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Les espaces verts affectés à une construction existante sont inconstructibles et ne peuvent donc pas faire l’objet d’un nouveau permis de construire

Dès lors que les espaces verts affectés à une construction existante l’ont été aux fins d’assurer la conformité de cette dernière aux prescriptions du règlement local d’urbanisme en vigueur à la date de délivrance du permis de construire en ayant autorisé l’édification, ces espaces ne peuvent pas faire l’objet d’un nouveau permis de construire tendant à l’implantation de nouveaux bâtiments.

CAA. Bordeaux, 23 avril 2007, SA d’HLM de la Réunion (SHLMR), req. n°04BX00509


L’arrêt commenté a pour intérêt de transposer aux espaces verts une solution précédemment retenue à l’égard des aires de stationnement tout en en précisant la portée.

Dans cette affaire la société d’HLM de la Réunion avait formulé deux demandes de permis de construire en vue de l’édification de deux bâtiments, lesquelles devaient toutefois être rejetés au motif que ces bâtiments étaient projetés sur des espaces verts affectés à un ensemble immobilier autorisé par un permis de construire délivré près de six ans auparavant, lesquels avaient été prévus aux fins d’assurer la conformité de ce dernier aux prescriptions d’urbanisme alors en vigueur. Précisément, la Cour administrative d’appel de Bordeaux devait valider se motif en jugeant que :

« Considérant que la société SHLMR a demandé en juillet 2002 l'autorisation de construire deux bâtiments, comprenant dix logements chacun, sur deux parcelles où sont implantés des immeubles à usage d'habitation en vertu d'un permis de construire qui lui avait été accordé le 21 octobre 1996 ; qu'il ressort des pièces du dossier que la délivrance dudit permis, qui autorisait la construction de dix-sept bâtiments comportant 212 logements, était subordonnée à l'aménagement d'espaces verts collectifs que constituaient les terrains d'assiette des nouveaux projets ; que cette prescription doit être regardée comme ayant eu notamment pour objet d'assurer le respect des dispositions de l'article NAU 1 du règlement de la zone NAU dont relevaient alors ces terrains et qui imposaient la création d'une aire de jeux de 100 mètres carrés par tranche de 10 logements réalisés en habitat collectif ; que l'affectation ainsi donnée à ces terrains faisait obstacle à ce qu'ils fussent totalement consacrés à la construction de nouveaux bâtiments et à la réalisation d'aires de jeux ou de loisirs réservées aux seuls habitants desdits bâtiments ; que le moyen tiré par la société requérante de ce que les terrains en cause étaient classés, à la date des refus contestés, dans la zone UA, doit être en tout état de cause écarté, dès lors que le règlement applicable à cette zone maintient une « obligation d'aménager des espaces verts collectifs » pour les logements groupés et n'autorise pas à priver les immeubles existants de la totalité des aires de loisirs à l'aménagement desquelles leur construction était subordonnée ; qu'il suit de là que l'autorité administrative était tenue de refuser les permis de construire demandés en juillet 2002 par la SHLMR ».

En substance, la Cour a donc jugé que les espaces verts aménagés au titre d’un précédent permis de construire étaient donc, par principe, inconstructibles dès lors qu’ils avaient été prévus aux fins d’assurer la conformité du projet aux normes d’urbanisme alors en vigueur. En cela, l’arrêt commenté va donc dans le même sens de la décision par laquelle le Conseil d’Etat avait jugé, en matière d’aires de stationnement, que :

« Considérant que M. Pouchoulon a présenté en 1983 une demande de permis de construire en vue de l'édification d'un bâtiment à usage d'entrepôt sur une parcelle issue de la division d'un terrain où était implanté un immeuble à usage d'habitation construit par la société civile immobilière Brandis-Berceau, en vertu d'un permis de construire accordé le 6 novembre 1961 ; qu'il ressort des pièces du dossier que la délivrance dudit permis était subordonnée à la création sur la parcelle en cause d'emplacements de stationnement, en nombre égal au nombre des logements prévus ; que l'affectation ainsi imposée à ladite parcelle faisait obstacle, alors que, contrairement aux allégations de la requête, il ne résulte pas de l'instruction que ces places de stationnement aient été créées, à ce que le permis de construire sollicité par M. Pouchoulon lui fût accordé ; que, dès lors, M. Pouchoulon n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 9 novembre 1983 lui refusant ce permis » (CE. 1er décembre 1989, Pouchoulon, req. n° 75.466. Dans le même sens, au sujet d’aires de stationnement effectivement aménagées : TA. Strasbourg, 16 avril 2002).

Mais au regard de cette jurisprudence, l’arrêt commenté apporte une précision importante. En effet, toute la question était de savoir si l’obligation de maintenir les aires affectées au stationnement des véhicules par une précédent permis de construire consistait en une obligation de maintenir la conformité du projet tel qu’il avait autorisé par ce permis et/ou d’assurer la conformité de l’immeuble existant au regard des prescriptions d’urbanisme en vigueur au moment des travaux ultérieurement projetés.

A cette question, le Tribunal administratif de Versailles avait apporté une ébauche de réponse en jugeant illégal un permis de construire prévoyant un nombre de places de stationnement répondant aux prescriptions de l’article 12 du règlement local d’urbanisme mais dont une partie devait être réalisée en lieu et place d’aires de stationnement attachées à un bâtiment précédemment édifié en exécution d’un premier permis de construire puisqu’en cumulant le nombre des places projetées et le nombre des places maintenues, leur nombre total était inférieur à celui exigible en considération des deux bâtiments mais ce, au regard des normes alors en vigueur (TA. 27 mai 2003, M. Leotoing, req. n°013.208).

Mais pour sa part, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a clairement rejeté la requête dirigée à l’encontre des refus de permis de construire opposés à la société d’HLM requérante :

- à titre principal, parce que l’édification des bâtiments projetés sur les espaces verts affectés à la construction existante aurait pour effet de rendre cette dernière non conforme au permis de construire l’ayant précédemment autorisé et, par voie de conséquence, non conforme aux normes d’urbanisme en considération desquelles ce dernier avait été délivré ;
- et à titre subsidiaire seulement, parce que l’utilisation de ces espaces verts en tant que terrain à construire aurait eu pour effet de rendre la construction existante irrégulière au regard des nouvelles prescriptions d’urbanisme opposables à la date des refus contestés.

Une telle solution induit donc que la conformité d’un ouvrage au permis de construire l’ayant autorisé doit être maintenue et, c’est selon nous l’élément déterminant, ne peut être indirectement remise en cause par une nouvelle autorisation ne portant pas sur ce dernier ; rien n’interdisant, bien entendu, de modifier la consistante d’une construction existante à la faveur d’une autorisation d’urbanisme portant directement sur celle-ci pour autant que les modifications projetées soient conformes aux normes alors en vigueur.

En substance, il est donc nécessaire que soit maintenue une stricte concordance entre l’état physique d’une construction et son état légal, lequel résulte de l’autorisation en ayant permis la construction, tant que cette existence légale n’a pas été modifiée par une nouvelle autorisation ou, le cas échéant, par l’exécution de travaux dispensés de toute formalité mais autorisés par les prescriptions d’urbanisme alors en vigueur.

Et pour conclure, on peut relever que la Cour administrative d’appel de Bordeaux a également souligner que l’affectation des espaces verts existants s’opposait à ce que ces derniers soient utilisés en tant qu’aire de jeux et de loisirs affectés aux constructions projetées ; ce qui peut être rapproché de la jurisprudence selon laquelle des aires de stationnement ne peuvent être régulièrement affectées à plusieurs constructions pour satisfaire aux prescriptions de l’article 12 du règlement local d’urbanisme (pour exemple : CE. 8 décembre 1976, Epx Guihur, req. n°99.280) mais également, et plus spécifiquement, de l’arrêt par lequel le Conseil d’Etat, saisi d’une même requête dirigée contre deux permis de construire distincts délivrés le même jour sur un même terrain mais à deux pétitionnaires différents, a recherché si les prescriptions de ces permis relatives, notamment, à l’aménagement des espaces verts étaient réalisables compte tenu de la superficie du terrain mais ce, non pas isolément, projet par projet, mais au regard de l’opération prise dans sa globalité, telle qu’elle résultait de la combinaison des deux permis de construire, pour ainsi juger, en substance, que ces permis étaient illégaux dès lors que la réalisation des espaces verts prescrits par l’un s’opposer à la réalisation de deux prescrits par l’autre (CE. 10 mar 1989, SCI « Le Deauville », req. n° 69.451).


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

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