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Interprétation & Application des normes - Page 10

  • Comment s’apprécie le nombre de maisons individuelles autorisées par un POS sur un même terrain ?

    L’article 5 d’un POS limitant le nombre de « maisons individuelles » selon la superficie du terrain à construire doit être compris comme limitant le nombre « d’unités d’habitation ». Partant, un projet portant sur trois constructions présentant chacune l’aspect d’un pavillon mais comportant cinq logements doit en toute hypothèse être considéré comme portant sur cinq maisons individuelles au sens du POS.

    CAA. Versailles, 3 août 2010, Sté Agence Charles Katz, req. n°09VE00748



    MJ.jpgDans cette affaire, la société requérante avait obtenu un permis de construire portant sur trois pavillons regroupant cinq logements ; deux de ces pavillons regroupant chacun deux logements. Il reste qu’en première instance ce permis de construire devait être annulé au motif tiré de la méconnaissance de l’article 5 du POS applicable en l’espèce ; jugement que la Cour administrative d’appel devait donc confirmer.

     Mais pour ce faire, la Cour commença par interpréter l’article 5 en cause en jugeant ainsi que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article UG 5 A du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de la commune de Louveciennes : (...) 2/ Le nombre de maisons individuelles que peut contenir une parcelle ne peut dépasser : / - 1 maison par parcelle de 1 000 m² au moins ; / - 1 maison supplémentaire par tranche de 750 m² au-delà des 1 000 m² de base contenus dans cette même parcelle, à condition qu'il n'y ait ni division ni détachement de parcelle. (...) ; que ces dispositions ont pour objet et pour effet de limiter la densité des constructions dans le secteur UG a ; que, dès lors, les auteurs du plan d'occupation des sols de la commune de Louveciennes doivent être regardés comme ayant entendu désigner par l'expression maison individuelle toute unité d'habitation réalisée dans cette zone, et non, comme le soutient la société AGENCE CHARLES KATZ, toute construction individuelle présentant l'aspect d'un pavillon et pouvant comprendre deux, voire plusieurs logements ».

    Trois observations sur ce point. Tout d’abord, il faut souligner l’importance des termes employés par l’article 5 en cause, celui-ci visant la notion de « maisons individuelles » et non pas seulement la notion de « bâtiments » ou de « maisons de ville ».

    On sait, en effet, qu’au sujet de l’article 5 d’un règlement se bornant à limiter le nombre de bâtiments par unité foncière dans une zone dédiée à l’habitation pavillonnaire pouvant comporter des maisons de ville, il a été jugé que :

    « Considérant que le règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Rueil-Malmaison décrit la zone UEd comme étant "une zone à vocation d'habitat pavillonnaire qui peut prendre la forme d'opérations groupées ou de maisons de ville", celles-ci étant par ailleurs définies comme suit dans l'annexe dudit règlement : "Structure d'habitat faisant l'objet d'une entrée individuelle par logement (intermédiaire entre le type individuel et le type collectif)" ; que l'article UEd 1.2.3 du règlement du plan d'occupation des sols n'autorise, sur une même unité foncière, la construction que d'un bâtiment par tranche entière de 500 m2 ; qu'il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement des plans produits par le pétitionnaire, que le permis de construire litigieux autorise la construction, sur un terrain d'une superficie de 1 324 m2, de deux "maisons de ville", au sens du plan d'occupation des sols, composées de deux logements ; que la circonstance que (…) des joints de dilatation soient prévus, dans chacune des deux maisons, entre les logements qu'elles abritent, ne suffit pas à faire regarder le permis de construire comme ayant autorisé la construction de quatre bâtiments, en violation des dispositions de l'article UEd 1.2.3 du règlement du plan d'occupation des sols » (CAA. PARIS, 18 OCTOBRE 2001, M. ET T MME SEVRAIN, REQ. N° 99PA04126).

    Ensuite, la Cour a précisé que par maison individuelle il fallait comprendre « unité d’habitation », induisant ainsi que toute unité d’habitation constituait une maison individuelle « au sens » de l’article 5 en cause, dans la mesure où ses « dispositions ont pour objet et pour effet de limiter la densité ».

    A l’examen de la jurisprudence rendue en la matière et sujet d’autres règles d’urbanisme, force est en effet de constater qu’une telle interprétation n’allait pas de soi.

    Ainsi, a-t-il été jugé que le simple fait qu’un règlement d’urbanisme local réserve une zone à l’habitat pavillonnaire ou y interdise les immeubles d’habitation collective ne s’opposait en soi à la réalisation d’un construction comportant plusieurs logements dès lors qu’au regard de ses caractéristiques architecturales, elle présente l’apparence d’un habitation à usage d’habitation individuelle (CAA. Lyon, 3 février 2004, Gérard Melchior, req. n°98LY00697).

    Mais par ailleurs, et pour l’interprétation non pas du préambule d’un règlement mais de certaines de ses prescriptions, il a été jugé que :

    « Considérant que cette disposition qui ne permet qu'un seul pavillon ou une seule villa sur la portion de chaque lot du lotissement du Nice Havrais n'interdit pas de réaliser une construction comportant plusieurs logements ; que c'est par suite à tort que le maire de la commune de Sainte-Adresse a rejeté la demande de permis de construire dont il avait été saisi par la société ID Concepts sur l'unique motif selon lequel le projet consistait en la réalisation de logements collectifs ; que c'est donc également à tort que le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de la société ID Concepts tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Sainte-Adresse en date du 14 septembre 1999 portant refus de permis de construire » (CAA. Douai, 6 juin 2003, SARL ID Concept, req. n°01DA00407) ;

    ou encore :

    « Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 6 du règlemet du cahier des charges du lotissement "Domaine du Chateau de l'Anglais" : "Il ne pourra être construit sur chacun des lots voisins de Nice, c'est-à-dire les lots n°s ... 23, 24 ... qu'une seule maison à usage d'habitation, dite villa, composée d'un simple rez-de-chaussée sur sous-sol élevé d'un étage et d'un garage particulier" ; que cette disposition ne permet qu'une seule construction sur chaque lot et en limite la hauteur, mais n'interdit pas de réaliser une construction comportant plusieurs logements » (CE. 20 janvier 1988, William X., req. n°64302) ;

    voire, mais sur un point plus spécifique :

    « Considérant que l'article UG 2 du règlement du plan d'occupation des sols de Maurepas interdit, dans la zone où se trouve le terrain d'assiette de l'immeuble qui fait l'objet des arrêtés attaqués, les "constructions à usage d'habitation collective" ; qu'il ressort des pièces du dossier que la construction autorisée par l'arrêté du 30 avril 1985 se compose de trois maisons d'un étage et de leurs annexes, d'une surface hors oeuvre nette totale de 332 m2 agencées autour d'une cour commune ; qu'elle constitue, par son architecture et sa faible superficie et alors même qu'elle comporte cinq logements distincts, une construction à usage d'habitation individuelle et non une construction à usage d'habitation collective ; que les modifications de détail apportées à l'aspect extérieur du bâtiment par l'arrêté du 25 octobre 1988 ne lui ont pas fait acquérir ce caractère ; que le comité requérant n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que les arrêtés attaqués seraient intervenus en violation de l'article UG 2 du règlement du plan d'occupation des sols » (CE. 22 juillet 1992, Comité de Maurepas-Village, req. n°78.196).

    En outre, mais il est vrai sur une problématique bien différente, il a été jugé que :

    « Considérant qu' aux termes de l'article R.421-7-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque la demande de permis de construire porte sur la construction, sur un même terrain, par une seule personne physique ou morale, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d' une division en propriété ou en jouissance, le dossier présenté à l'appui de la demande est complété par les documents énumérés à l'article R.315-5 (a) et, le cas échéant, à l' article R.315-6 du code de l'urbanisme ?" ;
    Considérant que le projet de la S.C.I. Enez Eussa, objet du permis de construire délivré le 30 mai 1997 par le maire de Puilboreau, porte sur la construction d'un bâtiment comprenant deux habitations individuelles, sur le lot n? 6 du lotissement "les Flénauds" à Puilboreau, autorisé par arrêté municipal du 12 juillet 1995 ; que ces deux habitations sont accolées, ont une toiture et une façade communes et constituent, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, un bâtiment unique
    » (CAA. Bordeaux, 31 mai 2001, Cts Pezin, req. n°97BX02195);

    et donc que le nombre d'unités d'habitation horizontales n'équivalait pas nécessairement au nombre de bâtiment à construire.

    Enfin, et peut-être surtout, la Cour a interprété l’article 5 du POS en appréhendant le type de bâtiment visé par cet article d’un point de vue non pas constructif mais avant tout fonctionnel.

    Comme on le sait, Conseil d’Etat a jugé qu’il n’appartient pas aux règlements locaux d’urbanisme de régir l’agencement intérieur d’une construction (CE, 9 juillet 1997, commune de Megève, req. n°146061. En ce sens également : Cass. crim, 30 septembre 1998 ; Remblier, pourvoi n°96-80631) ; principe nous semblant demeurer, sous réserve de la loi n°2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion est venue modifier l’article L.123-1 du Code de l’urbanisme pour préciser que les PLU peuvent « délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels les programmes de logements doivent comporter une proportion de logements d'une taille minimale qu'ils fixent ».

    Partant, il est permis de s’interroger sur les prescriptions d’urbanisme limitant le nombre de logements par bâtiment et/ou par unité foncière.

    Il est vrai que la jurisprudence foisonne d’exemples où le juge administratif a fait application de telles prescriptions. Toutefois, ces exemples ne sont pas nécessairement significatif dès lors que cette question ne relève pas du champ d’application de la loi et, par voie de conséquence, que l’illégalité d’une telle prescription ne peut pas être évoquée d’office pas le juge administratif ; à défaut pour les parties requérantes, ou défenderesses, d’invoquer l’illégalité de ces prescriptions, le juge administratif est donc tenu d’en faire application.

    Sur ce point, on peut en effet relever que suivant le moyen présenté en ce sens par les parties la Cour administrative d’appel de Paris a pu annuler l’article 14 d’un POS règlementant le nombre de logements par terrain (C.A.A Paris, 12 octobre 2004, Ferrand, n° 02PA01835) – au motif que tel n’était pas l’objet du COS – alors que le Conseil d’Etat a pu valider l’application d’une prescription équivalente à un permis de construire (CE, 11 décembre 1998, commune de Bartenheim, n° 155143).

    Or, en l’espèce, c’est donc la Cour qui a d’elle-même donné à l’article 5 en cause une interprétation au terme de laquelle cet article vise non seulement le nombre de bâtiments et son type mais également le nombre « d’unités habitation » sur le terrain et, donc, au final, le nombre de « logements » et non pas donc seulement, comme le soutenait la société requérante, « toute construction individuelle présentant l'aspect d'un pavillon et pouvant comprendre deux, voire plusieurs logements »

    Mais quoi que l’on puisse penser du bien fondé de cette interprétation, on peut surtout s’interroger sur son utilité dès lors que le permis de construire en cause a au final été annulé pour le motif suivant:

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet porte sur la construction de trois pavillons, les pavillons 1 et 3 comportant chacun deux logements, sous la forme de deux maisons jumelées ; que le projet doit par conséquent être regardé, aux sens des dispositions précitées de l'article UG 5, qui visent à encadrer le nombre de maisons individuelles pouvant être implantées sur une même parcelle, comme emportant la réalisation de cinq maisons individuelles ; qu'il est constant que la superficie totale du terrain d'assiette du projet est de 2 527 m² et est donc inférieure à la surface minimum de 4 000 m² exigée par lesdites dispositions ; que, dès lors, les premiers juges étaient fondés à estimer que les dispositions précitées de l'article UG 5 A précitées du règlement d'occupation des sols de la commune de Louveciennes avaient été méconnues ».

    En d’autres termes, chacune des « unités d’habitation » projetées avait vocation à être aménagée dans une maison ; deux des trois constructions présentées par le pétitionnaire comme constituant chacune un pavillon réunissant en fait deux maisons jumelées, c’est-à-dire a priori sous la forme de deux maisons accolées « de telle sorte que, sous réserve de décrochements minimes, leurs côtés se touchent entièrement » (CE. 7 mars 2008, Commune du Lavandou, req. n°297.831).

    Or, comme on le sait, deux bâtiments accolés, voire jumelés n’en constituent pas pour autant une construction unique puisqu’à titre d’exemple, il a été jugé que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article UE 1-8 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Chéron, applicable au projet litigieux, La construction de plusieurs bâtiments sur une même propriété est autorisée à condition que la distance horizontale comptée entre tous les points du bâtiment soit au moins égale à (...) la hauteur de la façade la plus haute, avec un minimum de huit mètres, si la façade la plus basse comporte des baies principales assurant l'éclairement des pièces principales ou de travail ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que les maisons de ville numérotées 2, 3, 4, 5 et 6 dans la demande de permis de construire qui, bien qu'accolées les unes aux autres autour d'une cour, sont destinées à être occupées séparément, ont ainsi le caractère de bâtiments distincts au sens des dispositions rappelées ci-dessus ; que ces maisons présentent toutes des ouvertures principales les unes vers les autres alors qu'elles sont séparées en plusieurs points par des distances inférieures à six mètres ; qu'il suit de là que le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de droit en jugeant que le moyen relatif à l'inobservation de la disposition précitée du règlement du plan d'occupation des sols n'était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire litigieux ; que M. X est dès lors fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée » (CE. 7 mai Boisdeffre, req. n°251.596) ;

    ou encore, et pour application de l’article 5 d’un règlement, que :

    « Considérant que les constructions projetées, présentées dans le dossier de demande du permis de construire litigieux comme deux bâtiments à usage d'habitations totalisant trois logements, ne présentent aucune différence avec celles qui avaient fait l'objet d'une première demande de permis, qui portait sur la construction d'un ensemble de trois maisons ; que le projet ne prévoit pas de parties communes aux bâtiments, à l'exception de la partie du sous-sol destinée au stationnement des véhicules ; qu'ainsi, et bien que les deux constructions jumelées comportent certaines superstructures et une dalle uniques, ce projet doit être regardé, pour l'application des dispositions réglementaires précitées, comme portant en réalité sur la réalisation de trois pavillons, dont deux accolés » (CAA. Paris, 31 décembre 2004, SCI Sceaux Desgranges, req. n°01PA00560).

    Ainsi, en l’espèce, dès lors que le projet constituait d’un point de vue constructif non pas en trois pavillons mais en cinq maisons, il n’y avait donc même pas lieu, compte tenu de la superficie du terrain à construire, de rechercher le nombre d’unités d’habitation en résultant… Il n'en demeure pas moins qu'a priori, si le projet avait effectivement consisté en seulement trois bâtiments prenant la forme d'un pavillon, le permis de construire en cause aurait néanmoins été censuré.

    Reste donc l’intérêt de cette décision : un règlement d’urbanisme ou du moins certaines de ses prescriptions semblent donc pouvoir réglementer le nombre d’unités d’habitation par terrain (et d’aucun relèveront surement qu’il s’agit encore d’une jurisprudence de la Cour administrative d’appel de Versailles...).

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Veille administrative : 1 Réponse ministérielle commentée – PLU & Constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif (« CINASPIC »)

    Texte de la question (publiée au JO le : 13/07/2010 page : 7798) : « M. Rudy Salles attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme sur le problème de non-classement des palais des congrès en catégorie CINASPIC (constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif). Les parcs des expositions et les palais des congrès sont des outils structurants d'animation économique des territoires, avec une vocation de rayonnement et de développement des retombées économiques induites par leurs activités. Les parcs des expositions et les palais des congrès ont donc des activités très proches pour ne pas dire quasi identiques en termes d'accueil et d'organisation de manifestations. C'est d'ailleurs pour cette raison que les sociétés de gestion de ces équipements sont regroupées au sein d'une même fédération professionnelle la FSCEF (foires, salons, congrès et évènements de France). Ces équipements représentent, dans toutes les villes où ils sont implantés, des surfaces d'activité qui sont répertoriées dans les documents d'urbanisme. La loi instaurant les plans locaux d'urbanisme (PLU) a créé une catégorie classifiant les surfaces d'intérêt général dite CINASPIC, laissant aux collectivités territoriales la charge d'établir la liste précise des locaux rentrant dans cette catégorie. La ville de Paris a, dans le cadre de son PLU, établi une liste des surfaces classées CINASPIC dans laquelle on retrouve les théâtres, les stades non commerciaux, les centres de santé, les parcs des expositions, les ambassades. Contrairement aux parcs des expositions, les palais des congrès n'ont pas été classés dans la catégorie des CINASPIC. De ce fait, les surfaces d'activité des palais des congrès ne sont pas protégées par le PLU. Il lui demande donc quelles mesures le Gouvernement entend prendre afin d'intégrer les palais des congrès dans cette catégorie »


    Texte de la réponse (publiée au JO le : 07/09/2010 page : 9772) : « L'article R. 123-9 du code de l'urbanisme relatif au règlement du plan local d'urbanisme précise que des règles particulières peuvent être applicables aux « constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif » (les « CINASPIC »). Ces derniers peuvent ainsi bénéficier de règles spécifiques de hauteur, d'implantation, de surface, etc. Toutefois le code ne donne aucune définition de cette notion. Certains PLU énumèrent donc, dans leur lexique généralement annexé au règlement, les constructions ou installations qui relèvent précisément de cette catégorie. C'est en effet aux collectivités qu'il appartient, au regard de leurs choix en matière d'urbanisme et d'aménagement, de lister ou non les constructions entrant dans cette catégorie. Les décisions prises par les communes à cet égard relèvent de l'opportunité, sous réserve que soient détaillés dans le document d'urbanisme les motifs des règles retenues et sauf erreur manifeste dans le choix de ces règles. Le contrôle de l'État sera donc nécessairement limité sur cette question dans la mesure où il s'attache plus aux questions de stricte légalité que d'opportunité. D'une manière générale il n'est pas judicieux d'enfermer les CINASPIC dans des catégories prédéterminées. Il s'agit, en effet, d'une notion à caractère évolutif dépendante des pratiques et des évolutions notamment technologiques. Une liste close n'aurait, par exemple, pas permis de considérer les éoliennes ou les antennes de radiotéléphonie comme faisant partie de cette catégorie, alors que c'est pourtant le cas. Finalement, les règles applicables aux CINASPIC ne sont pas nécessairement plus favorables mais peuvent être un moyen de contrôler de manière plus rigoureuse l'implantation de certains ouvrages ou installations ».


    Commentaire : voici une réponse ministérielle qui nous permet d’aborder une question d’importance : les PLU peuvent-ils, comme l’induit le Ministère, définir la notion de « CINASPIC » et bien plus déterminer par une « liste close » ce qui relève ou non de cette catégorie.

    Comme le précise le Ministère, il est exact que ni l’article R.123-9, ni aucune autre disposition du Code de l’urbanisme ne définit la notion de « CINASPÏC ».

    En revanche, les contours de cette notion sont aujourd’hui assez précisément fixés par la jurisprudence, laquelle ne s’est d’ailleurs pas réellement éloignée de ceux initialement déterminés par la doctrine administrative. En effet, le Ministère de l’Equipement avait lui-même précédemment précisé que :

    « les constructions à destination d’équipements collectifs correspondent à une catégorie vaste et ambiguë qui englobe l’ensemble des installations, des réseaux et des bâtiments qui permettent d’assurer à la population résidence et aux entreprises les services collectifs dont elles ont besoins (…).
    Le POS peut distinguer ce type de destination des autres constructions (…).
    Les bureaux correspondent aux locaux où sont effectués des tâches administratives et de gestion, dans le cadre de l’administration, des organismes financiers et des assurances (…)
    » (DGUHC, « Guide des POS », Juillet 1999, p.102).


    univer.jpgPrécisément, il ressort ainsi de la jurisprudence qu’effectivement « la notion d’équipement public ne saurait se confondre avec celle de bâtiment public, ni bien sûr avec celle de bâtiment accueillant du public. (…) Les bureaux de la CPAM, où les agents accomplissent leur travail, ne sont pas des équipements publics comme le sont une école, un hôpital, une piscine ou une bibliothèque, lesquels accueillent du public pour lui offrir un service d’enseignement, de soins, de loisirs. Il y’a dans la notion d’équipement public, l’idée de réponse apportée à un besoin collectif, par la mise à disposition d’installations sportives, culturelles, médicales, etc., ce que ne recouvre pas une simple construction de bureaux administratifs, même s’ils accueillent du public » (Concl. MITJAVILLE : CE. 3 mai 2004, CPAM de la Meuse, req. n°223.091).

    Mais ultérieurement, la jurisprudence administrative y a ajouté un autre élément d’appréciation : il doit s’agir d’un besoin d’intérêt général.

    En résumé, un « équipement collectif est une installation assurant un service d’intérêt général destiné à répondre à un besoin collectif » (Ccl Y.AGUILA sur CE. 23 novembre 2005, req. n°262.105, in BJDU, n°1/2006, p.20).

    Cette définition résulte de la finalité même de la notion et de l’objet de l’actuel article R.123-9 de Code de l’urbanisme qui « vise à fonder une faculté de dérogation aux règles générales » (Concl Y.AGUILA sur CE. 23 novembre 2005, req. n°262.105, in BJDU, n°1/2006, p.20).

    Il s’ensuit que le seul fait que la construction considérée soit réalisée par et/ou pour le compte d’une personne publique ne saurait en principe suffire à la qualifier d’équipement public, d’équipement nécessaire aux services publics ou d’équipement d’intérêt collectif (sur le caractère inopérant du critère organique : Ccl Y.AGUILA sur CE. 23 novembre 2005, req. n°262.105, in BJDU, n°1/2006, p.20).

    Surtout, compte tenu de sa finalité, cette notion fait l’objet d’une application stricte puisqu’à titre d’exemple, il a pu être jugé que :

    • les bureaux annexes de la Prison de la Santé ne constituaient pas de tels équipements au sens de l’ancien POS parisien alors même que ce dernier visait comme faisant partie de cette catégorie les établissements pénitentiaires (CE. 18 octobre 2006, Synd. des copropriétaires de l’immeuble « Les Jardins d’Arago », req. n°294.096) ;
    • une résidence, sise sur le même terrain qu’un lycée et destinée à accueillir les élèves des classes préparatoire de ce dernier, ne constituait pas un « CINASPIC » alors même que le POS en cause classait dans cette catégorie les bâtiments scolaires (CAA. Marseille, 30 août 2001, req. n°99MA02325).

    Dès lors si à notre sens l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme ne s’oppose pas ce que les PLU déterminent ce qui constituent ou non un « CINASPIC » – d’autant que d’une façon générale cet article n’a pas nécessairement la portée que lui prête l’administration – il nous semble qu’effectivement cette définition peut faire l’objet d’un contrôle de la part du juge administratif – puisque l’on voit bien le risque d’abus et détournement qu’il peut y avoir en la matière – mais que celui-ci a vocation a être plus poussé que ce contrôle minimal que constitue le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.

    Mais quoi qu’il en soit, l’examen de la jurisprudence rendue en la matière, permet de relativiser l’opportunité et/ou l’utilité d’une telle définition ; du moins telle qu’elle est le plus souvent opérée par les POS/PLU qui dans la plupart des cas visent précisément tel ou tel équipement en considération de leur affectation : équipement scolaire, équipement sportif, équipement culturel, etc…

    Tout d’abord, ce type de définition ne prime pas les critères dégagés par la jurisprudence pour apprécier ce qui constitue ou non un « CINASPIC ».

    En d’autres termes, le fait que la construction considérée ait une affectation correspondante à celle visée par le POS/PLU à travers sa définition ou sa liste des « CINASPIC » ne signifie pas nécessairement que cette construction relève effectivement de cette catégorie.

    A titre d’exemple, pour application d’un article 14 autorisant un COS excédentaire pour les équipements collectifs et notamment les équipements culturels, il a été jugé qu’un complexe cinématographique constituait certes un équipement à caractère culturel mais n’en était pas pour autant un équipement collectif dès lors qu’à proprement parler, sa réalisation ne répondait pas à un besoin d’intérêt général (CE. 23 novembre 2005, req. n°262.105).

    Ensuite, les collectivités peuvent « librement » les définir ou les lister mais elles peuvent en outre prévoir des règles distinctes selon les types de « CINASPIC » en visant des types et des catégories parfois relativement proches.

    Or, il va sans dire que les auteurs du POS/PLU sont ultérieurement tenus par cette « catégorisation » qui les lie et qu’ils ne sauraient donc appliquer en opportunité puisqu’à titre d’exemple, un permis de construire portant sur l’extension d’un stade a été annulé dans la mesure où il avait été délivré en faisant application des règles de hauteur visant les équipements de loisirs cependant que les travaux portaient sur un équipement sportif (CAA. Douai, 7 juillet 2005, Assoc. « Sauvons la Citadelle de Lille », req. n°05DA00010 ; confirmé en cassation).

    Dans le même sens, il faut également être vigilant quant aux termes employés. En effet, si la qualification d’équipement collectif est en principe indépendante de toute considération liée à la qualité du maître d’ouvrage (pour exemple : CAA. Paris, Boulart, req. n°97PA00693), il a néanmoins pu être jugé que « si l'installation projetée, qui consiste en un centre d'accueil pour enfants destiné à recevoir des jeunes dont la santé, la sécurité, la moralité, l'éducation sont compromises, a le caractère d'un équipement collectif d'intérêt général, cette seule circonstance n'est pas de nature à lui conférer le caractère d'équipement public au sens de l'article UE 1 II 2 du règlement du plan d'occupation des sols » dès lors que celui-ci ne visait expressément que les équipements publics » (CAA. Versailles, 19 janvier 2006, Fondation Mequignon, req. n°04VE00237).

    Enfin, et surtout, une liste close ou l’édiction de prescriptions spécifiques ne bénéficiant expressément que tel ou tel « CINASPIC » présente un inconvénient majeur puisqu’elles ne s’appliquent pas aux autres équipements d’intérêt collectif puisqu’à titre d’exemple, il a été jugé : « que les permis de construire litigieux ont pour objet l'extension de l'immeuble dans lequel l'association "chez nous" a réalisé un centre d'accueil et d'hébergement pour des jeunes en difficulté ; qu'un tel bâtiment n'a pas les caractéristiques d'un bâtiment scolaire, hospitalier ou sanitaire, ni celles d'un équipement d'infrastructure au sens des dispositions précitées de l'article Uc 14 du règlement du plan d'occupation des sols, qui sont, d'après leurs termes mêmes, d'interprétation stricte ; que le permis de construire ne pouvait, par suite, légalement autoriser cet immeuble à dépasser le coefficient d'occupation des sols fixé pour la zone du plan d'occupation des sols dans laquelle se trouve situé le bâtiment dont la construction a été autorisée » (CE. 15 juin 2001, Cne de Vieux Boucau, req. n°218.119).

    Mais les listes voulues pour figer dans le PLU ce qui constitue ou non des « CINASPIC » et, plus généralement, l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme génèrent deux interrogations (dont l’une plus « sérieuse » que l’autre).

    En premier lieu, et comme le souligne à raison la réponse ministérielle commentée, il s’agit d'une notion à caractère évolutif. Deux observations sur ce point.

    D’une part, il incombe au juge administratif d’opérer un contrôle des normes et des servitudes destinées à faciliter la réalisation d’équipements d’intérêt général ; ce qu’il fait notamment en appréciant la réalité des besoins locaux auquel l’équipement en cause doit satisfaire (pour exemples : CAA. Lyon, 29 juin 2010, Monique A., req. n°08LY02349 ; CAA. Nancy, 18 novembre 1999, Cne de Heiteren, req. n°96NC01794).

    D’autre part, on sait qu’une norme édictée par un POS/PLU peut devenir illégal et donc inopposable en raison de l’évolution des circonstances de droit ou de fait ayant concouru à son adoption. A ce titre notamment, il a été jugé qu’un emplacement réservé cessé d’être opposable dès lors qu’il était devenu inutile (CAA. Bordeaux, 12 février 2007, M. Jacques Y., req. n°04BX00214).

    Ainsi, on peut s’interroger sur l’applicabilité des normes propres aux « CINASPIC » lorsqu’il peut être établi que, d’une part, elles visaient à satisfaire à des besoins locaux déterminés lors de l’adoption du POS/PLU mais que, d’autre part, ces besoins ont depuis été satisfaits ou ont disparus.

    En second lieu, et plus spécifiquement, on peut également relever qu’il a été jugé : « qu'il est constant que les locaux acquis par la fondation étaient exclusivement destinés à l'habitation ; que la création d'un centre d'hébergement temporaire pour enfants, qui, comme il vient d'être dit est un équipement collectif d'intérêt général et ne saurait être regardé comme une construction à usage d'habitation, est ainsi constitutif d'un changement de destination du bâtiment existant ; que, dès lors que les dispositions de l'article UE 1 II 1 précitées n'autorisent les changements de destination qu'en tant qu'ils portent sur la création de locaux à usage de bureaux et de services, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que lesdites dispositions faisaient obstacle à la délivrance du permis de construire sollicité par la FONDATION MEQUIGNON » (CAA. Versailles, 19 janvier 2006, Fondation Mequignon, req. n°04VE00237).

    Rappelons ainsi que s’agissant du régime des travaux sur existants, l’article R.421-17 du Code de l’urbanisme se borne à viser « les changements de destination d'un bâtiment existant entre les différentes destinations définies à l'article R. 123-9 » ; ce dont il semble résulter (voir ici puis là) que tout changement de destination est à tout le moins soumis à déclaration préalable, y compris si ce changement ne s’accompagne d’aucun travaux.

    Or, l’article R. 123-9 (al.18) du Code de l’urbanisme vise « les constructions destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt » mais également donc « les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif ».

    Mais si au regard de cet article, certains ouvrages ne peuvent qu’être qualifiés de « CINASPIC » d’autres peuvent sur ce point présenter une double destination ou plutôt une destination primaire et, le cas échéant, une destination secondaire.

    A titre d’exemple, une usine d’incinération constitue intrinsèquement et en toute hypothèse une construction à destination industrielle, laquelle peut toutefois accéder au statut d’équipement collectif (CE. 23 décembre 1988, Association pour la défense de l’environnement de la Région de Miremont, req. n°82.863) et être soumise aux prescriptions spécifiquement prévues par le plan local d’urbanisme pour ce type d’équipement » (CE. 16 juin 2004, Laboratoire de Biologie Végétale – Yves ROCHER, req. n° 254.172), si d’une façon plus particulière l’usine considérée répond à un besoin de la population.

    On peut dès lors se demander si la catégorie des « constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif » constituera une destination à part entière pour application du principe posé par les nouveaux articles R. 421-14 et R. 421-17 ; étant d’ailleurs relevé qu’elle est visée en tant que telle par le formulaire « CERFA » de déclaration préalable.

    Mais force est d’admettre que la réponse devrait être négative puisque si tel était le cas le simple fait pour une construction de perdre les caractéristiques pour lesquelles elle pouvait être considérée comme un équipement d’intérêt collectif, pour ainsi s’en retrouver réduite à sa destination primaire, emporterait un changement de destination soumis à déclaration....

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Sur la notion d’extension limitée de l’urbanisation au sens de l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme appliquée aux permis de construire au sein d’un lotissement

    Dans un lotissement, l’appréciation de l’importance de l’urbanisation emportée par l’exécution d’un permis de construire s’opère indépendamment de l’urbanisation pouvant résulter de l’autorisation de lotir initiale ou de celles résultant de permis de construire ultérieurs. En revanche, elle implique de tenir compte de celle induite par les permis de construire antérieurement délivrés dans ce même lotissement.

    CE. 30 décembre 2009, Association pour la protection du littoral Rochelais, req. n°315.966


    Voici un arrêt important – il sera d’ailleurs publié au Recueil – en ce qu’il illustre la spécificité de la « Loi littoral » ; spécificité telle qu’avouons-le d’emblée, nous n’avons pas (encore ?) tout compris à cette décision…

    litto.jpgDans cette affaire, un lotissement de deux « lots à construire » avait été autorisé le 12 septembre 2003. Puis, le 28 mai 2004, un premier permis de construire fut délivré sur le lot n°1 et le 5 novembre 2004 un second portant sur le lot n°2 fut obtenu par une société distincte de celle titulaire du premier. Mais ces deux permis de construire devaient faire l’objet de recours en annulation notamment fondés sur la méconnaissance de l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme ; l’association requérante soutenant que, pris globalement, ces deux permis de construire emportaient une extension ne revêtant pas un caractère limité comme l’impose cet article dont on rappellera qu’il dispose que « l'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée doit être justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau ».

    Toutefois, tant le Tribunal administratif de Poitiers que la Cour administrative de Bordeaux rejetèrent ce moyen et ce, après avoir apprécié isolément l’impact de chacun des projets autorisés par les deux permis de construire contestés.

    Mais en cassation, le Conseil d’Etat devait donc censurer partiellement cette modalité d’appréciation en jugeant que :

    « Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée doit être justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau (...) ; que, pour apprécier la légalité de l'arrêté du 28 mai 2004 relatif à l'îlot n° 1 du lotissement au regard de ces dispositions, la cour administrative d'appel de Bordeaux a relevé qu'eu égard, d'une part, à la situation du terrain d'assiette de ce projet, proche du rivage mais jouxtant un espace déjà urbanisé, d'autre part, à la destination des constructions envisagées et, enfin, à la densité du projet qui autorise la création de dix-sept habitations d'une surface hors oeuvre nette de 2 593 m² sur un terrain d'assiette de 8 290 m², soit un coefficient d'occupation des sols de 0,3, l'extension de l'urbanisation autorisée par ce permis de construire présentait un caractère limité ; qu'en statuant ainsi, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'en particulier, il appartenait à la cour, comme elle l'a fait, d'apprécier l'extension d'urbanisation résultant de ce seul permis de construire du 28 mai 2004 et non celle pouvant résult er de l'autorisation de lotir du 12 septembre 2003 ou celle résultant globalement du permis de construire dont elle était saisie et de celui du 5 novembre 2004, ce dernier étant postérieur à l'acte attaqué ;
    Sur le bien-fondé de l'arrêt n° 06BX00203 de la cour administrative d'appel de Bordeaux :
    Considérant que, pour apprécier la légalité de l'arrêté du 5 novembre 2004 du maire de La Rochelle autorisant la SARL BSP Promotion à réaliser un groupe d'habitations dans l'îlot n° 2 du lotissement Besselue Sud au regard des dispositions précitées du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, il appartenait à la cour administrative d'appel de Bordeaux de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce à la date d'édiction de cet arrêté ; qu'en jugeant que l'extension de l'urbanisation autorisée par ce second projet présentait un caractère limité, sans porter d'appréciation globale sur la conformité aux dispositions du II de l'article L. 146-4 de l'ensemble de l'opération immobilière autorisée par le permis de construire délivré le 28 mai 2004 au titre de l'îlot n° 1 du lotissement et par ce second permis, relatif à l'îlot n° 2 du même lotissement, la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt n° 06BX00203 du 10 mars 2008 doit être annulé
    ».


    En substance, la Haute Cour a donc estimé que l’appréciation de l’importance de l’urbanisation emportée par l’exécution d’un permis de construire doit s’opérer indépendamment de l’urbanisation pouvant résulter de l’autorisation de lotir initiale ou de celles résultant de permis de construire ultérieurs mais doit tenir compte, en revanche, de celle induite par les permis de construire antérieurement délivrés dans ce même lotissement.

    Il allait sans dire qu’il n’y avait pas à prendre en compte l’importance de l’urbanisation susceptible de résulter de permis de construire ultérieurs dès lors qu’il s’agit de l’application pure et simple de la règle selon laquelle, hors fraude du pétitionnaire, la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance, indépendamment donc de toute considération liée aux éléments de fait postérieures, et dont il résulte qu’à cette date, l’administration, en vertu du principe d’indépendance des procédures, n’est pas même réputée avoir connaissance des autres demandes d’autorisation en cours d’instruction.

    En revanche, il est plus surprenant qu’il n’y ait donc pas non plus lieu de prendre en compte l’ensemble de l’urbanisation susceptible de résulter de l’autorisation de créer le lotissement sur lequel porte le permis de construire considéré.

    Certes on pourrait y voir une conséquence de l’objet d’une telle autorisation qui n’emporte aucun droit de construire et n’emporte donc en elle-même aucune urbanisation significative. Il reste qu’en l’état de la jurisprudence rendue en la matière, les prescriptions de l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme sont néanmoins opposables aux autorisations de lotissement (pour un exemple récent : CAA. Nantes, 25 juin 2008, SCI Les Roquettes, req. n°08NT00710).

    Partant, deux considérations nous semblent susceptibles d’expliquer la solution retenue sur ce point par le Conseil d’Etat.

    D’une part, il faut rappeler qu’une autorisation de lotissement est une autorisation individuelle créatrice de droits. Or, s’il fallait tenir compte au stade de chaque permis de construire de l’urbanisation susceptible de résulter de l’autorisation de lotissement, ceci aboutirait en substance à exciper de l’illégalité d’une telle autorisation ; possibilité strictement encadrée.

    Il reste que ce n’est qu’à partir du moment où le caractère définitif d’une telle autorisation est établi qu’il n’est plus possible d’exciper utilement de l’illégalité de cette dernière. Mais en l’espèce, force est de constater que le Conseil d’Etat n’a nullement recherché si l’autorisation de lotir du 12 septembre 2003 était ou non devenue définitive au moment où le recours en annulation à l’encontre des permis de construire contestés avait été introduit.

    Mais d’autre part, la solution retenue nous semble également pouvoir justifier par le fait que les autorisations de lotissement et les permis de construire relèvent de législations distinctes ; ce qui nous semble pouvoir expliquer que le Conseil d’Etat a « préféré » considérer qu’il fallait en revanche prendre en compte l’urbanisation résultant des permis de construire antérieurement délivrés dans le lotissement.

    En résumé sur ce point, la solution retenue nous semble résulter du souhait d’éviter que l’opposabilité de l’article L.146-4 du Code de l‘urbanisme dans un lotissement se heurte aux « droits acquis » résultant de l’autorisation s’y rapportant et/ou que dans ce cas, il faille considérer l’urbanisation résultant de l’exécution des permis de construire antérieurement délivrés dans ce lotissement comme une donnée de l’urbanisation existante devant donc être prise en compte pour apprécier, mais alors isolément, l’importance de celle résultant du permis considéré.

    Toutefois, s’agissant des permis de construire, le mode d’appréciation retenu peut également surprendre, d’autant que le Conseil d’Etat s’en est tenu à la seule délivrance antérieure d’un permis de construire, sans qu’il soit établi que celui-ci ait reçu un commencement d’exécution ; la circonstance que les deux permis de construire considérés aient été délivrés à des bénéficiaires différents nous paraissant en revanche sans incidence compte tenu du caractère réel et non pas personnel du permis de construire.

    Néanmoins, le mode d’appréciation retenu nous semble justifié, du moins au regard de la spécificité de la jurisprudence du Conseil d’Etat en matière d’application de la « Loi littoral ».

    En premier lieu, il convient donc d’apprécier l’urbanisation résultant des permis de construire de façon globale et non pas donc isolément, permis par permis.

    Ce mode d’appréciation n’est pas d’une totale nouveauté puisque la jurisprudence du Conseil d’Etat offre quelques exemples de permis de construire dont la légalité a été appréciée globalement ; c’est-à-dire en substance comme s’il s’agissait d’une seule et même autorisation (CE. 25 septembre 1995, Mme Giron, req. n° 120.438).

    Il reste que dans ces cas, ces permis de construire étaient indissociables dès lors qu’ils se rapportaient à ce qu’il était alors convenu d’appeler une opération indivisible (il semble qu’il faille dorénavant s’en tenir à la notion « d’ensemble immobilier unique »). Or, en l’espèce, il ne ressort nullement des termes de l’arrêt commenté que les projets objets des permis de construire contestés présentaient un quelconque lien d’interdépendance.

    Précisons toutefois que, hors du cas visé par l’arrêt « Ville de Grenoble » et du cas des prescriptions financières l’assortissant, un permis de construire est divisible lorsqu’en fait, il autorise deux projets totalement distincts dont chacun aurait pu donner lieu à un permis de construire : il s’agit donc d’un même arrêté qui, en fait, recouvre deux permis de construire distincts et autonomes. C’est pourquoi l’annulation partielle de tels permis a toujours été possible, bien avant l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme.

    Il reste que cette règle connait une exception notable puisque pour application de la « Loi littoral », le Conseil d’Etat a jugé que :

    « Considérant que, si les terrains d'assiette des constructions autorisées par l'arrêté du 2 novembre 1988 sont compris dans l'emprise d'un port de plaisance dont la création a été autorisée par un arrêté du préfet, commissaire de la République de la Haute-Corse, en date du 4 décembre 1986 et dont l'aménagement et l'exploitation ont été concédés par la commune de Ville-di-Pietrabugno le 5 janvier 1987 à la société du port de Toga S.A., et si certains d'entre eux doivent faire l'objet de travaux de remblaiement en vue de leur exondement, tous ces terrains constituent des espaces proches du rivage de la mer au sens des dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme à l'application desquelles ne font pas obstacle celles de l'article 27 de la loi susvisée du 3 janvier 1986 ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué autorise l'édification d'un ensemble immobilier destiné à des activités d'hôtellerie, de commerce et de bureau et comportant une superficie hors oeuvre brute de 18 006 mètres carrés et une superficie hors oeuvre nette de 10 890 mètres carrés ; que si les dispositions de l'arrêté attaqué présentent un caractère divisible en ce qu'elles sont relatives, d'une part, aux bâtiments E, F 1, I et J et, d'autre part, aux bâtiments F 2, G 1, G 2 et H, l'ensemble immobilier constitue, en raison de ses caractéristiques, une même opération dont la conformité avec les prescriptions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme doit être appréciée globalement ; qu'en raison de son importance, l'opération envisagée par la société du port de Toga S.A. ne peut être regardée comme une extension limitée de l'urbanisation au sens de ces prescriptions ; qu'ainsi, en accordant le permis de construire sollicité, le maire de Ville-Di-Pietrabugno a méconnu lesdites prescriptions ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête du syndicat des copropriétaires de la "Résidence du Cap", celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a rejeté les conclusions de sa demande dirigée contre les dispositions de l'arrêté du 2 novembre 1988 autres que celles qui ont pour objet d'autoriser l'édification des bâtiments F 2, G 1, G 2 et H » (CE. 10 mai 1996, Sté Port de Toga, req. n°140.799).

    Si la divisibilité d’un permis ne s’oppose donc pas à ce que l’opération qu’il autorise soit appréciée dans sa globalité pour application de l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme, force est donc d’admettre que la légalité d’un permis de construire sur ce point doit s’apprécier globalement en tenant compte d’autres permis de construire dès lors que :

    • d’une part, ces derniers sont antérieurs à la date délivrance du permis de construire considéré ;
    • d’autre part, il est possible de les rattacher à une même opération, en l’occurrence un lotissement.

    Mais en second lieu, il faut donc souligner que ce mode d’appréciation ne vaut que pour le second permis de construire puisque la légalité du premier doit donc, puisqu’il est antérieur, s’apprécier au regard du seul projet qu’il autorise.

    A cet égard, la finalité de la solution retenue nous semble comparable à celle ayant en la matière conduit le Conseil d’Etat à faire une application pour le mois extensive de la jurisprudence « Thalamy ».

    Comme le sait, en effet, il faut en droit de l’urbanisme dissocier les constructions matériellement existantes de celles juridiquement existantes puisqu’en effet, une construction édifiée sans autorisation d’urbanisme, en vertu d’une autorisation devenue caduque ou d’une autorisation annulée n’a aucune existence légale malgré son existence physique ; sauf à être ultérieurement régularisée par un permis de construire spécifiquement obtenu à cet effet et lui-même légal ou, à tout le moins, définitif.

    Mais compte tenu du caractère réel, et non pas personnel, de la législation sur les autorisations de construire, la circonstance que celui qui envisage la réalisation de travaux portant sur une construction dépourvue d’existence légale n’ait en rien participé à l’édification de celle-ci n’aura strictement aucune incidence (CAA. Lyon, 24 février 1994, M. X…, req. n°92LY01466).

    En revanche, lorsque les travaux projetés portent sur une construction dissociable de celle irrégulièrement autorisée, il n’a en principe pas lieu de régulariser au préalable cette dernière (notre note : « Aménagement accesoire d'une construction illégale: permis de construire, modificatif ou déclaration préalable ? », CE, 9 janvier 2009, Ville de Toulouse, AJDA, n°11/ 2009) .

    Toutefois, pour application de l’article L.146-6 du Code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a jugé que l’existence de constructions édifiées en exécution de permis de construire ultérieurement annulés et n’ayant pas fait l’objet d’une régularisation ne pouvait pas être prise en compte et qu’en d’autres termes, même nombreuses, ces constructions illégales ne faisaient pas perdre à leur lieu d’implantation son caractère d’espace remarquable au sens de cet article (notre note : « Les constructions illégales ne peuvent pas être prises en compte pour apprécier le caractère urbanisé d’un site pour application de l’article L.146-6 du Code de l’urbanisme », CE. 27 septembre 2006, Cne du Lavandou, AJDA, n°39/2006) ; cette solution rejoignant d’ailleurs celle retenue par les Cours administratives d’appel s’agissant des constructions pouvant être prise en compte pour application de l’article L.146-4.I du Code de l’urbanisme et la qualification d’espaces urbanisées au sens de ce dernier (CAA. Nantes, 10 juin 1998, Cne de Lagonna-Daoulas, req. n°97NT01421 ; CAA. Marseille, 10 novembre 2004, Crts Busciazzo, req. n°01MA00314).

    En effet, toute interprétation contraire de l’article L.146-6 du Code de l’urbanisme aurait permis, tout d’abord, d’obtenir illégalement un ou plusieurs permis de construire dans un espace protégé du littoral, ensuite, d’obtenir un ou plusieurs autres permis de construire dans ce même espace et ce, régulièrement cette fois-ci puisqu’en considération de l’existence physique de constructions précédemment réalisées, nonobstant donc l’annulation des permis de construire les ayant autorisés pour, enfin, régulariser les constructions initiales par l’obtention de permis de construire délivrés au regard des constructions réalisées en exécution des permis de construire régulièrement obtenus entre temps…

    Or, il nous semble que la solution retenue par l’arrêt commenté ce jour peut également s’expliquer par la volonté d’éviter le contournement des dispositions en cause par le jeu d’une pluralité de permis de construire délivrés successivement.

    Il reste qu’au terme de cette analyse, nous avons toujours autant de mal à comprendre pourquoi il ne faut pas prendre en compte ce que prévoit en amont l’autorisation de lotissement sur lequel porte les permis de construire…

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

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  • Le pétitionnaire doit-il justifier d’une permission de voirie lorsque l’immeuble à construire présente une saillie sur le domaine public ?

    Dès lors que les saillies du projet sont conformes au règlement de voirie auquel renvoie le règlement d’urbanisme local, le permis de construire peut-être légalement délivré sans que le pétitionnaire n’ait à justifier d’une permission de voirie.

    CAA. Nantes, 15 octobre 2009, SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE LE DU BELLAY, req. n°08NT02528



    Voici un arrêt intéressant en tant qu’il porte sur une question se posant fréquemment mais qui, pourtant, n’a donné lieu qu’à très peu de jurisprudence.

    Comme on le sait, il résulte du dispositif entré en vigueur le 1er octobre 2007 que le pétitionnaire, lorsqu’il n’est pas propriétaire du terrain à construire, n’a plus à produire son « titre habilitant à construire » puisqu’il lui incombe simplement d’attester présenter l’une des qualités visées par l’article R.423-1 du Code de l’urbanisme ; attestation intégrée au formulaire « CERFA » et donc établie par la simple signature de celui-ci.

    Mais cette suppression non pas de l’exigence du titre habilitant à construire – puisque précisément il résulte de l’article R.423-1 que le permis a encore vocation à sanctionner la qualité du pétitionnaire – connait cependant une exception.

    En effet, sans reprendre l’obligation posée par l’ancien article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme sur ce point, l’article R.431-13 dispose néanmoins que : "Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public".

    saillie.jpgOr, l’exigibilité de la pièce visée par l’article précité se pose régulièrement dans la mesure où il est fréquent qu’un immeuble pour être implanté sur une parcelle privée présente néanmoins des saillies sur le domaine public ; la circonstance que ces saillies soient en élévation et de faible importance n’ayant aucune incidence dans la mesure où, d’une part, les règles d’occupation du domaine public ne valent pas seulement au niveau dus sol mais s’appliquent pareillement dans l’espace le surplombant et où, d’autre part, il a pu être jugé que la pièces requises au titre de l’article R.421-1-1 était exigible quelles que soient la nature et l’importance de l’empiétement du projet sur le domaine public (CE. 20 mai 1994, C.I.L de Champvert, Rec., p.1250).

    Précisément, dans l’affaire objet de la note du jour, les requérants faisaient griefs au permis de construire attaqué d’autoriser un immeuble présentant des saillies sur le domaine public alors que le pétitionnaire ne justifiait pas avoir obtenu une permission de voirie. Mais ce moyen devait donc être rejeté par la Cour administrative de Nantes aux motifs suivants :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date du permis attaqué : Lorsque la construction est subordonnée à une autorisation d'occupation du domaine public, l'autorisation est jointe au permis de construire ; et qu'aux termes de l'article UB 10 - Hauteur maximale des constructions - du règlement annexé au plan d'occupation des sols de la ville de Nantes alors en vigueur : (...) 4 - En dehors du volume défini au paragraphe 1 du présent article sont autorisées : - les saillies prévues par le règlement de voirie ; qu'aux termes de l'article 26 - Autorisations d'occupation - du règlement général d'utilisation des voies de la ville de Nantes applicable en l'espèce : (...) Les arrêtés de permis de construire ne peuvent valoir occupation du domaine public. Les saillies faisant corps avec la construction (balcons, oriels, corniches, appui de fenêtres...) sont admises dès lors que leurs dimensions n'excèdent pas celles définies à l'article 39 du présent arrêté ; et qu'aux termes de l'article 39 dudit arrêté : (...) Les saillies, qui ne peuvent en aucun cas être établies à une distance inférieure à 0,50 mètre de la bordure du trottoir, doivent obligatoirement s'inscrire dans les dimensions définies ci-dessous : (...) 3 - Voies d'une largeur supérieure à 12 mètres : - 0,80 mètre maximum ; au-delà d'une hauteur de 5 mètres, augmentée de 0,005 mètre par mètre de largeur supplémentaire de voie avec un maximum de 1,20 mètres ;
    Considérant que si le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE LE DU BELLAY ET AUTRES font valoir, à l'appui de leur recours formé contre le permis modificatif du 9 mai 2007, que l'immeuble en cause comporte pour sa partie située en alignement sur 30 mètres de façade un débord de toiture d'environ 0,60 mètre, qui empiète sans autorisation au-dessus du domaine public, il ressort des pièces du dossier que ledit débord du toit de l'immeuble litigieux est situé à une hauteur supérieure à 5 mètres et que la largeur de la voie au droit de l'immeuble est supérieure à 12 mètres ; que le débord de toit étant inférieur à 0,80 mètre, le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE LE DU BELLAY ET AUTRES ne sont pas fondés à soutenir que le projet occuperait le domaine public en sur-sol sans autorisation ; que, dès lors, aucune permission de voirie ne devait être jointe à la demande de permis
    ».


    En substance, la Cour a donc considéré qu’aucune permission de voirie n’était exigible dès lors que le projet et les saillies en cause étaient conformes à celles autorisées par le règlement de voirie applicable.

    Il reste que selon nous l’élément déterminant en l’espèce tient à ce que la disposition du POS communal réglementant les saillies renvoyait expressément à ce règlement de voirie en se bornant à autoriser « les saillies prévues par le règlement de voirie »

    Il nous semble clair en effet que la solution retenue par la Cour n’aurait pas été la même si le règlement de POS n’avait pas opéré un tel renvoi ayant, en substance, pour effet d’intégrer les dispositions de règlement de voierie aux prescriptions d’urbanisme devant être sanctionnées par le permis de construire en cause.

    En effet, la règlementation d’urbanisme et la règlementation sur le domaine et la voirie publics constituent autant de législations indépendantes. Il s’ensuit que même lorsque le pétitionnaire a obtenu la permission de voirie requise et alors même que celle-ci lui a été octroyé par la même autorité que celle lui ayant délivré le permis de construire, ce permis est illégal dès lors que cette permission n’a pas été jointe au dossier de demande d’autorisation d’urbanisme (CAA. Bordeaux, 19 mai 2008, SCI Parc de Fondargent, req. n°06BX01188) ; cette indépendance des législations impliquant que le Maire délivrant un permis de construire en sa qualité d’autorité de police de l’urbanisme n’est pas réputé avoir connaissance des actes qu’il a pris en sa qualité d’autorité de police de la voirie communale (sur la connaissance des actes pris en matière d’urbanisme : CE 26 octobre 1994, OPHLM du Maine-et-Loire, req. n° 127.718).

    Néanmoins, cette solution ne nous parait pas totalement satisfaisante dans la mesure où elle nous semble pour partie procéder d’une confusion entre la conformité du projet et la régularité formelle du dossier ; confusion qu’en outre n’appelait pas à notre sens le règlement de voirie en cause.

    En effet, la Cour a donc considéré que dès lors que le projet était conforme au règlement de voirie en cause et donc aux dispositions du POS renvoyant à ce règlement, aucune permission de voirie n’était exigible.

    Il reste que le propre d’une autorisation statuant sur une demande est de vérifier que le projet est conforme aux règles lui étant opposables ; ce dont il résulte que le fait d’être conforme à une règlementation ne dispense évidemment pas d’obtenir l’autorisation prévue par cette règlementation pour en assurer le contrôle.

    Mais il est vrai qu’en statuant sur la demande de permis de construire et sa conformité au POS, l’administration compétente s’est également prononcé sur la conformité du projet au règlement de voirie auquel renvoyaient les dispositions du POS.

    Il reste qu’en l’espèce, le règlement de voirie en cause précisait lui-même, et à juste titre, que « les arrêtés de permis de construire ne peuvent valoir occupation du domaine public » ; ce dont il résulte que même en statuant sur la demande de permis de construire et ainsi sur la conformité du projet au POS, y compris en ce qu’il renvoyait au règlement de voirie municipale, l’administration ne pouvait être regardée ayant octroyé l’autorisation d’occupation du domaine public éventuellement requise.

    Or, précisément, il ne nous semble pas qu’en disposant que « Autorisations d'occupation - du règlement général d'utilisation des voies de la ville de Nantes applicable en l'espèce : (...) Les arrêtés de permis de construire ne peuvent valoir occupation du domaine public. Les saillies faisant corps avec la construction (balcons, oriels, corniches, appui de fenêtres...) sont admises dès lors que leurs dimensions n'excèdent pas celles définies à l'article 39 du présent arrêté », l’article 26 du règlement de voirie en cause ait entendu dispenser de permission de voirie les saillies conformes à celles visées par l’article 39.

    Force est en effet d’admettre que l’on voit mal l’intérêt qu’il y aurait pour une même disposition à préciser les saillies autorisées tout en rappelant qu’un permis de construire ne saurait valoir autorisation d’occupation du domaine public si les saillies ainsi visées étaient dispensées d’une telle autorisation.

    D’ailleurs, si l’on suit le raisonnement de la Cour c’est dans le cas où les saillies projetées n’auraient pas respecté le règlement de voirie que le pétitionnaire aurait dû solliciter une permission de voirie, donc non conforme à ce règlement, et ce dans le but d’obtenir au permis de construire lui-même irrégulier au regard du POS réglementant ces saillies…

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés