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Sur les notions de construction unique et de bâtiments contigus au regard des règles d’urbanisme relatives à l’implantation des construction

Des bâtiments distincts édifiés sur un volume en sous-sol commun n’en forment pas pour autant une construction unique et la circonstance qu’ils soit reliés entre eux par un escalier et un portique ne suffit pas à les faire regarder comme des bâtiments contigus.

CAA. Bordeaux, 5 février 2008, Sté Osmose, req. n°06BX00977



Voici un arrêt dont la solution est on ne peut moins contestable mais qui mérite néanmoins d’être signalé et commenté dans la mesure où il a trait, outre à l’un de nos « dadas », à une question qui, somme toute, n’a pas généré autant de jurisprudence que l’on pourrait le penser.

Dans cette affaire, le requérant avait sollicité un permis de construire portant sur l’édification de cinq bâtiments à réaliser sur un volume commun en sous-sol (selon toute vraisemblance à destination à parc de stationnement) et dont certains étaient reliés entre eux par un escalier extérieur et un portique.

Mais cette demande devait faire l’objet d’un refus, sur le fondement de l’article 8 du règlement local d’urbanisme, que devait donc valider la Cour administrative d’appel de Bordeaux au motif suivant :

« considérant que la SOCIETE OSMOSE fait appel du jugement du tribunal administratif de Pau qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 janvier 2004 du maire d'Arcangues lui refusant le permis de construire qu'elle avait sollicité en vue de l'édification d'un hôtel situé sur le golf d'Arcangues ; Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 2 janvier 2004 : Considérant qu'aux termes de l'article ZC8 du plan d'aménagement de zone de la zone d'aménagement concerté de Centre bourg de la commune : La distance minimum entre deux constructions non contiguës est fixée à la demi hauteur de la construction la plus haute ; qu'il ressort des pièces du dossier que les bâtiments 3 et 5 du projet en cause sont séparés du bâtiment 4, qui est d'une hauteur de 10 mètres à l'égout du toit, et en sont distants de moins de 2 mètres ; que, s'agissant d'une règle d'hygiène, de salubrité et de sécurité imposée par les dispositions précitées, ces constructions doivent être regardées, nonobstant la présence d'un escalier entre les bâtiments 3 et 4, d'un portique entre les bâtiments 4 et 5 et de leur implantation sur un sous-sol commun à l'ensemble de la construction hôtelière projetée, comme des constructions non contiguës ; que les distances entre ces constructions étant inférieures à leur demi-hauteur, le maire d'Arcangues était tenu de refuser, par la décision du 2 janvier 2004, le permis de construire sollicité par la SOCIETE OSMOSE ; que, dans ces conditions, les autres moyens de la requête sont inopérants ».

Cette décision confirme donc implicitement qu’un ensemble indivisible au regard du droit de l’urbanisme n’en forme pas pour autant une construction unique.

On sait, en effet, que l’existence d’aménagements communs est sans incidence sur l’appréciation du nombre de bâtiments projetés mais participe seulement à déterminer si ces derniers forment ou non ce qu’il est convenu d’appeler un « ensemble indivisible » ou encore un « tout indissociable».

C’est ainsi qu’un ensemble de bâtiments même autorisés par plusieurs permis de construire mais reliés entre eux par un seul accès commun à la voie publique formeront de ce fait un ensemble indivisible (CE. 1er décembre 1995, M. Ménager & Autres, req. n° 137.832) puisque pour être conformes aux prescriptions d’urbanisme applicable en la matière, il est impératif que chaque bâtiment à construire ait un accès à la voie publique et que cet accès soit saisi par le permis de construire en autorisant la construction (CE. 16 janvier 1987, SCI Ascodif, req. n° 64.032 ; CAA. Marseille, 18 février 1999, M. Tremellat, req. n° 96MA02391).

En revanche, deux maisons individuelles n’étant reliées entre elles par aucun équipement commun constitueront, même lorsqu’elles sont autorisées par un seul et même permis de construire, un ensemble dissociable, si bien, d’ailleurs, que ce permis de construire pourra être frappé de caducité partielle (CAA. Marseille, 22 avril 1999, M. Bracco, req. n° 97MA00647).

Il reste, donc, que si un bâtiment unique forme nécessairement un ensemble indivisible (CE. 26 janvier 1994, M. Mathieu Gonnet, req. n° 127.397 ; CAA. Marseille, 18 mars 2004, Cne de Beausoleil, req. n° 01MA00551), le simple fait que deux « volumes » soient reliés entre eux par un équipement commun, tel un auvent, voir par un élément de construction, tel un garage, susceptible de les rendre indivisibles ne saurait suffire à les faire regarder comme une construction unique (CE. 4 février 1994, Cne de Porancé, req. n°112.512).

Du seul fait de la présence en sous-sol d’un équipement commun sur lequel ils avaient vocation à être implantés, les bâtiments projetées en l’espèce n’en constituaient pas pour autant une construction unique. Et sur ce point, l’arrêt commenté peut ainsi être rapproché de ceux par lesquels la Cour administrative de Paris a jugé que :

« Considérant que les constructions projetées, présentées dans le dossier de demande du permis de construire litigieux comme deux bâtiments à usage d'habitations totalisant trois logements, ne présentent aucune différence avec celles qui avaient fait l'objet d'une première demande de permis, qui portait sur la construction d'un ensemble de trois maisons ; que le projet ne prévoit pas de parties communes aux bâtiments, à l'exception de la partie du sous-sol destinée au stationnement des véhicules ; qu'ainsi, et bien que les deux constructions jumelées comportent certaines superstructures et une dalle uniques, ce projet doit être regardé, pour l'application des dispositions réglementaires précitées, comme portant en réalité sur la réalisation de trois pavillons, dont deux accolés » (CAA. Paris, 31 décembre 2004, SCI Sceaux Desgranges, req. n°01PA00560).

ou plus récemment :

« Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article UD 14 du règlement du plan d'occupation des sols de Sèvres relatif au coefficient d'occupation des sols (C.O.S.) : « 14.1 - Les valeurs du C.O.S. sont : Zone Uda : 0,40 ( ) 14.2 - Dans le cas de la construction d'un seul pavillon sur une parcelle de superficie réduite, il est toujours possible de réaliser les SHON suivantes indépendamment de la valeur du C.O.S. applicable : ( ) 150 m2 de SHON constructible pour les terrains d'une surface supérieure à 300 m2. » ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des plans joints à la demande, que le projet litigieux est constitué de deux bâtiments distincts de hauteur et de style différents et dont les seules parties communes concernent les équipements extérieurs ainsi que la rampe d'accès des véhicules à la voie publique ; qu'ainsi, cet ensemble ne peut être assimilé à un seul pavillon au sens du plan d'occupation des sols rendant ainsi les dispositions dérogatoires précitées de l'article UD 14-2 sur les valeurs du C.OS inapplicables ; que, par suite, M. Y n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a également retenu ce second motif pour annuler la décision litigieuse » (CAA. Paris, 24 mai 2007, M. Raymond Y., req. n°04PA03314).

Ainsi, dès lors que le complexe hôtelier projeté en l’espèce ne constituait pas une construction unique mais se composait de plusieurs bâtiments distincts, l’article 8 du règlement local d’urbanisme – définissant les conditions d’implantation du plusieurs constructions sur une même propriété – était donc opposable à la demande du pétitionnaire : la seule véritable question était donc d’établir si les bâtiments objets de cette demande devaient être regardés comme contigus du fait de la présence entre eux d’un escalier ou d’un portique.

En première analyse, la réponse aurait pu être positive dans la mesure où de telles « installations » sont, elles-mêmes, indivisibles de la construction sur lesquelles elles s’appuient ; notamment pour application des règles d’urbanisme relatives à l’implantation des constructions (CE. 23 août 2006, Assoc. Le Fonvairous, req. n°267.578). Aussi, dans le cas où une même « installation » est indivisible de deux bâtiments, il pourrait donc en être déduit que ces dernières sont contiguës puisque liées entre elles par un même élément en étant indissociable.

Il reste que, d’une part, pour constituer un élément indivisible de la construction sur laquelle elle s’appuie au regard du droit de l’urbanisme, une installation tel un escalier extérieur ou un portique n’en fait pas autant partie intégrante d’un point de vue technique et constructif et que, d’autre part et surtout, si de telles installations suffisaient à rendre contiguës les constructions qu’elles lient, cela permettrait de contourner à moindre frais les prescriptions de l’article 8 d’un règlement local d’urbanisme sans respecter la finalité, comme l’a souligné la Cour, « d'une règle d'hygiène, de salubrité et de sécurité ».

C’est donc sans surprise que la Cour administrative d’appel de Bordeaux a donc considéré que l’escalier et le portique en cause ne suffisaient pas faire regarder les bâtiments ainsi liés comme contiguës. Et ce d’autant moins qu’une telle solution est parfaitement conforme à la jurisprudence rendue en la matière puisque le Conseil d’Etat a lui-même jugé :

« Considérant qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier et notamment des documents graphiques annexés au permis de construire délivré aux époux Hardouin que l'extension autorisée par le maire de la COMMUNE DE JOUE-LES-TOURS n'est pas contiguë au garage existant sur la parcelle et s'en trouve séparée par un espace d'environ un mètre ; que la circonstance qu'un passage sous porche aurait été prévu pour assurer la liaison entre les deux bâtiments n'est pas de nature à faire regarder ceux-ci comme étant contigus ; que dès lors le permis de construire délivré aux époux Hardouin méconnaît les dispositions de l'article UB 8 du plan d'occupation des sols de la commune » (CE. 12 avril 1995, Cne de Joué-les-Tours, req. n°148.421).

Mais pour conclure, on précisera que la seule véritable question restant à trancher a trait à ce qui distingue des constructions contiguës de constructions jointives ou jumelées bien qu’à notre sens, cette dernière expression soit bien plus restrictive que la notion de contiguïté puisque celle-ci ne nous paraît pas impliquer que les constructions en cause soient implantées, comme l’a très récemment jugé le Conseil d’Etat au sujet de la notion de jumelage, « de telle sorte que, sous réserve de décrochements minimes, leurs côtés se touchent entièrement » (CE. 7 mars 2008, Commune du Lavandou, req. n°297.831).


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
Cabinet Frêche & Associés

Commentaires

  • Si j'ai bien compris, 2 batiments avec 1 même portail ne sont pas forcement des constructions uniques ?

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