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JURISURBA - Page 100

  • Sur le champ d’application dans le temps du nouvel article L.600-1-1 du Code de l’urbanisme

    Si l’article L.600-1-1 du code de l’urbanisme, inséré par l’article 11 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 dite « ENL », prévoit qu’une association n’est recevable à agir contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation des sols que si le dépôt de ses statuts en préfecture est intervenu antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, cette disposition, qui a pour objet de créer une condition de recevabilité nouvelle applicable à de tels recours, ne saurait s’appliquer qu’aux demandes déposées par le pétitionnaire à une date postérieure à celle de la promulgation de cette loi.

    TA. Amiens, 6 mars 2007, req.n°05-02281


    Le jugement du Tribunal administratif d’Amiens précise le champ d’application dans le temps du nouvel article L.600-1-1 du Code de l’urbanisme, lequel introduit une forte restriction aux conditions d’appréciation de l’intérêt à agir des associations.

    Traditionnellement, en effet, la recevabilité ou, plus précisément, l’intérêt à agir des associations à l’encontre des autorisations d’urbanisme était apprécié, d’une part et comme en toute autre matière, à la date d’introduction de leur recours et, d’autre part et de façon plus spécifique, au seul regard de leur objet statutaire lequel devait (et devra encore) présenter un rapport suffisamment direct, tant d’un point de vu géographique que matériel, avec la portée de l’autorisation contestée.

    Il s’ensuivait, tout d’abord, que l’intérêt à agir de l’association requérante n’était donc pas apprécié à la date de délivrance de l’autorisation contestée.

    Par voie de conséquence, la circonstance qu’elle se soit constituée postérieurement à sa délivrance n’était pas de nature à la priver d’intérêt à agir (CAA Nantes, 7 février 2001, Cne de La Roche Clermault, req. n° 00NT00032) alors même qu’elle se serait constituée dans le seul but de déposer un recours en annulation à l’encontre de l’autorisation d’urbanisme litigieuse (CAA Marseille, 5 avril 2001, Cne de Reynes, req. n°97MA11305) ; l’essentiel étant qu’à la date d’introduction de sa requête, elle soit effectivement constituée et que son objet statutaire soit arrêté, quitte à l’avoir préalablement modifié, quand bien même l’intérêt collectif que cette association défendait antérieurement à cette modification ne lui conférait manifestement aucun intérêt à agir à l’encontre de la décision contestée (CAA Paris, 15 juin 2000, SCI Marnellec & autres, req. n° 97PA02565). Au surplus, il n’était pas même nécessaire que l’association requérante ait été préalablement déclarée en préfecture puisqu’il était seulement requis qu’elle ait été constituée à la date de sa requête.

    Ensuite, le principe selon lequel l’intérêt à agir d’une association s’apprécie au seul regard de son objet statutaire implique que, contrairement aux particuliers dont l’intérêt à agir est apprécié regard de leur rapport de proximité avec le lieu d’exécution de l’autorisation d’urbanisme attaqué, la circonstance que le siège de l’association requérante soit proche ou, au contraire, éloigné du lieu d’exécution de la décision contestée est sans incidence. Ainsi, dès lors que l’association justifie de par son objet statutaire d’un intérêt lui donnant qualité à agir, sa requête est recevable indépendamment de toute considération liée au fait que son siège social ne se situe pas sur le territoire où l’autorisation en cause est susceptible de produire ses effets (CAA Douai, 25 octobre 2001, Association Opale Environnement, req. n° 99DA00232).

    De même, l’absence d’intérêt à agir à titre individuel des membres d’une association ne peut permettre de dénier la qualité de celle-ci à contester une autorisation d’urbanisme dans la mesure où il n’appartient pas au juge administratif d’apprécier la qualité de ses membres pour statuer sur l’intérêt à agir d’une association (CAA Paris, 15 juin 2000, SCI MARNELEC & autres c/ Cne de Bonneuil, req . n° 97PA02517). Ainsi, ni le faible nombre de membres qu’elle regroupe (CAA Marseille, 14 juin 2001, Association ENVOR, req. n° 96MA11576), ni le fait qu’ils ne soient pas domiciliés à proximité du projet litigieux (CAA Douai, 25 octobre 2001, Association Opale Environnement, req. n° 99DA00232) ne peuvent être pris en compte.

    Enfin, le contrôle opéré sur les buts de l’association requérante par le juge administratif se limite aux buts statutaires de celle-ci au regard du contrat associatif et, par voie de conséquence, n’implique ni de contrôler les buts réellement poursuivis par l’association ou ses membres (CAA Marseille, 5 avril 2001, Cne de Reynes, req. n°97MA11305), ni la sincérité de son objet statutaire (CAA Nantes, 17 juin 2003, Ville de Saumur , req . n° 01NT01277).

    Or, ce libéralisme jurisprudentiel avait conduit à certains excès puisqu’il permettait, en résumé, à des particuliers, qui individuellement n’auraient pas eu intérêt à agir à l’encontre de l’autorisation d’urbanisme en cause, de se constituer en association à la seule fin de l’attaquer et ce, dans un but totalement étranger aux préoccupations d’urbanisme.

    Aux fins de lutter contre certains excès proches de l’abus du droit d’ester en justice, la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL » a substantiellement modifié les conditions de recevabilité des actions contentieuses engagées par les associations (tout en recadrant, plus spécifiquement, les conditions de l’appréciation de l’intérêt à agir des associations agréées pour la défense de l’environnement) par l’introduction du nouvel article L.600-1-1 du code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il dispose que : « une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ».

    Il en résulte que la recevabilité à agir de l’association requérante est conditionnée non plus seulement à sa constitution mais au dépôt de ses statuts en préfecture et ce, préalablement non plus à la date d’introduction de son recours, ni même à la date de délivrance de l’autorisation d’urbanisme contestée mais à celle de l’affichage en mairie de la demande présentée par le pétitionnaire, tel qu’il était antérieurement prévu, pour les demandes de permis de construire, par l’ancien article R.421-9 du code de l’urbanisme et est aujourd’hui organisé, pour l’ensemble des demandes et déclarations, par le nouvel article R.423-6 dans sa rédaction issue du décret n°2007-18 du 5 janvier 2007.

    Il reste que si le nouvel article L.600-1-1 du Code de l’urbanisme est entrée en vigueur dès la publication de la loi dite « ENL », à savoir le 16 juillet 2006, et bien qu’elle ne le précise pas expressément, la condition de recevabilité qu’il prévoit ne peut être opposé qu’à un recours exercé à l’encontre d’un permis de construire délivré en conséquence d’une demande déposée préalablement à cette date.

    C’est ce que vient de juger le Tribunal administratif d’Amiens.

    " Considérant que si aux termes de l’article L.600-1-1 du code de l’urbanisme "une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ", cette disposition, insérée par l’article 11 de la loi du 13 juillet 2006 susvisée et qui a pour objet de créer une condition de recevabilité nouvelle, ne saurait s’appliquer qu’aux demandes déposées par le pétitionnaire à une date postérieure à celle de la promulgation de cette loi; et ne peut, dès lors, être utilement invoquée en l'espèce".

    Mais il convient de relever que pour ce dernier, l’article L.600-1-1 du Code de l’urbanisme ne s’applique qu’aux demandes déposées par le pétitionnaire à une date postérieure à celle de la promulgation de cette loi cependant que, d’une part, cet article vise l’affichage en mairie de la demande de permis et que, d’autre part, le dépôt de la demande et son affichage en mairie ne sont pas nécessairement concomitants dès lors que l’ancien article R.421-9 et le nouvel article R.423-6 prévoient pour ce faire un délai de quinze jours.

    Mais pour le reste, il incombera surtout à la jurisprudence administrative de répondre à deux interrogations.

    D’une part, le nouvel article L.600-1-1 du code de l’urbanisme évoque la recevabilité à agir et non pas, spécifiquement, l’intérêt à agir et, en outre, ne vise que le dépôt préalable des statuts en préfecture sans saisir la question de l’objet statutaire de l’association. On peut donc se demander si une association qui aurait déposé ses statuts en préfecture préalablement à l’affichage prévu mais n’aurait pas alors intérêt à agir à l’encontre de l’autorisation à venir pourrait néanmoins établir son intérêt à agir à l’encontre de celle-ci par une modification de ses statuts préalable à l’introduction de sa requête. A s’en tenir au but poursuivi par le nouvel article L.600-1-1 du code de l’urbanisme, tel qu’il apparaît à l’examen des travaux préparatoires à la loi du 13 juillet 2006, la réponse devrait être négative.

    D’autre part, il est clair que l’irrecevabilité prévue par le nouvel article L.600-1-1 du code de l’urbanisme ne sera pas opposable lorsque l’affichage prévu n’aura pas été régulièrement opéré puisque le nouvel article L.600-1-1 vise expressément cet affichage et non pas seulement le dépôt de la demande ou de la déclaration. De même, il semble raisonnable de considérer qu’une association qui n’aurait pas déposé ses statuts en préfecture préalablement à la demande d’autorisation primitive mais qu’il aurait accompli cette démarche avant l’affichage du dépôt d’une demande d’autorisation modificative serait recevable à agir à l’encontre de cette dernière.

    Mais l’on peut également se demander ce qui l’en sera lorsqu’en cours d’instruction de la demande ou de la déclaration, le projet sera modifié d’une façon si substantielle qu’il ne plus correspondrait plus, sur les points essentiels, à celui décrit dans l’affichage alors qu’un nouvel affichage n’aurait pas été opéré. Il n’est pas exclu que dans ce cas, la condition prévue par le nouvel article L.600-1-1 soit inopposable puisqu’ainsi le projet autorisé ne correspondrait pas à celui affiché et que l’on peut présumer que l’association qui aurait déposé ses statuts en préfecture après cet affichage ne l’a pas spécifiquement fait dans le but d’attaquer une autorisation qui, telle qu’obtenue, ne correspond pas au projet préalablement porté à la connaissance du public.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Une convention conclue en tant que concession d’aménagement mais ayant pour objet un projet ne constituant pas une opération d’aménagement ne peut bénéficier des anciennes dispositions de l’article L.300-4 du Code de l’urbanisme excluant ces conventions d

    Un projet de construction ne constituant pas une opération d’aménagement au sens de l’article L.300-1 du Code de l’urbanisme ne peut légalement faire l’objet d’une concession d’aménagement et, par suite et en toute hypothèse, bénéficier des anciennes dispositions de l’article L.300-4 du Code de l’urbanisme. Dès lors que la passation de cette concession n’a pas été précédée d’une procédure de mise en concurrence adéquate, la délibération adoptant un avenant transformant cette concession en convention publique d’aménagement est elle-même illégale.

    CAA. Bordeaux, 22 mars 2007, Association Gabas Nature & Patrimoine, req. n°03BX02313


    Voici une décision plus intéressante qu’elle n’y paraît en ce sens qu'elle n’intéresse pas le régime de passation des conventions et concessions d’aménagement mais l’objet même de ces contrats.

    Dans cette affaire, en effet, l'Institution interdépartementale pour l'aménagement hydraulique du bassin de l'Adou avait conclu, le 11 décembre 1995, une concession d’aménagement avec la Compagnie d'aménagement des Coteaux de Gascogne et la Compagnie d'aménagement rural d'Aquitaine puis, en conséquence du transfert des missions de la première compagnie à la seconde, avait décidé, par une délibération adoptée le 22 février 2001, de conclure un avenant ayant pour objet de transformer cette concession en convention publique d’aménagement.

    Il reste que la concession initiale avait été conclue sans qu’aucune procédure de mise en concurrence n’ait été préalablement diligentée. Mais sur ce point, l’Institut concédant revendiquait le bénéfice des anciennes dispositions de l’article L.300-4 du Code de l’urbanisme, lequel dans sa rédaction applicable à la date des faits, disposait que « les dispositions du chapitre IV du titre II de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ne sont pas applicables aux conventions publiques d'aménagement établies en application du présent article ».

    Toutefois, la Cour administrative d’appel de Bordeaux devait écarter cette prétention et ainsi sanctionner l’absence de procédure de mise en concurrence préalable à la passation de la convention en litige mais ce, non pas parce que si « en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 300-4, elle n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions de la loi n° 93-122 du 29 juin 1993 reprises aux articles L. 1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales relatifs aux délégations de services publics (…) elle n'était pas pour autant exclue du champ d'application des règles fondamentales posées par le traité de l'Union, qui soumettent l'ensemble des contrats conclus par les pouvoirs adjudicateurs aux obligations minimales de publicité et de transparence propres à assurer l'égalité d'accès à ces contrats » (CAA. 9 novembre 2004, SOGEDIS, req. n°01BX00381) (sur les conséquences de cet arrêt et leur suite, voir ici)mais pour le motif suivant :

    « Considérant que, par délibération en date du 22 février 2001, le conseil d'administration de l'Institution interdépartementale pour l'aménagement hydraulique du bassin de l'Adour a approuvé l'avenant n° 1 transformant la convention de concession d'aménagement conclue le 11 décembre 1995 avec la Compagnie d'aménagement des Coteaux de Gascogne et la Compagnie d'aménagement rural d'Aquitaine en convention publique d'aménagement régie par l'article L.300-4 du code de l'urbanisme et transférant les missions de la Compagnie d'aménagement rural d'Aquitaine à la Compagnie d'aménagement des Coteaux de Gascogne ; que cette convention a pour objet un projet d'aménagement d'une retenue d'eau de 20 millions de mètres cubes comportant des ouvrages de restitution d'eau, une station de pompage et des équipements de télégestion ; qu'un tel projet qui consiste seulement en une opération unique et isolée de construction ne constitue pas, malgré son importance, une action ou une opération d'aménagement au sens de l'article L300-1 du code de l'urbanisme ; qu'il ne peut donc pas, en tout état de cause, faire l'objet d'une convention publique d'aménagement fondée sur l'article L.300-4 du même code et par suite être exclue du champ d'application des dispositions de la loi n°93-122 du 29 juin 1993 reprises aux articles L.1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales ; que ladite convention dont il est constant qu'elle a été conclue sans aucune des formalités préalables de publicité et de mise en concurrence, est entachée de nullité ; que, par suite, la délibération attaquée par laquelle le conseil d'administration de l'Institution interdépartementale pour l'aménagement hydraulique du bassin de l'Adour a approuvé l'avenant n° 1 transformant la convention de concession d'aménagement conclue le 11 décembre 1995 avec la Compagnie d'aménagement des Coteaux de Gascogne et la Compagnie d'aménagement rural d'Aquitaine en convention publique d'aménagement régie par l'article L.300-4 du code de l'urbanisme est illégale ».

    En substance, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a donc considéré que dans la mesure où le projet de construction objet de la convention en litige ne constituait pas une opération d’aménagement au sens de l’article L.300-1 du Code de l’urbanisme, ce projet ne pouvait pas légalement relever d’une concession ou d’une convention d’aménagement et, par voie de conséquence, qu’en toute état de cause, les anciennes dispositions de l’article L.300-4 précitées étaient inapplicables en l’espèce.

    On sait, en effet, que l’article L.300-4 du Code de l’urbanisme disposait, dans sa rédaction applicable à la date des faits (étant rappelé qu’il n’a pas été substantiellement modifié, sur ce point, par l’article 1er de la loi n°2005-809 du 20 juillet 2005), que « l'Etat, les collectivités locales ou leurs établissements publics peuvent confier l'étude et la réalisation des opérations d'aménagement prévues par le présent livre à toute personne publique ou privée y ayant vocation » ; l’article L.300-1 précisant, pour sa part, que « les actions ou opérations d'aménagement ont pour objet de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non-bâti et les espaces naturels ».

    Il est donc normal que le juge administratif vérifie si l’objet de la convention présentée et conclue en tant que convention ou concession d’aménagement correspond à celui assigné à ces dernières par l’article L.300-4 du Code de l’urbanisme et, en d’autres termes, tendent à la réalisation d’une véritable opération d’aménagement au sens de l’article L.300-1.

    Ce n’est, d’ailleurs, pas la première fois que le juge administratif opère cette vérification s’agissant d’un dispositif institué par le Code de l’urbanisme pour constituer le cadre d’une opération d’aménagement (ce contrôle étant, en outre, très fréquent s’agissant des décisions de préemption au titre de l’article L.210-1 ).

    Aux termes de l’article L.311-1 du Code de l’urbanisme, en effet, « les zones d'aménagement concerté sont les zones à l'intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public y ayant vocation décide d'intervenir pour réaliser ou faire réaliser l'aménagement et l'équipement des terrains ». Or, à ce titre, le juge contrôle l’objet et « l’opportunité » du recours à la ZAC (pour exemple : CE. 7 juillet 2000, SCI Haute en Provence, req. n°205.229.) et ce, « en appréciant si l’opération donnée est conçue en vue de réaliser l’aménagement d’une partie du territoire de la collectivité » de sorte à « censurer les pratiques qui utiliseraient l’aménagement concerté comme une simple procédure de contractualisation des autorisations d’urbanisme » (conclusions de S. LAVIGNES sur : CE. 28 juillet 1993, Cne de Chamonix, BJDU n° 94/1, pp. 22 et ss). C’est ainsi, à titre d’exemple, que le Conseil d’Etat a pu juger que :

    « compte tenu de ses caractéristiques et de la faible importance des travaux d'équipement qu'elle nécessite, une telle opération ne constitue pas une opération d'aménagement et d'équipement au sens des dispositions précitées de l'article L.311-1 du code de l'urbanisme ; que sa réalisation ne pouvait faire l'objet de la création d'une zone d'aménagement concerté ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif s'est fondé, pour annuler la délibération du 5 mai 1988 portant approbation du plan d'aménagement de la zone, sur l'illégalité dont est entachée la délibération du 27 novembre 1987 par laquelle a été décidée la création de la zone et à laquelle l'article 11 du plan d'occupation des sols de Chamonix ne pouvait en tout état de cause donner un fondement légal » (CE. 28 juillet 1993, Cne de Chamonix, req. n° 124.099).

    Il s’ensuit qu’une ZAC ne peut légalement avoir pour objet qu’une opération d’aménagement au sens de l’article L.300-1 du Code de l’urbanisme, c’est-à-dire celle qui correspond à un véritable effort d’organisation et d’agencement d’une partie significative du territoire de la part de la collectivité publique par l’exécution de travaux d’équipement, et non une simple opération de construction, ni même une opération intégrée, c’est-à-dire celle correspondant à une opération de construction ambitieuse s’accompagnant certes de quelques travaux d’aménagement mais sans pour autant nécessiter de recourir à la ZAC (sur la distinction et ses conséquences générales : conclusions de S. LAVIGNES sur : CE. 28 juillet 1993, Cne de Chamonix, BJDU n° 94/1, pp. 22 et ss) : il en va donc logiquement de même pour les conventions visées par l’article L.300-4 du Code de l’urbanisme (dont on rappellera, à toutes fins, qu’elles peuvent permettre la réalisation de toute opération d’aménagement, y compris de celles ne relevant pas d’une ZAC).

    A cet égard et comparé à l’arrêt précité dite « Commune de Chamonix », là est d’ailleurs le principal intérêt de l’arrêt commenté. En effet, dans l’affaire « Commune de Chamonix », il était manifeste que le projet en cause ne constituait pas une opération d’aménagement (pour mémoire, on rappellera qu’il s’agissait de la réalisation d’un hôtel, laquelle était assortie, pour tout travaux d’équipement, de faibles travaux d’élargissement d’une voie existante et de l’aménagement d’un arrêt de bus) cependant que dans celle objet de l’arrêt commenté le projet consistait en une retenue d'eau de 20 millions de mètres cubes comportant des ouvrages de restitution d'eau, une station de pompage et des équipements de télégestion. Néanmoins, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé « qu'un tel projet qui consiste seulement en une opération unique et isolée de construction ne constitue pas, malgré son importance, une action ou une opération d'aménagement au sens de l'article L300-1 du code de l'urbanisme ».

    Pour conclure et placer l’arrêt commenté dans le contexte réglementaire et jurisprudentiel actuel, on précisera ainsi qu’une convention placée sous le régime de l’article L.300-4 du Code de l’urbanisme alors qu’elle ne porterait pas sur une opération d’aménagement au sens de l’article L.300-1 serait illégale et ce, quand bien même aurait-elle été passée suivant la procédure prévue par les articles R.300-5 et suivants du Code de l’urbanisme (sauf à ce que de par son objet, la passation de cette convention ne relève d'aucun autre procédure de mise en concurrence préalable); sans compter qu’au regard de la réglementation communautaire la régularité de cette procédure apparaît pour le moins fragilisée (CJCE, 18 janv. 2007, Auroux c/ Cne Roanne, aff. C-220/05).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur les conséquences de l’annulation d’un retrait de permis de construire à l’égard du délai de recours contentieux à l’encontre de ce permis

    L’annulation d’un retrait de permis de construire ayant pour effet de faire revivre ce dernier, celui-ci doit faire l’objet d’un nouvel affichage conformément aux prescriptions de l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme pour déclencher à nouveau le délai de recours contentieux à son encontre ; du moins lorsque le retrait est intervenu dans le délai de recours initial.

    CE. 6 avril 2007, M. Bernard A., req. n°296.493


    Dans cette affaire, un permis de construire avait été délivré à la société GK investissements le 23 novembre 1999. Toutefois, le 13 janvier 2000, ce permis de construire devait faire l’objet d’un retrait administratif décidé en conséquence d’une demande formée à cet effet par Monsieur A..

    Cependant, cette décision de retrait devait ultérieurement faire l’objet d’un recours en annulation de la part de la société GK Investissements et ainsi être annulée par un jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 10 novembre 2005, lequel devint définitif. Conséquemment, ce permis de construire devait faire l’objet d’un nouvel affichage tant sur le terrain des opérations, à compter du 18 janvier 2006 qu’en mairie, à compter du 6 février 2006.

    Mais à la suite de ce jugement, Monsieur A. décida d’exercer un nouveau recours en annulation à l’encontre du permis de construire en cause, en l’assortissant d’une requête aux fins de référé suspension, laquelle fut rejetée par le juge des référés en considération de sa tardiveté puisque ce dernier estima que ni l’annulation du retrait du permis de construire, ni le nouvel affichage donc il avait fait l’objet n’avaient eu pour effet de déclencher un nouveau délai de recours contentieux à son encontre.

    Toutefois, saisi d’un pourvoi en cassation exercé à l’encontre de cette ordonnance de référé du Tribunal administratif de Nice, le Conseil d’Etat devait juger que :

    « Considérant que lorsqu'un permis de construire ayant fait l'objet des formalités de publicité requises par l'article R. 421-39 du code de l'urbanisme est retiré dans le délai de recours contentieux et que ce retrait est annulé, le permis initial est rétabli à compter de la lecture de la décision juridictionnelle prononçant cette annulation ; que le délai de recours contentieux à l'encontre d'un permis ainsi rétabli court à nouveau à l'égard des tiers à compter de la plus tardive des deux dates relatives au premier jour d'une période continue d'affichage, postérieure à cette annulation, en mairie ou sur le terrain ; qu'il suit de là qu'en jugeant que le délai de recours contentieux contre le permis délivré le 23 novembre 1999 avait expiré le 24 janvier 2000, et que le nouvel affichage sur le terrain et en mairie effectué postérieurement à l'annulation du retrait n'avait pas fait courir un nouveau délai de recours, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ; que M. A est par suite fondé à en demander l'annulation ;
    Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
    Considérant d'une part qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'annulation par le tribunal administratif de Nice de l'arrêté ayant retiré le permis de construire délivré à la société GK Investissements, ce permis a fait l'objet d'un nouvel affichage sur le terrain à compter du 18 janvier 2006 et d'un nouvel affichage en mairie à compter du 6 février 2006 ; que la demande de M. A tendant à l'annulation de ce permis a été enregistrée au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2006, soit avant l'expiration du délai de recours contentieux ; que, par suite, la demande en annulation de M. A dirigée contre le permis de construire n'est pas tardive
    ».

    Cette décision appelle trois observations principales.

    Tout d’abord, la Haute Cour a donc considéré que l’annulation du retrait d’un permis de construire en cause avait pour effet de faire revivre ce dernier ; ce qui n’a rien de novateur et procède d’une stricte application de l’effet rétroactif attaché à une annulation juridictionnelle dont il résulte que ce retrait devait être réputé n’être jamais intervenu.

    Mais précisément, compte tenu de la portée de cet effet rétroactif en conséquence duquel le retrait contesté devait être réputé ne jamais être intervenu, il aurait pu être considéré que cette remise en vigueur devait elle-même être réputée s’opérer à la date de délivrance du permis de construire en cause.

    Cependant, le Conseil d’Etat a précisé qu’en pareil cas, « le permis initial est rétabli à compter de la lecture de la décision juridictionnelle prononçant cette annulation ».

    A notre sens, cette solution est le corollaire ou, à tout le moins, nous semble pourvoir être rapprochée du principe selon lequel le retrait illégal d’un permis de construire interrompt – et non pas suspend – le délai de validité de ce dernier, lequel ne reprend à nouveau que lorsque le juge administratif a statué sur le recours en annulation exercé à l’encontre de ce retrait (CE. 20 juillet 2003, Mme Thénault, req. n°255.368) ou, plus précisément, lorsque sa décision a été notifiée au titulaire du permis de construire ainsi remise en vigueur (sur ce point : CAA. Paris, 27 novembre 2001,Cne de Soisy-ss-Montmorency, req. n°00PA00468 ; confirmé par : CE. 10 octobre 2003, Rec., p.390).

    Dès lors qu’à l’égard du titulaire du permis de construire, l’annulation de son retrait ouvre un nouveau délai pour l’exécuter, il est donc « équitable » que, pour ce qui concerne les tiers, cette annulation et la remise en vigueur subséquente du permis de construire contesté leur ouvrent un nouveau délai pour le contester.

    Il reste qu’ensuite, le Conseil d’Etat a précisé que ce nouveau délai de recours contentieux était déclenché – y compris pour ce qui concerne les parties défenderesses à l’instance liée au retrait du permis de construire contesté, c’est-à-dire celles ayant sollicité et obtenu ce retrait à l’égard desquelles cette mesure constitue une décision créatrice de droit – non pas par la lecture de la décision juridictionnelle prononçant l’annulation du retrait emportant le rétablissement subséquent de ce permis de construire mais à compter du ré-accomplissement de la formalité de « double affichage » prescrite par l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme.

    Il s’ensuit qu’une telle décision a donc pour effet d’allonger, certes en le fractionnant, le délai de recours contentieux des tiers à l’encontre d’un permis de construire, y compris lorsqu’avant son retrait celui-ci avait été porté à la connaissance des tiers conformément aux prescriptions de l’article précité puisqu’alors il court une première fois, pour partie jusqu’à l’intervention du retrait puis une seconde fois, pour deux mois, à compter de l’accomplissement de cette formalité de « double affichage » subséquent au rétablissement du permis de construire du fait de l’annulation du retrait donc il avait précédemment fait l’objet.

    Au surplus, cette décision est susceptible de poser certaines difficultés pratiques. Il est, en effet, fréquent que l’affichage d’un permis de construire ultérieurement retiré (ou annulé) soit néanmoins maintenu. Or, si tel est encore le cas au moment de l’annulation du retrait du permis de construire contesté (ou de la réformation du jugement l’ayant annulé), on peut se demander si cet état de fait suffira à déclencher à nouveau le délai de recours contentieux à son encontre ou s’il sera néanmoins nécessaire de procéder à un nouvel affichage.

    Mais force est d’admettre que si l’on veut que ce nouvel affichage soit utile, il sera nécessaire d’y faire apparaître des mentions qui ne sont pas prévues par l’article du Code de l’urbanisme A.421-7 du Code de l’urbanisme.

    A titre d’exemple, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, la lettre de l’article précité aurait imposé de mentionner, notamment, la seule date de délivrance du permis de construire en cause – en l’occurrence, le 23 novembre 1999 – alors que le but de cet arrêt est d’assurer l’information des tiers de la remise en vigueur de ce permis par l’annulation du retrait dont il avait fait l’objet, laquelle était intervenue en l’espèce le 10 novembre 2005.

    Or, il y a peu de chances, ou de risques, que des tiers découvrant un panneau d’affichage faisant état d’un permis de construire délivré six ans plutôt estiment pouvoir être encore recevables à exercer un recours contentieux à son encontre…

    Bien que l’arrêt commenté ne l’induise pas, il nous semble qu’il serait plus prudent, tant pour ce qui concerne l’affichage en mairie que sur le terrain des opérations, d’indiquer à coté de la date de délivrance du permis de construire en cause, la date à laquelle celui-ci a été remis en vigueur.

    Mais enfin et surtout, il convient de souligner que la solution dégagée par l’arrêt commentée, pour ce qui concerne l’affichage nécessaire au déclenchement d’un nouveau délai de recours contentieux, ne semble pas valoir pour toute annulation d’un retrait de permis de construire.

    Il nous semble, en effet, raisonnable de considérer que cette solution de vaut que dans l’hypothèse visée par l’arrêt commenté, à savoir « lorsqu'un permis de construire ayant fait l'objet des formalités de publicité requises par l'article R. 421-39 du code de l'urbanisme est retiré dans le délai de recours contentieux ».

    On rappellera, en effet, que si les tiers disposent d’un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des formalités d’affichage prescrites par l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme pour contester la légalité d’un permis de construire, l’administration dispose pour sa part, en l’état, d’un délai de quatre mois à compter de sa délivrance pour le retirer ; du moins lorsqu’il s’agit d’un permis de construire exprès.

    De ce fait, l’administration peut donc régulièrement procéder au retrait d’un permis de construire alors même que le délai de recours contentieux des tiers est clos ; ce que ne modifiera pas la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 dite « ENL » en rapportant le délai de retrait des permis de construire, de démolir et d’aménager à trois mois qu’ils soient exprès ou tacites (étant rappelé que les décisions de non-opposition à déclaration préalable ne pourront plus faire l’objet d’aucun retrait, sauf, a priori, en cas de fraude du déclarant).

    Or, si la solution dégagée par l’arrêt commenté devait être appliquée en cas d’annulation d’un retrait intervenu après l’expiration du délai de recours contentieux des tiers déclenché par le régulier accomplissement des formalités d’affichage prescrites par l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme, il s’ensuivrait qu’en conséquence du nouveau délai de recours contentieux alors applicable, ce permis de construire pourrait faire l’objet d’un recours en annulation de la part de tiers n’ayant pas estimé utile de le contester dans le délai initial. Tel ne nous semble pas devoir être le cas.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Le coefficient d’occupation au sol d’une construction doit être établi au regard de la superficie de l’ensemble de l’unité foncière sur laquelle elle est projetée tant que cette dernière n’a pas été effectivement divisée

    Dans la mesure où, d’une part, la norme d’urbanisme s’applique à l’échelle de l’unité foncière et où, d’autre part, la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance, le respect des prescriptions relatives au coefficient d’occupation au sol des constructions doit être apprécié en considération de la superficie de l’ensemble de l’unité foncière tant qu’elle n’a pas été divisée, y compris si à la date de délivrance du permis de construire, il est établi qu’elle a vocation à faire l’objet d’une division en propriété.

    CAA. Versailles, 29 mars 2007, ADEJJ, req. n°06VE01147


    Dans cette affaire, la commune de Chily-Mazarin était propriétaire d’un terrain relevant de son domaine public, d’une superficie de 2.973 mètres carrés, qu’elle devait décider de scinder en deux « volumes » aux fins d’en déclasser un pour le vendre à un tiers. La commune créa ainsi un premier « volume » de 1.760 mètres carrés et un second de 1.213 mètres carrés qu’elle déclassa puis de vendit à la société Pax Progrès Pallas sous condition suspensive, notamment, de l’obtention un permis de construire que cette dernière obtint sur ce second volume.

    Mais ce permis de construire devait être contesté au regard des prescriptions de l’article 14 du POS communal – fixant en l’occurrence le COS à 1,20 – dans la mesure où celui-ci autorisait la construction d’un immeuble d’une SHON de 2.417 mètres carrés, puisque selon l’association requérante et à s’en tenir à la superficie du « volume » sur lequel, d’une part, le pétitionnaire disposait d’un titre habilitant à construire et, d’autre part, portait ce permis de construire, la SHON constructible s’y limitait à 1.455 mètres carrés.

    On sait, en effet, que par principe la densité d’une construction s’apprécie en considération de la superficie de l’unité foncière sur laquelle porte le permis de construire (sur ce principe : CE. 22 juin 1984, Comité de défense de la zone d’habitations individuelles de Neully-Plaisance, req. n°38.939), ce qui exclut, a contrario, de prendre en compte la superficie de l’unité foncière initiale dont a été détaché le terrain à construire :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-22-2° du code de l'urbanisme : "Le coefficient d'occupation des sols s'applique à la superficie du terrain qui fait l'objet de la demande d'autorisation de construire (...)" ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire présentée pour la société Pyrénées Hôtels avait pour objet la construction d'une résidence hôtelière d'une superficie hors oeuvre nette de 2 758 m2 sur des parcelles d'une superficie de 3 968 m2 situées dans la zone UT du plan d'occupation des sols de Saint-Lary-Soulan où le coefficient d'occupation des sols applicable est de 1 ; que si les parcelles objet du permis proviennent de la division d'un ensemble foncier de 20 605 m2 acquis par la commune pour y aménager un complexe thermal, le coefficient d'occupation des sols s'applique à la surface des parcelles détachées qui ont fait l'objet de la demande d'autorisation de construire, et non à celle de l'unité foncière initiale ; qu'en conséquence, le projet de la société Pyrénées Hôtels excède les possibilités de construction afférentes auxdites parcelles ; que, par suite, la commune de SAINT-LARY-SOULAN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a, par le jugement attaqué, annulé l'arrêté du maire de Saint-Lary-Soulan en date du 11 juin 1987 qui a fait droit à la demande de la société » (CE. 12 mai 1993, Cne de Saint-Lary , req. n°99.611).


    Il reste que cette solution n’était pas totalement transposable au cas présent dans la mesure où, dans cette affaire, la division du terrain avait d’ores et déjà été réalisée à la date de délivrance du permis de construire en cause cependant que, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, la division du terrain à construire pour être programmée à la date de délivrance du permis de construire contestée n’en était pas pour autant réalisée puisque l’ensemble des conditions suspensives à la vente du terrain n’avait pas été levé.

    Précisément, l’une des principales difficultés d’application des règles d’urbanisme aux opérations impliquant une division foncière tient à ce que non seulement la norme d’urbanisme s’applique à l’échelle de l’unité foncière, c’est-à-dire au terrain composé de plusieurs parcelles contiguës appartenant à un même propriétaire ou une même indivision, mais qu’en outre, la légalité d’une autorisation d’urbanisme s’apprécie à sa date de délivrance.

    Or, ces principes peuvent conduire à certaines situations « incohérentes » au regard des objectifs poursuivis par le droit de l’urbanisme, ce qui explique que la jurisprudence a pu hésiter sur les modalités d’application de la norme d’urbanisme aux opérations de construction impliquant une division foncière et, notamment, à celles relevant d’un permis de construire valant division.

    A sa date de délivrance, en effet, un permis de construire valant division portant sur une seule et même unité foncière autorise, à terme, la réalisation de divisions foncières pouvant consister en des divisions en propriété. A la date de délivrance du permis de construire, le projet porte donc sur une seule unité foncière mais l’on sait qu’à terme, chaque construction sera implantée sur une unité foncière distincte.

    Suivant le principe selon lequel la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance, celle-ci devrait donc être appréciée, à titre d’exemple, au regard de l’article 8 du règlement local d’urbanisme relatif à l’implantation des constructions sur une même propriété. Or, il se peut que le projet ne soit pas conforme à l’article 7 relatif à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives alors que celui-ci n’est pas applicable pour ce qui concerne l’implantation des constructions projetées par rapport aux limites des unités foncières qui seront constituées par la réalisation du projet. A sa date de délivrance, le permis de construire est donc parfaitement légal bien qu’il autorise un projet qui dès son exécution aboutira à l’implantation de bâtiments qui seront irréguliers au regard de l’article 7 du règlement local d’urbanisme.

    D’ailleurs, c’est principalement l’application des règles relatives à la surface minimale des terrains constructibles, telles qu’elles ont vocation à être définies par l’article 5 du règlement local d’urbanisme, lesquelles ne sont pas si éloignées de celles relatives à la densité des constructions fixées par son article 14, qui illustre le mieux les hésitations de la jurisprudence rendue en la matière sur le point de savoir si ces règles devaient être appliquées à l’échelle du terrain d’assiette de l’opération où à l’échelon de chaque lots à constituer (TA. Versailles, 26 septembre 1986, Abihssara, req. n° 85-2619 ; CAA. Paris, 28 septembre 1993, SCI Le Domaine de Roissy, req. n° 93PA00247 ; CAA. Paris 31 mars 1994, Cne de Mareil-sur-Mauldre, req. n° 93PA00452 ; CAA Paris, 17 janv. 2002, req. n° 99PA02662, EURL MODAP ; CE. 13 mai 1988, Comité de défense des sites de la Turbie, req. n° 72.100).

    En l’espèce, toute la question était donc de savoir s’il convenait d’apprécier la régularité du projet à la seule date de délivrance du permis de construire contesté pour ainsi prendre en compte l’ensemble de la superficie de l’unité foncière ou de tenir compte de sa division future pour ainsi ne considérer que la superficie du « volume » sur lequel le pétitionnaire disposait d’un titre habilitant à construire. Et c’est la première solution qu’a retenue la Cour administrative de Versailles en jugeant que :

    « Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Chilly-Mazarin a, dans un premier temps, divisé la parcelle AK 348 faisant partie de son domaine public, en deux volumes, le premier correspondant à une superficie au sol de 1 760 m2 et comprenant cette surface ainsi que l'espace situé au-dessus, le deuxième correspondant à une superficie au sol de 1 213 m2 et comprenant l'espace situé au-dessus de cette surface ainsi que le tréfonds de la totalité de la parcelle ; que, par deux délibérations en date du 12 mai 2003, la commune a déclassé le volume 2, a décidé de vendre ce dernier à la société Pax Progrès Pallas pour la somme de 925 000 , de céder à celle-ci les droits de construire nécessaires à la réalisation de l'opération et d'autoriser le maire à signer avec la société une promesse de vente puis à passer avec elle un acte de vente après la réalisation de différentes conditions suspensives dont, en particulier, l'octroi d'un permis de construire ; qu'il ressort clairement des stipulations de la promesse de vente passée entre la commune et la société le 8 juillet 2003, prorogée en dernier lieu jusqu'à la date du 31 mars 2005, que le transfert de propriété prévu par cet acte ne pouvait prendre effet que sous réserve de la réalisation de plusieurs conditions suspensives, parmi lesquelles l'octroi du permis de construire ; qu'il s'en déduit qu'à la date de délivrance du permis de construire litigieux, la division du terrain en propriété et en jouissance n'était pas intervenue ; que, par suite, la commune pouvait répartir librement entre la superficie correspondant au volume 2 et celle correspondant au volume 1 la surface hors oeuvre nette (SHON) résultant de l'application du coefficient d'occupation des sols à la superficie totale de la parcelle AK 348 ; que, compte tenu du coefficient d'occupation des sols de 1,20 applicable en l'espèce ainsi qu'il vient d'être dit, de la superficie de 2 973 m2 de la parcelle et de l'existence sur la partie de la parcelle correspondant au volume 1 d'un bâtiment conservé d'une SHON de 429 m2, la SHON maximum constructible était de 3 168,60 m2 ; que, dès lors, le moyen tiré par l'ADEJJ de ce que le permis de construire litigieux, en autorisant la société Pax Progrès Pallas à réaliser un immeuble de 2 417 m2 de SHON sur la superficie correspondant au volume 2, excède la SHON maximum constructible doit être écarté ».

    En cela, l’arrêt commenté va donc dans le sens, à l’égard d’une opération ne constituant pas un lotissement et ne relevant pas d’un permis de construire valant division, du décret n°2007-18 du 5 janvier 2007 en ce qu’il a inséré au Code de l’urbanisme et, plus précisément, au sein de ces dispositions intéressant le règlement de PLU, un nouvel article R.123-10-1 précisant que : « dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction, sur un même terrain, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, les règles édictées par le plan local d'urbanisme sont appréciées au regard de l'ensemble du projet, sauf si le règlement de ce plan s'y oppose ».

    Il n’en demeure pas moins que de par la réalisation de la division en propriété du terrain sur lequel portait le permis de construire contesté, d’une part, l’immeuble édifié en exécution de ce dernier s’en trouvera en « surdensité » et donc non conforme aux prescriptions de l’article 14 du POS communal et que, d’autre part, nonobstant l’abrogation de l’ancien article L.111-5 par la loi dite « SRU », les droits à construire sur le « volume » conservé par la commune de Chily-Mazarin s’en trouveront considérablement réduits – par la consommation d’une part des droits y étant attachés par le permis de construire en cause – du moins au regard de la récente jurisprudence de la Cour administrative d’appel de Versailles (CAA. Versailles, 28 décembre 2006, Cne d’Orgerus, Construction & Urbanisme n°3/2007) pour qui cette seule abrogation ne semble pas de nature à justifier l’abandon de la jurisprudence dite « Campero » (CE. 23 octobre 1987, Campero, req. n°63.007).

    Mais pour conclure, une observation spécifique mérite d’être formulée dès lors que, dans l’arrêt commenté, la Cour administrative d’appel de Versailles a souligné qu’à « la date de délivrance du permis de construire litigieux, la division du terrain en propriété et en jouissance n'était pas intervenue », ce qui induit que la solution aurait pu être différente si malgré l’absence de division en propriété de l’unité foncière en cause, celle-ci avait néanmoins fait l’objet d’une division en jouissance alors que dans la mesure où une telle division n’emporte pas la constitution de plusieurs unités foncières, elle n’est, en toute hypothèse, pas susceptible d’avoir une incidence sur les modalités d’application classiques de la normes d’urbanisme, y compris lorsqu’elle intervient au titre d’un permis de construire valant division (pour un exemple récent : CAA. Lyon, 8 juin 2006, M.X & autres, req. n°02LY01598).

    Mais surtout, si à la date de délivrance du permis de construire contesté la vente du « volume » à construire n’avait pas été réalisée et si, par voie de conséquence, la division en propriété de l’unité foncière en cause n’avait pas été encore opérée, il n’en demeure pas moins que le pétitionnaire tirait sont titre habilitant à construire d’une promesse de vente préalable ayant ainsi procédé à son profit à un « transfert des droits à construire » de la Ville sur son terrain, ce qui, selon un arrêt récent de la Cour administrative d’appel de Versailles (CAA. Versailles, 8 juin 2006, M… X., AJDA, n°31/2006), semblait constituer le critère déterminant de la notion de division en jouissance (sur la division en volume, voir ici)…



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabient FRÊCHE & Associés