Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

L’élargissement d’une voie motivant une cession de terrain prescrite au titre de L.332-6-1 2° du Code de l’urbanisme ne peut plus être pris en compte pour apprécier les conditions de desserte du terrain

Même prescrite avant la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2010, une cession de terrain en vue de l’élargissement de la voie desservant le terrain à construire ne peut pas être prise en compte pour apprécier la légalité d’un permis de construire dès lors qu’en raison de l’inconstitutionnalité d’une telle prescription, cet élargissement ne saurait être mise en œuvre.

CAA. Marseille, 21 octobre 2010, Madame Tardieux., req. n°08MA03841 (voir également ici)


Dans cette affaire, un permis de construire avait été délivré, le 13 juillet 2004, en vue de l’édification de deux bâtiments destinés à l’hébergement provisoire de personnes en difficultés ainsi qu’à un usage de bureaux. Celui-ci devait cependant faire l’objet d’un recours en annulation motivé, notamment, par la prétendue insuffisance de la desserte du terrain à construire au regard de l’ancien article R.111-4 du Code de l’urbanisme et de l’article 3 du règlement local d’urbanisme applicable ; la requérante faisant grief à la voie existante desservant le terrain de ne pas être adaptée à cet effet compte tenu principalement de sa largeur.

Il reste qu’en application de l’article L.332-6-1 2° du Code de l’urbanisme en vigueur au moment de sa délivrance, le permis de construire en litige avait prescrit au pétitionnaire la cession d’une partie du terrain d’assiette des bâtiments projetés aux fins précisément d’élargir cette voie. Mais si les parties défenderesses devaient se prévaloir de ce projet d’élargissement, la requérante devait pour sa part soutenir qu’il ne pouvait être pris en compte dès lors qu’il n’était pas assez précis et avancé à la date de délivrance de l’autorisation contestée.

On sait, en effet, que la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance en considération du projet présenté par le pétitionnaire, tel qu’il apparaît à l’examen du dossier déposé à cet effet. Par voie de conséquence et par principe, seuls les aménagements dont la réalisation est autorisée par le permis de construire et ceux existants à la date de délivrance de ce dernier peuvent être pris en compte pour apprécier sa légalité.

Il ressort toutefois de la jurisprudence rendue en la matière que des équipements futurs ne relevant pas de la demande peuvent être pris en compte pour autant qu’à la date de délivrance du permis de construire, il soit possible de considérer que la réalisation de cet équipement est quasi-certaine (pour un exemple CE. 28 juillet 2000, Cne de Decines-Charpieu, req. n°199.325). En substance, il est ainsi nécessaire que :

- tout d’abord, la réalisation de l’équipement considéré soit planifiée, c’est-à-dire ait donné lieu à une décision de l’autorité compétente (pour exemple : CE. 7 mai 1986, Kindermann, req. n°59.847) ;
- ensuite, les modalités et les délais de réalisation de cet équipement soient arrêtés (pour exemple : CE. 28 juillet 2000, Cne de Decines-Charpieu, req. n°199.325) ;
- enfin, cet équipement ait vocation à être achevé à brève échéance (CAA. Bordeaux, 12 février 2007, M. Jacques Y, req. n°04BX00214 ; CAA. Marseille, 13 janvier 2005, Michèle X…, req. n°01MA00466).

Si certaines décisions jurisprudentielles ont pu faire preuve d’une plus grande souplesse (pour exemple : CAA. Nancy, 28 janvier 2008, Cne de Beuvilliers, req. n°06NC01550), il reste que pour sa part la Cour administrative d’appel de Marseille avait déjà eu l’occasion de juger qu’une cession de terrain prescrite en vue de l’élargissement d’une voie ne pouvait être prise en compte pour apprécier la desserte du terrain lorsque ce projet d’élargissement n’était pas établi à la date de délivrance du permis de construire la prescrivant (CAA. Marseille, 4 mai 2006, EURL C2C, req. n°02MA021327). Et pour cause puisque la légalité d’une telle prescription impose que le projet l’a motivant soit défini à sa date d’édiction (CE. 20 juin 2006, M. et Mme Lamy, req. n°281.253).

En revanche, lorsque tel est bien le cas, cet élargissement semble alors pouvoir être pris en compte ; c’est du moins ce qu’avait pu juger la même Cour (CAA. Marseille, 11 juin 2008, Maguy X., req. n°05MA02129) et ce, alors même qu’une telle prescription ne garantie pas à elle seule la réalisation des travaux de voirie la motivant dans la mesure où non seulement l’administration bénéficiaire n’a aucun délai pour les réaliser (Cass. civ. 20 janvier 2002, Epx Bourbigot, pourvoi n°010571) mais qu’en outre, celle-ci n’a même aucune réelle obligation de les exécuter puisqu’aucune disposition du Code de l’urbanisme ne lui impose de rétrocéder le terrain lorsqu’ils n’ont pas été réalisés (CE. 11 janvier 1995, Epx Thot, req. n°119.144).

Mais dans cette affaire, la Cour n’a donc pas examiné le moyen présenté sur point par la requérante mais s’est prononcée en conséquence de la décision n° 2010-33 QPC du 22 septembre 2010 par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l’article L.332-6-1 2° du Code de l’urbanisme, tout en précisant que « la présente déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; (elle) peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelle » :

« Considérant que le permis tenais compte de l’élargissement de l’avenue Lorenzi grâce à la cession gratuite de 10 % du terrain par les requérants, en application de l’article L 332-6-1 2° du code de l’urbanisme aux termes duquel : « e) Les cessions gratuites de terrains destinés à être affectés à certains usages publics qui, dans la limite de 10 % de la superficie du terrain auquel s’applique la demande, peuvent être exigées des bénéficiaires d’autorisations portant sur la création de nouveaux bâtiments ou de nouvelles surfaces construites » ; que, toutefois, ces dispositions ont été abrogées par le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n°2010-33 QPC du 22 septembre 2010, applicable aux litiges en cours »

En premier lieu, l’arrêt commenté confirme donc qu’une instance relative à la légalité d’un permis de construire au regard des normes d’urbanisme ayant trait à la desserte du terrain à construire constitue une instance « dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelle ».

Le cas échéant, l’inconstitutionnalité d’une cession gratuite prescrite avant le 23 septembre 2010 – date de publication de la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre précédent – peut donc être invoquée dans le cadre d’un recours en annulation à l’encontre d’un permis de construire précédemment introduit : la portée de cette décision n’est donc cantonnée au contentieux de la légalité des participations prescrites au titre de l’article L.332-6-1du Code de l’urbanisme ou au contentieux de la restitution des participations indument imposées ou obtenues (art. L.332-30 ; C.urb).

Toutefois, la Cour administrative d’appel de Marseille n’a donc pas considéré que l’inconstitutionnalité de la participation prescrite par l’arrêté de permis de construire contesté affectait d’illégalité ce dernier.

Il est vrai qu’en principe, une telle participation est divisible du permis de construire qui l’édicte : son illégalité n’emporte donc l’annulation de cette autorisation qu’en tant qu’elle l’a prescrite (CE, 8 févr. 1985, Raballand, n°40184). Par exception, l’illégalité d’une telle prescription peut toutefois emporter l’annulation totale du permis de construire l’ayant édictée lorsqu’elle tend à la réalisation ou à l’élargissement d’une voie nécessaire à la conformité du projet autorisé au regard des normes d’urbanisme lui étant opposables.

Il reste que le seul fait que les travaux d’aménagement routiers motivant une cession gratuite aient vocation à participer à la desserte du terrain à construire ne suffit pas à considérer que la prescription imposant cette cession est indivisible du projet. A titre d’exemple, ce n’est qu’après avoir constaté que, d’une part, la cession gratuite prescrite n’était pas juridiquement réalisable puisque portant sur une bande de terre dont le pétitionnaire n’était pas propriétaire et que, d’autre part, la voie existante desservant le terrain n’était pas adaptée à la construction autorisée que le Conseil d’Etat a annulé le permis de construire s’y rapportant au titre de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme alors applicable (CE. 12 octobre 1988, Ministre de l’Equipement, req. n°79.175).

Bien qu’ayant relevé que « le permis tenait compte de l'élargissement » de la voie motivant la cession gratuite, c’est cette démarche qu’a adopté la Cour en l’espèce.

« Considérant qu’il en résulte que le terrain d’assiette est desservi par l’avenue Lorenzi, en sen unique, d’une largeur, qui ne pourra plus être modifiée, de 5 à 6 mètres ; que, toutefois, cette largeur, qui, certes, participera à un accroissement limité des difficultés de circulation, permet une desserte suffisante du projet ; que, si M. et Mme TARDIEUX font valoir que l’accès au parking des bâtiments par un ascenseur à partir de la rue nécessitera un temps d’attente des véhicules sur cette voie et présentera ainsi un risque pour les usagers de la voie publique et pour les habitants de l’immeuble, ces conditions d’accès peuvent avoir ponctuellement des incidences sur les conditions générales des circulation mais ne créent pas de risques particuliers liés à la desserte du projet au sens de l’article R. 111-4 du code de l’urbanisme et de l’article UB 3-1 du règlement du plan d’occupation des sols ; qu’enfin il n’est pas établi que le projet, qui prévoit des places de stationnement en sous-sol pour les résidents, engendrera des difficultés de stationnement accrues dans le quartier : que, par suite, le maire a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation sur la desserte envisagée du projet, délivrer le permis de construire attaqué »

C’est ainsi qu’après avoir constaté qu’en l’état la voie desservant le terrain à construire était adaptée à la desserte du terrain à construire et à l’opération projetée, la Cour a rejeté le moyen tiré de la méconnaissance de l’ancien article R.111-4 et de l’article 3 du règlement local d’urbanisme applicable.

Mais surtout, la Cour a donc rejeté l’ensemble du recours et, partant, valider le permis de construire dans l’ensemble de ses dispositions, y compris pour celle prescrivant la cession gratuite d’une partie du terrain à construire ; la requérante ne semblant avoir formulée aucune conclusion spécifique à son encontre.

Néanmoins, la Cour a souligné qu’en conséquence de l’inconstitutionnalité de cette prescription, la largeur de la voie dont l’élargissement avait motivé cette prescription « ne pourra plus être modifiée ».

Comme on le sait, la principale difficulté générée par la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2010 a trait au cas des permis de construire délivrés avant la publication de cette décision lorsque la cession ainsi prescrite n’a pas été encore réalisée.

En effet, en application de l’article 62 de la Constitution, la décision du 22 septembre 2010 a seulement abrogé l’article L.332-6-1 du Code de l’urbanisme ; la suppression de l’ordonnancement juridique de cet article n’intervenant donc que pour l’avenir.

Or, la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance et, en outre, la « cession gratuite » compte parmi les prescriptions dont le permis de construire constitue le seul fait générateur : même réalisée après le 23 septembre 2010, une cession intervenant en conséquence d’un permis l’ayant prescrite avant cette date ne serait donc que l’exécution conforme d’une prescription conforme à la Constitution à sa date d’édiction.

D’ailleurs, même si cette abrogation constitue une modification des circonstances de droit susceptible de priver de base légale les prescriptions édictées avant le 23 septembre 2010, on voit mal comment ces prescriptions et/ou les cessions en résultant pourraient être contestées ou remises en cause ; du moins à s’en tenir à la « lettre » de la décision du 22 septembre 2010.

En effet, quel que soit l’acte attaqué, toute action en ce sens impliquerait nécessairement d’invoquer l’abrogation et donc, indissociablement, l’inconstitutionnalité de l’article L.332-6-1 alors qu’il résulte de la décision du 22 septembre 2010 que cette inconstitutionnalité ne peut être invoquée que « dans les instances en cours » au 23 septembre 2010.

Il reste que le commentaire de cette décision paru aux Cahiers du Conseil constitutionnel indique que : « afin de donner un effet utile à la procédure, précisé que la déclaration d’inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances qui sont en cours à cette date et dont l’issue dépend de l’application de la disposition déclarée inconstitutionnelle. Il n’a donc pas remis en cause, dans un souci de sécurité juridique, les situations définitivement acquises à la date de l’abrogation ».

Or, même lorsqu’elle n’est plus contestable au regard du délai de recours à son encontre, force est de considérer que le seul fait de prescrire une cession gratuite de terrain ne créé pas une situation définitivement acquise dès lors qu’une telle prescription n’emporte pas en elle-même le transfert de propriété dudit terrain (CAA Lyon, 28 juil. 1999, Sté Immob. du Verdect, req. n°95LY00277). Ce transfert requiert en effet la passation d’un acte authentique dont la signature doit être autorisée par une délibération du Conseil municipal, laquelle peut faire l’objet d’un recours en annulation fondé sur l’illégalité de la prescription initiale, quand bien même celle en cause serait définitive (TA. Montpellier, 19 mars 2009, req. n°06-05866).

Bien que la « lettre » de la décision du 22 septembre 2010 n’aille pas nécessairement en ce sens, l’inconstitutionnalité de l’article L.332-6-1 du Code de l’urbanisme semble néanmoins s’opposer à la réalisation des cessions prescrites avant le 23 septembre.

En tout état cause, tel est le sens de la solution dégagée par cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille : même prescrite par un permis de construire antérieur dont la légalité n’est pas contestée sur ce point, une cession gratuite de terrain ainsi que le projet l’a motivant ne peuvent plus être réalisés.

Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés
 

Commentaires

  • outre la question des accès que tu relèves, celle du respect des règles de prospect se pose également, puisque lorsque des constructions sont prévues en limite de la voirie, par exemple, elles le sont après cession... si la cession est annulée, la construction prévue n'est plus en limite, ce qui peut permettre d'obtenir l'annulation d'un PC accordant de facto cette réalisation en violation flagrante des règlements locaux !

    je relève d'ailleurs qu'en suivant le raisonnement de cet arrêt, un tel moyen peut être soulevé en appel, puisqu'il relève de la même cause juridique que les autres moyens qui auront été soulevés en première instance relatifs au non-respect du règlement de POS/PLU...

  • Par principe, il n'y a(vait) pas vraiment lieu de tenir compte de l'élargissement de la voie puisque l'article R.332-15 précise "Si un coefficient d'occupation du sol a été fixé, la superficie des terrains ainsi cédés gratuitement est prise en compte pour le calcul des possibilités de construction. Il en est de même pour la définition de la densité d'une construction au regard du plafond légal. Ces dispositions ne font pas obstacle à l'application de l'ensemble des autres règles et servitudes d'urbanisme"

  • mais si bien sur, justement !
    le R332-15 permet de conserver le COS attaché à la partie cédée, donc avant cession... mais toutes les autres règles sont appréciées après cession, notamment celles relatives aux prospects.

    si le PLU impose une distance soit nulle soit à un minimum de 3m. entre voie et construction.
    cette distance est mesurée après cession... donc la construction doit s'implanter soit à 1m. soit à 4m. de la voie existante si la cession prévue concerne 1m.
    L'annulation de la cession remet la construction à 1m. ou 4m.... et à 1m. elle est irrégulière ... et le PC devait être refusé.

  • Bonjour,

    Lorsqu'un permis de construire est assorti d'une cession gratuite, les régles d'implantation de la construction doivent tenir compte de la configuration de la parcelle après intervention de la cession :
    "qu'il est vrai également qu'il y a lieu de tenir compte de la nouvelle emprise de la route départementale qui résultera du projet d'élargissement en vue duquel le permis de construire délivré à M. et Mme Bauwens a prescrit la cession gratuite de 95 m2 (CAA Lyon 8 mars 2007 N° 05LY01304).
    Si le document d'urbanisme impose une superficie minimale, il est également tenu compte de la superficie du terrain telle qu'elle sera après l'intervention de la cession (CE 6 novembre 1995 N° 140.512, N° 140.635).
    Seul le COS est calculé sans tenir compte de la superficie cédée par application de l'article R 332-15 du code de l'urbanisme.
    Bien à vous.

  • Attention, je répondais (certes de façon un peu courte) à Emmanuel.

    En droit, les choses ne sont pas censées se passer comme çà. Trois points :

    1.- Même si c'est très souvent le cas en fait, la cession n'a pas à être "négociée" en amont : le pétitionnaire n'est donc pas tenu ou censé élaborer son projet en tenant compte de l'éventualité d'une cession.

    2.- La cession est une faculté et pas une obligation ;

    3.- L'administration est tenue de délivrer le PC si le projet est conforme aux règles d'urbanisme applicables et commet une faute en délivrant un PC illégal.

    Donc lorsque la cession envisagée aurait pour effet de rendre le projet non conforme, cette circonstance a pour effet d'interdire à l'administration de la prescrire puisqu'en délivrant le PC l'a prescrivant elle commetrait une illégalité fautive. En revanche, si elle délivre le PC sur la seule base du projet présenté par le pétitionnaire et si celui-ci est conforme en l'état, elle ne commet aucune faute puisqu'elle n'a pas l'obligation de prescrire la cession. Partant, il me semble (mais j'ai pas regardé la jp sur ce point) difficilement concevable que l'administration puisse légalement rejeté une demande portant sur un projet conforme en lui-même au motif qu'il ne lui permet pas d'exercer une faculté dont la mise en oeuvre aboutirait alors à la délivrance du PC illégal.

  • non, là tu n'es pas bon : l'arrêt Conseil d'Etat, 8 / 9 SSR, du 6 novembre 1995, 140512 mentionné par Isabel Léon est très clair en ce sens.

  • Mais sur quoi ???

    Sur le fait que l'administration commet nécessairement une illégalité fautive en prescrivant une cession rendant le projet non conforme et donc en délivrant un PC illlégal de ce fait ? Pas d'accord ?

    Sur le fait que si le projet objet de la demande est conforme en l'état, l'administration doit s'abstenir de commettre l'illégalité fautive qui consisterait à prescire, alors que rien ne l'y oblige, une cession qui rend le projet non conforme ? Si elle peut le faire ?

    Sur le fait que l'administration ne peut légalement fonder un refus de permis de construire motivé par le fait que le projet initialement soumis par le pétitionnaire sans tenir compte d'une éventuelle cession est certes conforme mais ne le serait plus si l'administration usait d'une faculté ? ça aussi elle peut ?

    tu me cites que des cas où le PC a été annulé et donc où l'administration a fait une "connerie" en prescrivant la cession !

    LE PETITIONNAIRE, qui n'a pas en droit à tenir compte d'une éventuelle cession dont il ne sait pas si elle sera prescite ou non, est "bon" dès lors que son projet est conforme aux règles d'urbanisme applicables à son projet. Quand c'est bien le cas, son risque tient à la prescription d'une cession rendant son projet non conforme et emportant l'annulation de son PC en raison d'une illégalité fautive engageant la responsabilité de l'aministration.

    L'article R.332-15 - on est dans le titre troisième - n'est pas une norme d'urbanisme opposable aux projets mais une règle définissant et limitant les pouvoirs de l'administration.

    Donc trouve(z) moi un arrêt non pas annulant un PC mais validant un refus de PC au motif de la non conformité du projet établie en tenant compte de ce qu'il en aurait été si l'administration avait prescit une cession de terrain... et là tu pourras me dire que cet article en tant qu'il précise que " ces dispositions ne font pas obstacle à l'application de l'ensemble des autres règles et servitudes d'urbanisme" n'est pas une limite pour l'administration mais une norme opposable au pétitionnaire dont il doit tenir compte.

  • ce n'est pas la cession qui est illégale dans l'arrêt que j'ai cité mais le CU positif : la commune devait donc rendre une réponse négative au CU.

  • certes, mais l'acte en cause est un CU dont l'objet n'est en rien transposable à un PC...

    D'ailleurs, si je te suis le sens de cet arrêt implique un refus de CU en considération d'une cession que l'administration ne pourra pas pas prescrire puisque ne pouvant pas légalement délivrer le PC en vue duquel le CU avait été sollicité.

    Or, au regard de l'objet d'un CU, cet arrêt ne signifie aucunement que je peux et donc dois t'opposer un refus de PC si je ne peux pas te prescrire une cession sans rendre ton projet non conforme.

    D'ailleurs, si je te suis d'une façon plus générale une cession gratuite serait toujours le support indivisible du PC qui l'a prescrit puisque l'administration serait réputée avoir instruit la conformité du projet au regard des effets de cette cession. Or, tel n'est pas le cas.

  • L'autorité administrative n'était jamais tenue d'imposer une cession gratuite de terrain. Lorsqu'elle le faisait, elle devait s'assurer de ce que cette cession n'entrainait pas l'illégalité du permis de construire qu'elle délivrait (CAA Paris 1er juin 1999 N° 96PA04431). Le pétitionnaire aurait peut être pu contester la légalité de cette cession gratuite en tant qu'elle rendait son projet non conforme.

  • oui, mais les PC accordés avant la décision du CC et faisant l'objet d'un recours contentieux pourront être déclarés illégaux au motif que la légalité du projet doit désormais être appréciée hors cession, y compris pour les règles d'accès au terrain et -ce qui m'intéresse- pour les règles de distances des constructions à la voie... et que l'impossibilité de mettre en oeuvre la cession prévue rend le projet non conforme aux règles d'urbanisme alors qu'il l'était avec cession.

    on est exactement dans le cas contraire, symétrique en fait de l'arrêt de la cour d'appel de Paris pré-cité.

    on est confronté à des PC imposant des cessions gratuites qui deviennent irréguliers parce que la cession gratuite ne pourra pas être mise en oeuvre... et, s'agisssant d'un problème de constitutionnalité remontant à la promulgation même du L332-6-1 2° e), n'aurait jamais dû être imposée.

  • Cette discussion a déjà eu lieu et nous savons combien les 2 options défendues ont chacune leurs partisans…..°)))
    Sur ce même blog ou ailleurs, j’avais déjà eu l’occasion de citer l’application faite par certaines grandes villes qui appréciaient le nombre lots de lotissements possibles à réaliser en tenant compte de la superficie après cession…..ce qui avait pour effet, parfois de perdre un lot.
    Malgré l’arrêt de Madame Léon, ces mêmes villes estimaient qu’un terrain ne possédant pas après cession la superficie minimale imposée devenait inconstructible…….
    Ceci rajoutant à la confusion…….
    Le tout sachant que dans la plupart des cas, l’alignement délivré était totalement illégal, ne résultant pas d’un arrêté d’alignement et la cession tout autant ne résultant pas non plus d’un document suffisamment avancé.
    Outre l’intérêt premier de cette réponse du Conseil Constitutionnel, nous pouvons espéré, par ricochet une meilleure délivrance des arrêtes d’alignement plus conforme au droit…….tant que les élus resteront dans l’attente d’une réaction du législateur déjà dans les cartons des questions ministérielles.

  • Exactement Isabel & Tout à fait d'accord sur ce point Emmanuel.

    Mais précisément ce problème tient à une "pratique de fait" contraire au "sens" du droit. Pour avoir la "certitude factuelle" d'avoir mon PC je négocie la cession et élabore en conséquence mon projet. Et donc aujourd'hui, je l'ai dans le baba si mon PC n'est pas totalement définitif.

    Sauf que si je m'en étais tenu aux règles d'urbanisme - ou si plus précisément l'administration avait bien voulu me laisser faire ainsi - sans anticiper une hypothétique prescription qui n'est pas acquise en droit, je n'aurais pas ce problème.

    J'aurais juste celui d'un refus de PC motivé par le mécontentement d'une ville que je ne peux attaquer sans y être "blacklisté" ...

  • on est donc tous d'accord !
    ce qui peut faire craindre le pire, parce que ce "problème", comme tu le qualifies, est quasi général... et donc les PC en cours d'instance contentieuse risquent de se voir annulés à tour de bras...sur ce motif !

  • Bonjour Mesdames, Messieurs,
    Permettez-moi de m'adresser à vous qui semblez être des personnes averties dont les connaissances m'amène à vous solliciter: Je ne ferai pas avancer vos discussions mais je cherche désespérément des conseils pour un couple d'amis dans une situation désastreuse: ils ont entamé la rénovation de leur maison avec une autorisation de travaux et lors de la démolition de murs porteurs, le maçon, voyant l'état des fondations, leur a fait signé une décharge quant à sa responsabilité si les deux murs restants venaient à s'effondrer. Or, après constat de l'état piteux des dits murs, ils ont accepté sa proposition de tout faire tomber et de tout reconstruire dans la foulée. Mais un litige entre le maître de chantier et le maçon a décidé ce dernier à abandonner le chantier, les laissant avec un tas de cailloux, sans permis de démolir ni permis de construire, le tout sur un terrain qui figure sur le POS (ou PLU, je ne sais pas) en zone ND. Ils sont abattus et ne savent pas comment réagir, ni quels sont leurs droits. Pourriez-vous me fournir des idées à leur soumettre, une explication détaillée de ces articles 111-3 et 332-6, je crois, qui légifèrent ce type de situation. Merci beaucoup pour votre aide. N'ayant pas vraiment de place sur votre forum, vous pouvez me répondre à l'adresse safran@no-log.org

  • Sur le sujet, dans le même sens: CAA. Marseille 21 octobre 2010, req. n°08MA05288

    http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000023038668&fastReqId=1788902536&fastPos=1

  • La décision du Conseil Constitutionnel a censuré les cessions gratuites de terrains induites par l'article R.332-15 du code de l'urbanisme. Mais en y regardant de près, le Conseil n'a pas vraiment censuré cette pratique, en effet, cette disposition est devenue inconstitutionnelle au motif qu'elle devait ressortir du législatif et non du réglementaire : mécanisme de l'incompétence négative. Quoiqu'il en soit, il existe une autre cession sur emplacement réservé telle que défnie par l'article R.123-10 alinéa 3 du code de l'urbanisme. A mon sens, la décision du Conseil Constitutionnel ne s'applique pas à cette cession.

  • mais certain auteur indique déjà que cette autre cession lui sera soumise, ainsi que la L130-1 : voir Droit Administratif n° 11, Novembre 2010, repère 10, Procédés de l'urbanisme ordinaire au crible de la QPC, Repère par Jean-Bernard AUBY

  • L'article L 318-3 du code de l'urbanisme permet le transfert d'office et sans indemnité des voies privées ouvertes à la circulation publique dans les ensembles immobiliers.
    Cette disposition a été jugée conforme à la constitution dans une décision du 6 octobre 2010 (QPC 2010-43).
    Une cession gratuite de terrain ne constitue donc pas, en soi, une atteinte au droit de propriété.
    En l'occurrence, le Conseil Constitutionnel relève en effet que l'article L 318-3 vise uniquement les voies privées ouvertes à la circulation publique, ce qui suppose une action ou une inaction des propriétaires de la voie qui peuvent à tout moment en interdire l'accès au public.

    Le Conseil Constitutionnel relève aussi que toute indemnisation n'est pas exclue si le transfert de propriété entraîne pour le propriétaire une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi.

    Le Conseil Constitutionnel relève enfin l'existence d'une contrepartie pour les propriétaires qui se voient ainsi décharger de l'obligation d'avoir à entretenir cette voie, le transfert de propriété s'accompagnant ici d'un transfert de charges.
    La cession gratuite de terrain prévue à l'article R 123-10 3ème alinéa suppose que le propriétaire accepte cette cession. Il ne s'agit donc pas d'une obligation. Cette cession peut s'accompagner d'une contrepartie puisque le propriétaire bénéficie du droit à construire correspondant au COS affecté à la partie du terrain cédé gratuitement et peut le reporter sur la partie du terrain demeurant sa propriété.
    Bien à vous

  • Suite à la circulaire du 12/11/10 relative à l'inconstitutionnalité de la cession gratuite de terrain, je souhaiterais savoir comment doit-on réagir face à des propriétaires à qui on leur a pris du il y a quelques années en arrière, du terrain pour élargir des voies ? Les actes n'ont pas été réalisés, mais les travaux ont bien été faits. Ils sont toujours propriétaires d'une partie de voie, et n'avaient reçu aucune compensation financière.
    Dois-je faire des actes de cession onéreuses ? Merci de vos réponses.

  • commencez par brûler quelques cierges en l'honneur de Sainte Rita pour que ceux dont l'opération a été finalisée depuis moins de 5 ans ne viennent pas grossier les rangs des mécontents.

    il faut ensuite brûler une nouvelle cargaison de cierges pour que les propriétaires ne réclament pas la restitution "en nature" du bien sur lequel la commune s'est irrégulièrement installée puisqu'elle n'en était pas encore prioritaire : on a la en effet une voie de fait caractérisée qui pourrait faire mentir l'adage "ouvrage public mal planté ne se déplace pas".
    j'ajoute bien sûr qu'aucune DUP ne pourra valablement être mise en œuvre pour régulariser la situation...

    il vous reste donc à rencontrer très gentiment les propriétaires concernés en expliquant qu'il va falloir régulariser tout ça... si possible à l'amiable... et leur proposer un rachat des terrains au prix des domaines.

    à défaut d'accord amiable, nouvelle cargaison de cierges car si les indemnités finalement accordées par le juge au titre de la cession forcée et de la voie de fait s'avèrent "astronomiques", des contribuables de la commune pourront engager une action pour dépenses inconsidérées des ressources de la collectivité.

    bien sûr, tout cela sera parfaitement public puisque s'agissant d'acquérir des biens pour le patrimoine communal, des délibérations ad'hoc du Conseil doivent être mises en oeuvre.

    en ce temps de Noël, les ciriers sont donc promis à une belle reprise économique ; au moins, cela profitera à certains.

  • Merci de ta réponse... sauf que la mairie peut également dire aux propriétaires lorsque les travaux ont été réalisés à l'époque, que pour cet élargissement le coût des travaux a été réglé par la commune, donc arrangement à l'amiable ?
    Et maintenant, peut-on faire un acte de cession à l'amiable avec des consentements entre les parties : la commune vous prend 80 m² pour élargir, et vous construira un mur ... avec.... ou faut-il leur expliquer que l'on peut acheter leur terrain (80 m²) ? au prix des domaines ?
    Si je ne suis pas assez clair, pouvez-vous me communiquer vos coordonnées téléphoniques pour que l'on en discute ?

  • tout est possible... on est dans du civil, en fait, donc tout est contractualisable...

    et...ce blog n'est pas un forum... Me Durand risque de nous le rappeler.

  • Un arrêté de permis de construire a prescrit une cession gratuite sur la base d'un emplacement réservé au POS. Avant l'intervention du Conseil Constitutionnel, les communes pouvaient faire constater le transfert de propriété par le TGI, lorsque le pétitionnaire se refusait de régulariser à l'amiable. Aujourd'hui, de par la QPC, cette solution ne semble plus possible, puisque le CC a bien précisé que sa réponse valait pour les instances en cours.
    Problème, la légalité d'un PC s'apprécie au moment de sa signature, les droits à construire ont été attribués intégralement au motif que la cession envisagée était gratuite. A mon sens, une commune serait téméraire de s'engager dans la voie contentieuse pour faire constater le transfert de propriété. Après tout même en cas de PC devenu définitif, la cession peut-être considérée comme détachable du PC. Mais quid d'un PC devenu définitif, dont on considère que la prescription de la cession n'est pas détachable? En défintive, la décision du CC peut s'assimiler à une rupture de l'égalité devant les charges publiques. Ceux qui ont régularisé à l'amiable sont les grands perdants, mais ceux, bien au fait de la cession, qui refusent après coup de régulariser ressortent gagnants.
    Une question : peut-on opposer, indépendamment de la QPC, la prescription trentenaire, lorsqu'une collectivité souhaite régulariser une cession prescrite par PC qui a plus de 30 ans?

  • prescrire une voie de fait ?
    bonne chance !

  • Une question : peut-on opposer, indépendamment de la QPC, la prescription trentenaire, lorsqu'une collectivité souhaite régulariser une cession prescrite par PC qui a plus de 30 ans?

  • c'est très très peu probable si la cession a été faite au profit du domaine public : voir Cour de cassation 3ème chambre civile, 07 mars. 2007, 05-18057, Mme X. contre EDF

  • Bonjour M. Patrick E Durand,

    Je souhaiterais savoir si un arret recent du CE remet en cause cette solution de la CAA Marseille, selon laquelle une cession dont prescription est légale ne peut plus etre réalisé apres le 23 sept 2010? Car le fait que ce soit un droit acquis ou non est tres discutable...
    Merci d'avance pour votre éclairement.

  • "La décision d'inconstitutionnalité de l'article du code de l'urbanisme L. 332-6-1 (2°, e) relatif aux cessions gratuites de terrains a pris effet à compter de la publication de la décision au Journal officiel, soit le 23 septembre 2010. Les conséquences sont les suivantes : en premier lieu, aucune cession gratuite ne peut plus être prescrite dans les autorisations qui sont délivrées à partir de cette date ; en second lieu, les cessions gratuites déjà prescrites et qui n'ont pas encore fait l'objet d'un transfert de propriété ne peuvent plus être mises en oeuvre. Les terrains doivent donc être achetés par la collectivité aux propriétaires fonciers après avis du service des domaines, soit par voie amiable, soit par voie d'expropriation. En effet, la clause de cession gratuite d'une autorisation ne s'exécutant pas d'elle-même, la cession gratuite de terrain, pour être effective, doit avoir été transférée dans le domaine public de la collectivité bénéficiaire. Ce transfert doit être constaté par un acte authentique, passé en la forme administrative ou notariée, à l'initiative et aux frais de la collectivité bénéficiaire. Cet acte doit être transmis, après signature des parties intéressées, au conservateur des hypothèques en vue de la publicité foncière" Réponse publiée au JO le : 01/03/2011 page : 2049

    Bien à vous

  • Mais ce n'est qu'une réponse ministérielle :)

    merci.

  • non, c'est du bon sens...

  • c'est même pas du bon sens Emmanuel : c'est du "droit" !!! Pour une décision qui a à peine plus de 5 mois la jurisprudence est déjà abondante sur le sujet. C'est "plié", les prescriptions antérieures ne peuvent plus êre mises en oeuvre!!!

  • oui, évidemment, et il faut le relever tant les réponses ministérielles ont su nous habituer à certaines approximations... mais là, la réponse était parfaite : inutile donc de la dénigrer !

  • Mais existe t il un arret du Conseil d'Etat confirmant que les prescritions antérieures ne peuvent plus etre mises en oeuvre?

  • Mais il n'y a pas besoin d'un arrêt du Conseil d'Etat : il y a une décision du juge constitutionnel !
    Même édictée avant le 23/09/2010, une telle description est dépourvue de base légale (CAA. Lyon, 21/12/2010, req. n°09LY01821) et sa mise en oeuvre constituerait donc une emprise irrégulière (CAA. Lyon 26/10/2010, req. n°08LY01737).

  • Bonjour,
    je viens de découvrir votre fil de discussion et je souhaiterai vous faire part de mon problème en espérant que vous pourrez m éclairer. Nous avons acheté une maison sur un terrain de 700 m2, terrain frappé d un alignement en vue d une construction de voie publique. En faite une partie du terrain a déjà etait prise pour construire une voie privée environ 240m2
    Nous sommes donc proprietaire d une partie de la voie. Nous souhaitons agrandir notre maison et notre question est : pouvons nous prétendre à une indemnisation ou devrons nous céder l partie de terrain gratuitement ? Merci par avance.

Les commentaires sont fermés.