Sur l’interprétation d’un règlement local d’urbanisme limitant le nombre de logements par unité foncière
Un règlement local d’urbanisme autorisant, d’une part, les constructions nouvelles à la condition qu’elle ne comporte qu’un seul logement ainsi que, d’autre part, l’extension des constructions existantes à usage d’habitation ne s’oppose pas à l’extension de l’une des deux constructions à usage d’habitation sises sur la même unité foncière.
CAA. Marseille, 11 janvier 2007, Cne d’Aubais, req. n°04MA00058
Dans cette affaire, le pétitionnaire était propriétaire de deux parcelles contiguës – formant donc une et même unité foncière – la première accueillant une maison d’habitation, la seconde un maset également à usage d’habitation – et avait présenté une demande de permis de construire portant sur l’extension de ce maset, laquelle devait cependant être rejetée par le Maire d’Aubais au motif que l’article UN.1 n’autorisait qu’un logement par unité foncière. Mais pour sa part, la Cour administrative d’appel de Marseille devait considérer que :
« Considérant, en premier lieu, que selon les dispositions de l'article UN1 du règlement du POS de la commune, dans sa rédaction en vigueur au 20 avril 1994 : « Sont admis dans l'ensemble de la zone : Les constructions à usage : -d'habitation individuelle (et leurs annexes) comprenant un seul logement .. l'extension des constructions à usage d'habitation, existantes à la date d'approbation de la présente révision, qui ne respectent pas les conditions de surface énoncées à l'article UN5 » ; qu'il résulte de ces dispositions que sont autorisées par ces dispositions, d'une part, les constructions à usage d'habitation comprenant un seul logement et, d'autre part, les extensions de constructions à usage d'habitation, existantes à la date d'approbation de la révision du POS ».
et conséquemment jugé :
" Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la demande de permis de construire, que M. YX, possédait deux parcelles contiguës, la parcelle n° 1718, sur laquelle existait déjà une maison d'habitation comme l'ont relevé les premiers juges et une deuxième parcelle, cadastrée n° 1721, sur laquelle existait un maset existant, à usage d'habitation, qui était seul concerné par le projet d'extension ; qu'à cet égard, si la COMMUNE D'AUBAIS fait valoir, en appel, que le maset existant, avant son acquisition par M. YX, était destiné au stockage d'outils agricoles, cette allégation n'est corroborée par aucune pièce versée au dossier ; qu'il n'est pas établi ni même allégué par la commune que le maset n'était pas existant à la date d'approbation de la révision du POS ; qu'ainsi, le maset situé sur la parcelle n° 1721 constituait « une construction à usage d'habitation existante à la date de la révision du POS » au sens des dispositions précitées de l'article UN1 ; que, contrairement à ce que soutient l'appelante, il ressort des pièces du dossier, et notamment du plan de masse, que le bâtiment projeté était accolé au maset existant et ne comporte aucune séparation physique avec la construction existante ; qu'ainsi ledit projet avait pour objet l'extension d'une construction à usage d'habitation existante et ce, nonobstant le fait que, comme le soutient l'appelante, ce projet était distinct de l'autre maison d'habitation située sur l'autre parcelle ; qu'il suit de là que le projet de construction en litige présentait le caractère d'une extension d'une construction à usage d'habitation, existante à la date d'approbation de la présente révision, qui constitue l'une des deux catégories de constructions autorisées par les dispositions surappelées de l'article UN1 du règlement du POS ; que, dans ces conditions, le motif fondé sur ce que le projet contesté serait de nature à créer plus d'un logement, limitation prévue pour les seules constructions et non pour les extensions de constructions existantes, ne pouvait légalement fonder le refus de permis de construire en litige ; qu'en tout état de cause, en l'absence de séparation physique avec la construction existante, l'extension envisagée n'emportait pas création d'un nouveau logement ; que, dès lors, c'est à bon droit, que les premiers juges ont estimé que le premier motif fondant le refus contesté ne pouvait légalement le justifier »
En substance, la Cour a donc considéré que l’article UN.1 du règlement de POS communal n’autorisait pas d’une façon générale un seul logement par unité foncière mais de façon distincte, d'une part, les constructions nouvelles à usage d'habitation individuelle comprenant un seul logement et, d'autre part, les extensions de constructions à usage d'habitation existantes à la date d'approbation de la révision du POS et, par voie de conséquence, a jugé que pour apprécier la conformité de l’extension projetée du maset, il n’y avait pas lieu de prendre en compte l’existence de la maison individuelle sise sur la même unité foncière.
Partant de l’interprétation retenue de l’article UN.1 du règlement de POS communal, la décision de la Cour administrative d’appel de Marseille est parfaitement cohérente, bien qu’elle appelle quelques précisions.
Tout d’abord, bien que fondamentalement un mazet soit une construction à destination agricole ou constitue une dépendance de bâtiment d’habitation, l’article précité visait non pas les constructions à destination d’habitation mais les constructions à usage d’habitation ; ce dont il résulte qu’il n’y avait pas lieu d’examiner les caractéristiques constructives de ce mazet mais uniquement d’apprécier son usage.
Ensuite, la commune n’apportait aucune preuve de ses allégations selon lesquelles ce mazet avait été anciennement à usage agricole et ne contestait même pas son existence juridique alors que si tel avait été le cas, il aurait alors incombé au pétitionnaire de prouver cette dernière (sur l’exemple d’attestations de riverains précisant avoir toujours vu un cabanon habitable sur le terrain jugées insuffisantes pour établir la régularité de l’ouvrage : TA. Nice, 1er juillet 1999, Epx Soton, req. n°97-00948).
Enfin, si par principe l’existence d’une construction s’apprécie à la date à laquelle l’administration statue sur la demande d’autorisation de travaux s’y rapportant (CE. 17 avril 1992, Flaig, req. n°94.390), il est admis que les documents d’urbanisme locaux adoptent comme référence leur date d’entrée en vigueur (CAA. Nancy, Cne de Disheim, req. n° 93NC00805 ; depuis voir ici), ce qui était le cas en l’espèce (pour un exemple d’appréciation de l’existence de la construction à étendre à la date d’approbation du POS, nonobstant le silence de celui-ci sur ce point : TA. Rennes, 1er juin 2006, Sté KERN’ER CAR, req. n°03-0633. Cf : note du cinq septembre 2006).
Par suite, il est donc logique que la Cour ait considéré le maset à étendre constituait « une construction à usage d'habitation existante à la date de la révision du POS » au sens des dispositions précitées de l'article UN1 pour ainsi juger que, dès lors que le bâtiment projeté était accolé au maset existant et ne comportait aucune séparation physique avec la construction existante, le projet avait pour objet l'extension d'une construction à usage d'habitation existante qui, au surplus et en toute état de cause, en l’absence de séparation physique, ne crée pas de logements nouveaux. A contrario, l’arrêt commenté peut ainsi être rapproché de celui par lequel la Cour administrative d’appel de Marseille a récemment jugé que :
« Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article NC 1 du règlement du POS de la commune de Blauvac, approuvé le 24 novembre 1988, relatif aux occupations et utilisations du sol admises : «Peuvent être autorisées : 1. L'extension des constructions existantes, à usage d'habitation, lorsque cela n'entraîne pas la création de logement (…) 3. L'aménagement et la transformation des constructions à usage agricole en construction à usage d'habitation, dans les volumes existants, lorsque cela n'entraîne pas la création de nouveau logement et s'ils sont compatibles avec la vocation de la zone. (…) ;
Considérant, d'une part, que, par l'arrêté contesté en date du 16 juillet 2001, le maire de la commune de Blauvac a fait droit à la demande de permis de construire déposée par Mme X, associée de la SCEA X, exploitant des terres plantées de vignes et de cerisiers, en vue de la construction d'un bâtiment, attenant à un cabanon existant, destiné au logement de travailleurs agricoles, sur un terrain cadastré Section AK n° 173 et 174, situé en zone NC du plan d'occupation des sols (POS) de la commune ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la demande de permis de construire, que le bâtiment dont la construction était projetée devait comporter une chambre, une cuisine et des sanitaires ; qu'ainsi, l'extension en litige entraînait la création d'un logement et ne pouvait de ce fait être autorisée sur le fondement du 1 et du 3 de l'article NC 1 du règlement du POS (…) » (CAA. Marseille, 20 octobre 2005, Préfet du Vaucluse, req. n°02MA01501).
Néanmoins, force est d’admettre que l’arrêt commenté paraît quelque peu critiquable quant à son interprétation de l’article UN.1 en cause, bien qu’il puisse également être rapproché d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris selon lequel les prescriptions visant les constructions nouvelles ne sont pas applicables aux travaux portant sur l’extension de constructions existantes (CAA. Paris, 22 janvier 1998, Chalard req. n°97BX02302).
Il est vrai que la rédaction de l’article UN.1 du POS communal n’était pas des plus précises puisqu’en se bornant à autoriser – sans plus de précision et sans réelle limite – « l'extension des constructions à usage d'habitation existantes », celui-ci introduisait une exception pour le moins étendue au principe applicable aux constructions nouvelles qui, pour leur part, n’étaient autorisées qu’à la condition de constituer une habitation individuelle et d’être composée d’un seul logement (une construction unique pouvant être formée de plusieurs habitations individuelles constitutives d’autant de logement : CAA. Bordeaux, 31 mai 2001, Epx Pezin, rq. N°97BX02195 ; sur la notion de construction unique, voir ici et là).
Il reste que le Conseil d’Etat a précisé que le règlement local d’urbanisme ouvrant largement une exception à une règle doit être interprétée et appliquée en cohérence avec celle-ci au regard de sa finalité (CE. 11 décembre 1998, Sté Bonnabelle, req. n°161.592 ; voir surtout : concl. Honorat in BJDU n°1/1999, p.42).
Or, en l’espèce, nonobstant la rédaction de l’article UN.1 en cause, il était assez clair que la finalité de cet article était de limiter le nombre de logement dans la zone considérée. Or, à s’en tenir à l’interprétation littérale de ses dispositions autorisant « l'extension des constructions à usage d'habitation existantes », toute construction à usage d’habitation existante, y compris collective, pourrait faire l’objet d’une extension, même si cette dernière a pour effet de créer plusieurs logements.
Par ailleurs, la finalité des dispositions précitées étaient manifestement de moduler le principe issu de la jurisprudence dite « Sekler » mais ce, pour les seules constructions existantes ne respectant « les conditions de surface énoncées à l'article UN5 » également opposables aux constructions nouvelles.
Or, si l’ensemble immobilier du pétitionnaire, ne respectait pas les prescriptions du POS communal opposables aux constructions nouvelles, c’était précisément celles n’autorisant que les constructions à usage d’habitation individuelle ne comportant qu’un logement. On aurait donc tout aussi bien compris que la Cour administrative d’appel de Marseille fasse application de la jurisprudence « Selker » et, par voie de conséquence, valide le refus de permis de construire opposé au pétitionnaire dès lors que les travaux projetés n’étaient pas étrangers à la règle méconnue et d’amélioraient pas la conformité de l’ensemble immobilier existant au regard de celle-ci.
Pour autant, si on le rapproche des modulations récentes de la jurisprudence dite « Thalamy », l’arrêt commenté nous paraît justifié sur ce point.
On sait, en effet, qu’il résulte de cette jurisprudence que par principe un ouvrage illégal ne peut pas faire l’objet de travaux nouveaux sans avoir été régularisé. Mais l’on sait également que le Conseil d’Etat a ultérieurement précisé que ce principe ne s’appliquait pas lorsque l’ensemble immobilier illégal comporte plusieurs constructions distinctes et que les travaux projetés portent sur une construction qui pour faire parti d’un ensemble illégal a, pour ce qui la concerne, été régulièrement édifiée (CE. 25 avril 2001, Alborn, req. n°207.095) : ce qui signifie que la jurisprudence dite « Thalamy » (qui, elle-même, n’a d’ailleurs jamais visé que les « travaux prenant appui » sur une construction illégale) doit être appliquée construction par construction, même lorsqu’il s’agit d’un même ensemble.
Or, en l’espèce, si l’ensemble immobilier existant n’était pas conforme aux prescriptions applicables aux constructions nouvelles, il n’en demeure pas moins que la maison d’habitation et le mazet constituaient selon toute vraisemblance deux constructions distinctes.
Dès lors et à transposer le principe dégagé par l’arrêt « Alborn », s’agissant de la jurisprudence « Thalamy », à la jurisprudence « Sekler », il n’y avait donc pas lieu d’apprécier globalement la conformité de l’ensemble immobilier du pétitionnaire aux prescriptions locales d’urbanisme mais seulement d’examiner isolément celle de la construction sur laquelle portaient les travaux projetés, laquelle était conforme aux prescriptions applicables aux constructions nouvelles puisqu’elle ne comportait qu’un logement ; régularité que les travaux projetés n’avaient pas vocation à modifier puisqu’ils n’emportait pas la construction d’un nouveau logement.
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés