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Un règlement local d’urbanisme doit précisément définir les conditions d’extension des constructions existantes dans les zones naturelles

L’article 2 d’un règlement local d’urbanisme se rapportant aux possibilités de construction dans une zone naturelle ne précisant pas si la surface hors œuvre nette des extensions qu’il autorise doit être appréciée une fois pour toutes à la date de l'entrée en vigueur de cet article ou bien à la date de présentation de chaque demande de permis de construire est illégal.

CE. 21 novembre 2007, Mme Mireille B, req. n°291.017


Voici un arrêt traitant d’une question importante – il sera, d’ailleurs, mentionné à ce titre aux Tables du Recueil – mais dont on avouera d’emblée que nous en saisissons mal la « logique » bien que nous comprenions parfaitement son objet et la préoccupation dont il procède.

Dans cette affaire était en litige un permis de construire un bâtiment annexe à usage d'atelier, de rangement et de stockage d'une surface hors oeuvre nette de 36 mètres carrés délivré en application de l’article N2 du règlement de POS communal, lequel, par exception au principe d’inconstructibilité générale de la zone, autorisait l’extension des constructions existantes à condition, notamment, que cette extension « ne conduise pas à augmenter la surface hors oeuvre nette existante de plus de 30 % avec un maximum de 50 m² de surface hors oeuvre nette créé ».

Mais ce permis de construire devait être annulé par voie de conséquence de l’illégalité de l’article N2 en cause que le Conseil d’Etat reteint au motif suivant :

« Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable « I- Les documents graphiques doivent faire apparaître les zones urbaines et les zones naturelles. Ces zones sont ( ) / 2 ( ) les zones dites « zones ND », à protéger en raison, d'une part de l'existence de risques ou de nuisances, d'autre part de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue historique ou écologique ( ) II - Les documents graphiques font apparaître s'il y a lieu ( ) / 4° Les zones ou secteurs dans lesquels, pour des motifs d'urbanisme ou d'architecture, la reconstruction sur place ou l'aménagement de bâtiments existants peut être imposé ou autorisé avec une densité au plus égale à celle qui était initialement bâtie, nonobstant le ou les coefficients d'occupation du sol fixés pour la zone ou le secteur » ; qu'en application de l'article ND1 du plan d'occupation des sols de Villelongue-Dels-Monts toute utilisation ou occupation du sol est interdite, et que l'article ND2 prévoit que peuvent être admis : « ( ) / b- les travaux de restauration ou d'extension mesurée des mas habités existants, de la chapelle du Vilar et des constructions à usage d'habitation ou de commerces existantes sous réserve qu'il s'agisse de travaux d'aménagement ou d'extension mesurés, que les prescriptions du règlement sanitaire départemental soient respectées, que la défense incendie soit assurée, que l'intégration au site soit assurée et que cela ne conduise pas à augmenter la surface hors oeuvre nette existante de plus de 30 % avec un maximum de 50 m² de surface hors oeuvre nette créé. Dans ces mêmes limites, sont également admises les constructions et installations qui sont le complément normal de l'habitation ainsi que les locaux à usage agricole ( ) » ;
Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme les possibilités de construire en zone ND doivent faire l'objet de prescriptions spécifiques ;
Considérant que les dispositions de l'article ND2 du plan d'occupation des sols de la commune de Villelongue-Dels-Monts, si elles prévoient une limitation de l'accroissement de surface hors oeuvre nette lors de la présentation de chaque demande de permis de construire, ne précisent pas si cette surface hors oeuvre nette doit être appréciée une fois pour toutes, à la date de l'entrée en vigueur de l'article ND2 du plan d'occupation des sols ou bien à la date de présentation de chaque demande de permis de construire ; qu'elles sont ainsi susceptibles d'autoriser, par modifications successives, des modifications importantes des constructions existantes ; que, par suite, elles ne respectent pas les dispositions précitées de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme ; qu'il en résulte qu'en rejetant l'exception d'illégalité de l'article ND2 du plan d'occupation des sols de la commune de Villelongue-Dels-Monts, la cour administrative d'appel de Marseille a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que Mme B est, dès lors, fondée à demander l'annulation de cet arrêt
».


Il s’ensuit que l’article 2 d’un règlement local d’urbanisme se rapportant à une zone naturelle ne saurait prévoir la possibilité d’étendre les constructions existantes sans corrélativement préciser si l’importance de cette extension doit être appréciée une fois pour toutes à la date de l'entrée en vigueur de cet article ou bien à la date de présentation de chaque demande de permis de construire ; à défaut, un tel article est illégal et affecte d’illégalité tous les permis délivrés en application de cette disposition.

Mais une telle solution nous paraît quel que peu incohérente, voire contradictoire au regard de l’objectif poursuivi : éviter qu’un règlement local d’urbanisme se rapportant à une zone naturelle y octroi des possibilités de construction importantes.

D’une part, le Conseil d’Etat a en effet eu l’occasion de juger que, par principe, l’état d’une construction doit être apprécié à la date à laquelle l’administration statue sur la demande de permis de construire s’y rapportant (CE. 17 avril 1992, Flaig, req. n°94.390) : suivant ce principe, le Conseil d’Etat aurait donc pu estimer que, sauf disposition contraire, l’importance de l’extension projetée doit être appréciée à la date à laquelle l’administration est amenée à statuer sur la demande d’autorisation présentée à cet effet.

Il reste, d’autre part, qu’un règlement local d’urbanisme autorisant l’extension de construction existante en prévoyant, expressément ou implicitement, que l’importance de cette extension doit s’apprécier à la date à laquelle l’administration statue sur la demande de permis de construire est, précisément, « susceptible d'autoriser, par modifications successives, des modifications importantes des constructions existantes »… sauf à ce qu’il fixe un « plafond global » ne pouvant être dépassé, même par extensions successives.

De ce fait, il nous semble donc qu’un règlement local d’urbanisme ne précisant pas expressément la date à laquelle doit être appréciée l’état de la construction existante pour ainsi apprécier l’importance de l’extension projetée aurait pu être interprété comme fixant implicitement cette date à celle de l’entrée en vigueur de ce règlement et, a contrario, que ce n’est que dans le cas où celui-ci fixe expressément cette date à celle à laquelle l’administration statue sur la demande d’autorisation présentée à cet effet et ce, sans définir un « plafond global » que ce règlement est illégal.

Force est d’ailleurs de rappeler que le Tribunal administratif de Rennes a, pour sa part, jugé que l’économie générale de la réglementation des zones naturelles implique que lorsque le document d’urbanisme local interdit les constructions nouvelles mais autorise, par exception, l’extension mesurée des constructions existantes, le caractère mesurée de celle objet de la demande de permis de construire doit être apprécié au regard de la surface initiale du bâtiment à la date d’entrée en vigueur dudit document et ce, pour annuler comme illégal et frauduleux un permis de construire autorisant une troisième extension sur une période de trois années (TA. Rennes, 1er juin 2006, Sté KERN’ER CAR, req. n°03-0633 ; cf : notre note du 5 septembre 2006 « Le caractère mesuré d’une extension d’un bâtiment doit s’apprécier en considération de l’ensemble de celles pratiquées antérieurement sur le même bâtiment »).

Il nous semble qu’une telle solution aurait été beaucoup plus cohérente et, d’ailleurs, en parfaite cohérence avec la jurisprudence constante selon laquelle, faute de disposition contraire, un règlement se bornant à autoriser une extension doit nécessairement être compris comme n’autorisant qu’une extension mesurée du bâtiment existant ou, plus spécifiquement, avec le mode d’interprétation des possibilités d’extension des constructions existantes et au titre duquel il a, notamment, été jugé que l’importance de l’extension projetée devait être appréciée au regard de la seule surface du bâtiment sur lequel elle porte et non pas en considération de la surface de l’ensemble des bâtiments éventuellement présents sur l’unité foncière (CE. 17 novembre 2004, Sté Labo Chimie, req. n°252.420) ou encore que l’agrandissement d’un bâtiment ne peut être considéré comme une extension que s’il demeure accessoire au bâtiment initial, indépendamment de la surface à créer (CAA. Lyon, 5 octobre 2004, Cne de Marlhes, req. n°00LY01454 ; voir aussi ici).


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

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