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Etude : Le recours à la servitude de « cours communes » doit-il être autorisé par l’article 7 du règlement local d’urbanisme ?

S’il est clair que les règlements locaux d’urbanisme peuvent autoriser expressément le recours à une servitude de cour commune pour déroger aux règles d’implantation prescrites par leur article 7, la possibilité d’y recourir est moins évidente lorsqu’ils ne le prévoient pas.


Malgré certains jugements ayant expressément reconnu la possibilité de recourir à une servitude de cours communes alors même que le règlement local d’urbanisme applicable ne le prévoit pas, force est d’admettre que la question reste entière (voir d’ailleurs ici) ; le Conseil d’Etat n’ayant jamais été appelé à se prononcer clairement sur cette question.

cours communes.jpgRappelons ainsi que l’article L.471-1 du Code de l’urbanisme se borne à disposer que « lorsqu'en application des dispositions d'urbanisme la délivrance du permis de construire est subordonnée, en ce qui concerne les distances qui doivent séparer les constructions, à la création, sur un terrain voisin, de servitudes de ne pas bâtir ou de ne pas dépasser une certaine hauteur en construisant, ces servitudes, dites "de cours communes", peuvent, à défaut d'accord amiable entre les propriétaires intéressés, être imposées par la voie judiciaire dans des conditions définies par décret » ; de même que corrélativement l’article R.431-32 indique que « lorsque l'édification des constructions est subordonnée, pour l'application des dispositions relatives à l'urbanisme, à l'institution sur des terrains voisins d'une servitude dite de cours communes, la demande est accompagnée des contrats ou décisions judiciaires relatifs à l'institution de ces servitudes ».

Force est ainsi de constater qu’aucun de ces articles ne répond expressément à la question. Et pour cause puisque tel n’est pas leur objet dès lors qu’ils ont uniquement trait aux modalités d’institution, à la forme et à la justification de la servitude.

Dans ce contexte, il semble donc falloir s’en tenir à une lecture de ces articles tenant compte de la nature de la règle d’urbanisme et notamment de la règle d’urbanisme en cause.

En premier lieu, force est ainsi de rappeler que le droit de l’urbanisme et la législation sur le permis de construire présentent un caractère d’ordre public et poursuivent un but d’intérêt général.

Il s’ensuit, notamment, qu’une règle d’urbanisme ne saurait en principe être contractualisée. A ce titre, il est de jurisprudence constante que non seulement une convention par laquelle l’administration s’engage sur le contenu ou les modalités d’application des dispositions de son règlement d’urbanisme local est nulle mais qu’en outre, l’inexécution des engagements souscrits contractuellement par la commune ne sera constitutif d’aucune faute et ne pourra donc engager sa responsabilité puisqu’il ne peut en effet être fait grief à l’administration de ne pas avoir respecter une convention entachée de nullité du fait du caractère illicite de son objet (CAA. Paris, 13 juin 1989, Cne de Bois-d’Arcy, Rec., p.319 CAA. Lyon, 31 décembre 1993, Epx Eymain-Mallet, Rec., p.1082 ; CAA. Nantes, 18 avril 2001, M. Diridollou, req. n° 95NT011347 ; CAA. Marseille, 12 juin 2001, Sté Durance-Granulats, req. n° 97MA00876 ; CAA. Marseille. 10 avril 2003, Cne de Coilloure c/ Assoc. ASPEC ; req. n° 98MA02011).

Mais il a également été jugé que des propriétaires voisins ne peuvent utilement s’entendre pour déroger à des règles d’urbanisme relatives aux gabarits des constructions (CE. 18 mars 1981, SCI de la Caisse des dépôts et des consignations, req. n° 4190) ou, plus spécifiquement, qu’une adaptation mineure aux règles et servitudes d’urbanisme prescrites par la cahier des charges d’un lotissement ne peut légalement être octroyée, nonobstant l’accord des co-lotis, dans la mesure où cette possibilité n’est expressément prévue par aucune disposition du Code de l’urbanisme (CE. 31 janvier 1990, M. et Mme Letort, Rec., p.1032).

Il n’est donc pas si évident que l’article L.471-1 du Code de l’urbanisme – dont ce n’est donc pas l’objet premier – permette en lui-même et à lui seul de contractualiser l’application d’une règle d’urbanisme lorsqu’elle ne l’a pas prévu.

En second lieu, lorsque le règlement local d’urbanisme en cause ne le prévoit pas, le recours à une servitude de cours communes comme unique mode de définition des règles relatives à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives aboutit ni plus, ni moins à déroger à l’une des règles édictées par ce document.

Il reste, comme on le sait, que l’article L.123-1 du Code de l’urbanisme dispose expressément « les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes » ; l’accord éventuel du voisin apparaissant insusceptible d’avoir une quelconque incidence dès lors que l’article 7 du règlement d’urbanisme en cause ne le prévoit pas (CE. 11 mai 1987, Commune de Boran-sur-Oise, req. n°70763 ; CAA. Marseille, 4 mars 1999, req. n°96MA01422).

Or, au regard de la généralité de ses termes, l’article L.471-1 n’apparait en lui-même et à lui seul susceptible de faire exception à cette règle de principe.

En troisième lieu, une servitude de cours communes ne permet pas de déroger à n’importe quelle règle du POS/PLU mais à celle relative à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives fixée par son article 7.

Or, cet article et ces règles ont un statut quel que peu particulier puisqu’avec celles fixées par l’article 6, il s’agit des seules qu’un PLU doit obligatoirement prévoir (art. R.123-9 ; C.urb) et ce, de façon précise (CE. 18 juin 2010, Ville de Paris, req. n°326.708) ; c’est donc bien qu’elles revêtent un caractère et une importance particuliers.

Surtout, l’article 7 ne se borne pas à retranscrire au règlement d’urbanisme les règles de prospect du Code civil que visent à organiser une servitude de cours communes puisqu’il procède de considérations plus larges et d’une autre nature, liées notamment à l’urbanisme et à l’hygiène et ce, dans un but d’intérêt général (CE. 11 février 2002, Urset, req. n°221.350).

Au surplus, si la mise en œuvre d’une servitude de cours communes permet certes de faire abstraction de la limite séparant deux propriétés contiguës, la question est alors de savoir quelles règles d’implantation doivent conséquemment être appliquées au projet.

Sur ce point, la doctrine administrative prétend qu’il convient alors de faire application des prescriptions de l’article 8 du règlement d’urbanisme local ; ce qui en soi ne serait pas incohérent dès lors que ces prescriptions poursuivent, comme celles de l'article 6, la même finalité que celles de l’article 7 (CAA. Bordeaux, 5 février 2008, Sté Osmose, req. n°06BX00977).

Pour autant, cette analyse présente certaines difficultés ; dès lors qu’à notre connaissance elle n’est confirmée par aucune jurisprudence.

Tout d’abord, force est ainsi de rappeler que l’article 8 d’un règlement local d’urbanisme a vocation à régir l’implantation des constructions sur un même terrain, c’est-à-dire sur une même propriété (art. R.123-9 ; C.urb) et donc sur une même unité foncière.

Or, la définition de principe de l’unité foncière au sens du droit de l’urbanisme ne recouvre pas le cas de parcelles liées par une servitude de cours communes ; étant relevé qu’en revanche, les règlements locaux d’urbanisme peuvent étendre l’application des prescriptions de leur article 8 aux propriétés liées par un acte authentique (CE. 5 mai 1999, M. X…, req. n°158.216).

Ensuite, si l’on considère que par le jeu d’une convention de cours communes, deux propriétés voisines doivent être considérées comme ne formant qu’un seul et même terrain ne serait-ce qu’au sens de l’article 8 d’un règlement local d’urbanisme, il reste à savoir les conséquences qu’il faut en tirer pour application des règles d’implantation. A titre d’exemple, les limites sur rue du terrain voisin doivent-elles être prises en compte lorsque le règlement régit la longueur de la façade sur voie du terrain ou fixe des règles spécifiques par rapport aux limites séparatives latérales et/ou aux limites de fond.

Enfin, et peut-être surtout, force est de rappeler que l’article 8 ne compte pas parmi ceux qu’un PLU doit obligatoirement réglementé (CE. 18 juin 2010, Ville de Paris, req. n°326.708)…

En l’état, il est donc difficile d’admettre qu’alors même que le règlement local d’urbanisme ne le prévoit pas et a fortiori n’en organise pas les conséquences sur les modalités d’application des autres règles, un contrat de cours communes relevant du droit privé permette d’échapper à une règle d’ordre public, poursuivant un but d’intérêt général et répondant à des préoccupations que les auteurs dudit règlement doivent obligatoirement prendre en compte à travers son article 7.

Cette conclusion présente cependant une difficulté puisque si l’on considère que les POS/PLU doivent prévoir la possibilité de recourir à une « servitude de cours communes », se pose alors la question du recours à cette technique pour les terrains n’étant pas couverts par un tel document puisqu’aucune des dispositions du « RNU » ne prévoit la possibilité de déroger par une telle servitude aux règles d’implantation prescrite par l’article R.111-18.

Or, les dispositions du « RNU » sont bien entendu d’ordre public, il ne peut y être dérogé ou en être fait exception dans d’autres cas que celles qu’elles prévoient et celles relatives à l’implantation des constructions ne sont pas callées sur les règles de prospect du Code civil (CE. 3 février 1978, Meppiel, Rec. P. 54 ; Cass. civ., 6 novembre 1991, Chamuneau, D.1991, IR.282).

Il reste que les servitudes de cours communes sont au premier chef visées par l’article L.471-1 du Code de l’urbanisme, lequel compte parmi les dispositions du Livre IV relatif aux travaux de construction, d’aménagement et de démolition et n’est donc pas propre au régime du PLU.

C’est donc bien a priori que la notion de dispositions d’urbanisme au sens de cet article recouvre également les dispositions du « RNU » et, donc, qu’une servitude de cours communes peut permettre d’écarter l’application de l’article R.111-18 du Code de l’urbanisme alors même qu’il ne le prévoit pas.

Si la « logique » voudrait qu’il en soit de même pour application de l’article 7 d’un POS/PLU, il reste que l’institution d’un tel document écarte l’ensemble des règles du « RNU » relatives à l’implantation des constructions et, surtout, traduit une volonté de la Ville de se doter de ses propres règles au regard de ses propres choix d’urbanisme, en édictant des règles plus strictes ou plus souples que celles du « RNU », voire en s’abstenant tout simplement de règlementer l’implantation des constructions sur un même terrain.

Dès lors, si l’on admet néanmoins qu’une servitude cours communes peut en principe être utilement mise en œuvre lorsque l’article 7 du règlement local d’urbanisme ne le prévoit pas, la question devient alors de savoir si ce règlement peut pour sa part utilement moduler, voire écarter expressément cette possibilité…

 

Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés
 

Commentaires

  • Bonsoir Patrick
    Beau sujet …très mal connu par de nombreux praticiens et particulièrement par certains services instructeurs pour qui la servitude de Cour Commune est de ….. « droit ( !)», malgré les différentes interventions et mises en garde de….. « GG ».
    J’ai apprécié le paragraphe sur la servitude de CC ……dans une commune sous RNU…..effectivement ! Restera le cas des communes dotées d’une carte communale…
    Quoiqu’il en soit, il m’avait toujours semblé « non-dérogeable », lorsque celle-ci pouvait être mise en œuvre, de systématiquement conserver entre 2 constructions le double des prospects minimas imposés dans la zone…..ou par le R111-18 afin de conserver l’esprit même ou des documents d’urbanisme ou du RNU
    Ceci étant dit, et indépendamment de la rigueur que l’on doit attendre du « droit d’urbanisme », il m’apparaît qu’en terme d’urbanisme tout court, si le postulat que j’ai avancé pas, ni aux principes qui ont dictés la réalisation des POS/PLU, ni aux règles d’hygiènes édictées par le RNU.
    La conception de l’urbanisme ramené uniquement à l’unité foncière (et donc à son périmètre) continue à me choquer !

    Il m’a donc, toujours semblé impossible d’établir une servitude de cour commune qui dérogeait à ce principe en cas de construction déjà existante sur la propriété voisine qui ne permettait pas de par sa trop grande proximité l’application de cette règle de « deux fois le prospects » à respecter.
    Bonne soirée

  • lire, pardon (copier-mal collé)
    Ceci étant dit, et indépendamment de la rigueur que l’on doit attendre du « droit d’urbanisme », il m’apparaît qu’en terme d’urbanisme tout court, si le postulat que j’ai avancé précédemment est respecté……..cette possibilité devrait être offerte ne contrevenant pas, ni aux principes qui ont dictés la réalisation des POS/PLU, ni aux règles d’hygiènes édictés par le RNU.

  • Bonjour Patrick,
    A ma connaissance, les services instructeurs des préfectures ont reçu récemment une instruction interne, prenant position sur le sujet, à savoir l'interdiction de recourir à la servitude de cours communes en l'absence d'une disposition expresse du plu l'autorisant (un cas récent de ma pratique, ayant valu un recours gracieux du préfet).
    Lyudmila
    PS: Merci beaucoup pour votre blog, source d'information et d'inspiration précieuse ...

  • L’étau se resserre ! °))))
    Mais indépendamment de la justesse de raisonnement déjà mis en avant par Patrick et de Giles Godfrin, il me semblerait important que les textes évoluent, justement dans le sens inverse, afin d’encourager voir généraliser cette servitude de Cour Commune….
    Quel est l’intérêt de raisonner par rapport à une limite d’unité foncière si par ailleurs grâce à une telle servitude dite de Cour commune et particulièrement celle liée aux prospects, nous pouvons répondre à la fois aux exigences du L160-1 du curb et le R111-18…. ?
    La volonté de respecter les règles d’hygiène et de sécurité ainsi que celles des concepteurs des POS/PLU ne serait elle pas remplie… ?
    Une idée…..en l’air ?

  • Pareil Lyudmila, j'ai un déféré préfectoral (pi: dans le 91) sur le sujet: pas de cours communes si le PLU ne le prévoit pas

  • Oui, c’est cela, le 91. Après un premier déféré en juin, j’ai eu un deuxième ce mois-ci également (l’instruction daterait du mois d’avril dernier, je ne l’ai pas). A ce rythme-là, nous aurons bientôt une décision signée par Mme Phémolant sur le sujet. Dans mon cas, le constructeur a préféré changer son projet. Il serait peut-être intéressant de poser une question parlementaire ?
    Bien cordialement,
    Lyudmila

  • Moi c'est la sous-préfecture de Palaiseau (laquelle est très très particulière en matière d'urbanisme) mais elle n'évoque aucune instruction interne, ni aucun autre texte d'ailleurs,

  • Dans mes deux cas c'était la préfecture de l'Essonne, l'information quant à la récente prise de position en interne m'a été donnée oralement.
    Dans le premier recours gracieux, il est indiqué simplement "le pétitionnaire fait usage d'une servitude de cour commune pour déroger à l'article U...7. Cette faculté n'étant pas mentionnée dans le document d'urbanisme, elle ne peut être autorisée".
    Dans le second, il est dit qu'au sens de l'article L.471-1 du code de l'urbanisme, la possibilité de mettre en oeuvre des servitudes de cour commune en vue de déroger à l'application des marges de recul doit être prévue par le règlement d'urbanisme.

  • Bonjour

    Pouvez vous me renseigner avec des mots simples si vous êtes d'accord.

    J'ai signé un compromis de vente pour un terrain situé dans le haut rhin
    Le terrain est situé derrière un lotissement.
    Ce lotissement à plus de 10 ans
    A l'époque le propriétaire de mon terrain ne voulait pas participer aux financement des branchement du lotissement.
    Alors la Mairie à acheté 7 m² répartie sur 15.50 m

    Pour faire payer le future acquéreur de cette parcelle.
    J'ai demandé à la Mairie une servitude de passage.

    Elle me répond que la suppression du pas de porte communal ( droit de passage ) sera calculé comme suit :
    105 000 € HT

    Est-ce légal et quel recours je peux avoir.
    J'ai entendu dire par l'adjoint au Maire que c'est la façon de procédé de la commune et d'autres personnes
    ont payé les mêmes sommes.

    Je trouve que cela comme du racket.

    Amicalement

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