut qu’amener à conclure que :

    • la réalisation d’une « division primaire » rend non-conforme le projet initialement autorisé, sauf à ce qu’elle intervienne après l’achèvement du projet ; achèvement qui s’oppose en lui-même à la délivrance d’un permis modificatif ;
    • et/ou que la « division primaire » doit elle-même faire l’objet d’un « modificatif » destiné à l’entériner et à en apprécier les conséquences.

    1.- Il faut toutefois rappeler que par définition une « division primaire » intervient après la délivrance du permis de construire puisqu’à défaut, elle constitue une division préalable en vue de construire relevant donc de la procédure de lotissement.

    Mais il faut ainsi surtout rappeler que ce qu’il est convenu d’appeler « division primaire » procède en l’état de l’article R.442-1 a) du Code de l’urbanisme, lequel a pour objet exclusif d’exclure ce type de divisions de la règlementation sur les lotissements.

    Certes, cet article établit uniquement que le seul fait qu’une division intervienne après l’obtention du permis de construire ne suffit pas à l’exclure de cette règlementation (CE. 21 août 1996, Ville de Toulouse, req. n°137.834 ; voir toutefois ici) puisque si tel était cas, il n’y aurait pas eu besoin que cet article le prévoit expressément.

    En revanche, les divisions foncières intervenant postérieurement à l’achèvement du projet sont par nature exclues de cette règlementation puisque de ce seul fait, elles ne peuvent alors plus être regardées comme réalisées en vue d’un acte de construction ; celui-ci ayant été antérieurement accompli (Comparer : CAA. Marseille, 9 décembre 2004, Sté Riviéral, req. n°00MA02339 & CAA. Marseille, 16 juin 2011, Raymond A…, req. n°09MA00152).

    A titre d’exemple, et s’agissant de divisions foncières réalisées seulement après la délivrance du permis de construire mais avant l’achèvement des travaux, le Conseil d’Etat a pu juger que ces divisions échappaient à la procédure de lotissement mais ce, uniquement au titre de l’ancien article R.315-2 d) relatif aux « divisions primaires » dans le dispositif en vigueur avant le 1er octobre 2007 (CE. 18 octobre 1995, SCI Vaugirard, Rec. p.108).

    En revanche, le Conseil d’Etat a estimé qu’une division postérieure au permis de construire en cause ne relevait pas de cette règlementation et ce, au seul regard de la définition du lotissement alors posée par l’article R.315-1 (CE. 26 mars 2003, M. et Mme Leclerc, req. n°231.425).

    Si la définition du lotissement posée par l’actuel article L.442-1 du Code de l’urbanisme suffit à exclure par nature les divisions postérieures à l’acte de construction, c’est donc bien que la dispense prévue par l’article R.442-1 a) se rapporte nécessairement aux divisions réalisées entre l’obtention du permis de construire et l’achèvement du projet.

    Force est donc d’admettre qu’une telle division foncière, correspondant strictement à ce que prévoit le Code de l’urbanisme à l’article R.442-1 a), ne saurait générer une situation non-conforme au droit de l’urbanisme s’opposant par principe à l’obtention d’un « modificatif ».

    2.- Mais il est vrai qu’en première analyse, on pourrait considérer que si la réalisation d’une « division primaire » ne constitue pas en elle-même une irrégularité, celle-ci emporte l’obligation de la faire suivre d’un « modificatif » destinée à entériner la réduction de l’unité foncière visée par le formulaire « CERFA » de la demande initiale comme constituant l’assiette du permis de construire primitif. Et l’on sait qu’une jurisprudence de la Cour administrative d’appel de Lyon de 1994 va précisément dans ce sens :

    « Considérant que la société "Les Anciens Constructeurs" demande à la cour d'annuler le jugement du 23 juin 1993, par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 5 octobre 1990 par lequel le maire de la commune de Thil (Ain) a refusé de lui transférer un permis de construire initialement délivré le 29 septembre 1988 à la SARL Brotteaux Bâtiments ;
    Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le terrain d'assiette du permis de construire susvisé, accordé le 29 septembre 1988 à la SARL Brotteaux Bâtiments, comprenait deux parcelles cadastrées A n° 906 et 907, pour une contenance de 2129 m2 ; que la société "Les Anciens Constructeurs" n'a acquis par acte du 8 septembre 1989, qu'une partie de ce terrain, cadastrée A 1662, d'une superficie de 1600 m2 ; qu'ainsi le permis de construire dont la société "Les Anciens Constructeurs" a demandé le 16 mai 1990 le transfert à son profit, n'avait plus le même objet que celui qui avait été initialement accordé à la SARL Brotteaux Bâtiments ; que la circonstance alléguée, que le terrain acquis par la société "Les Anciens Constructeurs" était la seule partie constructible du terrain d'assiette du permis de construire, ne la dispensait pas de déposer une demande de permis de construire modificatif, permettant à l'autorité administrative d'instruire cette demande au regard de la modification qui avait été apportée à la surface dudit terrain ; que dès lors la société "Les Anciens Constructeurs" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 octobre 1990, par lequel le maire de la commune de Thil a refusé le transfert du permis de construire du 29 septembre 1988
    » (CAA. Lyon, 21 juin 1994, Sté Les Anciens Constructeurs, req. n°93LY01423).


    a) Parfaitement fondée à son époque, cette jurisprudence semble toutefois aujourd’hui obsolète. Dans cette affaire, le permis de construire initial avait en effet été obtenu par le propriétaire du terrain et portait donc sur la totalité de l’unité foncière.

    A cet égard l’exécution de l’autorisation n’appelait alors aucune division foncière. Il reste qu’ultérieurement ce permis de construire devait être transféré à une tiers, lequel n’avait préalablement acquis qu’une partie de cette terrain et ce, sans autre formalité alors que cette acquisition avait emporté une division foncière, en l’occurrence constitutive d’une réduction de l’assiette du permis d’origine.

    Or, quand bien même cette division aurait-elle été réalisée postérieurement au transfert du permis de construire, celle-ci n’aurait pas pu être considérée comme « une division primaire » puisqu’un transfert n’est qu’une rectification du titulaire du permis de construire initial qui ne peut entériner en lui-même aucune autre modification du projet primitif, et notamment de son assiette donc.

    Surtout, l’article R.315-2 d) alors applicable visait « les divisions par ventes ou locations effectuées par un propriétaire au profit de personnes qu'il a habilitées à réaliser une opération immobilière sur une partie de sa propriété et qui ont elles-mêmes déjà obtenu une autorisation de lotir ou un permis de construire (…) ». Or, pour sa part, l’article R.442-1 a) actuel vise uniquement « les divisions en propriété ou en jouissance effectuées par un propriétaire au profit de personnes qui ont obtenu un permis de construire ou d'aménager (…) » et ne fait donc plus aucune référence à la « partie de (la) propriété » à détacher.

    Précisément, il résulte de la suppression de cette notion de « partie » du terrain, combinée aux les articles R.441-1 et R.441-9 du Code de l’urbanisme qui ne disposent que les demandes peuvent « ne porter que sur une partie d'une unité foncière » qu’à l’égard des déclarations et des demandes de permis d’aménager, qu’une demande de permis de construire doit porter sur la totalité de l’unité foncière telle qu’elle est alors constituée, y compris si cette demande se rapporte à un projet appelant une « division primaire ».

    Or, on ne saurait sérieusement considérer que le Code de l’urbanisme prévoit un mode opératoire, assez proche de l’absurde, imposant au pétitionnaire :

    • dans un premier temps, de présenter une demande sur la totalité de l’unité foncière telle qu’elle est constituée avant la réalisation de la division foncière ;
    • dans un second temps, de présenter une demande de « modificatif » aux fins d’entériner la réduction d’assiette subséquente à la réalisation de cette division.

    b) Au demeurant, une telle analyse serait incompatible tant avec le régime de la « division primaire » qu’avec celui du permis de construire modificatif.

    En effet, si contrairement à une idée relativement rependue, rien ne s’oppose à ce que l’assiette foncière d’un permis de construire soit modifiée par le jeu d’un simple « modificatif », il reste que la légalité d’une telle modification s’apprécie, comme pour tout autre aspect du projet, en considération de l’importance de la modification ainsi apportée au projet initial.

    Par voie de conséquence, cette modification doit être « mineure » (TA. Rouen, 2 mars 1994, Mentionné aux Tables du Recueil ; CAA. Marseille, 24 novembre 2011, Sté BARKATE, req. n°09MA03035) ; la circonstance que la modification projetée emporte une réduction, et non pas une augmentation du projet initial, n’ayant strictement aucune incidence sur l’appréciation du caractère « mineure » ou « substantiel » de la modification projetée (CE, 6 avr. 1979, SCI Europe Verte, req. n° 8628 ; CE, 7 juin 1985, SA d'HLM "L'Habitat communautaire locatif" : Gaz. Pal. 1986, 2, pan. dr. adm. p. 291).

    Il reste, rappelons-le, que l’article R.442-1 a) vise « les divisions en propriété ou en jouissance effectuées par un propriétaire au profit de personnes qui ont obtenu un permis (…) ». Il est donc parfaitement clair qu’un même terrain peut faire l’objet de plusieurs permis de construire en « divisions primaires », nécessairement au profit de personnes distinctes, le cas échéant de façon simultanée (CE. 18 octobre 1995, SCI Vaugirard, Rec. p.108).

    Or, si l’on considère qu’un permis de construire suivie d’une « division primaire » exige un « modificatif en réduction d’assiette », il faudrait dans le cas de divisions primaires multiples que chacun des pétitionnaires acquiert une partie substantielle de l’unité foncière d’origine de sorte que la modification de l’assiette du permis d’origine ne s’en trouve réduite que de façon mineure et puisse ainsi légalement donné lieu à un « modificatif » ; ce qui même dans l’hypothèse limitée à seulement deux permis de construire n’est matériellement pas possible.

    Il est donc difficilement concevable qu’un permis de construire appelant une « division primaire » doive ensuite faire l’objet d’un « modificatif » aux fins d’entériner la réduction de l’assiette de l’autorisation d’origine.

    B/ Cela étant, et ainsi qu’il a été exposé, une « division primaire » intervient par définition après que son bénéficiaire a obtenu un permis de construire et l’exclusion subséquente de ces divisions de la règlementation sur les lotissements procède du fait qu’il n’y a ainsi plus lieu (hors du cas où le projet consiste en une simple maison individuelle) d’appliquer le régime protecteur du lotissement puisque précisément cet acquéreur a déjà obtenu l’autorisation d’urbanisme devant lui permettre de concrétiser son projet. Or, comme on le sait :

    • sur le plan de la légalité, « le permis de construire initialement délivré pour l'édification d'une construction et le permis modificatif ultérieurement accordé pour autoriser des modifications à cette même construction constituent un ensemble dont la légalité doit s'apprécier comme si n'était en cause qu'une seule décision » (CAA. Paris, 30 octobre 2008, M. Gilbert Y., req. n°05PA04511) ;
    • pour ce qui concerne la conformité des travaux, le seul projet autorisé est celui résultant de la combinaison du permis primitif et de son modificatif (Cass. crim., 29 juin 2004, Association pour la sauvegarde de la commune de Favières-la-Route, Bull. crim., n°176; CAA. Marseille, 21 janvier 1999, Sté Terre & Pierre, req. n°96MA02171 TA. Versailles, 22 février 1994, SCI Les Ormes, req. n°93-05140).

    Ainsi, lorsque le « modificatif » intervient après la réalisation d’une division postérieure à l’obtention du permis primitif, on pourrait donc objecter que l’autorisation unique (résultant de la réunion du permis primitif et de son modificatif) correspondant au seul projet ainsi autorisé intervient après la réalisation de cette division foncière qui, de ce fait, devrait être rétrospectivement regardée comme une division préalable à la formation de cette autorisation, laquelle impliquerait donc en alors l’accomplissement d’une formalité au titre de la règlementation sur les lotissements.

    Il reste qu’un « modificatif », d’une façon générale, se borne à autoriser les modifications projetées et ne constitue donc pas une réitération du permis primitif dans lequel il trouve en toute hypothèse sa base légale et que, plus spécifiquement, sa propension à régulariser tout vice affectant l’autorisation primitive, malgré le principe selon lequel la légalité d’une autorisation d’urbanisme s’apprécie à sa date de délivrance, résulte du fait qu’il vient s’intégrer rétroactivement au permis

    Ainsi, l’autorisation unique en cause reste le permis d’origine, lequel est simplement modifié. Et partant, même si la « division primaire » intervient avant l’obtention d’un « modificatif », il n’y a pas lieu de faire précéder celui-ci d’une autorisation de lotissement (TA. Toulouse, 4 décembre 2012, Sté Lorelie, req. n°08.04232 & 09.01174).

    III.- Certes, une telle analyse présente a priori une difficulté puisqu’elle amène à conclure que les services instructeurs n’auront jamais connaissance de la division foncière en cause ou, plus précisément, ne seront jamais en mesure d’en apprécier les conséquences sur la conformité du projet.

    Mais précisément, il faut rappeler qu’un « modificatif » ne s’impose que lorsque le pétitionnaire envisage de modifier un aspect du projet comptant parmi ceux que le permis de construire sanctionne au titre de l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme (en ce sens : CE. 5 nov. 1975, Foncière Paris-Languedoc ; Cass. Crim., 13 juin 1989, pourvoi n°88-82.083), lesquels sont d’ailleurs identiques à ceux que les services doivent contrôler lors des opérations de récolement appelées par la déclaration d’achèvement de travaux.

    Or, les « divisions primaires » constituent un mode de divisions non pas dispensé d’autorisation de lotissement mais exclut du champ d’application de la règlementation sur lotissements comme d’ailleurs de tout autre forme de contrôle au titre du droit de l’urbanisme.

    En outre, la demande de permis de construire appelant d’une telle division non seulement doit être présentée sur la totalité de l’unité foncière mais bien plus celle-ci n’est soumise à aucune règle de forme particulière ; le pétitionnaire n’ayant à produire ni plan de division, ni même le « titre habilitant à construire » qui permettrait aux services instructeurs d’apprécier l’étendue du détachement parcellaire à opérer, « titre » qu’ils n’ont d’ailleurs plus à contrôler sur la forme ou sur le fond. Tant au regard de la règlementation sur les divisions foncières qu’au regard du régime propre aux autorisations de construire, les « divisions primaires » sont donc des divisions foncières non-contrôlées par le droit de l’urbanisme ; telle étant la raison pour laquelle le Code de l’urbanisme n’impose la production d’aucun document destiné à permettre aux services d’en avoir ne serait-ce que connaissance.

    N’étant ni contrôlée par le Code de l’urbanisme, ni donc soumise à l’appréciation des services instructeurs, c’est donc bien qu’une telle division ne compte aucunement parmi les aspects du projet que le permis de construire a vocation à sanctionner au titre de l’article L.421-6 précité. C’est précisément la raison pour laquelle à notre sens la réalisation d’une « division primaire » ni n’impose un « modificatif » destiné à réduire l’assiette foncière du permis de construire initial, ni ne s’oppose à l’obtention d’un « modificatif » portant sur le bâtiment lui-même.

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Le retour du permis de construire tenant lieu d’autorisation de lotir de l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme permet-il la régularisation isolée des bâtiments d’une opération groupée ?

    Le décret du 28 février 2012 a introduit un mécanisme de régularisation des lots de lotissement destiné à les rendre constructibles au profit de leurs acquéreurs en leur permettant d’obtenir un permis de construire tenant lieu de déclaration préalable. Si ce dispositif semble inapplicable aux lots d’un lotissement soumis à permis d’aménager, il faut s’interroger sur sa propension à permettre la régularisation des bâtiments et des détachements de parcelles réalisés en exécution d’un permis de construire valant division précédemment annulé.


    Pendant longtemps, le permis de construire valant division a constitué un instrument exclusivement applicable à une forme particulière d’utilisation du sol – les opérations dites groupées – et qui tendait à permettre le contrôle des futures divisions foncières réalisées par les constructeurs.

    Lotissement-pavillonaire.jpgLe contrôle de ce type de divisions résulte de l’article 82 de la loi du 15 juin 1943 qui avait institué une procédure particulière assujettissant les groupes d'habitations destinées à la vente ou à la location à une procédure équivalente à celle applicable aux lotissement et, plus précisément, à l’obtention d’un arrêté préfectoral ayant pour objet exclusif d’autoriser le projet d'aménagement relatif à cette opération groupée. Et ce n’est qu’une fois cette autorisation d’aménagement délivrée que le constructeur pouvait obtenir le permis de construire se rapportant aux bâtiments à édifier.

    Les décrets du 20 mai 1955 et surtout du 31 décembre 1958 ont toutefois simplifié, mais également généralisé, la procédure applicable aux opérations groupées en prévoyant que le permis de construire se rapportant à ces opérations dispensait d’autorisation de lotir.

    On parlait alors, suivant les termes des dispositions de l’article R.421-37 du Code de l’urbanisme alors applicable, de permis tenant lieu d’autorisation de lotir.

    C’est l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme, institué par le décret du 26 juillet 1977, qui a amené à employer les termes permis de construire valant division, ou permis groupé, en faisant de cette autorisation un permis de construire délivré au vu d’un dossier comportant des pièces spécifiques, lesquelles n’étaient exigées que pour les opérations correspondant aux projets visés par cet article, à savoir « la construction, sur un même terrain, par une seule personne physique ou morale, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance ».

    Le décret du 28 février 2012 a pour sa part introduit un dispositif spécifique, codifié à l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il dispose que « lorsqu'une construction est édifiée sur une partie d'une unité foncière qui a fait l'objet d'une division, la demande de permis de construire tient lieu de déclaration préalable de lotissement dès lors que la demande indique que le terrain est issu d'une division ».

    Si le champ d’application de ce dispositif est a priori clairement défini, il mérite néanmoins que l’on s’attache à une question spécifique : ce dispositif peut-il être mise en œuvre pour permettre la régularisation des bâtiments édifiés en exécution d’un permis de construire valant division ultérieurement annulé ?

    En principe, la régularisation du projet objet d’un permis de construire valant division annulé impliquera l’obtention d’une nouvelle autorisation ; sauf à ce qu’en application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, le permis initial n’ait été que partiellement annulé.

    Dans ce cas particulier la régularisation du projet peut en effet relever d’un simple « modificatif » comme le prévoit l’alinéa 2 de cet article. Quant aux transferts éventuellement annulés, ceux-ci pourront le cas échéant être régularisés par de nouvelles décisions de transfert, pour autant bien entendu que le permis de construire valant division d’origine n’ait été ni annulé, ni exécuté puisqu’une autorisation d’urbanisme annulée ou entièrement exécutée ne peut plus légalement donner lieu à un transfert.

    Il peut en effet arriver que l’annulation du permis de construire valant division initial intervienne après l’achèvement complet du projet (notamment dans le cas d’un permis groupé délivré aux acquéreurs des immeubles à créer) ; ce qui pose alors la question de la régularisation du projet aux fins d’éviter une action en démolition à l’encontre des bâtiments (art. L480-13 ; C.urb), la remise en cause de la validité des divisions foncières réalisées ou pour permettre qu’ultérieurement les immeubles créés fassent l’objet de travaux nouveaux.

    Le cas échéant, cette régularisation pourra intervenir par un nouveau permis de construire valant division obtenu par le même titulaire que l’autorisation initiale finalement annulée.

    Il est vrai que si l’opération a déjà été réalisée, le pétitionnaire, vendeur des parcelles bâties à créer, ne disposera plus alors de la maîtrise foncière du terrain d’origine.

    Il n’en demeure pas moins que, d’une façon générale, une demande d’autorisation d’urbanisme de régularisation est instruite dans les mêmes conditions qu’une demande portant sur un projet à réaliser et que, plus spécifiquement, le pétitionnaire pourra obtenir des acquéreurs des terrains bâtis à régulariser l’autorisation de déposer cette demande au titre de l’article R.423-1 du Code de l’urbanisme.

    Toutefois, il apparait également envisageable que les acquéreurs de ces terrains bâtis obtiennent ensemble un permis de construire valant division conjoint. Certes, une telle autorisation visera sur ce point à régulariser des divisions foncières réalisées par un tiers, en l’occurrence le titulaire d’origine du permis de construire initial ultérieurement annulé.

    Il reste que dans la mesure où le permis de construire valant division présente un caractère réel, et non pas personnel donc, il n’apparait pas avoir vocation à autoriser spécifiquement telle ou telle personne à réaliser les divisions induites par le projet. Au demeurant, un tel permis de construire valant division aura pour seul objet et pour seul effet de régulariser les terrains bâtis au regard du droit de l’urbanisme et n’affranchira donc pas en-lui-même le titulaire de l’autorisation initiale de la mise en cause éventuelle de sa responsabilité s’agissant des conséquences de cette annulation.

    Mais plus spécifiquement, il faut donc s’interroger sur la possibilité ouverte à chacun des acquéreurs des terrains bâtis de les régulariser individuellement en obtenant un permis de construire ne portant que sur le lot que chacun aura acquis.

    Dans la mesure où chacun de ces permis de construire ne portera que sur le terrain que le pétitionnaire aura acquis, ces permis de construire ne vaudront donc pas division au sens de l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme.

    En outre, dès lors que la parcelle d’assiette de chacun de ces permis de construire aura été acquise par le pétitionnaire avant la délivrance de cette autorisation, le détachement de cette parcelle ne saurait être régularisé par le jeu de l’article R.442-1 a) du Code de l’urbanisme, c’est-à-dire en tant que division primaire et ce, quand bien même ces permis de construire ont-ils pour objet de se substituer à une autorisation initiale qui était elle-même affranchit de la procédure de lotissement (CE. 18 octobre 1995, SCI Vaugirard, Rec. p.1080).

    Il reste que si l’annulation du permis de construire valant division initial est susceptible de rendre irrégulière la formation des terrains créés avant que cette autorisation n’ait été annulée, c’est dans la mesure où de ce fait la division du terrain d’origine ne plus bénéficier de l’article R.442-1 d) affranchissant de cette même procédure les divisions exécutées conformément à un permis de construire obtenu en application de l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme.

    Au regard du droit de l’urbanisme, on pourrait donc considérer que les terrains ainsi détachés se trouvent dans une situation identique à ceux résultant d’un lotissement non-autorisé.

    A ce stade, il s’agit donc d’établir si la régularisation de cette situation peut s’opérer par le jeu de permis de construire obtenus en vertu de l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue du décret du 28 février 2012.

    Sur ce point, il faut en effet rappeler que le permis de construire visé par l’article R.442-2 est clairement conçu comme une autorisation de régularisation.

    La notice préalable au décret précité précise en effet expressément que « la régularisation d'une division qui aurait dû faire l'objet d'une déclaration préalable peut être effectuée au moment du dépôt de la demande de permis de construire sur un lot » ; la régularisation opérée au titre de l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme n’intervenant toutefois qu’au regard du droit de l’urbanisme et au profit des acquéreurs des lots irrégulièrement créés : cette régularisation n’affranchit donc pas le vendeur de ces lots de sa responsabilité liée à la méconnaissance, en amont, de la règlementation sur les lotissements.

    Il nous semble ainsi que la régularisation d’une opération groupée réalisée en exécution d’un permis de construire valant division ultérieurement annulée pourra s’opérer par le jeu de permis obtenus en application de l’article précité lorsque cette opération ne s’est pas accompagnée de la création d’équipements communs puisqu’au regard de la règlementation sur les lotissements, les divisions réalisées dans le cadre de cette opération auraient pu relever d’une simple déclaration préalable ; sauf à ce que le terrain soit situé en site classé ou en secteur sauvegardé.

    Cela étant, si l’opération initiale à emporter la réalisation effective d’équipements communs avant l’annulation du permis de construire valant division se rapportant à cette opération, on voit mal pourquoi il y aurait lieu de s’opposer à la régularisation des immeubles ainsi créés au motif qu’au regard de la règlementation sur les lotissements, l’opération aurait exigé un permis d’aménager.

    En effet, si le régime du permis d’aménager vise au premier chef à assurer la protection des acquéreurs du lotissement à créer, ce régime n’a précisément plus lieu d’être dès lors que les équipements communs du lotissement ont été réalisés ; « l’existence de fait » semblant, dans la réglementation sur les lotissements, primer « l’existence légale ».

    Dans cette mesure chacun des acquéreurs semblera donc pouvoir régulariser son propre immeuble, non seulement de façon individuelle mais surtout quand bien même les autres acquéreurs de l’opération groupée ne s’engageraient-ils pas concomitamment dans une telle entreprise de régularisation.

    A cet égard, l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme institue donc une forme particulière de permis de construire valant division, lequel a certes un champ d’application aussi limité que spécifique mais constitue néanmoins un retour certains au permis de construire tenant lieu d’autorisation de lotir, y compris pour les opérations groupées.

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Le projet d’ordonnance relatif à la correction de la réforme des autorisations d’urbanisme (II) : Le futur alinéa 2 de l’article L.425-3 du Code de l’urbanisme est-il nécessaire et suffisant ?

    Quand le projet d’ordonnance relatif à la correction de la réforme des autorisations d’urbanisme ignore l’article L.421-6 (al.1) du Code de l’urbanisme et, partant, ne règle qu’une partie du problème visé.


    Allez savoir pourquoi mais certains arrêts marquent les esprits plus que d’autres. Ainsi, alors qu’il proposait une solution loin d’être inédites en la matière, qui plus est issue d’une jurisprudence ancienne, l’arrêt par laquelle la Cour administrative d’appel de Versailles (CAA. Versailles, 29 décembre 2009, Cne de Meudon, req. n°08VE03693) a annulé la totalité d’un permis de construire un ensemble immobilier au motif que l’aménagement intérieur du local « ERP » en rez-de-chaussée n’était pas déterminé a eu un certain « retentissement ».


    C’est en conséquence qu’aux fins de régler cette problématique, le projet d’ordonnance relatif à la correction de la réforme des autorisations d’urbanisme entend ajouter à l’article L.425-3 du Code de l’urbanisme l’alinéa 2 suivant :

    « Toutefois, lorsque l'affectation de l’établissement recevant du public ou d'une partie de celui-ci n'est pas connue lors du dépôt de la demande de permis de construire, le permis de construire indique qu’une autorisation complémentaire au seul titre de l’article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation devra être demandée en ce qui concerne l'aménagement intérieur de la partie de bâtiment concernée ».

    La cause du problème rencontré par les promoteurs souhaitant vendre des locaux « ERP » à des investisseurs n’étant pas connus au moment de l’obtention du permis de construire tiendrait donc à l’alinéa 1er de l’article L.425-3 précité et, partant, le futur alinéa 2 résoudra à lui seul l’ensemble de cette problématique. Pas si sûr. Et non seulement il n’est pas si évident que l’ajout de cet alinéa soit nécessaire s’agissant de ce qui ne constitue en fait que l’un des aspects de cette problématique mais surtout il est clair que ce nouveau dispositif sera totalement inopérant à l’égard des autres.

    Il faut en effet rappeler que l’ensemble de la jurisprudence rendue en la matière procédait de l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme qui dans sa rédaction en vigueur avant le 1er octobre 20007 disposait non seulement, d’une façon générale, que « le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions projetées sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur architecture, leurs dimensions, leur assainissement et l'aménagement de leurs abords et si le demandeur s'engage à respecter les règles générales de construction prises en application du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l'habitation » mais précisait, plus spécifiquement, qu’en « outre, pour les immeubles de grande hauteur ou les établissements recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux règles de sécurité propres à ce type d'immeubles ou d'établissements, que les locaux concernés soient ou non à usage d'habitation. Pour les établissements recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux dispositions de l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation ».

    Il s’ensuit que sous l’empire de ce dispositif, les règles de sécurité et d’accessibilité applicables aux « ERP » étaient placées au même rang que l’ensemble des normes d’urbanisme qu’un permis de construire avait « naturellement » vocation à sanctionner. Le respect de l’ensemble de cette règlementation était une condition sans laquelle « le permis de p(ouvai)t être délivré ».

    Si le dispositif entré en vigueur le 1er octobre 2007 a conservé un « socle » équivalent dans son objet à l’ancien à travers l’article L.421-3 précité, en l’occurrence l’article L421-6 du Code de l’urbanisme, il reste que ce dernier se borne à disposer que : « le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique ».

    A ce titre, le respect de la règlementation propre aux « ERP » n’est donc pas ici une condition sans laquelle « le permis (…) ne peut être accordé » ; ce qui n’est pas fondamentalement illogique puisque cette règlementation codifiée au Code de la construction et de l’habitation est indépendante de la législation d’urbanisme : c’est précisément la raison pour laquelle l’ancien article L.421-3, pour faire exception à ce principe d’indépendance des législations, visait donc expressément les « ERP » et la règlementation leur étant propre.

    Or, si cette règlementation propre aux « ERP » n’est pas exclue du dispositif entrée en vigueur le 1er octobre 2007, il reste que c’est précisément, et au premier chef pour ne pas dire exclusivement, à travers l’article L.425-3 du Code de l’urbanisme, lequel se borne à disposer que :

    « Lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente qui peut imposer des prescriptions relatives à l'exploitation des bâtiments en application de l'article L. 123-2 du code de la construction et de l'habitation. Le permis de construire mentionne ces prescriptions ».

    Et force est d’admettre qu’il y a une différence substantielle entre le fait de prévoir, comme l’ancien article L.421-3, que « le permis de construire ne peut être délivré » si le projet n’est pas conforme à la règlementation opposables aux « ERP » et prévoir, comme l’article précité, que lorsque le projet porte sur un « EPR », le permis de construire tient lieu de l’autorisation de travaux et d’aménagement prévue par l’article précité.

    Surtout, il résulte de l’article précité que le permis de construire tient lieu de cette autorisation dès lors que le projet a recueilli l’accord de l’autorité compétente, lequel implique l’avis favorable des commissions de sécurité et d’accessibilité ; sauf dans le cas d’un « ERP » de 5e catégorie où seul ‘avis de la commission d’accessibilité est requis.

    A suivre cet article – le seul à valeur législative à saisir et à organiser l’articulation entre la législation d’urbanisme et la règlementation applicable aux « EPR » – que se passe-il lorsque le projet ne recueille pas un tel accord, à titre d’exemple parce que les commissions consultés n’ont pas pu réellement se prononcer sur le projet faute de prévoir l’aménagement intérieur des locaux relevant de cette réglementation ? Et bien le permis de construire (éventuellement) obtenu ne tient pas lieu de l’autorisation visée par l’article L.111-8 du Code de la construction et de l’habitation.

    Est-ce à dire que ce permis de construire délivré dans ces conditions est illégal ? Difficile à affirmer et à démontrer dès lors que la légalité d’un permis de construire a vocation à s’apprécier au regard des normes sanctionnant les aspects du projet visés par l’article L.421-6 précité, lequel à la différence de de l’ancien article L.421-3 n’intègre en aucune mesure la règlementation de sécurité et d’accessibilité applicable aux « EPR »…

    Dans cette mesure, la portée et l’unité réelles du futur alinéa 2 de l’article L.425-3 du Code de l’urbanisme n’est donc pas si évidente ; le principal mérite de cet alinéa étant toutefois de confirmer la possibilité de reporter la détermination et l’examen de la conformité de l’aménagement intérieur des locaux « ERP ».

    Il reste surtout que la problématique que vise à résoudre l’alinéa précité n’est réellement pas propre à la règlementation « ERP » : elle tient en droit à la législation d’urbanisme. Et si ce sont les « EPR » qui en subissent les conséquences, c’est uniquement pour des raisons factuelles tenant au mode de commercialisation des locaux en rez-de-chaussée d’ensemble immobilier ne relevant pas, au principal, de cette règlementation. En effet, cette problématique résulte concrètement du seul fait qu’à la date d’obtention de son permis de construire, le promoteur prévoyant ces locaux ne connait pas la qualité de celui qui les acquerra et, a fortiori, n’a aucune connaissance de cet acquéreur souhaitera en faire. Il s’ensuit que, dans la majorité des cas, ce n’est pas que l’aménagement intérieur de ces locaux qui n’est pas prévu…

    Ainsi qu’il a été pré-exposé, la cause de cette problématique tient en effet à l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme dont l’économie générale – pour ce qui concerne ses dispositions de « droit commun » - a été reprise par l’actuel article L.421-6, lequel impose à l’administration de prendre parti sur l’ensemble des aspects du projet saisis par ces dispositions (CE. 7 novembre 1973, Giudicelli, req. n° 85.237) et, partant, impose en amont au pétitionnaire de soumettre un projet finalisé sur ces points.

    Dès lors, force est en premier lieu de relever que le futur alinéa 2 de l’article L.425-3 du Code de l’urbanise vise « l'affectation de l’établissement » pour ainsi rappeler que la notion d’affectation est propre à la législation immobilière et, en droit, est donc distincte de la destination d’une construction avec laquelle, en fait, elle ne se confond pas nécessairement.

    Or, précisément, l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme – auquel les auteurs du projet d’ordonnance ici commenté n’entendent donc pas toucher – vise pour sa part la « destination » de la construction projetée. A priori, le fait que le futur alinéa 2 de l’article L.425-3 permette de reporter la détermination de l’aménagement intérieur du local « ERP » projeté ne dispensera pas pour autant de conférer une destination à ce local ; et quand on sait (CAA. Paris, 2 avril 2009, Cne de Maincy, req. n°06PA00937) que cette destination s’apprécie au premier chef au regard des caractéristiques physiques de l’ouvrage…

    Mais en outre, l’affectation et l’aménagement intérieur des locaux sont sans rapport avec « l’architecture » au sens de l’ancien article L.421-3 et de l’actuel article L.421-6 du Code de l’urbanisme dont il résulte que le permis de construire doit prendre parti sur l’aspect extérieur des locaux et, notamment, de leur façade (CE. 8 janvier 1982, Association « Tradition & Maintien des Puces », Rec., p. 786).

    Il s’ensuit que pour affranchir clairement de l’obligation de prévoir l’aménagement intérieur des locaux « ERP » projeté, le futur alinéa 2 de l’article L.425-3 du Code de l’urbanisme en ce qu’il est sans incidence sur l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme ne dispensera pas de conférer une destination aux locaux projetés et de finaliser leur façade.

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Etude : Le recours à la servitude de « cours communes » doit-il être autorisé par l’article 7 du règlement local d’urbanisme ?

    S’il est clair que les règlements locaux d’urbanisme peuvent autoriser expressément le recours à une servitude de cour commune pour déroger aux règles d’implantation prescrites par leur article 7, la possibilité d’y recourir est moins évidente lorsqu’ils ne le prévoient pas.


    Malgré certains jugements ayant expressément reconnu la possibilité de recourir à une servitude de cours communes alors même que le règlement local d’urbanisme applicable ne le prévoit pas, force est d’admettre que la question reste entière (voir d’ailleurs ici) ; le Conseil d’Etat n’ayant jamais été appelé à se prononcer clairement sur cette question.

    cours communes.jpgRappelons ainsi que l’article L.471-1 du Code de l’urbanisme se borne à disposer que « lorsqu'en application des dispositions d'urbanisme la délivrance du permis de construire est subordonnée, en ce qui concerne les distances qui doivent séparer les constructions, à la création, sur un terrain voisin, de servitudes de ne pas bâtir ou de ne pas dépasser une certaine hauteur en construisant, ces servitudes, dites "de cours communes", peuvent, à défaut d'accord amiable entre les propriétaires intéressés, être imposées par la voie judiciaire dans des conditions définies par décret » ; de même que corrélativement l’article R.431-32 indique que « lorsque l'édification des constructions est subordonnée, pour l'application des dispositions relatives à l'urbanisme, à l'institution sur des terrains voisins d'une servitude dite de cours communes, la demande est accompagnée des contrats ou décisions judiciaires relatifs à l'institution de ces servitudes ».

    Force est ainsi de constater qu’aucun de ces articles ne répond expressément à la question. Et pour cause puisque tel n’est pas leur objet dès lors qu’ils ont uniquement trait aux modalités d’institution, à la forme et à la justification de la servitude.

    Dans ce contexte, il semble donc falloir s’en tenir à une lecture de ces articles tenant compte de la nature de la règle d’urbanisme et notamment de la règle d’urbanisme en cause.

    En premier lieu, force est ainsi de rappeler que le droit de l’urbanisme et la législation sur le permis de construire présentent un caractère d’ordre public et poursuivent un but d’intérêt général.

    Il s’ensuit, notamment, qu’une règle d’urbanisme ne saurait en principe être contractualisée. A ce titre, il est de jurisprudence constante que non seulement une convention par laquelle l’administration s’engage sur le contenu ou les modalités d’application des dispositions de son règlement d’urbanisme local est nulle mais qu’en outre, l’inexécution des engagements souscrits contractuellement par la commune ne sera constitutif d’aucune faute et ne pourra donc engager sa responsabilité puisqu’il ne peut en effet être fait grief à l’administration de ne pas avoir respecter une convention entachée de nullité du fait du caractère illicite de son objet (CAA. Paris, 13 juin 1989, Cne de Bois-d’Arcy, Rec., p.319 CAA. Lyon, 31 décembre 1993, Epx Eymain-Mallet, Rec., p.1082 ; CAA. Nantes, 18 avril 2001, M. Diridollou, req. n° 95NT011347 ; CAA. Marseille, 12 juin 2001, Sté Durance-Granulats, req. n° 97MA00876 ; CAA. Marseille. 10 avril 2003, Cne de Coilloure c/ Assoc. ASPEC ; req. n° 98MA02011).

    Mais il a également été jugé que des propriétaires voisins ne peuvent utilement s’entendre pour déroger à des règles d’urbanisme relatives aux gabarits des constructions (CE. 18 mars 1981, SCI de la Caisse des dépôts et des consignations, req. n° 4190) ou, plus spécifiquement, qu’une adaptation mineure aux règles et servitudes d’urbanisme prescrites par la cahier des charges d’un lotissement ne peut légalement être octroyée, nonobstant l’accord des co-lotis, dans la mesure où cette possibilité n’est expressément prévue par aucune disposition du Code de l’urbanisme (CE. 31 janvier 1990, M. et Mme Letort, Rec., p.1032).

    Il n’est donc pas si évident que l’article L.471-1 du Code de l’urbanisme – dont ce n’est donc pas l’objet premier – permette en lui-même et à lui seul de contractualiser l’application d’une règle d’urbanisme lorsqu’elle ne l’a pas prévu.

    En second lieu, lorsque le règlement local d’urbanisme en cause ne le prévoit pas, le recours à une servitude de cours communes comme unique mode de définition des règles relatives à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives aboutit ni plus, ni moins à déroger à l’une des règles édictées par ce document.

    Il reste, comme on le sait, que l’article L.123-1 du Code de l’urbanisme dispose expressément « les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes » ; l’accord éventuel du voisin apparaissant insusceptible d’avoir une quelconque incidence dès lors que l’article 7 du règlement d’urbanisme en cause ne le prévoit pas (CE. 11 mai 1987, Commune de Boran-sur-Oise, req. n°70763 ; CAA. Marseille, 4 mars 1999, req. n°96MA01422).

    Or, au regard de la généralité de ses termes, l’article L.471-1 n’apparait en lui-même et à lui seul susceptible de faire exception à cette règle de principe.

    En troisième lieu, une servitude de cours communes ne permet pas de déroger à n’importe quelle règle du POS/PLU mais à celle relative à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives fixée par son article 7.

    Or, cet article et ces règles ont un statut quel que peu particulier puisqu’avec celles fixées par l’article 6, il s’agit des seules qu’un PLU doit obligatoirement prévoir (art. R.123-9 ; C.urb) et ce, de façon précise (CE. 18 juin 2010, Ville de Paris, req. n°326.708) ; c’est donc bien qu’elles revêtent un caractère et une importance particuliers.

    Surtout, l’article 7 ne se borne pas à retranscrire au règlement d’urbanisme les règles de prospect du Code civil que visent à organiser une servitude de cours communes puisqu’il procède de considérations plus larges et d’une autre nature, liées notamment à l’urbanisme et à l’hygiène et ce, dans un but d’intérêt général (CE. 11 février 2002, Urset, req. n°221.350).

    Au surplus, si la mise en œuvre d’une servitude de cours communes permet certes de faire abstraction de la limite séparant deux propriétés contiguës, la question est alors de savoir quelles règles d’implantation doivent conséquemment être appliquées au projet.

    Sur ce point, la doctrine administrative prétend qu’il convient alors de faire application des prescriptions de l’article 8 du règlement d’urbanisme local ; ce qui en soi ne serait pas incohérent dès lors que ces prescriptions poursuivent, comme celles de l'article 6, la même finalité que celles de l’article 7 (CAA. Bordeaux, 5 février 2008, Sté Osmose, req. n°06BX00977).

    Pour autant, cette analyse présente certaines difficultés ; dès lors qu’à notre connaissance elle n’est confirmée par aucune jurisprudence.

    Tout d’abord, force est ainsi de rappeler que l’article 8 d’un règlement local d’urbanisme a vocation à régir l’implantation des constructions sur un même terrain, c’est-à-dire sur une même propriété (art. R.123-9 ; C.urb) et donc sur une même unité foncière.

    Or, la définition de principe de l’unité foncière au sens du droit de l’urbanisme ne recouvre pas le cas de parcelles liées par une servitude de cours communes ; étant relevé qu’en revanche, les règlements locaux d’urbanisme peuvent étendre l’application des prescriptions de leur article 8 aux propriétés liées par un acte authentique (CE. 5 mai 1999, M. X…, req. n°158.216).

    Ensuite, si l’on considère que par le jeu d’une convention de cours communes, deux propriétés voisines doivent être considérées comme ne formant qu’un seul et même terrain ne serait-ce qu’au sens de l’article 8 d’un règlement local d’urbanisme, il reste à savoir les conséquences qu’il faut en tirer pour application des règles d’implantation. A titre d’exemple, les limites sur rue du terrain voisin doivent-elles être prises en compte lorsque le règlement régit la longueur de la façade sur voie du terrain ou fixe des règles spécifiques par rapport aux limites séparatives latérales et/ou aux limites de fond.

    Enfin, et peut-être surtout, force est de rappeler que l’article 8 ne compte pas parmi ceux qu’un PLU doit obligatoirement réglementé (CE. 18 juin 2010, Ville de Paris, req. n°326.708)…

    En l’état, il est donc difficile d’admettre qu’alors même que le règlement local d’urbanisme ne le prévoit pas et a fortiori n’en organise pas les conséquences sur les modalités d’application des autres règles, un contrat de cours communes relevant du droit privé permette d’échapper à une règle d’ordre public, poursuivant un but d’intérêt général et répondant à des préoccupations que les auteurs dudit règlement doivent obligatoirement prendre en compte à travers son article 7.

    Cette conclusion présente cependant une difficulté puisque si l’on considère que les POS/PLU doivent prévoir la possibilité de recourir à une « servitude de cours communes », se pose alors la question du recours à cette technique pour les terrains n’étant pas couverts par un tel document puisqu’aucune des dispositions du « RNU » ne prévoit la possibilité de déroger par une telle servitude aux règles d’implantation prescrite par l’article R.111-18.

    Or, les dispositions du « RNU » sont bien entendu d’ordre public, il ne peut y être dérogé ou en être fait exception dans d’autres cas que celles qu’elles prévoient et celles relatives à l’implantation des constructions ne sont pas callées sur les règles de prospect du Code civil (CE. 3 février 1978, Meppiel, Rec. P. 54 ; Cass. civ., 6 novembre 1991, Chamuneau, D.1991, IR.282).

    Il reste que les servitudes de cours communes sont au premier chef visées par l’article L.471-1 du Code de l’urbanisme, lequel compte parmi les dispositions du Livre IV relatif aux travaux de construction, d’aménagement et de démolition et n’est donc pas propre au régime du PLU.

    C’est donc bien a priori que la notion de dispositions d’urbanisme au sens de cet article recouvre également les dispositions du « RNU » et, donc, qu’une servitude de cours communes peut permettre d’écarter l’application de l’article R.111-18 du Code de l’urbanisme alors même qu’il ne le prévoit pas.

    Si la « logique » voudrait qu’il en soit de même pour application de l’article 7 d’un POS/PLU, il reste que l’institution d’un tel document écarte l’ensemble des règles du « RNU » relatives à l’implantation des constructions et, surtout, traduit une volonté de la Ville de se doter de ses propres règles au regard de ses propres choix d’urbanisme, en édictant des règles plus strictes ou plus souples que celles du « RNU », voire en s’abstenant tout simplement de règlementer l’implantation des constructions sur un même terrain.

    Dès lors, si l’on admet néanmoins qu’une servitude cours communes peut en principe être utilement mise en œuvre lorsque l’article 7 du règlement local d’urbanisme ne le prévoit pas, la question devient alors de savoir si ce règlement peut pour sa part utilement moduler, voire écarter expressément cette possibilité…

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés