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JURISURBA - Page 105

  • Quelques précisions sur la portée des conséquences de l’annulation d’une décision de préemption et leur mise en oeuvre

    La caducité de la promesse de vente en conséquence de laquelle a été formulée la Déclaration d’Intention d’Aliéner ne dispense pas le titulaire du droit de préemption de proposer à l’acquéreur évincé d’acheter le bien illégalement préempté.

    CAA. Paris, 23 novembre 2006, Ville de Paris & Sté AVI, req. n°05PA04012


    Dans cette affaire, le Tribunal administratif de Paris avait annulé une décision de préemption édictée par la Ville de Paris, laquelle devait décidé d’interjeter appel de ce jugement. Mais de son côté, le requérant de première instance, en l’occurrence l’acquéreur évincé, en l’espèce la société AVI, devait également saisi la Cour administrative d’appel de Paris d’une demande fondée sur l’article L.911-4 du Code de justice administrative et motivée par la circonstance que la Ville de Paris n’avait pas tiré à son égard les conséquences de l’annulation de la décision litigieuse.

    On sait, en effet, que l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de l'acte par lequel le titulaire du droit de préemption décide d'exercer ce droit emporte pour conséquence que ce titulaire doit être regardé comme n'ayant jamais décidé de préempter. Par voie de conséquence, cette annulation implique nécessairement, sauf atteinte excessive à l'intérêt général appréciée au regard de l'ensemble des intérêts en présence, que le titulaire du droit de préemption, s'il n'a pas entre temps cédé le bien illégalement préempté, prenne tout mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée et qu'il lui appartient à cet égard, d’une part et avant toute autre mesure, de s'abstenir de revendre à un tiers le bien illégalement préempté et d’autre part, de proposer à l'acquéreur évincé puis, le cas échéant, au propriétaire initial, d'acquérir le bien, et ce, à un prix visant à rétablir en l'espèce les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle (sur ce principe : CE. 26 février 2003, M. et Mme Bour, req. n°231.558).

    Précisément, la société AVI soutenait que la Ville de Paris n’avait pas tiré toutes les conséquences de l’annulation de la décision litigieuse puisqu’elle ne lui avait pas proposer d’acquérir le bien illégalement préempté. Mais pour sa défense, le Ville de Paris soutenait qu’il n’y avait pas lieu de formuler une telle proposition dès lors que la promesse de vente conclue entre la société AVI et le propriétaire initial du bien avait été frappée de caducité avant que le Tribunal administratif de Paris annule la décision de préemption contestée.

    En première analyse, une telle argumentation pourrait surprendre puisque si la Ville de Paris avait effectivement été déliée de son obligation vis-à-vis de l’acquéreur évincé, il lui aurait alors incombé, suivant la jurisprudence « Bour », de proposer au propriétaire initial de racheter ce bien ; ce que la Ville de Paris n’avait pas non plus effectué dans cette affaire.

    Il reste que l’article L.911-4 du Code de justice administrative dispose qu’en « cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel » (sur la notion de partie intéressée en la matière: CE. 28 avril 2004, UECM, req. n°249.430).

    Il s’ensuit que dans l’hypothèse où la caducité de la promesse de vente dont la société AVI aurait effectivement déchargée la Ville de Paris de son obligation vis-à-vis de l’acquéreur évincé, la demande formulée par ladite société sur le fondement de l’article précité n’aurait pu aboutir à l’injonction faite à la Ville de Paris de proposer au propriétaire initial de racheter le bien, d’une part, parce que la société AVI ne l’avait pas demandé, d’autre part et en toute hypothèse, parce qu’en sa qualité d’acquéreur évincé, elle n’avait pas intérêt à agir à cet effet. On sait d’ailleurs (cf : Veille jurisprudentielle n°3 ; note du 7 décembre 2006) que le Conseil d’Etat a très récemment jugé que « si le propriétaire initial d'un bien ayant fait l'objet d'une décision de préemption peut, afin de récupérer son bien, demander au juge administratif d'enjoindre au titulaire du droit de préemption, en exécution de la décision juridictionnelle qui a annulé la décision de préemption, de lui proposer d'acquérir ce bien après l'avoir au préalable proposé à l'acquéreur évincé, il n'a pas qualité pour le saisir à seule fin que le bien préempté soit proposé à l'acquéreur évincé » (CE. 6 septembre 2006, Sté France TELECOM, req. n°289.822).

    A contrario, une demande présentée par l’acquéreur évincé sur le fondement de l’article L.911-4 du Code de justice administrative aux fins qu’il soit enjoint au titulaire du droit de préemption de proposer au propriétaire initial de racheter son bien illégalement préempté est, a priori, irrecevable.

    Toutefois, il y avait, pour le moins, peu de chances que l’argument présenté par la Ville de Paris prospère. Il est, en effet, de jurisprudence dorénavant bien établie que la caducité de la promesse de vente ne prive pas l’acquéreur évincé de son intérêt à agir à l’encontre de la décision de préempter le bien objet de cette promesse (pour exemple : CAA. Paris, 28 novembre 2000, Association Cultuelle des témoins de Jéhovah de Paris Ouest, req. n°99PA00130).

    Dès lors, force est d’admettre que l’on aurait eu du mal à comprendre comment et pourquoi l’acquéreur évincé pourrait avoir intérêt à agir à l’encontre de la décision de préemption nonobstant la caducité de la promesse de vente dont il était titulaire mais, en revanche, serait irrecevable ou, à tout le moins, infondé à solliciter du juge administratif qu’il fasse injonction au titulaire du droit de préemption de tirer les conséquences de l’annulation de la décision litigieuse en lui proposant d’acquérir le bien illégalement préempté en raison de cette même caducité. Et précisément, la Cour administrative d’appel de Paris, après avoir confirmé l’annulation de la décision de préemption en litige, a donc jugé que :

    « Considérant que la VILLE DE PARIS soutient avoir effectué l'ensemble des diligences nécessaires à l'exécution du jugement du 28 juillet 2005 ; qu'elle établit avoir payé à la société AVI la somme de 1 000 euros que le Tribunal administratif de Paris avait mise à sa charge et qu'elle a ainsi exécuté l'article 2 du jugement ; que, s'agissant des conséquences à tirer de l'annulation de la décision du 23 décembre 2003, la VILLE DE PARIS fait valoir qu'elle ne devait pas obligatoirement proposer l'acquisition à la société AVI puisque la promesse de vente conclue entre Mme Bohère et cette société était devenue caduque depuis le 30 décembre 2003, cette promesse de vente comportant une clause prévoyant une déchéance si le bénéficiaire n'avait pas signé l'acte d'acquisition à cette date ; que toutefois, en admettant qu'une telle clause puisse avoir pour effet de mettre fin aux obligations que la promesse de vente impose aux parties, elle ne fait pas obstacle à ce que, en cas d'annulation de la décision de préemption qui, en l'espèce, a été seule à empêcher la poursuite de la vente, le bien soit proposé à l'acquéreur évincé ; que, dès lors, la VILLE DE PARIS, qui n'a pas proposé l'acquisition du bien préempté illégalement à la société AVI ainsi qu'elle y était tenue, n'a pas entièrement exécuté le jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris ».

    Il faut, cependant, relever que la Cour a souligné que la décision de préemption illégale « a été seule à empêcher la poursuite de la vente ». Il ne semble donc pas déraisonnable d’en déduire que le titulaire du droit de préemption pourrait être déliée de son obligation à l’égard de l’acquéreur évincé dans l’hypothèse où il parviendrait à prouver qu’en toute hypothèse, la vente initialement promise n’aurait pas été réalisée.

    Mais quoi qu’il en soit, l’arrêt commenté va donc sur ce point dans le sens non seulement de la jurisprudence administrative relative à l’intérêt à agir de l’acquéreur évincé et à la présomption d’urgence dont il bénéficie nonobstant la caducité de la promesse de vente dont il était titulaire (CE. 22 avril 2005, Ville de Choisy-le-Roy, req. n°274.054) mais également de la jurisprudence judiciaire et, plus particulièrement, dans une certaine mesure, de l’arrêt par lequel la 3e chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu’eu égard à l’effet rétroactif de l’annulation d’une décision de préemption, la condition suspensive de non-exercice du droit de suspension sous laquelle a été conclue la promesse de vente doit être considérée comme réalisée, si bien que l’acquéreur retrouve conséquemment l’ensemble de ses droits et peut donc poursuivre l’exécution forcée de la vente précédemment promise (Cass. civ., 22 juin 2005, SARL Sud Immobilier c/ Lasmarigues, pourvoi n° 03-20.473).

    Et pour être complet, puisque la solution ici retenue est propre au cas d’espèce, on relèvera également que la Cour administrative d’appel a rejeté l’argument de la Ville de Paris selon lequel la rétrocession du bien illégalement préempté emporterait une atteinte excessive à l’intérêt général et ce, au motif suivant :

    « Considérant que la VILLE DE PARIS fait valoir qu'elle a conféré à la Régie Immobilière de la Ville de Paris des droits réels sur le bien préempté, par un bail emphytéotique conclu le 11 avril 2005 ; que, par une délibération des 12, 13 et 14 décembre, elle a voté l'octroi de subventions pour l'opération ; que la Régie est sur le point de désigner les entreprises de travaux et que la revente aurait des conséquences pour les locataires en place ; que toutefois, la société AVI établit que les travaux n'ont pas débuté ; qu'il n'apparaît pas que la subvention accordée pour la réalisation de l'opération ait été dépensée non plus qu'il ne résulte de l'instruction que la cession à la société AVI aurait des conséquences pour les locataires en place ; que, par suite la VILLE DE PARIS n'est pas fondée à soutenir que, dans les circonstances de l'espèce, la revente du bien porterait une atteinte excessive à l'intérêt général ».

    Sur ce point, l’arrêt commenté peut néanmoins être rapproché, dans une certaine mesure, de la décision par laquelle le Conseil d’Etat a récemment jugé qu’une requête aux fins de référé suspension à l’encontre d’une décision de préemption conservée son objet tant que cette dernière n’était pas devenue irréversible, ce qui n’est pas le cas tant que le titulaire du droit de préemption est propriétaire du bien ainsi acquis (CE.18 juillet 2006, M. Monique X. & autres, req. n°291.569).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat à la Cour
    Cabinet Frêche & Associés

  • Une décision de sursis à statuer sur une demande de permis de construire peut être régulièrement motivée par la prise en compte des orientations du PADD

    Si aux termes de la loi « Urbanisme et Habitat » du 2 juillet 2003, le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) d’un PLU ne constitue pas un document opposable aux constructeurs, ses orientations peuvent néanmoins justifier une décision de sursis à statuer opposée à une demande de permis de construire sur le fondement de l’article L.123-6 du Code de l’urbanisme.

    CE. 1er décembre 2006, Sté GFLBI, req. n°296.543


    Aux termes de l’article L.123-6.al.-2 du Code de l’urbanisme et « à compter de la publication de la délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme, l’autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l’article L.111-18, sur les demandes d’autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan ».

    Mais si, par principe, les dispositions de l’article L.123-6.al.-2 du Code de l’urbanisme peuvent être opposées à une demande d’autorisation de construire ou d’aménagement dès la publication de l’arrêté prescrivant l’établissement du PLU (CE. 3 février 1975, Cie pour l’équipement, le financement et la construction, Rec., p. 612) jusqu’à la publication du PLU approuvé (CE. 14 novembre 1984, Cicchini, Dr.adm., 1985, n°67), il est, néanmoins, nécessaire que les intentions urbanistiques de la commune à l’égard du terrain pour lequel la demande d’autorisation est présentée aient atteint un degré de précision pour justifier le sursis à exécuter (CE. 17 avril 1993, Cne de Gasny, req. n° 131.867).

    En effet, pour que l’autorité compétente puisse régulièrement et concrètement apprécier les effets de la construction en cause sur le futur plan, encore faut-il que ses grandes soient déterminées à la date où elle édicte une telle décision et, plus concrètement, que les futures prescriptions du document d’urbanisme local « aient atteint un état d’avancement suffisant qui permette à l’autorité compétente de se livrer à une comparaison entre le projet de construction et les futures dispositions et de fonder sa décision » (Circulaire n°88-26 du 25 mars 1988, §4.6, BOMET, 10 avril 1988, n°10).

    Il résulte de ainsi de la jurisprudence rendue en la matière que l’élaboration de ces prescriptions peut être considérée comme suffisamment avancée et, par voie de conséquence, le sursis à exécution justifié dès lors le rapport de présentation (CE. 21 juin 1985 Sté Parigès, req. n° 33.511), le zonage (CE. 26 mars 1990, Commune de Mesnil-Saint-Pierre, req. n°86.482) et/ou le règlement de zone (CE. 23 octobre 1987, Barnier, Rec., p. 322) ont été établis. À titre d’exemple, le Conseil d’Etat a ainsi considéré, dans un arrêt de synthèse, que :

    « Considérant que pour surseoir à statuer sur la demande de permis de construire présentée par Mme Baer en vue de l’édification à Romanswiller de deux immeubles d’habitation, le Préfet du Bas-Rhin s’est fondé sur ce que les constructions projetées étaient situées en zone II NA du POS en préparation de cette commune, réservé à une urbanisation ultérieure ; qu’il ressort des pièces du dossier qu’à la date de la décision de sursis le zonage de ce plan d’occupation des sols, le rapport de présentation de ce document, le règlement applicable à la zone II NA et diverses annexes techniques avaient été établis ; que, dans ces conditions, l’état d’avancement du POS de la commune de Romanswiller était suffisant pour justifier légalement une décision de sursis » (CE. 22 mars 1991, Min. de l’Equip. C/ Mme Baer, req. n° 110.338).

    Mais depuis l’entrée en vigueur de la loi du 13 décembre 2000 dite « SRU » et, plus encore, de la loi du 2 juillet 2003 dite « Urbanisme & Habitat », la question se posait de savoir si le seul établissement du PADD et de ses principales orientations pouvaient justifier une décision de sursis à statuer fondée sur l’article L.123-6.al.2 du Code de l’urbanisme. La réponse n’était pas évidente puisque si la loi « SRU » a ajouté au contenu traditionnel des documents d’urbanisme locaux (rapport de présentation, règlement, documents graphiques et annexes) ce nouveau document, celui-ci y occupe, à tous les égards, une place à part.

    D’une part, celui-ci a un contenu très général puisqu’aux termes de l’article R.123-3 du Code de l’urbanisme, « le projet d'aménagement et de développement durable définit, dans le respect des objectifs et des principes énoncés aux articles L. 110 et L. 121-1, les orientations d'urbanisme et d'aménagement retenues pour l'ensemble de la commune ».

    D’autre part, son établissement doit intervenir bien en amont de la procédure d’élaboration et, en toute hypothèse, deux mois avant l’adoption du projet de PLU à l’occasion de laquelle le contenu des documents composant le PLU est arrêté, dès lors que l’article L.123-9 du Code de l’urbanisme précise que « un débat a lieu au sein du conseil municipal sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement mentionné à l'article L. 123-1, au plus tard deux mois avant l'examen du projet de plan local d'urbanisme ».

    Néanmoins, le Tribunal administratif d’Orléans avait pu juger, sous l’empire de l’article R.123-1 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi « SRU », lequel précisait alors expressément que ce document était opposable aux tiers, que le PADD pouvait justifier une décision de sursis à statuer sur une demande de permis de construire (TA. Orléans, 23 mai 2002, Cne de Vierzon, req. n°01-04307).

    Mais certains commentateurs avaient estimé que cette jurisprudence était obsolète depuis l’entrée en vigueur de la loi « Urbanisme & Habitat » puisque celle-ci a supprimé l’opposabilité du PADD pour ne laisser ainsi opposables que le rapport de présentation, le règlement et les documents graphiques visés par les articles R.123-11 et R.123-12 du Code de l’urbanisme ; les annexes prescrites par les articles R.123-13 et R.123-14 étant imposées uniquement « à titre informatif ». Il reste que par l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat a donc jugé que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la mise en révision du plan d'occupation des sols en vue de sa transformation en plan local d'urbanisme a été prescrite par une délibération du 27 avril 2004 ; que le conseil municipal de l'Haÿ-les-Roses a débattu le 22 novembre 2005 des orientations du projet d'aménagement et de développement durable et d'orientations particulières d'aménagement pour certains secteurs de la commune ; que le projet d'aménagement et de développement durable prévoit notamment de mettre en valeur l'aqueduc de la Vanne et d' « accompagner le tracé de l'aqueduc par un règlement de zonage favorisant un tissu urbain « vert », type « cité jardin » ;
    considérant qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de la loi du 2 juillet 2003, les plans locaux d'urbanisme « comportent un projet d'aménagement et de développement durable qui définit les orientations générales d'aménagement et d'urbanisme retenues pour l'ensemble de la commune / Les plans locaux d'urbanisme comportent un règlement qui fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durable, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols» ; que si le projet d'aménagement et de développement durable n'est pas directement opposable aux demandes d'autorisation de construire, il appartient à l'autorité compétente de prendre en compte les orientations d'un tel projet, dès lors qu'elles traduisent un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme, pour apprécier si une construction serait de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan ; qu'ainsi, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit lorsqu'il a estimé qu'en l'espèce, le moyen tiré de ce que la décision de sursis à statuer méconnaissait l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme n'était pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision de sursis à statuer ; qu'il a pu, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, estimer, sans erreur de droit, que n'étaient pas davantage de nature à faire naître un doute sérieux les moyens tirés de ce que le projet de construction n'était pas, compte tenu de ses caractéristiques, de nature à compromettre l'objectif précité du plan d'aménagement et de développement durable et de ce qu'avaient été méconnues les dispositions de l'article R. 111-26-2 du code de l'urbanisme relatives à la durée du sursis
    ».

    On soulignera, toutefois, que la circonstance que la collectivité compétente ait débattu sur les principales orientations du PADD n’est pas, par principe et en toute hypothèse, de nature à justifier une décision de sursis à statuer dès lors que le Conseil d’Etat a précisé qu’il pouvait en être ainsi dès lors que lesdites orientations « traduisent un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme, pour apprécier si une construction serait de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan ».

    A contrario, une décision de sursis à statuer semble donc pouvoir encore être légalement opposée sur le fondement de l’article L.123-6.al.2 du Code de l’urbanisme dès lors que l’état du futur PLU est suffisamment avancé, sans qu’il soit donc nécessairement besoin que la collectivité compétente ait d’ores et déjà débattu sur les orientations de son PADD.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat à la Cour
    Cabinet Frêche & Associés

  • La disparition du caractère boisé d’une parcelle ne s’oppose pas au maintien de son classement « espace boisé à conserver » au titre de l’article L.130-1 du Code de l’urbanisme

    La disparition du caractère boisé d’une parcelle n’oblige pas l’administration compétente à abroger son classement « espace boisé à conserver » au titre de l’article L.130-1 du Code de l’urbanisme. Par suite, il n’a pas lieu de faire droit au recours en annulation exercé à l’encontre de la décision de refus opposée à la demande d’abrogation formulée à cet effet.

    TA. Besançon, 9 novembre 2006, req. n°05-00925



    Dans cette affaire, une société exploitant une carrière projetait d’étendre son activité sur une parcelle voisine, laquelle se trouvait frappée, depuis 1984, d’un classement « espace boisé à conserver » au titre de l’article L.130-1 du Code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il dispose que « les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations ».

    Toutefois, cette parcelle avait perdu son caractère boisé consécutivement à la malheureusement fameuse tempête de décembre 1999. Forte de cette modification des circonstances de faits ayant motivé, en 1984, le classement « espace boisé à conserver », notamment, de la parcelle dont elle était précédemment devenue propriétaire, cette société devait ainsi solliciter l’abrogation de ce classement mais uniquement pour ce qu’il concernait sa propriété pour ensuite exercer un recours en annulation à l’encontre de la décision refus opposée à cette demande.

    On sait, en effet, qu’à l’instar d’une modification des circonstances de droit, une modification des circonstances de fait ayant justifié l’édiction d’une des prescriptions du règlement d’urbanisme local peut rendre cette dernière illégale (sur le principe : CE. 20 décembre 1995, Vedel & Jannot, Rec., p. 440. Pour une application aux règlements d’urbanisme locaux : (CAA. Paris, 18 mai 1999, Cne de Clairefontaine-en-Yvelines, req. n° 98PA00778 ; TA. Strasbourg, 20 juin 2001, Gillmann c/ Cne de Dachstein, req. N° 99-678).

    Or, lorsque tel est le cas, l’autorisé compétente a l’obligation non seulement de ne pas appliquer cette norme (CE. 22 février 1984, Mme David, Rec., p.75) mais en outre, d’abroger celle-ci dès lors que la demande lui en est faite (CE. 4 février 1998, Billac, req. n° 150.965) ; un éventuel refus constituant, bien entendu, une décision faisant grief susceptible d’être déférée à la censure du juge administratif (CE. 27 avril 1998, Ecotay, req. n° 170.665). Mais pour être complet, on précisera qu’il n’en va ainsi que lorsque la demande d’abrogation est fondée sur l’illégalité de la norme considérée puisque si cette demande procède de considérations de pure opportunité, il relève de la compétence discrétionnaire de l’administration d’y accéder (CE. 30 janvier 1991, Mme Reigien, D. 1991, p. 258) ; sous les réserves de principe liées à la nécessaire prise en compte de l’intérêt général ou, a contrario, à l’exclusion de la seule prise en compte d’intérêts privés.

    D’un point de vue procédural, la démarche de la société requérante ne soulevait donc aucune difficulté. Il reste que sur le fond, sa demande était plus problématique puisqu’il ressort de la jurisprudence rendue en la matière que la légalité d’un tel classement est indépendante de toute considération liée à l’état boisé ou non des terrains considérés et, le cas échéant, à la qualité et à la valeur des boisements existants (CE. 14 décembre 1984, Cts Cordier, Rec., p. 771 ; CE. 5 décembre 1986, Cts Guillerot, req. n° 55.448).

    Mais cette jurisprudence n’était pas parfaitement transposable au cas présent dans la mesure où elle a trait à la légalité de la décision de classement en considération des circonstances de droit et de fait réunies à sa date d’édiction cependant qu’en l’espèce, il s’agissait d’apprécier la légalité du maintien de ce classement au regard de la disparition de la principale circonstance de fait en ayant anciennement justifié l’instauration.

    En application de la théorie générale de la modification des circonstances de fait et au regard, plus particulièrement, d’arrêts soulignant que « les dispositions susénoncées de l'article L.130-1 du code de l'urbanisme ne subordonnent pas le classement d'un terrain comme espace boisé à la condition qu'il possède tous les caractères d'un bois, d'une forêt ou d'un parc à l'époque de l'établissement du plan d'occupation des sols » (CE. 17 janvier 1995, m. Bertrand, req. n° 107.330 ; CAA. Lyon, 24 juin 2003, Epx Ramez, req. n° 99LY2004), il n’était donc pas déraisonnable de penser que pour avoir été légalement institué le classement « espace boisé à conserver » litigieux n’en était pas moins devenu illégal du fait de la disparition du caractère boisée du terrain en cause.

    Néanmoins, le Tribunal administratif de Besançon a donc transposé la jurisprudence relative à l’appréciation de la légalité du classement « espace boisé » à l’appréciation de la légalité de son maintien en jugeant que :

    « considérant que l’article L.130-1 du code de l’urbanisme permet aux auteurs des plans locaux d’urbanisme de classer comme espaces boisés les bois forêt parcs à conserver, à protéger ou à créer ; que l’article R.123-8 du même code ajoute que peuvent être classés en zone naturel et forestière les secteurs de la commune … à protéger en raison soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt » ; qu’il résulte de ces dispositions que le classement en espace boisé à conserver à l’intérieur d’une zone N n’est pas subordonné à l’existence d’un boisement ; que la circonstance que la parcelle section A n°1 ne soit plus entièrement boisée ne fait pas obstacle en soi au maintien de son classement en espace boisé à conserver ; qu’il ressort des pièces du dossier que la parcelle section A n°1 est située sur l’emprise de la forêt domaniale de Belfort dans le prolongement d’un massif forestier qui entour le site de la carrière ; que compte tenu des caractéristiques du lieu et du parti d’aménagement de la commune à maintenir le massif forestier encore existant autour de la carrière afin d’éviter une détérioration du site, il ne procède pas des pièces du dossier que ce classement soit entaché d’une erreur de droit ou d’une erreur de fait ».

    En résumé, non seulement l’instauration du classement espace boisé à conserver n’est pas subordonné à l’existence d’un boisement mais, en outre, lorsque ce boisement existait à la date de son classement mais a ultérieurement disparu, cette circonstance n’affecte pas d’illégalité son maintien.

    On ne peut donc que s’interroger sur l’utilité et la portée de la distinction existante entre espaces boisés « à conserver », « à protéger » et « à créer », laquelle est pourtant expressément opérée par l’article L.130-1 du Code de l’urbanisme et, d’ailleurs, mise en œuvre par la plupart des documents d’urbanisme locaux faisant application de ce dernier. Quoi qu’il en soit, force est de constater et d’admettre que l’article L.130-1 du Code de l’urbanisme tend ainsi à devenir un instrument général de protection de certains secteurs des territoires communaux, finalement dissocié de l’objectif spécifique de maintien et de développement des bois ; ce dont témoigne le jugement commenté en s’attachant moins à l’impact de la disparition du caractère boisé de la parcelle en cause sur la légalité du maintien de son classement qu’aux caractéristiques administratives et environnementales de l’ensemble de la zone au sein duquel elle est incluse pour justifier de la protection d’ensemble de ce secteur alors qu’en l’espèce, la requête tendait non pas à l’abrogation de l’entier classement mais uniquement à son abrogation en ce qu’il portait sur cette parcelle.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • Une étude de faisabilité portant sur la réalisation de logements sociaux peut suffire à établir la réalité du projet motivant une décision de préemption

    Une étude de faisabilité envisageant le nombre, la superficie et la configuration des logements projetés en tenant compte des contraintes urbanistiques propres au site tout en procédant à une première étude du montage financier atteste de l’existence d’un projet suffisamment précis et certain pour motiver une décision de préemption, bien que réalisée consécutivement à la formulation de la déclaration d’intention d’aliéner.

    CE. 22 novembre 2006, OPAC Gironde Habitat, req. n°295.003


    Si l’ordonnance de référé objet de la présente note ne bouleverse pas les principes gouvernant l’appréciation de la légalité d’une décision de préemption, loin s’en faut, elle n’en présente pas moins un intérêt pratique méritant d’être souligné, bien qu’elle ne constitue pas non plus la première décision de jurisprudence allant dans ce sens et propose une solution déjà largement suivie pas les juridictions d’appel et de premières instances (pour des exemples récents : CAA. Paris, 2 octobre 2006, Ville de Paris, req. n°06PA00280 ; TA Versailles, 4 juillet 2006, Sté Universal Conseil, req. n°06-05774 ; TA. Cergy-Pontoise, 16 novembre 2006 Cts Galichet, req. n°06-09673).

    On sait, en effet, qu’au titre de l’article L.210-1 du Code de l’urbanisme, une décision de préemption doit, d’une part et sur la forme, être motivée de façon détaillée et d’autre part et sur le fond, tendre à la réalisation d’un projet d’aménagement suffisamment précis et certain à la date d’édiction de cette décision ; ce qui implique, en matière de réalisation de logements, que la seule évocation d’une politique d’habitat ne peut suffire (CAA. Paris, 20 décembre 2001, SCI Ontario, req. n°98PA00521).

    Ces principes sont donc quelque peu contraignants pour les collectivités et, notamment, pour les communes souhaitant réaliser des logements sociaux, notamment, lorsque leur territoire comporte peu de foncier disponible à un prix abordable puisque, par voie de conséquence, la réalisation de ces derniers ne peut être raisonnablement envisagée que dans des immeubles existants.

    En effet, suivre à la lettre les principes issus de l’article L.210-1 du Code de l’urbanisme tout en se donnant pour ambition de conduire une politique de l’habitat conséquente impliquerait de développer un projet précis et spécifique pour chaque immeuble sis sur le territoire communal ou, pour un nombre important d’entre eux, dans l’hypothèse où il serait un jour promis à la vente et ferait conséquemment l’objet d’une Déclaration d’Intention d’Aliéner (DIA). Au surplus, ces projets devraient être régulièrement réactualisés puisque l’exigence d’un projet suffisamment certain à la date d’édiction de la décision de préemption implique également que ce projet soit contemporain de cette dernière (CAA. Lyon, 6 avril 2004, Cne de Pont-Cheuy, req. n°03LY01028).

    C’est ainsi que s’est développée la pratique consistant pour les communes à réaliser ou à faire réaliser une étude d’aménagement de l’immeuble promis à la vente entre la réception de la DIA et l’édiction de l’éventuelle décision de préemption s’y rapportant. Ce qui, en cas de contentieux sur de telles décisions, amène invariablement les requérants à contester, d’une part, la réalité du projet alors présenté comme d’opportunité puisque subséquent à la formulation de la DIA alors que, le plus souvent, la collectivité préemptrice n’avait préalablement jamais manifesté son intention d’acquérir l’immeuble en cause pour y aménager des logements et, d’autre part, le caractère précis du projet puisqu’établi à la hâte entre la réception de la DIA et l’édiction de la décision de préemption contestée.

    Il reste que, par principe, la légalité d’une décision de préemption, comme toute autre décision relevant du contentieux de l’excès de pouvoir, s’apprécie à sa date d’édiction. Dès lors, sauf « détournement de procédure », la circonstance que le projet ait été développé postérieurement à la formulation de la DIA ne saurait avoir aucune incidence sur la légalité de la décision tant qu’il est antérieure à celle-ci. Au surplus, au regard des contraintes propres à l’exercice du droit du préemption, on voit mal pourquoi cette règle devrait être nuancée en la matière puisqu’ainsi que l’a relevé le Commissaire du gouvernement DEVYS dans des conclusions suivies par le Conseil d’Etat :

    « L’initiative de la mise sur le marché d’un bien immobilier ne dépend pas de la commune mais du propriétaire du bien. Et ce n’est souvent, comme en l’espèce, qu’au moment où elle a connaissance de la décision de ce dernier d’aliéner ce bien qu’elle peut préciser l’opération d’aménagement qu’elle entendait poursuivre. Or, dans le peu de temps qui lui est imparti pour prendre une décision de préemption, préciser le projet d’aménagement se révèle être très délicat (…).L’essentiel nous semble-t-il, est que la volonté de la collectivité préemptrice ne fasse aucun doute et que les principes qui fondent le projet soient antérieurs à la décision » (Ccl sur : CE. 26 janvier 2005, SCI Chopin-Leturc, req. n° 272.126).

    C’est ainsi que la Cour administrative d’appel de Paris a très récemment jugé que :

    « Considérant (…) que la VILLE DE PARIS soutient que la décision de préemption litigieuse tendait à la réalisation d'un projet s'inscrivant dans le cadre du projet de programme local d'habitat ainsi arrêté et verse au dossier de la cour une étude de faisabilité concernant l'immeuble objet de la préemption et qui selon ses affirmations, a été faite dès le 18 septembre 2003 à la suite d'une réunion tenue le 9 septembre 2003 à la direction du logement et de l'habitat de la VILLE DE PARIS ; que dès lors, la VILLE DE PARIS est fondée à soutenir que la décision du 27 octobre 2003 par laquelle le maire de Paris a décidé d'exercer le droit de préemption poursuivait bien un des buts définis par les articles L.210-1 et L.300-1 du code de l'urbanisme » (CAA. Paris, 2 octobre 2006, Ville de Paris, req. n°06PA00280).

    Mais il ressort des conclusions précitées qu’en outre, il n’est pas nécessaire que le projet soit totalement arrêté, ni, a fortiori, que l’étude de faisabilité soit totalement finalisée pour fonder une décision de préemption. A titre d’exemple en ce sens, la Cour administrative d’appel de Nancy avait elle-même précédemment jugé que :

    « Considérant que la délibération du 13 septembre 1999 par laquelle le conseil municipal de Landremont a décidé d'exercer le droit de préemption de la commune sur une propriété sise ..., vise notamment ( …) une étude de faisabilité relative à la création de logements dans ladite propriété ; qu'ainsi, même si la commune n'avait pas alors défini de manière précise les caractéristiques de cette opération, et en particulier le nombre de logements à réaliser, ni tranché la question de savoir si elle devait comporter la création d'un local d'activité économique, la délibération en litige mentionne l'objet pour lequel le droit de préemption est exercé, comme l'exigent les dispositions précitées de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme » (CAA. Nancy, 30 septembre 2004, M. Robert X…, req. n°00NC01525).

    L’ordonnance commenté confirme donc cette « tendance jurisprudentielle » puisque dans cette affaire le juge des référés du Conseil d’Etat a donc jugé que :

    « Considérant que, par une délibération en date du 30 mars 2006, le bureau du conseil d'administration de l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION GIRONDE HABITAT a décidé d'exercer, sur des parcelles mises en vente par M. Jacques B, le droit de préemption que lui avait délégué le maire de la commune de La Teste de Buch par une décision en date du 14 mars 2006 prise sur le fondement de la délibération du 31 mars 2001 par laquelle le conseil municipal de la commune avait confié à ce dernier le pouvoir de déléguer dans certaines conditions l'exercice des droits de préemption de la commune à l'occasion de l'aliénation d'un bien ; qu'il ressort des énonciations de cette délibération que celle-ci a été prise en vue de « la réalisation d'environ dix-huit logements sociaux sur la commune de La Teste de Buch » ;
    Considérant que, pour prononcer la suspension de la délibération du 30 mars 2006, l'ordonnance attaquée s'est fondée sur ce que le moyen tiré de l'inexistence, à la date d'exercice du droit de préemption, d'un projet suffisamment précis et certain était de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier en date du 9 mars 2006 adressé par l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION GIRONDE HABITAT au maire de La Teste de Buch, auquel étaient joints un plan sommaire du projet ainsi qu'une note de présentation, que l'OPAC avait, à la date de la décision de préemption litigieuse, défini les principales caractéristiques de l'opération envisagée, notamment le nombre, la superficie et la configuration spatiale des logements dont la construction était projetée, en tenant compte des contraintes urbanistiques propres au site en cause, et avait procédé à une première étude du montage financier nécessaire pour la financer et du programme de réservation locative qui lui serait associé, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a dénaturé les pièces du dossier ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, l'ordonnance attaquée doit être annulée ».

    Bien qu’il s’agisse évidemment d’une décision d’espèce, en outre, rendue en référé, il est intéressant de relever que le Conseil d’Etat a constaté que l’étude réalisée appréhendait donc, en substance, la faisabilité technique, juridique et économique du projet motivant la décision ; lesquels nous paraissent constituer les trois aspects qu’une étude de faisabilité devrait systématiquement aborder aux fins d’établir utilement la réalité du projet d’aménagement en cause.

    Au surplus, on peut souligner que dans cette affaire l’ensemble des actes et des décisions concourrant à la décision contestée avait été pris consécutivement à la DIA : étude, transmission de l’étude, délégation du droit de préemption. On précisera, cependant, qu’il ne faut pas en déduire que le juge administratif ne contrôle pas la cause réelle de l’empressement du titulaire du droit de préemption à développer, une fois la DIA reçue, un projet qu’il n’avait précédemment jamais précisément envisagé puisqu’à titre d’exemple, la Cour administrative de DOUAI a pu juger que :

    « Considérant que, si la commune de Fayet soutient que la décision en date du 30 octobre 1995 par laquelle son maire a décidé de préempter l'hôtel appartenant à la société Fideicomi a été prise afin de transformer cet immeuble en logements locatifs pour la mise en oeuvre de sa politique de développement, cette politique n'a été définie que par une délibération du conseil municipal intervenue le 23 octobre 1995 soit quelques jours seulement après que la déclaration d'intention d'aliéner ait été reçue en mairie ; que, comme l'ont retenu les premiers juges, aucun élément du dossier ne permet de considérer que l'exercice du droit de préempter s'inscrivait dans un projet clairement défini et précisé, préexistant ou commencé, de réhabilitation à usage de logement social ; qu'il résulte de l'instruction qu'au contraire la décision du maire en date du 30 octobre 1995 a eu pour unique objet de faire obstacle au projet de la commune de Saint-Quentin de transformer l'hôtel appartenant à la société Fideicomi en un centre d'hébergement pour des personnes sans domicile fixe ; que cette décision est, par suite, illégale ; que cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Fayet à l'égard de la société Fideicom » (CAA. Douai, 12 février 2004, Cne de Fayet, req. n°02DA00710 ; confirmé par : CE. 15 mai 2006, Cne de Fayet, BJDU, 2006, p.268).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés