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Interprétation & Application des normes - Page 9

  • L’élargissement d’une voie motivant une cession de terrain prescrite au titre de L.332-6-1 2° du Code de l’urbanisme ne peut plus être pris en compte pour apprécier les conditions de desserte du terrain

    Même prescrite avant la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2010, une cession de terrain en vue de l’élargissement de la voie desservant le terrain à construire ne peut pas être prise en compte pour apprécier la légalité d’un permis de construire dès lors qu’en raison de l’inconstitutionnalité d’une telle prescription, cet élargissement ne saurait être mise en œuvre.

    CAA. Marseille, 21 octobre 2010, Madame Tardieux., req. n°08MA03841 (voir également ici)


    Dans cette affaire, un permis de construire avait été délivré, le 13 juillet 2004, en vue de l’édification de deux bâtiments destinés à l’hébergement provisoire de personnes en difficultés ainsi qu’à un usage de bureaux. Celui-ci devait cependant faire l’objet d’un recours en annulation motivé, notamment, par la prétendue insuffisance de la desserte du terrain à construire au regard de l’ancien article R.111-4 du Code de l’urbanisme et de l’article 3 du règlement local d’urbanisme applicable ; la requérante faisant grief à la voie existante desservant le terrain de ne pas être adaptée à cet effet compte tenu principalement de sa largeur.

    Il reste qu’en application de l’article L.332-6-1 2° du Code de l’urbanisme en vigueur au moment de sa délivrance, le permis de construire en litige avait prescrit au pétitionnaire la cession d’une partie du terrain d’assiette des bâtiments projetés aux fins précisément d’élargir cette voie. Mais si les parties défenderesses devaient se prévaloir de ce projet d’élargissement, la requérante devait pour sa part soutenir qu’il ne pouvait être pris en compte dès lors qu’il n’était pas assez précis et avancé à la date de délivrance de l’autorisation contestée.

    On sait, en effet, que la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance en considération du projet présenté par le pétitionnaire, tel qu’il apparaît à l’examen du dossier déposé à cet effet. Par voie de conséquence et par principe, seuls les aménagements dont la réalisation est autorisée par le permis de construire et ceux existants à la date de délivrance de ce dernier peuvent être pris en compte pour apprécier sa légalité.

    Il ressort toutefois de la jurisprudence rendue en la matière que des équipements futurs ne relevant pas de la demande peuvent être pris en compte pour autant qu’à la date de délivrance du permis de construire, il soit possible de considérer que la réalisation de cet équipement est quasi-certaine (pour un exemple CE. 28 juillet 2000, Cne de Decines-Charpieu, req. n°199.325). En substance, il est ainsi nécessaire que :

    - tout d’abord, la réalisation de l’équipement considéré soit planifiée, c’est-à-dire ait donné lieu à une décision de l’autorité compétente (pour exemple : CE. 7 mai 1986, Kindermann, req. n°59.847) ;
    - ensuite, les modalités et les délais de réalisation de cet équipement soient arrêtés (pour exemple : CE. 28 juillet 2000, Cne de Decines-Charpieu, req. n°199.325) ;
    - enfin, cet équipement ait vocation à être achevé à brève échéance (CAA. Bordeaux, 12 février 2007, M. Jacques Y, req. n°04BX00214 ; CAA. Marseille, 13 janvier 2005, Michèle X…, req. n°01MA00466).

    Si certaines décisions jurisprudentielles ont pu faire preuve d’une plus grande souplesse (pour exemple : CAA. Nancy, 28 janvier 2008, Cne de Beuvilliers, req. n°06NC01550), il reste que pour sa part la Cour administrative d’appel de Marseille avait déjà eu l’occasion de juger qu’une cession de terrain prescrite en vue de l’élargissement d’une voie ne pouvait être prise en compte pour apprécier la desserte du terrain lorsque ce projet d’élargissement n’était pas établi à la date de délivrance du permis de construire la prescrivant (CAA. Marseille, 4 mai 2006, EURL C2C, req. n°02MA021327). Et pour cause puisque la légalité d’une telle prescription impose que le projet l’a motivant soit défini à sa date d’édiction (CE. 20 juin 2006, M. et Mme Lamy, req. n°281.253).

    En revanche, lorsque tel est bien le cas, cet élargissement semble alors pouvoir être pris en compte ; c’est du moins ce qu’avait pu juger la même Cour (CAA. Marseille, 11 juin 2008, Maguy X., req. n°05MA02129) et ce, alors même qu’une telle prescription ne garantie pas à elle seule la réalisation des travaux de voirie la motivant dans la mesure où non seulement l’administration bénéficiaire n’a aucun délai pour les réaliser (Cass. civ. 20 janvier 2002, Epx Bourbigot, pourvoi n°010571) mais qu’en outre, celle-ci n’a même aucune réelle obligation de les exécuter puisqu’aucune disposition du Code de l’urbanisme ne lui impose de rétrocéder le terrain lorsqu’ils n’ont pas été réalisés (CE. 11 janvier 1995, Epx Thot, req. n°119.144).

    Mais dans cette affaire, la Cour n’a donc pas examiné le moyen présenté sur point par la requérante mais s’est prononcée en conséquence de la décision n° 2010-33 QPC du 22 septembre 2010 par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l’article L.332-6-1 2° du Code de l’urbanisme, tout en précisant que « la présente déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; (elle) peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelle » :

    « Considérant que le permis tenais compte de l’élargissement de l’avenue Lorenzi grâce à la cession gratuite de 10 % du terrain par les requérants, en application de l’article L 332-6-1 2° du code de l’urbanisme aux termes duquel : « e) Les cessions gratuites de terrains destinés à être affectés à certains usages publics qui, dans la limite de 10 % de la superficie du terrain auquel s’applique la demande, peuvent être exigées des bénéficiaires d’autorisations portant sur la création de nouveaux bâtiments ou de nouvelles surfaces construites » ; que, toutefois, ces dispositions ont été abrogées par le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n°2010-33 QPC du 22 septembre 2010, applicable aux litiges en cours »

    En premier lieu, l’arrêt commenté confirme donc qu’une instance relative à la légalité d’un permis de construire au regard des normes d’urbanisme ayant trait à la desserte du terrain à construire constitue une instance « dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelle ».

    Le cas échéant, l’inconstitutionnalité d’une cession gratuite prescrite avant le 23 septembre 2010 – date de publication de la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre précédent – peut donc être invoquée dans le cadre d’un recours en annulation à l’encontre d’un permis de construire précédemment introduit : la portée de cette décision n’est donc cantonnée au contentieux de la légalité des participations prescrites au titre de l’article L.332-6-1du Code de l’urbanisme ou au contentieux de la restitution des participations indument imposées ou obtenues (art. L.332-30 ; C.urb).

    Toutefois, la Cour administrative d’appel de Marseille n’a donc pas considéré que l’inconstitutionnalité de la participation prescrite par l’arrêté de permis de construire contesté affectait d’illégalité ce dernier.

    Il est vrai qu’en principe, une telle participation est divisible du permis de construire qui l’édicte : son illégalité n’emporte donc l’annulation de cette autorisation qu’en tant qu’elle l’a prescrite (CE, 8 févr. 1985, Raballand, n°40184). Par exception, l’illégalité d’une telle prescription peut toutefois emporter l’annulation totale du permis de construire l’ayant édictée lorsqu’elle tend à la réalisation ou à l’élargissement d’une voie nécessaire à la conformité du projet autorisé au regard des normes d’urbanisme lui étant opposables.

    Il reste que le seul fait que les travaux d’aménagement routiers motivant une cession gratuite aient vocation à participer à la desserte du terrain à construire ne suffit pas à considérer que la prescription imposant cette cession est indivisible du projet. A titre d’exemple, ce n’est qu’après avoir constaté que, d’une part, la cession gratuite prescrite n’était pas juridiquement réalisable puisque portant sur une bande de terre dont le pétitionnaire n’était pas propriétaire et que, d’autre part, la voie existante desservant le terrain n’était pas adaptée à la construction autorisée que le Conseil d’Etat a annulé le permis de construire s’y rapportant au titre de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme alors applicable (CE. 12 octobre 1988, Ministre de l’Equipement, req. n°79.175).

    Bien qu’ayant relevé que « le permis tenait compte de l'élargissement » de la voie motivant la cession gratuite, c’est cette démarche qu’a adopté la Cour en l’espèce.

    « Considérant qu’il en résulte que le terrain d’assiette est desservi par l’avenue Lorenzi, en sen unique, d’une largeur, qui ne pourra plus être modifiée, de 5 à 6 mètres ; que, toutefois, cette largeur, qui, certes, participera à un accroissement limité des difficultés de circulation, permet une desserte suffisante du projet ; que, si M. et Mme TARDIEUX font valoir que l’accès au parking des bâtiments par un ascenseur à partir de la rue nécessitera un temps d’attente des véhicules sur cette voie et présentera ainsi un risque pour les usagers de la voie publique et pour les habitants de l’immeuble, ces conditions d’accès peuvent avoir ponctuellement des incidences sur les conditions générales des circulation mais ne créent pas de risques particuliers liés à la desserte du projet au sens de l’article R. 111-4 du code de l’urbanisme et de l’article UB 3-1 du règlement du plan d’occupation des sols ; qu’enfin il n’est pas établi que le projet, qui prévoit des places de stationnement en sous-sol pour les résidents, engendrera des difficultés de stationnement accrues dans le quartier : que, par suite, le maire a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation sur la desserte envisagée du projet, délivrer le permis de construire attaqué »

    C’est ainsi qu’après avoir constaté qu’en l’état la voie desservant le terrain à construire était adaptée à la desserte du terrain à construire et à l’opération projetée, la Cour a rejeté le moyen tiré de la méconnaissance de l’ancien article R.111-4 et de l’article 3 du règlement local d’urbanisme applicable.

    Mais surtout, la Cour a donc rejeté l’ensemble du recours et, partant, valider le permis de construire dans l’ensemble de ses dispositions, y compris pour celle prescrivant la cession gratuite d’une partie du terrain à construire ; la requérante ne semblant avoir formulée aucune conclusion spécifique à son encontre.

    Néanmoins, la Cour a souligné qu’en conséquence de l’inconstitutionnalité de cette prescription, la largeur de la voie dont l’élargissement avait motivé cette prescription « ne pourra plus être modifiée ».

    Comme on le sait, la principale difficulté générée par la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2010 a trait au cas des permis de construire délivrés avant la publication de cette décision lorsque la cession ainsi prescrite n’a pas été encore réalisée.

    En effet, en application de l’article 62 de la Constitution, la décision du 22 septembre 2010 a seulement abrogé l’article L.332-6-1 du Code de l’urbanisme ; la suppression de l’ordonnancement juridique de cet article n’intervenant donc que pour l’avenir.

    Or, la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance et, en outre, la « cession gratuite » compte parmi les prescriptions dont le permis de construire constitue le seul fait générateur : même réalisée après le 23 septembre 2010, une cession intervenant en conséquence d’un permis l’ayant prescrite avant cette date ne serait donc que l’exécution conforme d’une prescription conforme à la Constitution à sa date d’édiction.

    D’ailleurs, même si cette abrogation constitue une modification des circonstances de droit susceptible de priver de base légale les prescriptions édictées avant le 23 septembre 2010, on voit mal comment ces prescriptions et/ou les cessions en résultant pourraient être contestées ou remises en cause ; du moins à s’en tenir à la « lettre » de la décision du 22 septembre 2010.

    En effet, quel que soit l’acte attaqué, toute action en ce sens impliquerait nécessairement d’invoquer l’abrogation et donc, indissociablement, l’inconstitutionnalité de l’article L.332-6-1 alors qu’il résulte de la décision du 22 septembre 2010 que cette inconstitutionnalité ne peut être invoquée que « dans les instances en cours » au 23 septembre 2010.

    Il reste que le commentaire de cette décision paru aux Cahiers du Conseil constitutionnel indique que : « afin de donner un effet utile à la procédure, précisé que la déclaration d’inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances qui sont en cours à cette date et dont l’issue dépend de l’application de la disposition déclarée inconstitutionnelle. Il n’a donc pas remis en cause, dans un souci de sécurité juridique, les situations définitivement acquises à la date de l’abrogation ».

    Or, même lorsqu’elle n’est plus contestable au regard du délai de recours à son encontre, force est de considérer que le seul fait de prescrire une cession gratuite de terrain ne créé pas une situation définitivement acquise dès lors qu’une telle prescription n’emporte pas en elle-même le transfert de propriété dudit terrain (CAA Lyon, 28 juil. 1999, Sté Immob. du Verdect, req. n°95LY00277). Ce transfert requiert en effet la passation d’un acte authentique dont la signature doit être autorisée par une délibération du Conseil municipal, laquelle peut faire l’objet d’un recours en annulation fondé sur l’illégalité de la prescription initiale, quand bien même celle en cause serait définitive (TA. Montpellier, 19 mars 2009, req. n°06-05866).

    Bien que la « lettre » de la décision du 22 septembre 2010 n’aille pas nécessairement en ce sens, l’inconstitutionnalité de l’article L.332-6-1 du Code de l’urbanisme semble néanmoins s’opposer à la réalisation des cessions prescrites avant le 23 septembre.

    En tout état cause, tel est le sens de la solution dégagée par cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille : même prescrite par un permis de construire antérieur dont la légalité n’est pas contestée sur ce point, une cession gratuite de terrain ainsi que le projet l’a motivant ne peuvent plus être réalisés.

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Sur l’affectation des places de stationnement prévues en application de l’article 12 du règlement local d’urbanisme

    Même lors qu’il prévoit strictement le nombre de places requises au titre de l’article 12 du POS applicable, le permis de construire est illégal sur ce point lorsqu’il est établi qu’une partie de ces places est réservée pour un autre utilisateur et n’est donc pas affectée au projet lui-même.

    CAA. Marseille, 7 octobre 2010, Clément A…., req. n°08MA03370

    PS.jpgDans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire portant sur deux bâtiments de 28 logements comportant également des locaux professionnels, d'une SHON de 2147 mètres carrés ; ces locaux représentant un peu plus de 240 mètres carrés de cette SHON totale. L’article 12 du règlement de POS applicable prescrivant la réalisation d’une place de stationnement par logement et une place supplémentaire pour 60 mètres carrés de SHON affectée au commerce et à l'artisanat, la conformité du projet impliquait donc que la demande de permis de construire intègre la réalisation de 32 places de stationnement. Précisément, le projet présenté par le pétitionnaire à travers son dossier demande et le permis délivré au vu de ce dossier prévoyaient la réalisation de 32 places.

    Néanmoins, ce permis de construire devait être contesté et annulé au motif suivant :

    « Considérant que l'article UC 12 du règlement du plan d'occupation des sols de Salon-de-Provence dispose que doivent être créées une place de stationnement par logement et une place supplémentaire pour 60 m2 de surface hors oeuvre nette affectée au commerce et à l'artisanat ; que, si le permis litigieux prévoit 32 places de stationnement conformément à ces dispositions, il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du compromis de vente qui réserve 7 places de stationnement à l'offrant, qu'il n'est créé que 25 places pour les logements et les locaux commerciaux et artisanaux du projet de la Société Civile Immobilière Médicis ; que, compte tenu de ces places réservées , le projet requiert, en application de l'article UC 12 du règlement du plan d'occupation des sols, la création de 39 places de stationnement ; que, dans ces conditions, le permis doit être regardé comme ne respectant pas ces dispositions ; que le permis modificatif délivré le 14 novembre 2005 n'a pas régularisé le permis initial sur ce point ; que, dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ».

    et, en d’autres termes, dans la mesure où ces 32 places de stationnement n’étaient pas toutes prévues pour les logements et les locaux autorisés par ce permis, lequel ne prévoyait « que 25 places de stationnement affectées au projet » (cf : dispositif de l’arrêt).

    A notre connaissance, il s’agit là d’une des premières décisions se prononçant aussi clairement sur ce point et en ce sens ; la question étant distincte, bien que n’en étant pas totalement étrangères, de celles relatives :

    • à la nécessité selon laquelle les places de stationnement requises doivent en principe relever du même permis que celui autorisant le projet les rendant exigibles ;
    • à l’impossibilité légale de prendre en compte les places de stationnement réalisées dans le cadre d’un précédent projet et nécessaires à la conformé de ce dernier.

    Toutefois, il nous semble que l’on peut trouver un sens équivalent à l’arrêt par lequel le Conseil d’Etat a jugé que « la seule circonstance qu'une des sociétés qui avait acquis le terrain d'assiette de la construction ait eu pour objet social la construction sur ce terrain de garages destinés à la revente, ne permettait pas d'établir que la demande de permis de construire présentée par la Société Alvel était entachée d'une fraude tenant à ce que les places de stationnement prévues dans le projet n'auraient pas en réalité pour objet de satisfaire les besoins du centre commercial, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier qui, en l'absence de dénaturation, n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation » (CE. 30 juillet 2003, Mme Annick X., req. n°227.712) ; ce moyen n’ayant pas été clairement jugé comme inopérant.

    De même, et comme le révèle l’interrogation formulées par l’un des commentateurs d’une précédente note se rapportant au sujet, la solution retenue par la Cour administrative d’appel de Marseille au cas d’espèce n’est pas si éloignée de celle relative à la déductibilité de la superficie affectée au stationnement pour le calcul de la SHON.

    Pour autant, outre qu’elle est en l’espèce fondée sur les stipulations d’une convention de droit privé dont on ne sait si elle avait été produite au dossier, et qu’à ce titre, selon la Cour, « le projet (requerrait), en application de l'article UC 12 du règlement du plan d'occupation des sols, la création de 39 places de stationnement » (c'est-à-dire 32 pour le projet + 7 en exécution de ce contrat !!!), cette solution n’était pas si évidente.

    Tout d’abord, la Cour administrative d’appel de Marseille s’est donc fondée sur l’affectation et l’utilisation ultérieure d’une des composantes du projet cependant qu’en principe, et sauf fraude, ces considérations sont étrangères à l’appréciation tant de la légalité des autorisations qu’à la conformité des travaux accomplis, y compris lorsque ce changement d’utilisation aurait été de nature à soumettre le projet à des règles différentes de celle en vertu desquelles la demande d’autorisation avait été instruite (en ce sens :CE. 11 décembre 2006, Ville de Paris, req. n° 274.851).

    Ensuite, cette solution prête aux règles d’urbanisme sur le stationnement une « finalité privatiste » liée à la satisfaction des besoins en la matière des occupants des immeubles à construire.

    Or, ces règles ont toujours eu une finalité allant bien au-delà de cette seule considération puisqu’elles trouvent leur cause première dans des préoccupations liées à l’usage du domaine public routier, à la circulation publique, à la promotion des transports en commun et à la réalisation d’objectif d’environnementaux comme le rappelait déjà, en 1999, le « Guide du POS » édité par le Ministère de l’équipement ; finalité qu’elles auront plus encore puisqu’elles pourront dorénavant édicter un nombre maximal de places de stationnement.

    Mais il est vrai que la satisfaction des besoins des occupants de l’immeuble n’est pas une considération totalement étrangère au droit de l’urbanisme comme en atteste l’article L.123-1-2 du Code de l’urbanisme dont il résulte que les places requises doivent être réalisées sur le terrain au à proximité immédiate et qu’en cas d’impossibilité technique de réaliser ces places le pétitionnaire est autorisé à acheter des places dans un parc privé ou à en louer dans un parc public à la condition que ce parc soit sis à proximité et à tout le moins en cours de réalisation à la date de délivrance du permis ; étant toutefois relever qu’à défaut, le pétitionnaire peut s’acquitter d’une participation en vue de la réalisation d’un parc public de stationnement dont il n’est pas exigé qu’il soit à proximité du terrain.

    Enfin, et peut-être surtout, si l’affectation effective des places de stationnement est une condition intéressant la légalité d’un permis de construire, c’est qu’elle a trait à la conformité du projet au regard du droit de l’urbanisme.

    Or, si le contrôle administratif de la conformité des travaux est limité dans le temps, et en l’occurrence à trois années à compter de l’achèvement des travaux, il n’en demeure pas moins que cette conformité doit perdurée même après ce délai ; cette « conformité durable » devant toutefois s’apprécier en considération de l’évolution des règles d’urbanisme applicable au projet.

    Si l’on s’en tient à cela c’est donc que non seulement les places de stationnement prévues doivent être affectées aux occupants de l’immeuble mais qu’en outre, elles doivent le rester ; ce qui n’était pas le sens d’une Réponse ministérielle formulée sur le sujet.

    Mais pour conclure, on relèvera qu’en application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, le permis de construire contesté n’a été annulé qu’en tant « qu'il ne prévoit que 25 places de stationnement affectées au projet » et de la même façon que le même jour, la même Cour n’a annulé un permis de construire « qu’en tant qu'il autorise la création du balcon implanté au premier niveau de la façade Est du bâtiment principal », ce qui correspond aux deux exemples que nous avions initialement retenus pour démontrer les limites de cet article mais nous semble également traduire le renouveau que nous avions ultérieurement envisagé.

    Reste toutefois à savoir comment pour application de l’alinéa 2 de cet article, le pétitionnaire tiendra compte d’un arrêt jugeant que le projet aurait dû prévoir 39 places de stationnement à raison des 7 réservées par le contrat par ailleurs conclu…

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Etude : Le recours à la servitude de « cours communes » doit-il être autorisé par l’article 7 du règlement local d’urbanisme ?

    S’il est clair que les règlements locaux d’urbanisme peuvent autoriser expressément le recours à une servitude de cour commune pour déroger aux règles d’implantation prescrites par leur article 7, la possibilité d’y recourir est moins évidente lorsqu’ils ne le prévoient pas.


    Malgré certains jugements ayant expressément reconnu la possibilité de recourir à une servitude de cours communes alors même que le règlement local d’urbanisme applicable ne le prévoit pas, force est d’admettre que la question reste entière (voir d’ailleurs ici) ; le Conseil d’Etat n’ayant jamais été appelé à se prononcer clairement sur cette question.

    cours communes.jpgRappelons ainsi que l’article L.471-1 du Code de l’urbanisme se borne à disposer que « lorsqu'en application des dispositions d'urbanisme la délivrance du permis de construire est subordonnée, en ce qui concerne les distances qui doivent séparer les constructions, à la création, sur un terrain voisin, de servitudes de ne pas bâtir ou de ne pas dépasser une certaine hauteur en construisant, ces servitudes, dites "de cours communes", peuvent, à défaut d'accord amiable entre les propriétaires intéressés, être imposées par la voie judiciaire dans des conditions définies par décret » ; de même que corrélativement l’article R.431-32 indique que « lorsque l'édification des constructions est subordonnée, pour l'application des dispositions relatives à l'urbanisme, à l'institution sur des terrains voisins d'une servitude dite de cours communes, la demande est accompagnée des contrats ou décisions judiciaires relatifs à l'institution de ces servitudes ».

    Force est ainsi de constater qu’aucun de ces articles ne répond expressément à la question. Et pour cause puisque tel n’est pas leur objet dès lors qu’ils ont uniquement trait aux modalités d’institution, à la forme et à la justification de la servitude.

    Dans ce contexte, il semble donc falloir s’en tenir à une lecture de ces articles tenant compte de la nature de la règle d’urbanisme et notamment de la règle d’urbanisme en cause.

    En premier lieu, force est ainsi de rappeler que le droit de l’urbanisme et la législation sur le permis de construire présentent un caractère d’ordre public et poursuivent un but d’intérêt général.

    Il s’ensuit, notamment, qu’une règle d’urbanisme ne saurait en principe être contractualisée. A ce titre, il est de jurisprudence constante que non seulement une convention par laquelle l’administration s’engage sur le contenu ou les modalités d’application des dispositions de son règlement d’urbanisme local est nulle mais qu’en outre, l’inexécution des engagements souscrits contractuellement par la commune ne sera constitutif d’aucune faute et ne pourra donc engager sa responsabilité puisqu’il ne peut en effet être fait grief à l’administration de ne pas avoir respecter une convention entachée de nullité du fait du caractère illicite de son objet (CAA. Paris, 13 juin 1989, Cne de Bois-d’Arcy, Rec., p.319 CAA. Lyon, 31 décembre 1993, Epx Eymain-Mallet, Rec., p.1082 ; CAA. Nantes, 18 avril 2001, M. Diridollou, req. n° 95NT011347 ; CAA. Marseille, 12 juin 2001, Sté Durance-Granulats, req. n° 97MA00876 ; CAA. Marseille. 10 avril 2003, Cne de Coilloure c/ Assoc. ASPEC ; req. n° 98MA02011).

    Mais il a également été jugé que des propriétaires voisins ne peuvent utilement s’entendre pour déroger à des règles d’urbanisme relatives aux gabarits des constructions (CE. 18 mars 1981, SCI de la Caisse des dépôts et des consignations, req. n° 4190) ou, plus spécifiquement, qu’une adaptation mineure aux règles et servitudes d’urbanisme prescrites par la cahier des charges d’un lotissement ne peut légalement être octroyée, nonobstant l’accord des co-lotis, dans la mesure où cette possibilité n’est expressément prévue par aucune disposition du Code de l’urbanisme (CE. 31 janvier 1990, M. et Mme Letort, Rec., p.1032).

    Il n’est donc pas si évident que l’article L.471-1 du Code de l’urbanisme – dont ce n’est donc pas l’objet premier – permette en lui-même et à lui seul de contractualiser l’application d’une règle d’urbanisme lorsqu’elle ne l’a pas prévu.

    En second lieu, lorsque le règlement local d’urbanisme en cause ne le prévoit pas, le recours à une servitude de cours communes comme unique mode de définition des règles relatives à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives aboutit ni plus, ni moins à déroger à l’une des règles édictées par ce document.

    Il reste, comme on le sait, que l’article L.123-1 du Code de l’urbanisme dispose expressément « les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes » ; l’accord éventuel du voisin apparaissant insusceptible d’avoir une quelconque incidence dès lors que l’article 7 du règlement d’urbanisme en cause ne le prévoit pas (CE. 11 mai 1987, Commune de Boran-sur-Oise, req. n°70763 ; CAA. Marseille, 4 mars 1999, req. n°96MA01422).

    Or, au regard de la généralité de ses termes, l’article L.471-1 n’apparait en lui-même et à lui seul susceptible de faire exception à cette règle de principe.

    En troisième lieu, une servitude de cours communes ne permet pas de déroger à n’importe quelle règle du POS/PLU mais à celle relative à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives fixée par son article 7.

    Or, cet article et ces règles ont un statut quel que peu particulier puisqu’avec celles fixées par l’article 6, il s’agit des seules qu’un PLU doit obligatoirement prévoir (art. R.123-9 ; C.urb) et ce, de façon précise (CE. 18 juin 2010, Ville de Paris, req. n°326.708) ; c’est donc bien qu’elles revêtent un caractère et une importance particuliers.

    Surtout, l’article 7 ne se borne pas à retranscrire au règlement d’urbanisme les règles de prospect du Code civil que visent à organiser une servitude de cours communes puisqu’il procède de considérations plus larges et d’une autre nature, liées notamment à l’urbanisme et à l’hygiène et ce, dans un but d’intérêt général (CE. 11 février 2002, Urset, req. n°221.350).

    Au surplus, si la mise en œuvre d’une servitude de cours communes permet certes de faire abstraction de la limite séparant deux propriétés contiguës, la question est alors de savoir quelles règles d’implantation doivent conséquemment être appliquées au projet.

    Sur ce point, la doctrine administrative prétend qu’il convient alors de faire application des prescriptions de l’article 8 du règlement d’urbanisme local ; ce qui en soi ne serait pas incohérent dès lors que ces prescriptions poursuivent, comme celles de l'article 6, la même finalité que celles de l’article 7 (CAA. Bordeaux, 5 février 2008, Sté Osmose, req. n°06BX00977).

    Pour autant, cette analyse présente certaines difficultés ; dès lors qu’à notre connaissance elle n’est confirmée par aucune jurisprudence.

    Tout d’abord, force est ainsi de rappeler que l’article 8 d’un règlement local d’urbanisme a vocation à régir l’implantation des constructions sur un même terrain, c’est-à-dire sur une même propriété (art. R.123-9 ; C.urb) et donc sur une même unité foncière.

    Or, la définition de principe de l’unité foncière au sens du droit de l’urbanisme ne recouvre pas le cas de parcelles liées par une servitude de cours communes ; étant relevé qu’en revanche, les règlements locaux d’urbanisme peuvent étendre l’application des prescriptions de leur article 8 aux propriétés liées par un acte authentique (CE. 5 mai 1999, M. X…, req. n°158.216).

    Ensuite, si l’on considère que par le jeu d’une convention de cours communes, deux propriétés voisines doivent être considérées comme ne formant qu’un seul et même terrain ne serait-ce qu’au sens de l’article 8 d’un règlement local d’urbanisme, il reste à savoir les conséquences qu’il faut en tirer pour application des règles d’implantation. A titre d’exemple, les limites sur rue du terrain voisin doivent-elles être prises en compte lorsque le règlement régit la longueur de la façade sur voie du terrain ou fixe des règles spécifiques par rapport aux limites séparatives latérales et/ou aux limites de fond.

    Enfin, et peut-être surtout, force est de rappeler que l’article 8 ne compte pas parmi ceux qu’un PLU doit obligatoirement réglementé (CE. 18 juin 2010, Ville de Paris, req. n°326.708)…

    En l’état, il est donc difficile d’admettre qu’alors même que le règlement local d’urbanisme ne le prévoit pas et a fortiori n’en organise pas les conséquences sur les modalités d’application des autres règles, un contrat de cours communes relevant du droit privé permette d’échapper à une règle d’ordre public, poursuivant un but d’intérêt général et répondant à des préoccupations que les auteurs dudit règlement doivent obligatoirement prendre en compte à travers son article 7.

    Cette conclusion présente cependant une difficulté puisque si l’on considère que les POS/PLU doivent prévoir la possibilité de recourir à une « servitude de cours communes », se pose alors la question du recours à cette technique pour les terrains n’étant pas couverts par un tel document puisqu’aucune des dispositions du « RNU » ne prévoit la possibilité de déroger par une telle servitude aux règles d’implantation prescrite par l’article R.111-18.

    Or, les dispositions du « RNU » sont bien entendu d’ordre public, il ne peut y être dérogé ou en être fait exception dans d’autres cas que celles qu’elles prévoient et celles relatives à l’implantation des constructions ne sont pas callées sur les règles de prospect du Code civil (CE. 3 février 1978, Meppiel, Rec. P. 54 ; Cass. civ., 6 novembre 1991, Chamuneau, D.1991, IR.282).

    Il reste que les servitudes de cours communes sont au premier chef visées par l’article L.471-1 du Code de l’urbanisme, lequel compte parmi les dispositions du Livre IV relatif aux travaux de construction, d’aménagement et de démolition et n’est donc pas propre au régime du PLU.

    C’est donc bien a priori que la notion de dispositions d’urbanisme au sens de cet article recouvre également les dispositions du « RNU » et, donc, qu’une servitude de cours communes peut permettre d’écarter l’application de l’article R.111-18 du Code de l’urbanisme alors même qu’il ne le prévoit pas.

    Si la « logique » voudrait qu’il en soit de même pour application de l’article 7 d’un POS/PLU, il reste que l’institution d’un tel document écarte l’ensemble des règles du « RNU » relatives à l’implantation des constructions et, surtout, traduit une volonté de la Ville de se doter de ses propres règles au regard de ses propres choix d’urbanisme, en édictant des règles plus strictes ou plus souples que celles du « RNU », voire en s’abstenant tout simplement de règlementer l’implantation des constructions sur un même terrain.

    Dès lors, si l’on admet néanmoins qu’une servitude cours communes peut en principe être utilement mise en œuvre lorsque l’article 7 du règlement local d’urbanisme ne le prévoit pas, la question devient alors de savoir si ce règlement peut pour sa part utilement moduler, voire écarter expressément cette possibilité…

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Toutes les superficies dédiées au stationnement de véhicules sont-elles déductibles de la SHON au titre de l’article R.112-2 (c) du Code de l’urbanisme ?

    La déduction prévue par l’article R.112-2 c) du Code de l’urbanisme ne s’appliquent que dans le cas où les locaux destinés au stationnement présentent un caractère accessoire. Partant, un bâtiment regroupant 22 garages destinés à être loués dans le cadre d’une activité professionnelle génère de la SHON.

    CAA. Lyon, 25 mai 2010, Cne d’Amberieu-en-Buguey, req. n°08LY02410


    Dans cette affaire, les pétitionnaires, en l’occurrence des personnes physiques, avaient obtenu un permis de construire portant sur un bâtiment à destination exclusive de garage pour véhicules.

    En première instance, ce permis de construire devait toutefois être annulé pour avoir été délivré au vu d’un dossier ne comportant pas les documents graphiques d’insertion alors prescrits par l’article R.421-2 (6°) du Code de l’urbanisme.

    box.jpgDevant la Cour, la commune appelante soutint toutefois que ces documents n’étaient pas exigibles dès lors que cet article précisait que « ne sont pas exigibles pour les demandes de permis de construire répondant à la fois aux trois conditions suivantes : / a) Etre situées dans une zone urbaine d'un plan local d'urbanisme rendu public ou approuvé ou, en l'absence de document d'urbanisme opposable, dans la partie actuellement urbanisée de la commune ; / b) Etre situées dans une zone ne faisant pas l'objet d'une protection particulière au titre des monuments historiques, des sites, des paysages ou de la protection du patrimoine architectural et urbain ; / c) Etre exemptées du recours à un architecte en application des dispositions du septième alinéa de l'article L. 421-2 (...) ».

    A cet effet, la commune fit notamment valoir que le projet n’était pas soumis à l’obligation de recourir à un architecte dans la mesure où :

    • d’une part, l’article R. 421-1-2 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur précise que « conformément à l'article 1er du décret n° 77-190 du 3 mars 1977 modifié, ne sont pas tenues de recourir à un architecte pour établir le projet architectural à joindre à la demande d'autorisation de construire les personnes physiques qui déclarent vouloir édifier ou modifier pour elle-mêmes : / a) Une construction à usage autre qu'agricole dont la surface de plancher hors oeuvre nette n'excède pas 170 mètres carrés (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 112-2 du même code : La surface de plancher hors oeuvre brute d'une construction est égale à la somme des surfaces de plancher de chaque niveau de la construction. / La surface de plancher hors oeuvre nette d'une construction est égale à la surface hors oeuvre brute de cette construction après déduction : / (...) c) Des surfaces de plancher hors oeuvre des bâtiments ou des parties de bâtiments aménagés en vue du stationnement des véhicules (...) » ;
    • d’autre part, l’article R.112-2 (c) dudit code dispose que « la surface de plancher hors oeuvre brute d'une construction est égale à la somme des surfaces de plancher de chaque niveau de la construction. / La surface de plancher hors oeuvre nette d'une construction est égale à la surface hors oeuvre brute de cette construction après déduction : / (...) c) Des surfaces de plancher hors oeuvre des bâtiments ou des parties de bâtiments aménagés en vue du stationnement des véhicules (...) ».

    En résumé, la commune soutenait ainsi que le projet n’avait pas à être établi par un architecte dès lors que la demande avait été présentée par des personnes physiques et se rapportait, selon elle, à un projet ne créant aucune SHON puisqu’entièrement dédié au stationnement de véhicules.

    Mais cette analyse ne fut donc pas suivie par la Cour qui confirma ainsi le jugement de première instance et l’annulation du permis de construire en cause et ce, au motif suivant :

    « Considérant, il est vrai, que la COMMUNE D'AMBERIEU-EN-BUGEY fait valoir que le projet répondant aux conditions cumulatives posées par les dispositions du B de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme, la demande de permis ne devait pas comporter ledit document graphique et ladite notice ; qu'il est constant que le projet, qui est situé dans une zone urbaine ne faisant l'objet d'aucune protection particulière, répond aux conditions posées par les a) et b) du B de l'article R. 421-2 ; que, toutefois, la construction projetée comporte une surface hors oeuvre brute de 372 m² ; que, contrairement à ce que soutient la commune, pour obtenir la surface hors oeuvre nette, aucune déduction ne peut être effectuée en application des dispositions précitées de l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme, le projet, qui consiste à construire 22 garages destinés à la location, ne pouvant, par suite, être regardé comme comportant des surfaces aménagées en vue du stationnement des véhicules au sens de ces dispositions, qui ne s'appliquent que dans l'hypothèse d'un stationnement présentant un caractère accessoire, et non, comme en l'espèce, dans l'hypothèse d'un usage professionnel ; qu'ainsi, la surface hors œuvre nette excédant 170 m², le projet ne peut être dispensé du recours à un architecte ; que, par suite, la condition fixée par le c) du B de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme n'est pas remplie ».

    En substance, la Cour a donc estimé que le projeté créé bien de la SHON dans la mesure où les garages objets du permis de construire étaient destinés à la location.

    Sur ce point, la solution n’est pas inédite puisqu’il a déjà été jugé que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le maire de Gréoux-les-Bains (Alpes de Haute-Provence) a délivré à M. Z..., le 13 juillet 1985, un permis de construire à l'effet d'édifier un bâtiment à usage mixte comportant d'une part plusieurs logements, pour une surface hors-oeuvre nette de 245 m2 au total, d'autre part un local professionnel consistant en un "entrepôt-garage" de 94 m2 ; que compte tenu de la présence, sur la parcelle de M. Z..., d'un bâtiment de 86 m2, la surface de plancher hors-oeuvre nette totale s'élevait à 425 m2 ; que, selon les dispositions du plan d'occupation des sols applicables à la zone dans laquelle est projetée la construction, le coefficient d'occupation du sol est de 0,30, le plan permettant, toutefois, dans son article 4, d'apporter un ajustement à cette règle dans la limite de 10 % des surfaces constructibles ; qu'en l'espèce l'ajustement autorisé a été fixé à 6 %, ce qui, compte tenu de la superficie de la parcelle, soit 1 186 m2, portait la surface de plancher hors-oeuvre nette que pouvait comporter la construction à 376 m2 au plus ; que si la commune soutient que, selon l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme, il y a lieu de déduire de la surface à prendre en compte celle qui est aménagée en vue du stationnement des véhicules, il ressort des pièces du dossier que le "garage-entrepôt" pour lequel le permis de construire a été notamment délivré n'est pas destiné au stationnement des véhicules des occupants des logements, mais à un usage professionnel » (CE. 19 mars 1990, Cne de Gréoux-les-bains, req. n°84.083) ;

    Ou encore que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'utilisation de ces boxes, destinés à accueillir des caravanes pendant des périodes pouvant être très longues, sera assurée moyennant une rétribution au titre du gardiennage ; qu'ainsi la construction pour laquelle le permis de construire a été demandé est destinée à un usage professionnel et non à un stationnement de véhicules au sens des dispositions précitées de l'article R.112-2 du code de l'urbanisme ; que dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les parties aménagées pour le dépôt de caravanes doivent être déduites de la surface hors oeuvre brute pour le calcul de la surface hors oeuvre nette de la construction projetée » (CAA. Nantes, 15 avril 1998, Breton, req. n°96NT00781).

    A ce titre, on peut d’ailleurs également effet relever que, plus récemment, pour valider la déduction pratiquée au titre de l’article R.112-2 (c) du Code de l’urbanisme, le juge saisi a souligné que « la surface située en rez-de-chaussée réservée au stationnement des véhicules de l'entreprise occupant les lieux doit être regardée comme aménagée non à usage professionnel mais en vue du stationnement desdits véhicules au sens » (CAA. 23 juin 2008, Fabrice X…, req. n°06VE01308) de cet article. Dans cette affaire, le juge administratif a donc recherché l’existence d’un « lien » entre les surfaces dédiées au stationnement et les bâtiments objets du permis de construire en cause.

    Mais ce qui nous semble plus « spécifique »en l’espèce tient ainsi au fait que la Cour a donc souligné que les dispositions de l’article R.112-2 (c) « ne s'appliquent que dans l'hypothèse d'un stationnement présentant un caractère accessoire » ; ce qui semble devoir être apprécié au regard de l’argument présenté par les requérant et selon lequel « cette possibilité de déduction ne vaut que dans le cas où le stationnement constitue l'accessoire d'une construction principale » (CAA. Lyon, 25 mai 2010, Cne d’Amberieu-en-Buguey, req. n°08LY02410).

    Partant, cette solution semble en principe également devoir s’appliquer lorsque le projet de construction porte sur des garages qui pour ne pas être destinés à une exploitation professionnelle et/ou commerciale sont voués à être vendus, unité par unité, à des tiers entendant ainsi satisfaire à leurs propres besoins en stationnement.

    Il faut ainsi se demander dans quels cas un permis de construire ne portant que sur des garages peut être regardé comme portant sur un ouvrage « présentant un caractère accessoire ».

    Trois cas nous paraissent envisageables.

    Sauf à ce que le POS/PLU en dispose autrement, rien ne s’oppose à ce que les aires ou les locaux dédiés au stationnement des véhicules des occupants d’un immeuble à construire soient réalisés sur un autre terrain que cet immeuble ; pour autant qu’ils soient à proximité de celui-ci.

    Il reste qu’en principe, ces places de stationnement doivent être réalisées par le maitre d’ouvrage du bâtiment ou, à tout le moins, relever du permis de construire obtenu à cet effet. Partant, une demande de permis de construire ne portant que sur des garages ne saurait a priori être regardée comme portant sur un ouvrage accessoire d’une construction nouvelle.

    Toutefois, cette règle de principe vaut pour ce qui concerne la légalité du permis de construire portant sur la construction nouvelle et la conformité du projet ainsi autorisé aux prescriptions de l’article 12 du règlement local d’urbanisme.

    En outre, on sait qu’il a été jugé qu’un pétitionnaire pouvait se prévaloir des arbres à planter sur le même terrain en exécution d’un permis de construire précédemment obtenu ; le Conseil d’Etat ayant pour sa part déniée la possibilité de prévaloir de places de stationnement à réaliser dans le cadre d’un autre projet mais ce, dans la mesure où le projet allégué n’avait pas encore donné lieu à un permis de construire.

    Dans cette mesure, il nous semble donc qu’a contrario, le pétitionnaire d’un permis de construire ne portant que sur des garages peut utilement se prévaloir d’un projet d’immeuble précédemment autorisé pour ainsi soutenir que ces garages sont destinés à être affectés à ce projet et qu’il en constitue donc l’accessoire ; y compris lorsque le permis de construire portant sur ce projet d’immeuble était illégal au regard de l’article 12 du règlement local d’urbanisme, du moins lorsque ce permis est devenu définitif.

    En ce sens, la Cour administrative d’appel de Marseille a d’ailleurs validé un permis de construire ayant pour objet la réalisation d’un garage souterrain de trente-cinq places de stationnement affectées à un immeuble précédemment édifié en exécution d’un permis de construire depuis frappé de caducité au motif que ce permis de construire non seulement n’était pas illégal du seul fait qu’il ne portait pas sur l’ensemble de la construction antérieurement construite et qu’il ne prévoyait pas un nombre de places suffisant pour régulariser cette dernière mais qu’en outre, il ne générait lui-même aucun besoin en matière de stationnement (CAA. Marseille 27 mars 2003, Cne de Nice c/ Synd. des copropriétaires de la résidence Pierre Blanche, req. n°98MA0633).

    Partant, et en toute hypothèse, il nous également qu’il pourra en être ainsi lorsqu’il peut être établi que les garages sont destinés aux occupants d’un bâtiment existant, pour autant toutefois que ce bâtiment ait une existence légale.

    En effet, la jurisprudence rendue en matière d’annexes nous parait sur ce point transposable à la question ici posée. Or, s’il ne peut bien entendu y avoir de bâtiment annexe sans qu’une construction préexiste (CAA., 25 janvier 1996, Cne de Richardais, req. n°94NT00600 ; CAA. Nantes, 29 juin 1994, Cne de Villedomer, req. n°92NT00761) il faut encore que cette construction présente une existence légale (CAA. Nancy, 2 février 2001, Francis X., req. n°97NC01134).

    Mais plus spécifiquement, il faut également se demander ce qu’il en est lorsque le maitre d’ouvrage d’une construction nouvelle justifie d’une impossibilité technique de réaliser les places de stationnement sur son terrain ou à proximité immédiate (art. L.123-1-2; C.urb).

    On sait, en effet, que dans ce cas le pétitionnaire a la possibilité de prendre en concession des places de stationnement dans un parc public de stationnement ou de les louer dans un parc privé de stationnement.

    Mais outre que la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance, il reste que quand bien même le permis de construire l’immeuble et le permis de construire les garages seraient-ils délivrés à la même date, il résulte de l’article L.123-1-2 du Code de l’urbanisme que le parc de stationnement au sein duquel sont sises les places loués ou acquises doit être en cours de réalisation, ce qu’il faut comprendre comme en cours de réalisation à la date de délivrance du permis de construire obtenu en considération de l’impossibilité technique de réaliser les places requises par l’article 12 du règlement de PLU.

    Toutefois, lorsque le permis de construire les garages a été précédemment délivré et a reçu un commencement d’exécution, la circonstance qu’il ne puisse pas être regardé à sa date de délivrance comme portant sur un ouvrage accessoire ne saurait s’opposer à ce que les places de stationnement projetées soient louées à un tiers aux fins de satisfaire aux prescriptions de l’article 12 du règlement d’urbanisme local lorsqu’il est dans l’impossibilité technique de réaliser lui-même les places de stationnement sur le terrain

    Mais a contrario, il nous semble également que lorsque le permis de construire l’immeuble a été précédemment délivré son illégalité au regard de l’article L.123-1-2 du Code de l’urbanisme ne s’oppose pas, pour autant qu’il soit définitif, à ce que l’immeuble à construire soit pris en compte pour établir le caractère accessoire des garages objets d’un permis de construire ultérieure et distinct.

    Reste une question en suspend : lorsque les garages ne présente pas un caractère accessoire mais peuvent être rattachés à l’une des catégories de construction visées par l’article 12 d’un règlement local d’urbanisme imposant la réalisation de places de stationnement en considération de la SHON créée par le projet, comme s’appliquent les prescriptions de cet article à un permis de construire ne portant que sur des garages ?

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés