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Une « maison témoin » attenante à un bureau de vente constitue un Etablissement Recevant du Public (ERP)

Une « maison témoin » destinée à promouvoir une activité commerciale et ouvert à ce titre à la clientèle de l’exploitant constitue un ERP. Partant, le permis de construire s’y rapportant ne peut être régulièrement délivré sans consultation préalable de la commission pour l’accessibilité des personnes handicapées.

CAA. Douai, 5 octobre 2006, SCI Les Epoux, req. n°05DA00420


Dans cette affaire, un permis de construire avait été obtenu pour la réalisation d’un bâtiment en bois ne présentant pas d’autres particularité constructive que celles d’une maison individuelle.

Ce permis de construire devait, toutefois, faire l’objet d’un recours en annulation fondé, notamment, sur la méconnaissance de l’article R.421-38-20 du Code de l’urbanisme relatif à la consultation préalable de la commission consultative départementale compétente au titre des règles concernant l’accessibilité des personnes handicapées, notamment, dans les ERP.

En première analyse, un tel moyen pourrait surprendre puisque, par principe, une construction a destination d’habitation ne constitue pas un ERP et qu’une maison individuelle ne relève pas de la législation sur l’accessibilité des personnes handicapées (art. R.111-18 ; CCH. Pour exemple : CAA. Bordeaux, 31 mai 2001, Epx Pezin, req. n°97BX02195).

Il reste qu’en l’espèce, ce bâtiment constituait une « maison témoin » destinée à assurer la promotion d’une activité commerciale et était, d’ailleurs, projetée sur le même terrain que celui où les exploitants avaient leur bureau de vente.

Or, l’article R.123-2 du Code de l’habitation et de la construction dispose que « pour l'application du présent chapitre, constituent des établissements recevant du public tous bâtiments, locaux et enceintes dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant une rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenues des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitation, payantes ou non. Sont considérées comme faisant partie du public toutes les personnes admises dans l'établissement à quelque titre que ce soit en plus du personnel ». Et en l’espèce, il était établi que cette « maison témoin » était édifiée dans le but d’accueillir la clientèle des exploitants aux fins d’offrir un exemple de leur produit, en l’occurrence des constructions modulaires en bois nordique. C’est pourquoi la Cour administrative d’appel de Douai a jugé que :

« Considérant que la demande de permis de construire déposée par la SCI LES EPOUX concerne une construction en bois d'une surface hors oeuvre nette totale de 308 m², sur un terrain où existait déjà un bâtiment de bureau d'une surface hors oeuvre nette de 729 m², et destinée à promouvoir son action commerciale de vente de matériaux et de constructions modulaires en bois nordique ; que, nonobstant la qualification qui lui est donnée de maison témoin, le bâtiment devant être ouvert à la clientèle, il constitue un établissement recevant du public au sens de l'article R.123-2 précité ».

On peut relever que la Cour s’est ainsi attachée non pas aux caractéristiques intrinsèques de la construction projetée mais à sa fonction au regard du bureau existant attenant et, par voie de conséquence, s’est prononcée sur la qualification de cette dernière en considération de cet ensemble. Sur ce point, on retrouve ici la méthode d’appréciation globale adoptée dans l’arrêt par laquelle cette même Cour avait précédemment jugé que :

« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, saisie du projet en litige prévoyant la construction d'une résidence de tourisme comprenant notamment un bâtiment d'accueil et cinq bâtiments à usage de logements collectifs, la commission de sécurité a proposé, suivant procès-verbal du 5 novembre 1998, de classer l'opération en cinquième catégorie, exemptée de la consultation requise par la réglementation des établissements recevant du public ; et qu'en conséquence elle n'a pas rendu d'avis sur le projet ; que, si la commune et la bénéficiaire de l'autorisation critiquée soutiennent à ce titre que seul le bâtiment d'accueil ressortit à ladite réglementation, il ressort des pièces du dossier que l'ensemble des constructions autorisées constitue une résidence de tourisme, comptant 379 lits, caractérisée par des modalités d'utilisation et d'habitation variables, des formes juridiques d'occupation diverses et affectée d'équipements et de services communs ; que, ladite résidence relevant ainsi en son entier de la législation régissant les établissements recevant du public, il appartenait à l'autorité administrative de recueillir un avis, sur le fond, de la part de la commission de sécurité compétente, préalablement à la délivrance du permis en litige ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles R. 123-1 et suivant du code de la construction et de l'habitation est susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation du permis de construire attaqué » (CAA. Douai, 20 décembre 2001, Association de défense du site d’Etretat, req. n°00DA00611).

Il reste qu’en l’espèce, la demande de permis de construire avait été instruite comme s’il s’agissait d’une simple maison individuelle et, par voie de conséquence, la commission visée par l’article R.421-38-20 du Code de l’urbanisme n’avait pas été consultée, ce qu’a donc sanctionné la Cour au terme du raisonnement suivant :

« Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme : « Pour les établissements recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux dispositions de l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation » ; qu'aux termes de l'article L. 111-7 de ce code dans sa rédaction alors applicable : « Les aménagements des espaces publics en milieu urbain doivent être tels que ces espaces soient accessibles aux personnes handicapées. » ; qu'aux termes de l'article L. 111-8 du même code : « Conformément au troisième alinéa de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme, le permis de construire ne peut être délivré, pour les établissements recevant du public, que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux dispositions de l'article L. 111-7. » ; qu'aux termes de l'article L. 111-8-1 : « Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative qui vérifie leur conformité avec les dispositions de l'article L. 111-7. » ; qu'aux termes de l'article L. 111-8-2 : « Ainsi qu'il est dit à l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, le permis de construire tient lieu de l'autorisation exigée au titre de la réglementation relative à l'accessibilité des établissements recevant du public et sa délivrance est précédée de l'accord de l'autorité compétente pour délivrer ladite autorisation » ; que selon l'article R. 421-38-20 du code de l'urbanisme : « Lorsque les travaux projetés sont soumis, au titre de l'accessibilité aux personnes handicapées, à l'autorisation de travaux prévue à l'article L. 111-8-1 du code de la construction et de l'habitation, le permis de construire est délivré après avis de la commission consultative départementale de la protection civile, de la sécurité et de l'accessibilité » ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la délivrance d'un permis de construire un établissement recevant du public doit être précédée de la consultation de la commission consultative de la protection civile, de la sécurité et de l'accessibilité, afin qu'elle émette un avis sur l'accessibilité de la construction projetée aux personnes handicapées ; que cette obligation, eu égard à l'objet de cette réglementation, qui est de permettre l'accès des personnes handicapées au plus grand nombre possible de lieux ouverts au public, est applicable à l'ensemble des établissements recevant du public, y compris à ceux dits de 5ème catégorie, dans lesquels l'effectif du public n'atteint pas le chiffre fixé par le règlement de sécurité ; qu'ainsi, s'il n'est pas contesté que la construction litigieuse n'est pas destinée à recevoir un effectif supérieur à ce chiffre, sa seule qualité d'établissement recevant du public rendait obligatoire la consultation de la commission ; qu'il est constant qu'il n'a pas été procédé à cette consultation ; qu'ainsi, le permis de construire délivré à la SCI LES EPOUX l'a été au terme d'une procédure irrégulière ; que, par suite, ce moyen justifiait la solution d'annulation retenue par le Tribunal administratif de Lille
».

Il faut ainsi souligner que, s’agissant des demandes de permis de construire portant sur une ERP, la consultation de la commission visée par l’article R.421-30-20 du Code de l’urbanisme est en toute hypothèse requise, y compris donc pour les ERP de cinquième catégorie. Précisions d’importance puisqu’en revanche, il est de jurisprudence bien établie que la consultation de la commission compétente au titre de la réglementation sur la sécurité dans les ERP (art. R.421-53 ; C.urb) n’est pas requise pour ceux de cinquième catégorie (pour exemple : CE. 17 juin 1996, SARL Scierie du Terrois, req. n°108.304) ; ce qui, toutefois, ne dispense pas le pétitionnaire de produire les documents prescrits par l’article R.421-5-2 du Code de l’administration de sorte à ce que l’administration puisse vérifier que l’établissement projeté relève bien de cette catégorie (CE. 16 juin 2006, Pierre-Manuel A., req. n°278.361 ; cf : note du 10 août 2006).


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
Cabinet Frêche & Associés

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