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L’élargissement de la voie motivant une cession gratuite du terrain doit être prévu à la date délivrance du permis de construire pour être pris en compte au titre de l’article R.111-4

Si eu égard à sa largeur, la voie assurant la desserte du terrain à construire ne répond pas aux prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme, la cession d’une portion de ce terrain, imposée au pétitionnaire au titre de l’article R.332-15 du Code de l’urbanisme, aux fins d’assurer son élargissement ne peut être prise en compte si les travaux projetés à cet effet ne sont pas prévus à la date de délivrance du permis de construire

CAA. Marseille, 4 mai 2006, EURL C2C, req. n°02MA021327

L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille du 4 mai 2006 apporte certaines précisions sur les conditions dans lesquelles les voies futures ou les futurs travaux d’aménagement des voies existantes peuvent être pris en compte aux fins d’établir la conformité d’une autorisation d’urbanisme aux prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il s’impose tant aux permis de construire et aux déclarations de travaux qu’aux autorisations de lotir.

On sait, en effet, qu’en application du principe selon lequel la légalité d’une autorisation d’urbanisme s’apprécie en considération des circonstances de droit et de fait présentes à sa date de délivrance, le terrain d’assiette d’une opération assujettie au respect des prescriptions de l’article précité doit, à la date de délivrance de ce dernier, être desserve par une voie présentant des caractéristiques techniques et fonctionnelles adaptées à l’importance et à la destination des constructions projetées, de sorte à garantir leur accessibilité et la sécurité tant de leurs occupants que des tiers.

Il peut, toutefois, arriver qu’à date où le pétitionnaire présente son projet à l’administration et, le cas échéant, obtient son permis de construire, le terrain d’assiette du projet soit enclavé ou desservi par une voie ne présentant pas les caractéristiques requises mais qu’en revanche, la réalisation d’une voie nouvelle ou l’élargissement d’une voie existante soient envisagée par l’administration.

La question est alors de savoir si ces travaux d’aménagement routier peuvent être pris en compte pour apprécier la conformité du permis de construire obtenu aux prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme. Il ressort des quelques affaires où le juge administratif ait eu à se prononcer sur cette problématique que des tels travaux peuvent être pris en compte pour autant qu’à la date de délivrance de l’autorisation attaquée, deux conditions soient réunies (toutefois, voir ici).

Au premier chef, la réalisation des travaux d’aménagement routier considérés doit avoir été effectivement planifiée, ce qui implique qu’elle ait à tout le moins fait l’objet d’une décision de principe de la collectivité compétente (CE. 28 juillet 2000, Cne de Decines-Charpieu, req. n°199.325. Voir également, à propos de l’illégalité d’un refus de permis de construire motivé par l’article R.111-4 en considération d’un projet de giratoire n’ayant fait l’objet d’aucune décision de principe : CAA. Lyon, 2 novembre 2004, M. Jaunay, req. n°98LY00089).

Mais bien plus, il est également nécessaire que la date de réalisation des travaux puisse être établie avec un certain degré de certitude. C’est ainsi que le Conseil d’Etat a jugé que le seul projet d’aménagement d’un passage non viabilisé ne pouvait être pris en compte dès lors que sa date de réalisation était incertaine (CE. 7 mai 1986, Mme Kindersmans, req. n°59.847 ; voir également : CAA. Bordeaux, 4 décembre 2003, Cne de Toulouse, req. n°99BX00686) et que le Tribunal administratif de Nice a considéré qu’il en allait de même à l’égard d’un projet d’élargissement d’une voie planifié par le POS dès lors que l’échéance et les modalités de réalisation de ce projet n’étaient pas arrêtées à la date de délivrance du permis de construire en cause (TA. Nice, 5 mars 1998, M. Macherez, req. n°94-03028).

On peut même raisonnablement penser que le seul fait que la date de réalisation des travaux soit connue ne suffirait pas si elle était trop éloignée. En toute hypothèse, force est de constater que dans l’une des rares affaires où le juge administratif a tenu compte de travaux d’aménagement routier futurs, ces derniers avait non seulement fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique mais étaient en outre en voie d’achèvement à la date de délivrance du permis de construire contesté (TA. Nice. 31 janvier 1984, Gianotti, req. n°83-0011 ; voir ici) et, à tous le moins, que cette achèvement soit prévu à brève échéance (voir là).

Il reste que dans ces affaires, il n’existait strictement aucun lien juridique entre les permis de construire attaqués et les projets d’aménagement considérés. En revanche, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, l’élargissement de la voie publique desservant les terrains objets des deux autorisations lotir contestées était évoqué par le lotisseur dans la mesure où, en application de l’article R.332-15 du Code de l’urbanisme, l’administration lui avait prescrit de céder une partie de ces terrains aux fins de procéder à cet élargissement.

La réalisation des lotissements projetés était donc conditionnée à ces cessions de terrains aux fins d’élargir la voie devant en assurer la desserte. Pour autant, la Cour administrative d’appel a jugé :

« Considérant que, par arrêtés en date du 17 octobre 2000 et du 8 novembre 2000, le maire de Marseille a autorisé l'EURL C2C à créer respectivement le lotissement «Verte Feuille» comprenant quatre lots sur un terrain, sis 50 traverse Montcault, et le lotissement «Le Clos Montcault» comprenant onze lots sur un terrain sis 67 traverse Montcault ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans d'accès, que les deux lotissements projetés doivent être implantés de part et d'autre de la traverse Montcalt, voie au profil particulièrement sinueux d'une longueur de 1.100 mètres, présentant en maints endroits une largeur insuffisante pour permettre à des véhicules de se croiser dans des conditions de sécurité suffisante ; que si les deux autorisations de lotir en litige étaient assorties d'une obligation de cession gratuite de terrain au profit de la Ville de Marseille en vue de permettre l'élargissement de la voie de desserte au droit de ces lotissements, les travaux d'aménagement de la chaussée n'étaient pas encore prévus aux dates auxquelles ces autorisations ont été délivrées ; qu'ainsi, alors que la voie de desserte des projets supporte déjà le trafic généré par les riverains, dans un quartier résidentiel, auquel viendra s'ajouter celui induit par les deux projets autorisés qui créeront au total 15 logements supplémentaires, le maire de Marseille, en délivrant ces deux autorisations de lotir à l'EURL C2C, a entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation ».

Dans cette affaire, la Cour a donc considéré que l’élargissement allégué ne pouvait donc être pris en compte pour apprécier la conformité des autorisations de lotir attaquées aux prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme puisque « les travaux d'aménagement de la chaussée n'étaient pas encore prévus aux dates auxquelles ces autorisations ont été délivrées » et qu’a fortiori, leur date de réalisation n’était pas alors connu et ne modifiait donc rien à la circonstance qu’à ces dates, la voie devant assurer la desserte des lotissements projetés était d’une largeur insuffisante pour permettre le croisement de deux véhicules.

Le seul fait que l’élargissement de la voie soit directement saisi par l’autorisation d’urbanisme en cause via une prescription imposée au titre de l’article R.332-15 du Code de l’urbanisme ne modifie donc en rien les conditions nécessaires pour que des travaux d’aménagement routier futurs puissent assurer la conformité d’un projet au regard de l’article précité.

Il faut dire qu’une telle prescription ne garantie pas à elle seule la réalisation des travaux de voirie la motivant dans la mesure où non seulement l’administration bénéficiaire n’a aucun délai pour les réaliser (Cass. civ. 20 janvier 2002, Epx Bourbigot, pourvoi n°010571) mais qu’en outre, celle-ci n’a même aucune réelle obligation de les exécuter puisqu’aucune disposition du Code de l’urbanisme ne lui impose de rétrocéder le terrain lorsqu’ils n’ont pas été réalisés (CE. 11 janvier 1995, Epx Thot, req. n°119.144).

Au surplus, on pouvait même s’interroger sur la légalité de la cession de terrain imposée au lotisseur dans cette affaire puisque la légalité d’une telle prescription semble subordonnée à l’existence d’un projet précis d’aménagement routier (en ce sens : CE. 20 juin 2006, M. et Mme Jean A…, req. n°281.253), ce qui n’était donc pas le cas en l’espèce.

Mais toute hypothèse, sans que cela ait nécessairement été le cas dans cette affaire, il résulte de cet arrêt que l’administration et le pétitionnaire ne peuvent que difficilement s’entendre sur l’édiction d’une prescription fondée sur l’article R.322-15 du Code de l’urbanisme dans le seul but assurer la conformité d’un projet de construction à l’article R.111-4 puisqu’il est nécessaire qu’à la date de délivrance du permis de construire en constituant le fait générateur, le projet de création, d’élargissement ou de redressement de la voie la motivant ait été précédemment établi de façon précise.


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet Frêche & Associés

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