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JURISURBA - Page 102

  • La délivrance du l’autorisation d’exploiter au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement préjuge du respect des articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme par le permis de construire

    L’appréciation des risques présentés par une installation classée pour la protection de l’environnement au regard des préoccupations saisies par les articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme relève, au premier chef, de l’autorisation d’exploiter délivrée au titre de cette législation.

    CE. 15 février 2007, Ministre de l’écologie et du développement durable, req. n°294.186 / CE. 15 février 2007, Cne de Fos-sur-Mer, req. n°294.852.


    Aux termes de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme « le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ». Quant à l’article R.111-14-2 du Code de l’environnement celui-ci précise que « le permis de construire est délivré dans le respect des préoccupations d'environnement définies à l'article 1er de la loi n. 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. Il peut n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales, si les constructions, par leur situation, leur destination ou leurs dimensions, sont de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement ».

    Eu égard à la rédaction des articles précités qui ne visent expressément que « les constructions » toute la question est de savoir s’ils peuvent justifier un refus de permis de construire ou l’annulation de l’autorisation éventuellement obtenue lorsque les risques existants ne relèvent pas directement de la construction projetée mais de l’activité devant y être exercée.

    En matière d’installations classées pour la protection de l’environnement, cette question est d’autant plus problématique que les préoccupations visées, d’une façon générale, par les articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme ont vocation à être contrôlées, d’une façon spécifique, par une procédure d’autorisation ou de déclaration relevant d’une législation indépendance, en l’occurrence la législation environnementale.

    A cet égard est s’agissant d’un permis de construire une unité de production et de stockage de liants routiers, le Conseil d’Etat avait eu l’occasion de juger que « si le requérant soutient que le permis de construire ne pouvait être délivré, en vertu des dispositions de l'article R 111-2 du code de l'urbanisme, celles-ci ne visent que "les constructions qui par leur situation ou leurs dimensions sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique" et non les activités qui y sont exploitées, lesquelles relèvent d'une législation distincte » (CE. 10 octobre 1994, Sté Euroliants, req. n°111.167).

    Les deux ordonnances de référé commentées ce jour – lesquelles ont été rendues dans la même affaire – tendent à confirmer que, par principe, le permis de construire une installation classée ne peut utilement être contesté pour des motifs relevant directement de l’autorisation d’exploiter délivrée au titre de cette législation, et inversement.

    Dans le litige objet de la première ordonnance, le Conseil d’Etat avait à connaître de la décision par laquelle le juge des référés avait suspendu l’exécution de l’autorisation d’exploiter contestée en considérant que l’urgence était présente eu égard au travaux de construction de l’installation critiquée. Mais la Haute-Cour devait, pour sa part, censurer cette analyse au motif suivant :

    « Considérant, en premier lieu, que l'autorisation d'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement et le permis de construire les bâtiments et les équipements de cette installation, qui sont pris en vertu des législations distinctes du code de l'environnement et du code de l'urbanisme et selon des procédures entièrement indépendantes, ont chacun une portée et un contenu propre ; que l'engagement des travaux de construction autorisés par le permis de construire et les nuisances susceptibles de résulter de ces travaux ne sont pas susceptibles d'être utilement invoqués pour justifier de l'urgence à suspendre l'exécution de l'autorisation d'exploitation ; qu'ainsi, en fondant son appréciation de l'urgence sur des circonstances qui découlent de la délivrance du permis de construire et sont dépourvues de rapport avec l'exécution de l'acte dont la suspension est demandée, le juge des référés a entaché sa décision d'une erreur de droit ».

    A contrario, les risques présentés par l’exécution de l’autorisation d’exploiter ne peuvent donc pas justifier l’urgence à suspendre le permis de construire l’installation contestée ; précisons qui n’est pas inutile puisque si, par principe, le requérant bénéficie d’une présomption d’urgence à suspendre un permis de construire, celle-ci peut être contrebalancée par l’urgence à l’exécuter, laquelle ne saurait alors être remise en cause par des considérations tenant aux conditions d’exploitation de la construction projetée.

    Dans le second litige, le permis de construire l’installation classée contestée était donc critiqué sur le terrain de l’article R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme ; grief que la Haute Cour devait écarter au motif suivant :

    « Considérant qu'il ressort du dossier soumis au juge des référés que le permis attaqué autorise la construction d'un équipement entrant dans la catégorie des installations classées pour la protection de l'environnement ; que ce projet a fait l'objet d'une enquête publique puis a bénéficié, avant la délivrance du permis, d'une autorisation d'exploitation délivrée dans le cadre des articles L. 511-1 et L. 512-1 et suivants du code de l'environnement ; que par suite, le juge des référés n'a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que n'était pas de nature à créer un doute sérieux le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions du code de l'urbanisme».

    A titre liminaire, on peut ainsi relever que le Conseil d’Etat a apprécié les moyens tirés de la méconnaissance de l’article R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme de façon globale, ce qui n’est pas illogique dès lors que, d’une part, les préoccupations visées par ces deux articles sont peu ou prou identiques en matière d’installations classées et où, d’autre part, il est de jurisprudence dorénavant bien établie que l’article R.111-14-2 du Code de l’urbanisme ne peut justifier à lui seul un refus de permis de construire ou l’annulation de l’autorisation éventuellement obtenue (CE. 14 février 2003, Sté civile d’exploitation agricole le Haras d’Achères, req. n°220.215).

    Mais il faut surtout relever que le Conseil d’Etat n’a pas rejeté ce moyen en considérant, d’une part, que les articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme ne visent que les constructions et pas les activités qui s’y développent et/ou, d’autre part, que l’indépendance de la législation d’urbanisme et de la législation environnementale interdit, par principe, que des préoccupations relevant de l’autorisation d’exploiter soient opposées au permis de construire puisqu’en effet, la Haute Cour a écarté ce moyen du simple fait que le projet litigieux avait fait l’objet, « avant la délivrance du permis, d’une autorisation d'exploitation délivrée dans le cadre des articles L. 511-1 et L. 512-1 et suivants du code de l'environnement ».

    En substance, c’est donc la seule délivrance préalable de l’autorisation d’exploiter au titre de la législation sur les installation classée pour la protection de l’environnement qui a suffit à établir que le projet, pour ce qui intéresse le permis de construire, ne méconnaissait pas les articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme.

    Tout d’abord, il faut souligner que le Conseil d’Etat a souligné que l’autorisation d’exploiter avait été délivrée avant le permis de construire ; ce qui ne va pas de soi puisqu’aux termes de l’article R.421-12 du Code de l’urbanisme le permis de construire une installation classée peut être délivré dès l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la clôture de l’enquête publique portant sur la demande d’autorisation d’exploiter : le cas échéant, cette dernière peut donc être délivrée après le permis de construire se rapportant au même projet.

    Ensuite, il convient de préciser que dans cette affaire, le permis de construire contesté, à l’instar de l’autorisation d’exploiter, avait été délivré par le Préfet de Département et non pas par le Maire.

    Enfin, on rappellera que la requête aux fins de référé suspension dirigée à l’encontre de l’autorisation d’exploiter, par ailleurs, attaquée devait également être rejetée, c’est-à-dire que celle-ci n’apparaissait pas illégale au regard des moyens développés à son encontre par les requérants.

    Il semble donc raisonnable de considérer que le Conseil d’Etat a écarté le moyen tiré des articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme dans la mesure où, à la date de délivrance du permis de construire attaqué, l’autorité en charge de sa délivrance avait déjà régulièrement statué sur la conformité du projet au regard de la législation environnementale.

    Au regard de la rédaction et de la motivation du « considérant » précité, il est donc permis de se demander si la solution retenue aurait été identique si l’autorisation d’exploiter avait été délivrée ultérieurement au permis de construire, si ce dernier avait été délivré par une autorité administrative distincte et/ou si cette autorisation avait précédemment été suspendue ou annulée.

    Mais en toute hypothèse, il ressort donc de cette seconde ordonnance que la seule délivrance de l’autorisation d’exploiter doit préjuger du respect par le permis de construire des articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme et, en résumé, que la prise en compte de la législation environnementale assure le respect de la législation d’urbanisme ; du moins pour ce qui intéresse le juge des référés et son office.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Première application du nouvel article L.600-5 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 (« dite ENL »)

    Les dispositions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, introduites par la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, permettant au juge de prononcer l’annulation partielle d’autorisations d’urbanisme étant d’application immédiate, elles peuvent être mises en oeuvre s’agissant d’instances introduites avant l’entrée en vigueur de la loi. Est ainsi annulé, à raison de l’erreur manifeste d’appréciation dont il était entaché au regard de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme, un permis de construire en tant qu’il autorisait la construction de deux des cinq silos à grain initialement prévus.

    TA. Amiens, 29 décembre 2006, req. n° 04-01732


    Une des principales innovations de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant Engagement National pour le Logement (« ENL ») – ou, à tout le moins, une de ses dispositions présentées comme telles – est d’avoir introduit, via son article 11, un nouvel article L.600-5 du Code de l’urbanisme dont l’alinéa 1er dispose que :

    « Lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation ».

    Une des questions posées par l’introduction de cet article était ainsi de savoir s’il était d’applicabilité immédiate ou, plus particulièrement, s’il était susceptible d’être mis en ouvre par le juge de l’excès de pouvoir dans le cadre d’instances introduites avant son entrée en vigueur ; tel est l’intérêt du jugement commenté (signalé dans « Les Feuillets du TA d’Amiens », février 2007 n°24, lesquels sont accessibles sur son site).

    En effet, le Tribunal administratif d’Amiens a ainsi précisé que l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme était d’applicabilité immédiate. Mais force est d’admettre que c’est l’inverse qui aurait surpris dès lors que ce dernier ne précise pas avoir vocation à être étayé par un décret d’application ou que son entrée en vigueur est subordonnée à celle de l’ordonnance du 8 décembre 2005 relative à la réforme des autorisations d’urbanisme et de son décret d’application, intervenu le 5 janvier 2007, laquelle est programmée pour le 1er juillet 2007 ; étant rappelé que l’entrée en vigueur d’autres disposition de la loi dite « ENL » est ainsi conditionnée.

    De même, ce jugement souligne que l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme est applicable aux instances introduites précédemment ; une précision qui méritait assurément d’être apportée mais qui pour être moins évidente est néanmoins tout aussi logique que la première dès lors, d’une part, que cet article ne précise pas expressément le contraire et que, d’autre part, les conclusions présentées dans le cadre du contentieux de l’excès de pouvoir ne sont pas cristallisées dès leur formulation initiale.

    Dès lors qu’il est d’applicabilité immédiate, rien ne s’oppose à ce que les parties à une instance introduite précédemment à son entrée en vigueur « modulent » leurs conclusions initiales sur le fondement du nouvel article L.600-5 du Code de l’urbanisme. On peut ainsi imaginer que le requérant, qui ne serait opposé qu’à une partie du projet et se serait « entendu » avec le titulaire de l’autorisation d’urbanisme en litige, revienne sur ses conclusions initiales tendant à l’annulation globale de cette autorisation pour ne plus conclure qu’à son annulation partielle et/ou que la partie défenderesse conclue, a priori à titre subsidiaire, à une telle annulation de son autorisation.

    Mais en revanche, outre ces précisions d’ordre procédural et relatives à l’application de la loi dans le temps, force est de relever que ce jugement ne permet pas de répondre à ce qui constitue, selon nous, la principale question posée par le nouvel article L.600-5 du Code de l’urbanisme : le juge administratif peut-il n’annuler que partiellement l’autorisation d’urbanisme contestée lorsque le projet est indivisible ?

    Il convient, en effet, de préciser que dans l’affaire objet du jugement commenté, le permis de construire en litige autorisait la construction de cinq silos, lesquels, pour être autorisés par un seul et même permis de construire, constituaient, selon toute vraisemblance (nous n’avons pas plus d’informations sur la consistance exacte du projet), un ensemble divisible à l’instar, à titre d’exemple, d’un parc éolien dont certaines des installations peuvent être dissociables les unes des autres (CE. 6 novembre 2006, req. n°281.872).

    Or, comme on le sait, le principe initial de l’indivisibilité des autorisations d’urbanisme, lequel était absolu, a fait long feu puisqu’il est dorénavant de jurisprudence bien établie qu’une autorisation d’urbanisme peut n’être que partiellement annulée lorsque le projet est lui-même divisible (CE. 2 février 1979, Cts Sénécal, req. n° 05.808 ; CE. 16 février 1979, SCI Cap Naio c/ Dlle Fournier, Rec., p.66).

    Deux lectures du nouvel article L.600-5 du Code de l’urbanisme sont donc possibles : soit, il s’agit d’une simple consécration législative du principe jurisprudentiel pré-exposé, soit, il s’agit d’une réelle innovation permettant au juge administratif de prononcer une annulation partielle même lorsque le projet et, par voie de conséquence, l’autorisation s’y rapportant sont indivisibles. Et selon nous, c’est la première qui devrait s’imposer dans l’essentiel des cas ; étant d’ailleurs relevé que le principe de la divisibilité des prescriptions financières d’une autorisation d’urbanisme issu de la jurisprudence « Plunian » (CE. 13 novembre 1981, Rec., p.413) a lui même antérieurement fait l’objet d’une telle consécration, en l’occurrence par la l’article L332-7 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de l’article 23 de la loi n°85-729 du 18 juillet 1985.

    On soulignera, en effet, que le critère déterminant de l’indivisibilité d’un ouvrage ou d’un ensemble immobilier au regard du droit de l’urbanisme tient, au premier chef, à des considérations juridiques et, plus accessoirement, à des considérations techniques et fonctionnelles (sur cette question : notre étude, « La divisibilité des ouvrages et des ensembles immobiliers en droit de l’urbanisme », Construction & Urbanisme, n°3/2006).

    Or, si l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme portant sur une projet dont l’indivisibilité est exclusivement technique et/ou fonctionnelle – c’est-à-dire que la réalisation d’une des composantes du projet ne peut être réalisée qu’à la condition qu’une autre le soit et/ou que le projet tel qu’il a été conçu par le pétitionnaire ne peut fonctionner que si toutes ces composantes sont réalisées – n’est pas inenvisageable, elle paraît plus difficilement concevable, en l’état de la rédaction de l’alinéa 2 de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, lorsque l’indivisibilité du projet est d’ordre juridique – à savoir lorsque la réalisation d’une des composantes du projet est indispensable à la conformité de celui-ci au regard des prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables.

    A titre d’exemple, il a pu être jugé qu’un ensemble immobilier composé de plusieurs bâtiments mais dont l’accès et le parc de stationnement sont communs constitue, même lorsqu’il est autorisé par plusieurs permis de construire, dont la légalité est alors appréciée globalement, un ensemble indivisible (CE. 1er décembre 1995, M. Ménager & Autres, req. n° 137.832 ; CAA. Nancy, 4 mars 1997, Epx Ravachol c/ Ville de Reims, req. n° 94NC01290) ; et pour cause puisqu’à défaut de cet accès ou de ce parc de stationnement, un tel projet méconnaîtrait les prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme et, le cas échéant, celles des articles 3 et 12 du règlement d’urbanisme local.

    Prenons donc le cas, d’un permis de construire portant sur plusieurs bâtiments distincts mais « reliés » entre-eux par un parc de stationnement, projeté pour satisfaire aux prescriptions de l’article 12 du règlement local d’urbanisme, lequel serait là seule composante du projet à méconnaître les prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables et, en d’autres termes, la « seule partie » du projet illégale au sens de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme (d’ailleurs, cette rédaction et l’hypothèse ainsi visée tendent à exclure son application à des projets indivisibles puisque, précisément, du fait de l’irrégularité d’une de ses composantes, c’est le projet dans son ensemble qui s’en trouve illégal…).

    Si l’on considère que ce dernier a vocation à s’appliquer nonobstant l’indivisibilité de ce projet, le juge administratif pourrait donc n’annuler le permis de construire en cause qu’en tant qu’il a autorisé ce parc de stationnement. Il reste que ce faisant, il « validerait » donc un projet et un permis de construire qui ne respecteraient plus les prescriptions de l’article 12 du règlement d’urbanisme local.

    Il est vrai que l’alinéa 2 de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme précise qu’en cas de prononcé d’une annulation partielle « l'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive ». Il reste que la mise en oeuvre de cet alinéa, qui n’est pas rédigé sur le mode impératif et ne contient aucune obligation chronométrique pour ce faire, implique que le pétitionnaire présente une demande de modificatif, ce que ni l’administration (en ce sens : CAA. Marseille, 31 janvier 2002, Melois, req. n°98MA02231), ni le juge administratif n’ont le pouvoir de lui enjoindre.

    On relèvera, d’ailleurs, que s’agissant de l’annulation partielle des PLU la rédaction du nouvel article L.123-1 du Code de l’urbanisme est plus contraignante puisqu’elle expose « en cas d'annulation partielle par voie juridictionnelle d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente élabore sans délai les nouvelles dispositions du plan applicables à la partie du territoire communal concernée par l'annulation ».

    Sauf à ce que le juge administratif module la portée de son alinéa 2, ce que sa rédaction n’exclue pas totalement, il nous semble donc difficilement concevable que l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme soit mise en œuvre à l’égard de projets indivisibles.

    Pour reprendre l’exemple sus-décrit, l’annulation du seul parc de stationnement aboutirait donc à valider un permis de construire méconnaissant, du fait de celle-ci, les prescriptions de l’article 12 du règlement local d’urbanisme mais que son titulaire pourrait néanmoins mettre en œuvre sans qu’il n’y ait aucune garantie sur sa diligence à régulariser, via une autorisation modificative, son projet. Il est même possible de considérer qu’une telle interprétation de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme ne pourrait qu’inciter les opérateurs pour qui les règles d’urbanisme en matière de stationnement sont souvent significatives de contraintes constructives et financières, à faire en sorte que leur permis de construire ne soit annulé qu’en ce qu’il autorise le parc devant les accueillir pour ainsi en être déchargés…

    Au surplus, cette interprétation autoriserait le juge administratif à opérer, en toute hypothèse, ce que l’administration statuant sur le demande de permis de construire ne peut régulièrement accomplir que lorsque le projet est divisible, à savoir accorder, refuser ou retirait partiellement le permis de construire (CE. 4 janvier 1985, SCI Résidence du Port, req. n° 47.248 ; CE. 28 février 1996, Dme de la Grote de Chanterac, req. n° 124.016).

    Telle est, d’ailleurs, la raison pour laquelle, si l’annulation partielle d’un permis de construire autorisant un projet ne nous paraît pas totalement inconcevable lorsque son indivisibilité procède exclusivement de considérations fonctionnelles et/ou techniques, elle ne nous nous semble pas non plus aller de soi pour des raisons qui, d’ailleurs, valent également en cas d’indivisibilité d’ordre juridique.

    En première analyse, l’annulation partielle serait, en effet, moins problématique au regard de la règle d’urbanisme puisqu’elle aboutirait à valider un projet techniquement irréalisable et/ou ne présentant pas la fonctionnalité conçue par le pétitionnaire ; mais finalement cela ne regarde que lui et s’il veut réaliser le projet tel qu’il l’avait initialement envisagé, il ne tiendrait qu’à lui d’obtenir le modificatif prévu par l’article L.600-5, al.2 du Code de l’urbanisme.

    Il reste qu’une telle annulation peut intervenir avant l’achèvement des travaux et que la régularisation du projet initial via une seconde autorisation peut être impossible au regard des règles d’urbanisme applicables : l’opérateur s’en trouverait alors maître d’ouvrage d’un projet qu’il ne peut techniquement mener à terme et/ou qui ne correspond en rien à ce qu’il avait souhaité avec, en outre, l’obligation de finir les travaux nécessaires à la conformité du projet au regard des prescriptions d’urbanisme qui lui demeures opposables (sur ce point, notre étude : « Le statut des constructions inachevées en droit de l’urbanisme », RDI, n°5/2006).

    Mais surtout, il faut rappeler qu’en cas d’indivisibilité juridique, technique ou fonctionnel du projet, le pétitionnaire à l’obligation de présenter une demande d’autorisation unique (CAA. Lyon, 28 décembre 2006, Association « SOS Parc Paul Mistral », req. n°05LY01535) sur laquelle l’administration devra statuer en prenant partie sur tous les aspects du projet sans pouvoir renvoyer à une autre autorisation (CE. 7 novembre 1973, Giudicelli, req. n° 85.237) ; une jurisprudence rendue en application de l’article L.421-3, al.1 du Code de l’urbanisme dont les dispositions sont intégralement reprises par le nouvel article L.421-6 dans sa rédaction issue du décret du 5 janvier 2007 pris pour application de l’ordonnance du 8 décembre 2005.

    Il s’ensuit qu’en prononçant l’annulation partielle d’un permis de construire portant sur un projet indivisible non seulement le juge administratif opérerait ce que l’administration statuant sur le demande de permis de construire ne peut régulièrement accomplir que lorsque le projet est divisible mais, en outre, validerait un projet ne correspondant pas à celui sur lequel l’administration se serait prononcée et aurait pris parti : dans une certaine mesure, le juge ferait donc office d’administrateur.

    Pour conclure, on relèvera que le nouvel article L.600-5 du Code de l’urbanisme se borne à prévoir l’annulation partielle des autorisations d’urbanisme et, en d’autres termes, ne permet pas leur suspension partielle, pas plus que l'annulation partielle d'un refus d'autorisation. De même, en visant "une partie du projet", il est clair que cet article ne permet pas l'annulation partielle d'une autorisation en tant qu'elle est affectée d'illégalité externe (sur ces deux points, voir ici). 

    En l’état, la seule indiscutable innovation de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme est de consacrer tout à la fois le permis de construire modificatif et sa dimension régularisatrice et ce, d’ailleurs, indépendamment de toute considération liée à l’ampleur des modifications induites par l’annulation partielle au regard de l’économie générale du projet initial.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • L’exécution d’un permis de construire par un tiers qui n’en a pas obtenu le transfert ne peut justifier un ordre interruptif de travaux sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme

    Dans la mesure où, d'une part, le permis de construire n'est pas délivré en considération de la personne qui en devient titulaire, mais en fonction du projet de bâtiment qui lui est soumis et où, d'autre part, le défaut de transfert du permis de construire au profit de l'acquéreur d'une parcelle n'est pas constitutif d'une infraction prévue à l'article L.480-4 du code de l'urbanisme, non seulement les travaux exécutés par un tiers qui n’a pas obtenu transfert du permis de construire en cause interrompent son délai de validité mais, en outre, ce défaut de transfert ne peut justifier l’édiction d’un arrêté interruptif de travaux sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme.

    CAA. Marseille, 23 novembre 2006, M. X., req. n°04MA00264


    Voici un arrêt qui pour appeler peu de commentaires n’en mérite pas moins d’être relevé en ce qu’il consacre une solution précédemment retenue par les Tribunaux administratif en se fondant sur un principe dégagée par la chambre criminelle de la Cour de cassation et ce, pour en faire application à une question nouvelle.

    Dans cette affaire, la SCI Morgan France avait obtenu deux permis de construire sur des lots qu’elle avait ultérieurement revendus à la SCI Gugliemo. Or, lors de la phase d’engagement des travaux, le Préfet de Corse du Sud devait opposer la caducité de ces permis de construire au motif d’une interruption des travaux d’une durée supérieure à un an (art. R.421-32, al.1 ; C.urb) pour conséquemment édicter deux ordres interruptifs de travaux sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme.

    Le gérant de la SCI Gugliemo, Monsieur Antonio, décidait ainsi de solliciter l’annulation de ces ordres interruptifs de travaux mais son recours devait être rejeté par un jugement du Tribunal administratif de Bastia dont il interjeta appel.

    Précisément, devant la Cour administrative d’appel de Marseille, Monsieur Antonio parvint à contredire les procès-verbaux de la Direction départementale de l’équipement censés établir la caducité des permis de construire en cause par la production de constats d’huissier et de factures. Mais pour sa part, la Préfecture de Corse du Sud devait solliciter une substitution de motif et, concrètement, demander à la Cour de « valider » ses ordres interruptifs de travaux non pas en raison de la caducité desdits permis mais en considération du fait qu’ils avaient été exécutés par Monsieur Antonio alors qu’il n’en avait pas obtenu le transfert et ne pouvait donc s’en considérer titulaire.

    Toutefois, ce nouveau motif devait être rejeté par la Cour administrative d’appel de Marseille pour la raison suivante :

    « Considérant, il est vrai, que le ministre fait valoir que M. ne pouvait s'estimer titulaire des permis de construire initialement délivrés à la SCI Morgan France, car il n'en avait pas demandé le transfert au bénéfice de sa société ; que ce faisant, le ministre doit être regardé comme sollicitant une substitution des motifs fondant les arrêtés contestés, en soutenant que M. n'était pas bénéficiaire de permis l'autorisant à construire sur les parcelles en cause ; que cependant, d'une part, le permis de construire n'est pas délivré en considération de la personne qui en devient titulaire, mais en fonction du projet de bâtiment qui lui est soumis, et d'autre part, le défaut de transfert du permis de construire au profit de l'acquéreur d'une parcelle n'est pas constitutif d'une infraction prévue à l'article L.480-4 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, la demande de substitution de motifs formulée par le ministre doit être rejetée ;
    Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Bastia a écarté le moyen tiré de l'erreur de fait sur la caducité des permis de construire, présenté en première instance, pour rejeter la demande de M. ; que le requérant est, dès lors, fondé à demander l'annulation dudit jugement ainsi que celle des arrêtés n° 01-0477 et 01-0476 en date du 6 avril 2001 et n° 01-745 en date du 22 mai 2001
    ».

    Il s’ensuit, d’une part, que la Cour administrative d’appel de Marseille a considéré que les travaux exécutés par un tiers pouvait néanmoins interrompre le délai de validité d’un permis de construire tel qu’il est régi par l’article R.421-32 du Code de l’urbanisme et ce, au motif que « le permis de construire n'est pas délivré en considération de la personne qui en devient titulaire, mais en fonction du projet de bâtiment qui lui est soumis » ; ce qui constitue, d’ailleurs, le principe en raison duquel lorsque pendant la période de validité d’un permis de construire, la responsabilité de la construction est transférée du titulaire d’origine à une ou plusieurs autres personnes, il n’y pas lieu pour l’administration de délivrer à celles-ci un nouveau permis de construire mais simplement de transférer, avec l’accord du titulaire d’origine (sur ce point : CE. 20 octobre 2004, SCI Lagona, req. n°257.690) et, le cas échéant, du propriétaire du terrain à construire (sur ce point : CE. 19 juillet 1991, Crepin, req. n°86.807), le permis précédemment accordé (sur le principe : CE. 10 décembre 1965, Synd des copropriétaire de l’immeuble Pharao-Pasteur, req. N°53.773 ; CE. 18 juin 1993, Cne de Barroux, req. n°118.690).

    Compte tenu du caractère réel et non pas personnel du permis de construire, seul l’acte de construction doit être prise en compte au regard de l’article R.421-32 du Code de l’urbanisme et non pas l’auteur des travaux considérés ; étant rappelé qu’a contrario, le seul transfert d’un permis de construire ne suffit pas à interrompre son délai de validité (CE. 16 février 1979, SCI Cap Naio, req. n°03.346).

    En cela, l’arrêt commenté confirme donc une solution qui, à notre connaissance, n’avait jusqu’à présent été retenue que par certains Tribunaux administratifs (TA. Nice, 13 mai 1997, SCL LE Pavillon, req. n°93-03645).

    D’autre part, cet arrêt tire également les conséquences de l’origine purement jurisprudentielle de la pratique du transfert de permis de construire et de son absence de tout encadrement textuel le rendant obligatoire lorsqu’un tiers souhaite exécuter un permis de construire précédemment délivré à une autre personne dont il résulte, en l’espèce, que « le défaut de transfert du permis de construire au profit de l'acquéreur d'une parcelle n'est pas constitutif d'une infraction prévue à l'article L.480-4 du code de l'urbanisme ».

    On sait, en effet, qu’eu égard au caractère réel du permis de construire et à l’absence d’encadrement textuel de la pratique du transfert, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait précédemment jugé que (voir également : T.G.I. Grasse, 8 février 1973 - AJPI 73, II p798, note Bertrand) :

    «Vu l'article L. 480-4 du Code de l'urbanisme
    Attendu que le défaut de transfert du permis de construire au profit de l'acquéreur d'une parcelle n'entre pas dans les prévisions du texte susvisé ;
    Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que la direction départementale de l'Equipement du Var a constaté par procès-verbal du 24 avril 1990 qu'Alain Lhermitte et Jean-Jacques Barthe, qui avaient chacun acquis d'une SCI une parcelle de terrain en vue de l'édification d'une maison d'habitation conformément au permis de construire obtenu par le vendeur, ont entrepris les travaux de construction sans avoir obtenu une décision de transfert dudit permis de construire à leur nom ;
    Attendu que pour déclarer Alain Lhermitte et Jean-Jacques Barthe coupables du délit de construction sans permis de construire, ordonner la démolition des ouvrages et dire en conséquence n'y avoir lieu à statuer sur la demande de mainlevée de l'arrêté interruptif des travaux, la juridiction du second degré retient que, si le permis de construire est attaché au projet qui a fait l'objet de la demande, et non pas à son titulaire, le transfert doit être obtenu par une décision administrative ; qu'elle relève que les 2 prévenus, qui ne pouvaient ignorer que l'acte de vente ne pouvait leur transférer le permis de construire, n'ont présenté aucune demande de transfert à l'administration compétente ; qu'elle en déduit qu'ils ne peuvent se prévaloir d'aucun permis de construire ;
    Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé » (Cass. crim. 29 juin 1999, pourvoi n°98-83.839).

    Sur ce point, l’arrêt commenté marque donc l’intégration par le juge administratif d’un principe précédemment dégagé par le juge pénal en en faisant application aux ordres interruptifs de travaux qui ne peuvent être régulièrement fondés sur le fait que les travaux autorisés par le permis de construire sont accomplis par un tiers n’en ayant pas précédemment obtenu le transfert.

    Mais pour conclure, on rappellera qu’en revanche, l’absence de demande de transfert de permis de construire peut être pris en compte par le juge des référés pour établir la réalité de l’urgence dont ce tiers se prévaut pour solliciter la suspension d’une mesure prise sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme (CE. 23 mars 2001, Sté LIDL, req. n°231.559).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • L’adjonction d’une bande de terrain au niveau de l’accès du terrain à construire ne permet pas de satisfaire aux prescriptions de l’article 5 du règlement local d’urbanisme relatives à la largeur des façades sur voie

    Lorsque l’article 5 du règlement local d’urbanisme impose que le terrain d'assiette ait une largeur effective en bordure de voie de dix mètres pour être constructible, l’adjonction d’une bande de terrain de 6,50 mètres sur 0,70 mètre à l’accès au terrain à construire d’une largeur de 3,50 mètres ne permet que d'obtenir artificiellement une largeur de terrain en bordure de voie de 10 mètres et ne permet donc pas de caractériser cette configuration des lieux comme une façade sur voie au sens cet article 5.

    CAA. Paris, 23 novembre 2006, Cne de Chaville, req. n° 05PA04096


    Dans cette affaire, l’article 5 du règlement d’urbanisme local imposait que les terrains résultant d'une division aient une superficie d'au moins 300 m² et 10 mètres de largeur de façade sur voie pour être constructibles ; et il ressortait de la définition de la « façade sur voie » figurant dans le lexique joint au règlement du plan d'occupation des sols que ces dispositions imposaient que le terrain d'assiette ait une largeur effective en bordure de voie de 10 mètres.

    Or, en l’espèce, si le terrain d’assiette du permis de construire litigieux présentait une façade sur voie d’une largeur de 10 mètres, celle-ci était en fait constituée par un accès d’une largeur de 3,50 mètres auquel avait été adjoint une bande de terrain de 6,50 mètres de largeur et de 70 centimètres de profondeur.

    Mais la Cour administrative d’appel de Paris, comme la juridiction de première instance, devait voir dans cette adjonction une opération destinée à conférer artificiellement au terrain à construire une apparence de régularité et, par voie de conséquence, annuler le permis de construire litigieux :

    « Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article UB5 du plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE CHAVILLE que, pour être constructible dans la zone Ubb, un terrain résultant d'une division doit avoir une superficie d'au moins 300 m² et 10 mètres de largeur de façade sur voie ; que ces dispositions, complétées et éclairées par la définition de la « façade sur voie » figurant dans le lexique joint au règlement du plan d'occupation des sols doivent être regardées comme imposant que le terrain d'assiette ait une largeur effective en bordure de voie de 10 mètres ;
    Considérant qu'il est constant que le terrain, résultant d'une division parcellaire, qui sert d'assiette au permis de construire délivré par l'arrêté du 7 avril 2004 susvisé du maire de Chaville à M. Y comporte un accès de 3,50 mètres sur l'avenue de la Résistance ; que la circonstance que cet accès soit élargi par une bande de terrain de 6,50 mètres sur 0,70 mètre permettant ainsi d'obtenir artificiellement une largeur de terrain en bordure de voie de 10 mètres ne permet pas de caractériser cette configuration des lieux comme une façade sur voie au sens des dispositions susrappelées du plan d'occupation des sols ; que, par suite, la COMMUNE DE CHAVILLE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté litigieux
    ».

    Cet arrêt renvoie ainsi à la problématique des terrains d’assiette artificiellement constitués à l’égard de laquelle les décisions rendues par la jurisprudence varient.

    C’est ainsi, à titre d’exemple, que le Conseil d’Etat a jugé inopérante une opération de revente d’une bande de terrain de 70 centimètres destinée à régulariser une construction illégale en la faisant ainsi joindre la limite séparative alors que son permis de construire avait été précédemment annulé en raison de son implantation à 70 centimètres de la limite séparative initiale (CE. 25 janvier 1993, Crts Saint-Guilly, req. n°122.112). En revanche, la Haute Cour a ultérieurement jugé qu’une construction en « sur-densité » pouvait être régularisée par l’acquisition d’une bande terrain de l’unité foncière voisine aux fins d’augmenter la SHON constructible d’un terrain d’assiette de la construction litigieuse et conséquemment diminuer sa densité en la rendant ainsi conforme aux prescriptions de l’article 14 du règlement d’urbanisme local ; bien que cette bande de terrain ne serve en rien à l’implantation de la construction litige et de ses abords (CE. 30 décembre 2002, SCI HLM de Lille, req. n°232.584 ; voir, également, ici).

    Il semble ainsi que, pour le juge administratif, l’opération d’acquisition ou de revente d’une bande de terrain sera artificielle, et donc inopérante, lorsqu’elle ne confère à la construction qu’une apparence de régularité ne permettant pas d’assurer un respect effectif de la règle d’urbanisme en cause.

    Dans la première affaire, en effet, la revente de la bande de terrain permettait certes d’amener la limite séparative jusqu’à la construction litigieuse de sorte à ce qu’elles soient jointives mais, en fait, ne modifier strictement rien à l’implantation de cette construction et à sa distance par rapport à la construction voisine, laquelle, au surplus, était ainsi rendue irrégulière puisqu’initialement implantée en limite séparative, elle s’en trouvait implantée à 70 centimètres de la nouvelle limite séparative, ce que ne permettait pas l’article 7 du POS communal.

    Dans la second affaire, en revanche, la bande de terrain acquise ne servait certes en rien à l’implantation de la construction litigieuse mais toujours est-il qu’en consommant les droits à construire y étant attachés cette construction réduisait d’autant la SHON constructible du « reliquat » dont cette bande avait été détachée : l’adjonction de cette bande de terrain au terrain d’assiette d’origine n’avait donc pas pour effet d’augmenter artificiellement la SHON constructible dans la zone au regard des possibilités de construction prévues par l’article 14 du règlement d’urbanisme local.

    Or, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, l’adjonction de la bande de terrain de 6,50 mètres de largeur et de 70 centimètres de profondeur permettait certes d’obtenir une façade sur voie d’une largeur de 10 mètres comme le prescrivait l’article 5 du règlement de POS mais ne permettait néanmoins pas d’assurer l’effectivité de la règle et la réalisation de l’objectif ainsi poursuivi par les auteurs du document d’urbanisme local, à savoir que les terrains aient une largeur effective en bordure de voie de 10 mètres.

    L’arrêt commenté nous paraît donc justifié tant au regard des prescriptions spécifiques du règlement d’urbanisme local en cause qu’en considération de la jurisprudence précédemment rendue en la matière.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés