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Permis de construire - Page 11

  • Déclaration d’achèvement & « modificatif balai » : jusqu’à quand peut-on légalement obtenir cette autorisation ?

    La circonstance qu’un permis de construire modificatif ait été obtenu après la formulation de la déclaration d’achèvement n’a aucune incidence sur la légalité de cette autorisation dès lors que la conformité des travaux n’a pas été actée.

    CAA. Nancy, 21 janvier 2011, M A…, req. n°09NC01896


    Voici, un arrêt qui appelle peu de commentaires mais dont la solution, et surtout sa clarté et son absence d’ambiguïté, sont les bienvenus.

    tour cons.jpgComme on le sait, en effet, la problématique de l’articulation du régime du permis de construire modificatif avec le régime applicable aux travaux sur existants n’est pas une question anodine puisqu’elle implique d’apprécier le moment à partir duquel la construction initialement autorisée peut être considérée comme achevée. En effet, tant que les travaux se rapportant à la construction objet du permis de construire initial ne sont pas achevés, toute modification de cette dernière ou toute adjonction d’un ouvrage attenant ou structurellement lié à celle-ci implique à toute le moins un « modificatif » ; y compris si pris isolément les travaux projetés relèvent du champ d’application de la déclaration préalable, voire sont dispensés de toute formalité au titre du Code de l’urbanisme .

    En revanche, et a contrario, dès lors que la construction initialement autorisée est achevée, les travaux projetés sur celle-ci ne peuvent plus relever d’un « modificatif ». Il convient ainsi de la apprécier isolément au regard du régime des travaux sur existants résultant des articles R.421-13 et suivants du Code de l’urbanisme pour déterminer s’ils sont dispensés de toute formalité, impliquent la formulation d’une déclaration préalable ou exigent un nouveau permis de construire.

    Mais en toute hypothèse, il convient donc de déterminer à partir de quand l’ouvrage peut-être considéré comme achevé au regard du droit du permis de construire.

    C’est à cette question que répond clairement l’arrêté commenté.

    Dans cette affaire, la partie défenderesse avait obtenu un permis de construire qu’elle exécuta avant de formuler une déclaration d’achèvement.

    Toutefois, dans la mesure où les travaux réalisés n’étaient pas strictement conformes à ceux autorisés, le pétitionnaire formula une demande de « modificatif » ; aux fins de régulariser ces travaux, autorisation lui fut délivrée après la formulation de la déclaration d’achèvement.

    Or, ce « modificatif » devait être contesté notamment sur le moyen tiré de sa prétendue illégalité résultant de sa délivrance postérieure à la déclaration d’achèvement précédemment formulée. Mais ce moyen devait être rejeté par le Tribunal administratif de Besançon puis par la Cour administrative de Nancy et ce, aux termes d’un considérant on ne peut plus clair :

    « Considérant, en premier lieu, que la seule circonstance qu'une déclaration d'achèvement des travaux a été adressée par le pétitionnaire, M. B, à la ville de Montbéliard, le 6 octobre 2007, ne fait pas obstacle à la délivrance d'un permis de construire modificatif dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un certificat de conformité ait été délivré ou que le permis de construire initial soit devenu périmé du fait de l'interruption des travaux pendant un délai supérieur à une année ».

    Une telle solution est difficilement contestable ; si ce n’est qu’une déclaration d’achèvement formulée le 6 octobre 2007 n’avait pas vocation à aboutir à un certificat de conformité…

    A l’instar de l’ancien article R.460-1 du Code de l’urbanisme, l’actuel article R.460-2 prévoit en effet la formulation d’une déclaration spécifiquement instaurée aux fins d’acter de l’achèvement des travaux précédemment engagés, laquelle est principalement destinée à déclencher les opérations de contrôle portant sur la conformité des travaux réalisés.

    Pour autant, cette déclaration ne suffit pas à établir l’achèvement de l’ouvrage réalisé. En effet, si les ouvrages illégaux ne sauraient valablement faire l’objet d’une déclaration d’achèvement de travaux, ne serait-ce que dans la mesure où l’article R.462-1. prévoit que cette déclaration « est signée par le bénéficiaire du permis de construire » – ce qui implique qu’il y’en ait un (en ce sens : CAA. Bordeaux, 9 mars 2006, M. Vivien X., req. n°02BX02177) – la formulation de cette déclaration ou son absence n’a à elle seule aucune incidence sur l’appréciation de l’état d’achèvement des constructions régulièrement autorisées ou, plus précisément, ne constitue par principe qu’un simple indice ou, dans certains cas, une simple présomption.

    Il ressort en effet de la jurisprudence tant judiciaire qu’administrative que l’absence de déclaration d’achèvement ne s’oppose pas à ce que l’ouvrage soit considéré comme achevé et le cas échéant conforme au permis de construire ou, a contrario, inachevé malgré la formulation d’une telle déclaration (Cass.civ., 11 mai 2000, Mme Duguet, Bull. civ., III, p.107 ; CAA. Versailles, 21 avril 2005, René Cazals, req. n°02VE03315 ; CE. 30 janvier 1995, M. et Mme Lambourdière, req. n° 138907 ; CE. 18 janvier 1980, Boussard, req. n°12651 ; CE. 14 janvier 1983, M.Y, req. n°26022).

    L’appréciation de l’achèvement ou de l’inachèvement d’une construction au regard du droit de l’urbanisme s’apprécie en effet de façon concrète, en considération de son état physique (Cass.civ., 11 mai 2000, Mme Duguet, Bull. civ., III, p.107).

    Il est vrai cependant que la formulation d’une déclaration d’achèvement constitue un indice, voire même une présomption (art. R.600-3 ; C.urb).

    Il reste que pour ce qui concerne tant le régime des travaux sur existants que celui du « modificatif », il existe un certain rapport d’indissociabilité entre l’achèvement de la construction et la conformité de cette dernière. En effet (voir ici) :

    - Lorsque la construction existante a été exécutée en méconnaissance du permis de construire l’ayant autorisé, tout nouveau travaux ultérieurement projetée sur cette dernière impliquera, sous réserve du bénéfice de la prescription décennale introduite par l’article L.111-12 du Code de l’urbanisme, la régularisation préalable ou concomitante de celle-ci par un permis de construire dont la demande sera, sur la forme et sur le fond, instruire comme si elle portait sur une construction nouvelle à édifier ;

    - Lorsque l’immeuble en cours de réalisation est édifiée en méconnaissance du permis de construire s’y rapportant, un « modificatif » ne saurait être légalement obtenu sans que celui-ci ne régularise les travaux irrégulièrement entrepris.

    D’ailleurs, aux termes du nouvel article R.462-9 du Code de l’urbanisme : « lorsqu'elle estime que les travaux ne sont pas conformes à l'autorisation, l'autorité compétente pour délivrer le permis ou prendre la décision sur la déclaration préalable met en demeure, dans le délai prévu à l'article R. 462-6, le maître de l'ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité avec l'autorisation accordée ».

    Cet article induit donc lui-même qu’un « modificatif » – du moins de régularisation – peut être sollicité et légalement délivré, nonobstant la formulation préalable d’une déclaration d’achèvement.

    Cette conclusion est d’ailleurs conforme à la nature de la déclaration d’achèvement telle qu’elle est actuellement régie par l’article R.462-1 du Code de l’urbanisme et dont il résulte qu’elle atteste non seulement de l’achèvement mais également de la conformité des travaux réalisés.

    De ce fait, force est de donc de considérer que l’achèvement et la conformité des travaux sont deux notions indissociables et, par voie de conséquence, que tant que les travaux réalisés ne peuvent être regardés ou réputés conformes à l’autorisation obtenue, ils ne peuvent être considérés comme achevés.

    En d’autres termes, un « modificatif » peut être sollicité et légalement obtenu tant que le délai ouvert à l’administration pour contester la conformité des travaux n’a pas expiré ou, du moins, tant que l’administration n’a pas délivré le certificat attestant de ce que la conformité de ces travaux n’a pas été contesté.

    Reste maintenant le problème plus concret de l’articulation d’un tel « modificatif » avec l’objet et le déroulement des opérations de récolement…

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • L’élargissement d’une voie motivant une cession de terrain prescrite au titre de L.332-6-1 2° du Code de l’urbanisme ne peut plus être pris en compte pour apprécier les conditions de desserte du terrain

    Même prescrite avant la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2010, une cession de terrain en vue de l’élargissement de la voie desservant le terrain à construire ne peut pas être prise en compte pour apprécier la légalité d’un permis de construire dès lors qu’en raison de l’inconstitutionnalité d’une telle prescription, cet élargissement ne saurait être mise en œuvre.

    CAA. Marseille, 21 octobre 2010, Madame Tardieux., req. n°08MA03841 (voir également ici)


    Dans cette affaire, un permis de construire avait été délivré, le 13 juillet 2004, en vue de l’édification de deux bâtiments destinés à l’hébergement provisoire de personnes en difficultés ainsi qu’à un usage de bureaux. Celui-ci devait cependant faire l’objet d’un recours en annulation motivé, notamment, par la prétendue insuffisance de la desserte du terrain à construire au regard de l’ancien article R.111-4 du Code de l’urbanisme et de l’article 3 du règlement local d’urbanisme applicable ; la requérante faisant grief à la voie existante desservant le terrain de ne pas être adaptée à cet effet compte tenu principalement de sa largeur.

    Il reste qu’en application de l’article L.332-6-1 2° du Code de l’urbanisme en vigueur au moment de sa délivrance, le permis de construire en litige avait prescrit au pétitionnaire la cession d’une partie du terrain d’assiette des bâtiments projetés aux fins précisément d’élargir cette voie. Mais si les parties défenderesses devaient se prévaloir de ce projet d’élargissement, la requérante devait pour sa part soutenir qu’il ne pouvait être pris en compte dès lors qu’il n’était pas assez précis et avancé à la date de délivrance de l’autorisation contestée.

    On sait, en effet, que la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance en considération du projet présenté par le pétitionnaire, tel qu’il apparaît à l’examen du dossier déposé à cet effet. Par voie de conséquence et par principe, seuls les aménagements dont la réalisation est autorisée par le permis de construire et ceux existants à la date de délivrance de ce dernier peuvent être pris en compte pour apprécier sa légalité.

    Il ressort toutefois de la jurisprudence rendue en la matière que des équipements futurs ne relevant pas de la demande peuvent être pris en compte pour autant qu’à la date de délivrance du permis de construire, il soit possible de considérer que la réalisation de cet équipement est quasi-certaine (pour un exemple CE. 28 juillet 2000, Cne de Decines-Charpieu, req. n°199.325). En substance, il est ainsi nécessaire que :

    - tout d’abord, la réalisation de l’équipement considéré soit planifiée, c’est-à-dire ait donné lieu à une décision de l’autorité compétente (pour exemple : CE. 7 mai 1986, Kindermann, req. n°59.847) ;
    - ensuite, les modalités et les délais de réalisation de cet équipement soient arrêtés (pour exemple : CE. 28 juillet 2000, Cne de Decines-Charpieu, req. n°199.325) ;
    - enfin, cet équipement ait vocation à être achevé à brève échéance (CAA. Bordeaux, 12 février 2007, M. Jacques Y, req. n°04BX00214 ; CAA. Marseille, 13 janvier 2005, Michèle X…, req. n°01MA00466).

    Si certaines décisions jurisprudentielles ont pu faire preuve d’une plus grande souplesse (pour exemple : CAA. Nancy, 28 janvier 2008, Cne de Beuvilliers, req. n°06NC01550), il reste que pour sa part la Cour administrative d’appel de Marseille avait déjà eu l’occasion de juger qu’une cession de terrain prescrite en vue de l’élargissement d’une voie ne pouvait être prise en compte pour apprécier la desserte du terrain lorsque ce projet d’élargissement n’était pas établi à la date de délivrance du permis de construire la prescrivant (CAA. Marseille, 4 mai 2006, EURL C2C, req. n°02MA021327). Et pour cause puisque la légalité d’une telle prescription impose que le projet l’a motivant soit défini à sa date d’édiction (CE. 20 juin 2006, M. et Mme Lamy, req. n°281.253).

    En revanche, lorsque tel est bien le cas, cet élargissement semble alors pouvoir être pris en compte ; c’est du moins ce qu’avait pu juger la même Cour (CAA. Marseille, 11 juin 2008, Maguy X., req. n°05MA02129) et ce, alors même qu’une telle prescription ne garantie pas à elle seule la réalisation des travaux de voirie la motivant dans la mesure où non seulement l’administration bénéficiaire n’a aucun délai pour les réaliser (Cass. civ. 20 janvier 2002, Epx Bourbigot, pourvoi n°010571) mais qu’en outre, celle-ci n’a même aucune réelle obligation de les exécuter puisqu’aucune disposition du Code de l’urbanisme ne lui impose de rétrocéder le terrain lorsqu’ils n’ont pas été réalisés (CE. 11 janvier 1995, Epx Thot, req. n°119.144).

    Mais dans cette affaire, la Cour n’a donc pas examiné le moyen présenté sur point par la requérante mais s’est prononcée en conséquence de la décision n° 2010-33 QPC du 22 septembre 2010 par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l’article L.332-6-1 2° du Code de l’urbanisme, tout en précisant que « la présente déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; (elle) peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelle » :

    « Considérant que le permis tenais compte de l’élargissement de l’avenue Lorenzi grâce à la cession gratuite de 10 % du terrain par les requérants, en application de l’article L 332-6-1 2° du code de l’urbanisme aux termes duquel : « e) Les cessions gratuites de terrains destinés à être affectés à certains usages publics qui, dans la limite de 10 % de la superficie du terrain auquel s’applique la demande, peuvent être exigées des bénéficiaires d’autorisations portant sur la création de nouveaux bâtiments ou de nouvelles surfaces construites » ; que, toutefois, ces dispositions ont été abrogées par le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n°2010-33 QPC du 22 septembre 2010, applicable aux litiges en cours »

    En premier lieu, l’arrêt commenté confirme donc qu’une instance relative à la légalité d’un permis de construire au regard des normes d’urbanisme ayant trait à la desserte du terrain à construire constitue une instance « dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelle ».

    Le cas échéant, l’inconstitutionnalité d’une cession gratuite prescrite avant le 23 septembre 2010 – date de publication de la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre précédent – peut donc être invoquée dans le cadre d’un recours en annulation à l’encontre d’un permis de construire précédemment introduit : la portée de cette décision n’est donc cantonnée au contentieux de la légalité des participations prescrites au titre de l’article L.332-6-1du Code de l’urbanisme ou au contentieux de la restitution des participations indument imposées ou obtenues (art. L.332-30 ; C.urb).

    Toutefois, la Cour administrative d’appel de Marseille n’a donc pas considéré que l’inconstitutionnalité de la participation prescrite par l’arrêté de permis de construire contesté affectait d’illégalité ce dernier.

    Il est vrai qu’en principe, une telle participation est divisible du permis de construire qui l’édicte : son illégalité n’emporte donc l’annulation de cette autorisation qu’en tant qu’elle l’a prescrite (CE, 8 févr. 1985, Raballand, n°40184). Par exception, l’illégalité d’une telle prescription peut toutefois emporter l’annulation totale du permis de construire l’ayant édictée lorsqu’elle tend à la réalisation ou à l’élargissement d’une voie nécessaire à la conformité du projet autorisé au regard des normes d’urbanisme lui étant opposables.

    Il reste que le seul fait que les travaux d’aménagement routiers motivant une cession gratuite aient vocation à participer à la desserte du terrain à construire ne suffit pas à considérer que la prescription imposant cette cession est indivisible du projet. A titre d’exemple, ce n’est qu’après avoir constaté que, d’une part, la cession gratuite prescrite n’était pas juridiquement réalisable puisque portant sur une bande de terre dont le pétitionnaire n’était pas propriétaire et que, d’autre part, la voie existante desservant le terrain n’était pas adaptée à la construction autorisée que le Conseil d’Etat a annulé le permis de construire s’y rapportant au titre de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme alors applicable (CE. 12 octobre 1988, Ministre de l’Equipement, req. n°79.175).

    Bien qu’ayant relevé que « le permis tenait compte de l'élargissement » de la voie motivant la cession gratuite, c’est cette démarche qu’a adopté la Cour en l’espèce.

    « Considérant qu’il en résulte que le terrain d’assiette est desservi par l’avenue Lorenzi, en sen unique, d’une largeur, qui ne pourra plus être modifiée, de 5 à 6 mètres ; que, toutefois, cette largeur, qui, certes, participera à un accroissement limité des difficultés de circulation, permet une desserte suffisante du projet ; que, si M. et Mme TARDIEUX font valoir que l’accès au parking des bâtiments par un ascenseur à partir de la rue nécessitera un temps d’attente des véhicules sur cette voie et présentera ainsi un risque pour les usagers de la voie publique et pour les habitants de l’immeuble, ces conditions d’accès peuvent avoir ponctuellement des incidences sur les conditions générales des circulation mais ne créent pas de risques particuliers liés à la desserte du projet au sens de l’article R. 111-4 du code de l’urbanisme et de l’article UB 3-1 du règlement du plan d’occupation des sols ; qu’enfin il n’est pas établi que le projet, qui prévoit des places de stationnement en sous-sol pour les résidents, engendrera des difficultés de stationnement accrues dans le quartier : que, par suite, le maire a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation sur la desserte envisagée du projet, délivrer le permis de construire attaqué »

    C’est ainsi qu’après avoir constaté qu’en l’état la voie desservant le terrain à construire était adaptée à la desserte du terrain à construire et à l’opération projetée, la Cour a rejeté le moyen tiré de la méconnaissance de l’ancien article R.111-4 et de l’article 3 du règlement local d’urbanisme applicable.

    Mais surtout, la Cour a donc rejeté l’ensemble du recours et, partant, valider le permis de construire dans l’ensemble de ses dispositions, y compris pour celle prescrivant la cession gratuite d’une partie du terrain à construire ; la requérante ne semblant avoir formulée aucune conclusion spécifique à son encontre.

    Néanmoins, la Cour a souligné qu’en conséquence de l’inconstitutionnalité de cette prescription, la largeur de la voie dont l’élargissement avait motivé cette prescription « ne pourra plus être modifiée ».

    Comme on le sait, la principale difficulté générée par la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2010 a trait au cas des permis de construire délivrés avant la publication de cette décision lorsque la cession ainsi prescrite n’a pas été encore réalisée.

    En effet, en application de l’article 62 de la Constitution, la décision du 22 septembre 2010 a seulement abrogé l’article L.332-6-1 du Code de l’urbanisme ; la suppression de l’ordonnancement juridique de cet article n’intervenant donc que pour l’avenir.

    Or, la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance et, en outre, la « cession gratuite » compte parmi les prescriptions dont le permis de construire constitue le seul fait générateur : même réalisée après le 23 septembre 2010, une cession intervenant en conséquence d’un permis l’ayant prescrite avant cette date ne serait donc que l’exécution conforme d’une prescription conforme à la Constitution à sa date d’édiction.

    D’ailleurs, même si cette abrogation constitue une modification des circonstances de droit susceptible de priver de base légale les prescriptions édictées avant le 23 septembre 2010, on voit mal comment ces prescriptions et/ou les cessions en résultant pourraient être contestées ou remises en cause ; du moins à s’en tenir à la « lettre » de la décision du 22 septembre 2010.

    En effet, quel que soit l’acte attaqué, toute action en ce sens impliquerait nécessairement d’invoquer l’abrogation et donc, indissociablement, l’inconstitutionnalité de l’article L.332-6-1 alors qu’il résulte de la décision du 22 septembre 2010 que cette inconstitutionnalité ne peut être invoquée que « dans les instances en cours » au 23 septembre 2010.

    Il reste que le commentaire de cette décision paru aux Cahiers du Conseil constitutionnel indique que : « afin de donner un effet utile à la procédure, précisé que la déclaration d’inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances qui sont en cours à cette date et dont l’issue dépend de l’application de la disposition déclarée inconstitutionnelle. Il n’a donc pas remis en cause, dans un souci de sécurité juridique, les situations définitivement acquises à la date de l’abrogation ».

    Or, même lorsqu’elle n’est plus contestable au regard du délai de recours à son encontre, force est de considérer que le seul fait de prescrire une cession gratuite de terrain ne créé pas une situation définitivement acquise dès lors qu’une telle prescription n’emporte pas en elle-même le transfert de propriété dudit terrain (CAA Lyon, 28 juil. 1999, Sté Immob. du Verdect, req. n°95LY00277). Ce transfert requiert en effet la passation d’un acte authentique dont la signature doit être autorisée par une délibération du Conseil municipal, laquelle peut faire l’objet d’un recours en annulation fondé sur l’illégalité de la prescription initiale, quand bien même celle en cause serait définitive (TA. Montpellier, 19 mars 2009, req. n°06-05866).

    Bien que la « lettre » de la décision du 22 septembre 2010 n’aille pas nécessairement en ce sens, l’inconstitutionnalité de l’article L.332-6-1 du Code de l’urbanisme semble néanmoins s’opposer à la réalisation des cessions prescrites avant le 23 septembre.

    En tout état cause, tel est le sens de la solution dégagée par cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille : même prescrite par un permis de construire antérieur dont la légalité n’est pas contestée sur ce point, une cession gratuite de terrain ainsi que le projet l’a motivant ne peuvent plus être réalisés.

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Sur l’affectation des places de stationnement prévues en application de l’article 12 du règlement local d’urbanisme

    Même lors qu’il prévoit strictement le nombre de places requises au titre de l’article 12 du POS applicable, le permis de construire est illégal sur ce point lorsqu’il est établi qu’une partie de ces places est réservée pour un autre utilisateur et n’est donc pas affectée au projet lui-même.

    CAA. Marseille, 7 octobre 2010, Clément A…., req. n°08MA03370

    PS.jpgDans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire portant sur deux bâtiments de 28 logements comportant également des locaux professionnels, d'une SHON de 2147 mètres carrés ; ces locaux représentant un peu plus de 240 mètres carrés de cette SHON totale. L’article 12 du règlement de POS applicable prescrivant la réalisation d’une place de stationnement par logement et une place supplémentaire pour 60 mètres carrés de SHON affectée au commerce et à l'artisanat, la conformité du projet impliquait donc que la demande de permis de construire intègre la réalisation de 32 places de stationnement. Précisément, le projet présenté par le pétitionnaire à travers son dossier demande et le permis délivré au vu de ce dossier prévoyaient la réalisation de 32 places.

    Néanmoins, ce permis de construire devait être contesté et annulé au motif suivant :

    « Considérant que l'article UC 12 du règlement du plan d'occupation des sols de Salon-de-Provence dispose que doivent être créées une place de stationnement par logement et une place supplémentaire pour 60 m2 de surface hors oeuvre nette affectée au commerce et à l'artisanat ; que, si le permis litigieux prévoit 32 places de stationnement conformément à ces dispositions, il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du compromis de vente qui réserve 7 places de stationnement à l'offrant, qu'il n'est créé que 25 places pour les logements et les locaux commerciaux et artisanaux du projet de la Société Civile Immobilière Médicis ; que, compte tenu de ces places réservées , le projet requiert, en application de l'article UC 12 du règlement du plan d'occupation des sols, la création de 39 places de stationnement ; que, dans ces conditions, le permis doit être regardé comme ne respectant pas ces dispositions ; que le permis modificatif délivré le 14 novembre 2005 n'a pas régularisé le permis initial sur ce point ; que, dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ».

    et, en d’autres termes, dans la mesure où ces 32 places de stationnement n’étaient pas toutes prévues pour les logements et les locaux autorisés par ce permis, lequel ne prévoyait « que 25 places de stationnement affectées au projet » (cf : dispositif de l’arrêt).

    A notre connaissance, il s’agit là d’une des premières décisions se prononçant aussi clairement sur ce point et en ce sens ; la question étant distincte, bien que n’en étant pas totalement étrangères, de celles relatives :

    • à la nécessité selon laquelle les places de stationnement requises doivent en principe relever du même permis que celui autorisant le projet les rendant exigibles ;
    • à l’impossibilité légale de prendre en compte les places de stationnement réalisées dans le cadre d’un précédent projet et nécessaires à la conformé de ce dernier.

    Toutefois, il nous semble que l’on peut trouver un sens équivalent à l’arrêt par lequel le Conseil d’Etat a jugé que « la seule circonstance qu'une des sociétés qui avait acquis le terrain d'assiette de la construction ait eu pour objet social la construction sur ce terrain de garages destinés à la revente, ne permettait pas d'établir que la demande de permis de construire présentée par la Société Alvel était entachée d'une fraude tenant à ce que les places de stationnement prévues dans le projet n'auraient pas en réalité pour objet de satisfaire les besoins du centre commercial, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier qui, en l'absence de dénaturation, n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation » (CE. 30 juillet 2003, Mme Annick X., req. n°227.712) ; ce moyen n’ayant pas été clairement jugé comme inopérant.

    De même, et comme le révèle l’interrogation formulées par l’un des commentateurs d’une précédente note se rapportant au sujet, la solution retenue par la Cour administrative d’appel de Marseille au cas d’espèce n’est pas si éloignée de celle relative à la déductibilité de la superficie affectée au stationnement pour le calcul de la SHON.

    Pour autant, outre qu’elle est en l’espèce fondée sur les stipulations d’une convention de droit privé dont on ne sait si elle avait été produite au dossier, et qu’à ce titre, selon la Cour, « le projet (requerrait), en application de l'article UC 12 du règlement du plan d'occupation des sols, la création de 39 places de stationnement » (c'est-à-dire 32 pour le projet + 7 en exécution de ce contrat !!!), cette solution n’était pas si évidente.

    Tout d’abord, la Cour administrative d’appel de Marseille s’est donc fondée sur l’affectation et l’utilisation ultérieure d’une des composantes du projet cependant qu’en principe, et sauf fraude, ces considérations sont étrangères à l’appréciation tant de la légalité des autorisations qu’à la conformité des travaux accomplis, y compris lorsque ce changement d’utilisation aurait été de nature à soumettre le projet à des règles différentes de celle en vertu desquelles la demande d’autorisation avait été instruite (en ce sens :CE. 11 décembre 2006, Ville de Paris, req. n° 274.851).

    Ensuite, cette solution prête aux règles d’urbanisme sur le stationnement une « finalité privatiste » liée à la satisfaction des besoins en la matière des occupants des immeubles à construire.

    Or, ces règles ont toujours eu une finalité allant bien au-delà de cette seule considération puisqu’elles trouvent leur cause première dans des préoccupations liées à l’usage du domaine public routier, à la circulation publique, à la promotion des transports en commun et à la réalisation d’objectif d’environnementaux comme le rappelait déjà, en 1999, le « Guide du POS » édité par le Ministère de l’équipement ; finalité qu’elles auront plus encore puisqu’elles pourront dorénavant édicter un nombre maximal de places de stationnement.

    Mais il est vrai que la satisfaction des besoins des occupants de l’immeuble n’est pas une considération totalement étrangère au droit de l’urbanisme comme en atteste l’article L.123-1-2 du Code de l’urbanisme dont il résulte que les places requises doivent être réalisées sur le terrain au à proximité immédiate et qu’en cas d’impossibilité technique de réaliser ces places le pétitionnaire est autorisé à acheter des places dans un parc privé ou à en louer dans un parc public à la condition que ce parc soit sis à proximité et à tout le moins en cours de réalisation à la date de délivrance du permis ; étant toutefois relever qu’à défaut, le pétitionnaire peut s’acquitter d’une participation en vue de la réalisation d’un parc public de stationnement dont il n’est pas exigé qu’il soit à proximité du terrain.

    Enfin, et peut-être surtout, si l’affectation effective des places de stationnement est une condition intéressant la légalité d’un permis de construire, c’est qu’elle a trait à la conformité du projet au regard du droit de l’urbanisme.

    Or, si le contrôle administratif de la conformité des travaux est limité dans le temps, et en l’occurrence à trois années à compter de l’achèvement des travaux, il n’en demeure pas moins que cette conformité doit perdurée même après ce délai ; cette « conformité durable » devant toutefois s’apprécier en considération de l’évolution des règles d’urbanisme applicable au projet.

    Si l’on s’en tient à cela c’est donc que non seulement les places de stationnement prévues doivent être affectées aux occupants de l’immeuble mais qu’en outre, elles doivent le rester ; ce qui n’était pas le sens d’une Réponse ministérielle formulée sur le sujet.

    Mais pour conclure, on relèvera qu’en application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, le permis de construire contesté n’a été annulé qu’en tant « qu'il ne prévoit que 25 places de stationnement affectées au projet » et de la même façon que le même jour, la même Cour n’a annulé un permis de construire « qu’en tant qu'il autorise la création du balcon implanté au premier niveau de la façade Est du bâtiment principal », ce qui correspond aux deux exemples que nous avions initialement retenus pour démontrer les limites de cet article mais nous semble également traduire le renouveau que nous avions ultérieurement envisagé.

    Reste toutefois à savoir comment pour application de l’alinéa 2 de cet article, le pétitionnaire tiendra compte d’un arrêt jugeant que le projet aurait dû prévoir 39 places de stationnement à raison des 7 réservées par le contrat par ailleurs conclu…

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Quand le défaut de production de l’étude d’impact au dossier n’affecte pas la légalité du permis de construire

    Lorsque l’autorité compétente a eu connaissance de l’étude d’impact dans le cadre de l’instruction de la première demande de permis de construire, le défaut de production de ce document dans le nouveau dossier de demande n’affecte pas d’illégalité le second permis de construire dès lors que les modifications apportées au projet ne sont pas substantielles.

    CAA. Douai, 1er juillet 2010, Sté Cicobail, req. n°08DA00429



    Rendu en formation plénière, voici un arrêt d’importance ; d’autant qu’il nous permet de faire part de nos très vielles interrogations sur « l’utilité » de l’étude d’impact dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis de construire, du moins dans certains cas.

    On le sait, l’ancien article R.421-2 8° du Code de l’urbanisme comme l’actuel article R.431-16 f) impose au pétitionnaire de produire à son dossier une étude l‘impact lorsqu’elle est prévue en application du Code de l’environnement.

    Ce document peut être exigible dans deux cas : soit, parce ce que le projet de construction est en lui-même assujetti à cette obligation ; soit, par voie de conséquence, dans la mesure où la demande se rapporte à un projet pour laquelle cette étude d’impact est requise à un autre titre.

    Tel est le cas lorsque la demande de permis de construire se rapporte à une installation classée pour la protection de l’environnement soumise à autorisation d’exploiter.

    installation classée 2.jpgQuelle que soit l’importance et les caractéristiques intrinsèques de la construction, le pétitionnaire doit alors produire à son dossier de demande de permis de construire l’étude d’impact requise à ce titre. Il en va ainsi y compris lorsque les travaux objets de la demande de permis de construire porte sur une installation existante dès lors que ces travaux correspondent à une modification de ses conditions d’exploitation nécessitant une nouvelle autorisation au titre de la législation environnementale (CAA. Marseille, 21 février 2007, ANPER, req. n°03MA00068).

    Cette règle de procédure à longtemps fait l’objet d’une application stricte. Ainsi, dès lors que cette étude d’impact n’était pas jointe au dossier de demande de permis de construire, le permis de construire obtenu dans ces conditions encourrait systématiquement la censure, y compris lorsque ce document avait été néanmoins établi et produit au dossier de demande d’autorisation d’exploiter et quand bien même la délivrance de cette autorisation et celle du permis de construire relevaient-elles de la même autorité (CAA. Nantes, 28 juin 2002, Ministre de l’Equipement, req. n°00NT02080) Application stricte mais néanmoins parfaitement conforme :

    • d’une part, au principe d’indépendance des législations et des procédures ;
    • d’autre part, à la règle selon laquelle l’administration est réputée statuer sur une demande d’autorisation d’urbanisme au seul regard du dossier produit par le pétitionnaire.

    Précédemment, c’est d’ailleurs ce qu’avait elle-même jugé la Cour administrative d’appel de Douai (CAA. Douai, 12 avril 2007, Cne d’Oudezeelle, req. n°06DA01023).

    Cette règle devait toutefois connaitre un assouplissement substantiel grâce à l’arrêt par lequel le Conseil d’Etat a jugé que « considérant, toutefois, que lorsqu'une étude d'impact a été réalisée et portée à la connaissance, en temps utile, de l'autorité chargée d'instruire la demande de permis de construire, la seule circonstance qu'elle n'ait pas figuré, en méconnaissance du 8° du A de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme, dans le dossier joint à la demande de permis de construire ne suffit pas à faire regarder comme remplie la condition tenant à l'absence d'étude d'impact prévue à l'article L. 122-2 du code de l'environnement » (CE. 13 juillet 2007, SIETOM, req. n°294.603).

    Force était toutefois d’admettre que cette décision était propre à la lettre et à l’objet de l’article L.122-2 du Code de l’environnement qui dispose que : « si une requête déposée devant la juridiction administrative contre une autorisation ou une décision d'approbation d'un projet visé au second alinéa de l'article L. 122-1 est fondée sur l'absence d'étude d'impact, le juge des référés, saisi d'une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée ».

    Mais quoi qu’il en soit, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai va donc au-delà en faisant expressément référence, dans le cadre d’un recours en annulation, à la règle dégagée par l’arrêt précité du Conseil d’Etat.

    Dans cette affaire, la société requérante avait obtenu une autorisation d’exploiter délivré au vu d’un dossier comportant une étude d’impact et deux permis de construire se rapportant à l’installation à exploiter. Ultérieurement, le pétitionnaire devait toutefois solliciter et obtenir le retrait de ces deux permis de construire ainsi qu’un permis unique portant sur l’ensemble de projet.

    Ce permis d’ensemble devait toutefois être délivré au vu d’un dossier ne comportant pas d’étude d’impact ; motif pour lequel cette autorisation devait être annulée en première instance. Mais pour sa part, la Cour administrative d’appel de Douai devait donc juger que :

    « Considérant que lorsqu'une étude d'impact a été réalisée et portée à la connaissance, en temps utile, de l'autorité chargée d'instruire la demande de permis de construire, la seule circonstance qu'elle n'ait pas figuré, en méconnaissance du 8° du A de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme, dans le dossier joint à la demande de permis de construire, ne suffit pas à faire regarder comme entachant d'illégalité le permis de construire délivré ; qu'il en va, notamment, ainsi dans le cas où une telle étude a été réalisée et produite préalablement à la délivrance d'un premier permis de construire et qu'elle n'est pas de nouveau produite à l'occasion de l'instruction d'une nouvelle demande de permis portant sur le même projet, sous réserve que ce dernier n'ait pas fait l'objet de modifications qui, par leur nature et leur importance, conduiraient à faire regarder cette nouvelle demande comme différant substantiellement de la précédente ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'une étude d'impact a été réalisée le 7 août 2001 dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement requise notamment pour les activités de peinture exercées dans le bâtiment de tôlerie ; qu'il n'est pas contesté que cette étude a été jointe au dossier de demande de permis de construire déposée le 30 juillet 2001 et complétée le 17 septembre 2001, et a ainsi été portée à la connaissance du maire de Saint-Léonard avant que celui-ci ne délivre tant les permis de construire en date du 26 décembre 2001 que celui en date du 14 juin 2004 ; que la circonstance, à la supposer même établie, que cette étude n'ait pas été jointe à l'occasion de cette nouvelle demande, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'illégalité le permis de construire litigieux ; que si le projet présenté le 1er août 2003 différait sensiblement des précédents, du fait de l'agrandissement du bassin de rétention porté de 4 400 mètres à 5 246 mètres cubes et de l'ajout de quatre cheminées, ces modifications, eu égard à leur caractère limité au regard de l'ensemble du projet, ne constituent pas des circonstances de nature à faire regarder la nouvelle demande comme différant substantiellement de la précédente ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur l'absence d'étude d'impact jointe au dossier de demande de permis de construire pour annuler l'arrêté en date du 14 juin 2004
    ».


    Le moyen tiré du défaut d’étude d’impact au dossier de demande a donc été écarté dans la mesure où :

    • d’une part, ce document avait été produit au dossier de demande d’au moins un des deux précédent permis ;
    • d’autre part, le projet objet du permis de construire contesté ne différait pas substantiellement du projet autorisé par les deux précédentes autorisations.

    Bien que la Cour ait repris le « considérant » de l’arrêt précité du Conseil d’Etat (CE. 13 juillet 2007, SIETOM, req. n°294.603), sa décision nous parait néanmoins parfaitement orthodoxe au regard de règles jurisprudentielles bien antérieures à cet arrêt.

    On sait, en effet, que le juge administratif fait depuis longtemps preuve d’une certaine tolérance et souplesse en considérant qu’une nouvelle demande de permis de construire n’a pas nécessairement à refaire l’objet d’une instruction complète dès lors que le projet n’a pas été substantiellement modifié ; la circonstance que le premier permis de construire ait été annulé ou retiré n’ayant aucune incidence sur ce point.

    Or, l’étude d’impact prévue par l’article R.431-16 du Code de l’urbanisme n’étant qu’une pièce parmi d’autres, on voit mal pourquoi il devrait en aller autrement s’agissant de ce document ; d’autant plus lorsque l’étude d’impact est requise au dossier dans la seule mesure où le projet porte sur une installation classée pour la protection de l’environnement soumise à autorisation d’exploiter.

    Il faut en effet souligner que l’article précité précise que le dossier de demande de permis de construire comporte « l'étude d'impact, lorsqu'elle est prévue en application du code de l'environnement ». En outre, si l’étude d’impact est requise dans le cas d’une demande de permis de construire portant sur une installation classée soumise à autorisation d’exploiter, nonobstant la dispense prévue par l’article R.122-6 du Code de l’environnement c’est dans la mesure où l’article R.122-7 précise que « les dispenses d'étude d'impact résultant des dispositions du tableau de l'article R. 122-6 ne sont pas applicables aux catégories d'aménagements, ouvrages et travaux figurant au tableau de l'article R. 122-5 ».

    L’étude d’impact requise au titre de l’article R.431-16 du Code de l’urbanisme est donc celle imposée en application de l’article R.122-5 (10°) du Code de l’environnement. Comme l’illustre l’arrêté commenté et l’arrêt du Conseil d’Etat dont il procède, l’étude à joindre au dossier de demande de permis de construire est celle à produire au dossier de demande d’autorisation d’exploiter et, en d’autres termes, « l'étude d'impact relative à l'installation classée » (CAA. Nantes, 25 juin 2008, Cne de Bucy, req. n°07NT03015).

    Mais rappelons dès lors que les éventuelles erreurs, omissions ou carences affectant un dossier de demande de permis de construire n’ont d’incidence sur la légalité de l’autorisation délivrée dans ces conditions que pour autant qu’elles aient faussé l’appréciation que les services instructeurs ont pu faire de la conformité du projet au regard des normes qu’un permis de construire a vocation à sanctionner en application de l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme.

    C’est ainsi qu’il a pu être jugé que le fait que l’étude d’impact jointe à un dossier de demande de permis de construire une installation classée ne traite pas des conditions de remise en état du site après exploitation était sans incidence sur la légalité de l’autorisation obtenue puisqu’il s’agit d’une considération étrangère à la légalité d’un permis de construire (CAA. Bordeaux, 15 juin 2005, Association Vigilance et Intervention pour l’Environnement, req. n°05BX02044).

    Il est vrai qu’il s’agit là d’un point particulier d’une étude d’impact relative à une installation classée. Mais pourquoi devrait-il en aller autrement sur les autres aspects du projet saisis par ce document.

    Pour l’essentiel, en effet, une étude relative à une installation classée a trait à l’impact de l’activité à exploiter. Et pour cause puisque tel est l’objet de l’autorisation d’exploiter délivrée au titre de la législation environnementale.

    Or, comme on le sait, il est de jurisprudence bien établie qu’un permis de construire portant sur une installation classée ayant précédemment fait l’objet d’une autorisation d’exploiter n’a pas vocation à sanctionner les effets de l’activité de cette installation puisque leur contrôle relève de la seule autorisation d’exploiter (CE. 10 octobre 1994, Sté Euroliants, req. n°111.167 ; CE. 15 février 2007, Cne de Fos-sur-Mer, req. n°294.852).

    Il s’ensuit donc que, pour l’essentiel, l’étude d’impact à produire au dossier de demande de permis de construire fournit à l’autorité compétente pour statuer sur cette demande des renseignements ayant trait à des aspects du projet qu’une telle autorisation n’a pas vocation à sanctionner.

    Sans conclure au caractère totalement superfétatoire de ce document dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis de construire se rapportant à une installation classée, il nous semble néanmoins que plutôt que de sanctionner systématiquement les vices substantielles affectant l’étude d’impact par l’annulation du permis de construire, le juge devrait considérer que les éventuelles carences d’une étude d’impact ayant trait à des aspects du projet saisis par l’autorisation d’exploiter ne saurait avoir aucun effet sur la légalité d’un permis de construire dès lors qu’elles n’ont pu avoir aucune incidence sur l’appréciation que les services instructeurs ont pu faire de la conformité du projet au regard des normes qu’un tel permis a vocation à sanctionner.

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés