Comment s’apprécie le nombre de maisons individuelles autorisées par un POS sur un même terrain ?
L’article 5 d’un POS limitant le nombre de « maisons individuelles » selon la superficie du terrain à construire doit être compris comme limitant le nombre « d’unités d’habitation ». Partant, un projet portant sur trois constructions présentant chacune l’aspect d’un pavillon mais comportant cinq logements doit en toute hypothèse être considéré comme portant sur cinq maisons individuelles au sens du POS.
CAA. Versailles, 3 août 2010, Sté Agence Charles Katz, req. n°09VE00748
Dans cette affaire, la société requérante avait obtenu un permis de construire portant sur trois pavillons regroupant cinq logements ; deux de ces pavillons regroupant chacun deux logements. Il reste qu’en première instance ce permis de construire devait être annulé au motif tiré de la méconnaissance de l’article 5 du POS applicable en l’espèce ; jugement que la Cour administrative d’appel devait donc confirmer.
Mais pour ce faire, la Cour commença par interpréter l’article 5 en cause en jugeant ainsi que :
« Considérant qu'aux termes de l'article UG 5 A du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de la commune de Louveciennes : (...) 2/ Le nombre de maisons individuelles que peut contenir une parcelle ne peut dépasser : / - 1 maison par parcelle de 1 000 m² au moins ; / - 1 maison supplémentaire par tranche de 750 m² au-delà des 1 000 m² de base contenus dans cette même parcelle, à condition qu'il n'y ait ni division ni détachement de parcelle. (...) ; que ces dispositions ont pour objet et pour effet de limiter la densité des constructions dans le secteur UG a ; que, dès lors, les auteurs du plan d'occupation des sols de la commune de Louveciennes doivent être regardés comme ayant entendu désigner par l'expression maison individuelle toute unité d'habitation réalisée dans cette zone, et non, comme le soutient la société AGENCE CHARLES KATZ, toute construction individuelle présentant l'aspect d'un pavillon et pouvant comprendre deux, voire plusieurs logements ».
Trois observations sur ce point. Tout d’abord, il faut souligner l’importance des termes employés par l’article 5 en cause, celui-ci visant la notion de « maisons individuelles » et non pas seulement la notion de « bâtiments » ou de « maisons de ville ».
On sait, en effet, qu’au sujet de l’article 5 d’un règlement se bornant à limiter le nombre de bâtiments par unité foncière dans une zone dédiée à l’habitation pavillonnaire pouvant comporter des maisons de ville, il a été jugé que :
« Considérant que le règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Rueil-Malmaison décrit la zone UEd comme étant "une zone à vocation d'habitat pavillonnaire qui peut prendre la forme d'opérations groupées ou de maisons de ville", celles-ci étant par ailleurs définies comme suit dans l'annexe dudit règlement : "Structure d'habitat faisant l'objet d'une entrée individuelle par logement (intermédiaire entre le type individuel et le type collectif)" ; que l'article UEd 1.2.3 du règlement du plan d'occupation des sols n'autorise, sur une même unité foncière, la construction que d'un bâtiment par tranche entière de 500 m2 ; qu'il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement des plans produits par le pétitionnaire, que le permis de construire litigieux autorise la construction, sur un terrain d'une superficie de 1 324 m2, de deux "maisons de ville", au sens du plan d'occupation des sols, composées de deux logements ; que la circonstance que (…) des joints de dilatation soient prévus, dans chacune des deux maisons, entre les logements qu'elles abritent, ne suffit pas à faire regarder le permis de construire comme ayant autorisé la construction de quatre bâtiments, en violation des dispositions de l'article UEd 1.2.3 du règlement du plan d'occupation des sols » (CAA. PARIS, 18 OCTOBRE 2001, M. ET T MME SEVRAIN, REQ. N° 99PA04126).
Ensuite, la Cour a précisé que par maison individuelle il fallait comprendre « unité d’habitation », induisant ainsi que toute unité d’habitation constituait une maison individuelle « au sens » de l’article 5 en cause, dans la mesure où ses « dispositions ont pour objet et pour effet de limiter la densité ».
A l’examen de la jurisprudence rendue en la matière et sujet d’autres règles d’urbanisme, force est en effet de constater qu’une telle interprétation n’allait pas de soi.
Ainsi, a-t-il été jugé que le simple fait qu’un règlement d’urbanisme local réserve une zone à l’habitat pavillonnaire ou y interdise les immeubles d’habitation collective ne s’opposait en soi à la réalisation d’un construction comportant plusieurs logements dès lors qu’au regard de ses caractéristiques architecturales, elle présente l’apparence d’un habitation à usage d’habitation individuelle (CAA. Lyon, 3 février 2004, Gérard Melchior, req. n°98LY00697).
Mais par ailleurs, et pour l’interprétation non pas du préambule d’un règlement mais de certaines de ses prescriptions, il a été jugé que :
« Considérant que cette disposition qui ne permet qu'un seul pavillon ou une seule villa sur la portion de chaque lot du lotissement du Nice Havrais n'interdit pas de réaliser une construction comportant plusieurs logements ; que c'est par suite à tort que le maire de la commune de Sainte-Adresse a rejeté la demande de permis de construire dont il avait été saisi par la société ID Concepts sur l'unique motif selon lequel le projet consistait en la réalisation de logements collectifs ; que c'est donc également à tort que le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de la société ID Concepts tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Sainte-Adresse en date du 14 septembre 1999 portant refus de permis de construire » (CAA. Douai, 6 juin 2003, SARL ID Concept, req. n°01DA00407) ;
ou encore :
« Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 6 du règlemet du cahier des charges du lotissement "Domaine du Chateau de l'Anglais" : "Il ne pourra être construit sur chacun des lots voisins de Nice, c'est-à-dire les lots n°s ... 23, 24 ... qu'une seule maison à usage d'habitation, dite villa, composée d'un simple rez-de-chaussée sur sous-sol élevé d'un étage et d'un garage particulier" ; que cette disposition ne permet qu'une seule construction sur chaque lot et en limite la hauteur, mais n'interdit pas de réaliser une construction comportant plusieurs logements » (CE. 20 janvier 1988, William X., req. n°64302) ;
voire, mais sur un point plus spécifique :
« Considérant que l'article UG 2 du règlement du plan d'occupation des sols de Maurepas interdit, dans la zone où se trouve le terrain d'assiette de l'immeuble qui fait l'objet des arrêtés attaqués, les "constructions à usage d'habitation collective" ; qu'il ressort des pièces du dossier que la construction autorisée par l'arrêté du 30 avril 1985 se compose de trois maisons d'un étage et de leurs annexes, d'une surface hors oeuvre nette totale de 332 m2 agencées autour d'une cour commune ; qu'elle constitue, par son architecture et sa faible superficie et alors même qu'elle comporte cinq logements distincts, une construction à usage d'habitation individuelle et non une construction à usage d'habitation collective ; que les modifications de détail apportées à l'aspect extérieur du bâtiment par l'arrêté du 25 octobre 1988 ne lui ont pas fait acquérir ce caractère ; que le comité requérant n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que les arrêtés attaqués seraient intervenus en violation de l'article UG 2 du règlement du plan d'occupation des sols » (CE. 22 juillet 1992, Comité de Maurepas-Village, req. n°78.196).
En outre, mais il est vrai sur une problématique bien différente, il a été jugé que :
« Considérant qu' aux termes de l'article R.421-7-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque la demande de permis de construire porte sur la construction, sur un même terrain, par une seule personne physique ou morale, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d' une division en propriété ou en jouissance, le dossier présenté à l'appui de la demande est complété par les documents énumérés à l'article R.315-5 (a) et, le cas échéant, à l' article R.315-6 du code de l'urbanisme ?" ;
Considérant que le projet de la S.C.I. Enez Eussa, objet du permis de construire délivré le 30 mai 1997 par le maire de Puilboreau, porte sur la construction d'un bâtiment comprenant deux habitations individuelles, sur le lot n? 6 du lotissement "les Flénauds" à Puilboreau, autorisé par arrêté municipal du 12 juillet 1995 ; que ces deux habitations sont accolées, ont une toiture et une façade communes et constituent, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, un bâtiment unique » (CAA. Bordeaux, 31 mai 2001, Cts Pezin, req. n°97BX02195);
et donc que le nombre d'unités d'habitation horizontales n'équivalait pas nécessairement au nombre de bâtiment à construire.
Enfin, et peut-être surtout, la Cour a interprété l’article 5 du POS en appréhendant le type de bâtiment visé par cet article d’un point de vue non pas constructif mais avant tout fonctionnel.
Comme on le sait, Conseil d’Etat a jugé qu’il n’appartient pas aux règlements locaux d’urbanisme de régir l’agencement intérieur d’une construction (CE, 9 juillet 1997, commune de Megève, req. n°146061. En ce sens également : Cass. crim, 30 septembre 1998 ; Remblier, pourvoi n°96-80631) ; principe nous semblant demeurer, sous réserve de la loi n°2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion est venue modifier l’article L.123-1 du Code de l’urbanisme pour préciser que les PLU peuvent « délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels les programmes de logements doivent comporter une proportion de logements d'une taille minimale qu'ils fixent ».
Partant, il est permis de s’interroger sur les prescriptions d’urbanisme limitant le nombre de logements par bâtiment et/ou par unité foncière.
Il est vrai que la jurisprudence foisonne d’exemples où le juge administratif a fait application de telles prescriptions. Toutefois, ces exemples ne sont pas nécessairement significatif dès lors que cette question ne relève pas du champ d’application de la loi et, par voie de conséquence, que l’illégalité d’une telle prescription ne peut pas être évoquée d’office pas le juge administratif ; à défaut pour les parties requérantes, ou défenderesses, d’invoquer l’illégalité de ces prescriptions, le juge administratif est donc tenu d’en faire application.
Sur ce point, on peut en effet relever que suivant le moyen présenté en ce sens par les parties la Cour administrative d’appel de Paris a pu annuler l’article 14 d’un POS règlementant le nombre de logements par terrain (C.A.A Paris, 12 octobre 2004, Ferrand, n° 02PA01835) – au motif que tel n’était pas l’objet du COS – alors que le Conseil d’Etat a pu valider l’application d’une prescription équivalente à un permis de construire (CE, 11 décembre 1998, commune de Bartenheim, n° 155143).
Or, en l’espèce, c’est donc la Cour qui a d’elle-même donné à l’article 5 en cause une interprétation au terme de laquelle cet article vise non seulement le nombre de bâtiments et son type mais également le nombre « d’unités habitation » sur le terrain et, donc, au final, le nombre de « logements » et non pas donc seulement, comme le soutenait la société requérante, « toute construction individuelle présentant l'aspect d'un pavillon et pouvant comprendre deux, voire plusieurs logements »
Mais quoi que l’on puisse penser du bien fondé de cette interprétation, on peut surtout s’interroger sur son utilité dès lors que le permis de construire en cause a au final été annulé pour le motif suivant:
« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet porte sur la construction de trois pavillons, les pavillons 1 et 3 comportant chacun deux logements, sous la forme de deux maisons jumelées ; que le projet doit par conséquent être regardé, aux sens des dispositions précitées de l'article UG 5, qui visent à encadrer le nombre de maisons individuelles pouvant être implantées sur une même parcelle, comme emportant la réalisation de cinq maisons individuelles ; qu'il est constant que la superficie totale du terrain d'assiette du projet est de 2 527 m² et est donc inférieure à la surface minimum de 4 000 m² exigée par lesdites dispositions ; que, dès lors, les premiers juges étaient fondés à estimer que les dispositions précitées de l'article UG 5 A précitées du règlement d'occupation des sols de la commune de Louveciennes avaient été méconnues ».
En d’autres termes, chacune des « unités d’habitation » projetées avait vocation à être aménagée dans une maison ; deux des trois constructions présentées par le pétitionnaire comme constituant chacune un pavillon réunissant en fait deux maisons jumelées, c’est-à-dire a priori sous la forme de deux maisons accolées « de telle sorte que, sous réserve de décrochements minimes, leurs côtés se touchent entièrement » (CE. 7 mars 2008, Commune du Lavandou, req. n°297.831).
Or, comme on le sait, deux bâtiments accolés, voire jumelés n’en constituent pas pour autant une construction unique puisqu’à titre d’exemple, il a été jugé que :
« Considérant qu'aux termes de l'article UE 1-8 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Chéron, applicable au projet litigieux, La construction de plusieurs bâtiments sur une même propriété est autorisée à condition que la distance horizontale comptée entre tous les points du bâtiment soit au moins égale à (...) la hauteur de la façade la plus haute, avec un minimum de huit mètres, si la façade la plus basse comporte des baies principales assurant l'éclairement des pièces principales ou de travail ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que les maisons de ville numérotées 2, 3, 4, 5 et 6 dans la demande de permis de construire qui, bien qu'accolées les unes aux autres autour d'une cour, sont destinées à être occupées séparément, ont ainsi le caractère de bâtiments distincts au sens des dispositions rappelées ci-dessus ; que ces maisons présentent toutes des ouvertures principales les unes vers les autres alors qu'elles sont séparées en plusieurs points par des distances inférieures à six mètres ; qu'il suit de là que le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de droit en jugeant que le moyen relatif à l'inobservation de la disposition précitée du règlement du plan d'occupation des sols n'était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire litigieux ; que M. X est dès lors fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée » (CE. 7 mai Boisdeffre, req. n°251.596) ;
ou encore, et pour application de l’article 5 d’un règlement, que :
« Considérant que les constructions projetées, présentées dans le dossier de demande du permis de construire litigieux comme deux bâtiments à usage d'habitations totalisant trois logements, ne présentent aucune différence avec celles qui avaient fait l'objet d'une première demande de permis, qui portait sur la construction d'un ensemble de trois maisons ; que le projet ne prévoit pas de parties communes aux bâtiments, à l'exception de la partie du sous-sol destinée au stationnement des véhicules ; qu'ainsi, et bien que les deux constructions jumelées comportent certaines superstructures et une dalle uniques, ce projet doit être regardé, pour l'application des dispositions réglementaires précitées, comme portant en réalité sur la réalisation de trois pavillons, dont deux accolés » (CAA. Paris, 31 décembre 2004, SCI Sceaux Desgranges, req. n°01PA00560).
Ainsi, en l’espèce, dès lors que le projet constituait d’un point de vue constructif non pas en trois pavillons mais en cinq maisons, il n’y avait donc même pas lieu, compte tenu de la superficie du terrain à construire, de rechercher le nombre d’unités d’habitation en résultant… Il n'en demeure pas moins qu'a priori, si le projet avait effectivement consisté en seulement trois bâtiments prenant la forme d'un pavillon, le permis de construire en cause aurait néanmoins été censuré.
Reste donc l’intérêt de cette décision : un règlement d’urbanisme ou du moins certaines de ses prescriptions semblent donc pouvoir réglementer le nombre d’unités d’habitation par terrain (et d’aucun relèveront surement qu’il s’agit encore d’une jurisprudence de la Cour administrative d’appel de Versailles...).
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés