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A quelles conditions des équipements publics futurs peuvent-ils être pris en compte pour apprécier la constructibilité d’un terrain et la conformité d’un projet au regard des prescriptions d’urbanisme ?

La seule programmation d’un équipement public ne permet pas d’établir la constructibilité terrain au regard des prescriptions d’urbanisme relatives à l’accessibilité de ce dernier et à l’assainissement des constructions projetées. Il en va de même lorsque les travaux de réalisation de ces équipements sont en cours dès lors que leur achèvement est prévu à une date éloignée.

CAA. Bordeaux, 8 février 2007, Sté du Val de Bellassise, req. n°P4BX00294 / CAA. Nancy, 1er mars 2007, Sté CERCA, req. n°05NC00767


Les deux arrêts aujourd’hui commentés ont en commun de traiter de la question relative à la possibilité de prendre en compte des la réalisation future d’équipements publics pour apprécier la constructibilité d’un terrain et la conformité d’un projet, en l’occurrence au regard des règles relatives à sa desserte par les voies publiques et le réseau public d’assainissement.

On sait, en effet, que la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance en considération du projet présenté par le pétitionnaire, tel qu’il apparaît à l’examen du dossier déposé à cet effet. Par voie de conséquence et par principe, seuls les aménagements dont la réalisation est autorisée par le permis de construire et ceux existants à la date de délivrance de ce dernier peuvent être prise en compte pour apprécier sa légalité.

Or, aux termes des dispositions du Code de l’urbanisme, ce principe ne connaît qu’une exception, en l’occurrence celle résultant de l’article L.421-5 du Code de l’urbanisme en ce qu’il dispose : « lorsque, compte tenu de la destination de la construction projetée, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte de ladite construction, le permis de construire ne peut être accordé si l'autorité qui le délivre n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public lesdits travaux doivent être exécutés » ; dont on rappellera qu’il n’est applicable qu’en matière de permis de construire.

En dehors du cas où l’article précité est applicable, il semble, toutefois, ressortir des quelques affaires où le juge administratif ait eu à se prononcer sur la question de savoir si des travaux d’équipement public ne relevant pas de la demande peuvent être pris en compte qu’il peut en être ainsi pour autant qu’à la date de délivrance du permis de construire, deux principales conditions soient réunies (pour un exemple illustrant ces deux conditions : CE. 28 juillet 2000, Cne de Decines-Charpieu, req. n°199.325).

Au premier chef, la réalisation des travaux d’aménagement routier considérés doit avoir été effectivement planifiée, ce qui implique qu’elle ait à tout le moins fait l’objet d’une décision de principe de la collectivité compétente (CAA. Bordeaux, 4 décembre 2003, Cne de Toulouse, req. n°99BX00686).

Il reste qu’il semble également nécessaire que la réalisation des travaux puisse être établie avec un certain degré de certitude. C’est ainsi que le Conseil d’Etat a jugé que le seul projet d’aménagement d’une voie ne pouvait être pris en compte dès lors que sa date de réalisation était incertaine (CE. 7 mai 1986, Mme Kindersmans, req. n°59.847) et que le Tribunal administratif de Nice a considéré qu’il en allait de même à l’égard d’un projet d’élargissement d’une voie planifié par le POS dès lors que l’échéance et les modalités de réalisation de ce projet n’étaient pas arrêtées à la date de délivrance du permis de construire en cause (TA. Nice, 5 mars 1998, M. Macherez, req. n°94-03028). Et pour être complet, on précisera que la circonstance que les travaux d’aménagement routier considérés donnent lieu à une participation imposée au constructeur – telle une cession de terrain prescrite sur le fondement de l’article R.332-15 du Code de l’urbanisme en vue de la réalisation d’une voie publique – ne permet pas à elle-seule d’échapper aux deux conditions pré-exposées pour qu’ils soient pris en compte (CAA. Marseille, 4 mai 2006, EURL C2C, req. n°281.253).

A contrario, il semble donc raisonnable de considérer que, lorsqu’à la date de délivrance du permis de construire considéré, les travaux d’équipement en cause sont non seulement planifiés mais qu’en outre, leur mode et leur planning de réalisation sont établies ceux-ci peuvent être pris en compte pour apprécier la constructibilité du terrain et la conformité du projet puisqu’en substance, pour être futurs ils peuvent alors être, néanmoins, être considérés comme présentant un caractère suffisamment certain.

Il faut, cependant, souligner que dans la seule affaire où, à notre connaissance, le juge administratif a tenu compte de travaux d’aménagement routier futurs, ces derniers avait non seulement fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique mais étaient, en outre, substantiellement avancés puisqu’en voie d’achèvement à la date de délivrance du permis de construire contesté (TA. Nice. 31 janvier 1984, Gianotti, req. n°83-0011; voir également ici). Précisément, les deux arrêts aujourd’hui commentés vont dans ce sens.

Dans la première affaire, la société du Val de Bellassise avait présenté une demande d’autorisation de lotir qui devait être refusée au titre de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme dans la mesure où les modalités d’assainissement des constructions projetées étaient de nature à porter atteinte à la salubrité publique. Et la Cour administrative d’appel de Bordeaux devait valider ce refus au motif suivant :

« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, en particulier, de l'avis émis par les services de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales le 5 février 2002, que la station d'épuration communautaire d'Ambarès, destinée à traiter les eaux usées des futures constructions du lotissement envisagé, était hydrauliquement et organiquement surchargée ; que si la construction d'une nouvelle station d'épuration était programmée depuis 1998, les travaux étaient en cours en mars 2002 à la date de la décision attaquée et ne devaient pas être achevés avant 2005 ; que le maire de la commune de Saint-Eulalie pouvait, dès lors, légalement refuser de délivrer l'autorisation sollicitée au motif que le projet de lotissement envisagé était, s'agissant de l'évacuation des eaux usées des futures constructions, de nature à porter atteinte à la salubrité et la sécurité publiques ; que la circonstance que d'autres autorisations de lotir aient été néanmoins accordées depuis 2001 est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ».

Dans la seconde affaire, la société SERCA avait sollicité de la commune d’Eschau un certificat d’urbanisme en vue de la réalisation d’un lotissement dans une zone dont l’urbanisation était conditionnée, par le POS, par la réalisation de voie d’accès faisant l’objet d’emplacements réservés au bénéfice de la Communauté urbaine de Strasbourg. Néanmoins, le Maire d’Eschau devait opposer un certificat d’urbanisme négatif que la Cour administrative d’appel de Nancy devait, pour sa part, valider au motif suivant :

« Considérant en premier lieu que, par la décision attaquée en date du 16 septembre 2003, le maire d'Eschau a répondu négativement à la demande de certificat d'urbanisme déposée par la Société SERCA en vue de la création d'un lotissement au motif qu'alors que le terrain était situé en zone I NA 1 du plan d'occupation des sols et que l'urbanisation de cette zone était conditionnée par la réalisation des voies d'accès faisant l'objet d'emplacements réservés au bénéfice de la Communauté urbaine de Strasbourg, ces opérations n'étaient ni réalisées, ni programmées à court terme par celle-ci ; qu'il s'ensuit qu'eu égard aux éléments de fait ci-dessus mentionnés, le maire d'Eschau a pu à bon droit délivrer un certificat d'urbanisme négatif concernant le lotissement projeté (et) prendre en considération les seules intentions de la Communauté urbaine de Strasbourg » (voir, toutefois, de la même juridiction).

Force est de donc de considérer que pour que des équipements publics futurs puissent être pris en compte pour apprécier la constructibilité d’un terrain et la conformité d’un projet, il est non seulement nécessaire qu’ils soient programmés et que leur modalité d’exécution soient connues mais en outre, il doit apparaître, à la date de délivrance du permis de construire, qu’ils sont susceptibles d’être réalisés à courte échéance ; la question de savoir s’ils doivent être en voie d’achèvement à cette date ou s’il est seulement nécessaire qu’il soit établi qu’ils seront achevés, au plus tard, concomitamment des travaux objets de la demande d’autorisation d’urbanisme restant, à notre connaissance, à trancher.

Mais pour être complet, on précisera, à titre de conclusion, que ce principe est également opposable à l’administration puisqu’à titre d’exemple, il a été jugé qu’elle ne pouvait légalement opposer un refus de permis de construire au titre de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme en considération d’un carrefour giratoire à aménager mais en vue de la réalisation duquel la collectivité compétente n’avait pris aucune décision de principe (CAA. Lyon, 2 novembre 2004, M. Jaunay, req. n°98LY00089).


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

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