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JURISURBA - Page 99

  • La location de places de stationnement dans un parc privé ne saurait permettre de répondre aux prescriptions de l’article 12 du règlement d’urbanisme local

    Dès lors qu’en cas d’impossibilité technique de réaliser les places de stationnement requises, l’article L.421-3 du Code de l’urbanisme ne permet que de prendre une concession à long terme dans un parc public de stationnement et/ou d’acquérir des places dans un parc privé, la location de places de stationnement dans un parc privé ne permet pas d’assurer la légalité du permis de construire obtenu au regard de l’article 12 du règlement d’urbanisme local.

    CAA. Versailles, 10 mai 2007, Cne Ballancourt-sur Essonne, req. n°05VE01731


    Voici un arrêt à la portée somme toute classique mais qui présente l’intérêt de permettre d’appréhender un des aspects peu traités de la réforme des autorisations d’urbanisme résultant de l’ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 et du décret n°2007-18 du 5 décembre 2007 : la modification des obligations mises à la charge des constructeurs en matière de stationnement.

    Dans cette affaire, la commune de Ballancourt-sur-Essonne avait délivré un permis de construire autorisant la transformation d’un local à usage d’atelier en logement, laquelle, aux termes de l’article 12 du POS communal, imposait la réalisation de deux places de stationnement.

    Toutefois, confronté à une impossibilité technique de réaliser ces places de stationnement sur le terrain d’assiette de l’opération, le pétitionnaire devait opter pour un dispositif alternatif consistant à acquérir une place de parking dans la commune et à en louer deux autres dans un parc privé.

    Il reste que si la loi du 13 décembre 2000 dite « SRU » a assoupli le régime applicable en la matière, puisque précédemment la seule alternative possible consistait en la prise en concession des places manquantes dans un par public de stationnement, elle n’a ajouté à l’article L.421-3 du Code de l’urbanisme que la possibilité de justifier des obligations résultant de l’article 12 du règlement local d’urbanisme par « l'acquisition de places dans un parc privé de stationnement existant ou en cours de réalisation ».

    Telle est la raison pour laquelle la Cour administrative d’appel de Versailles a donc considéré que, si l’impossibilité technique de réaliser les places de stationnement requises était établie, le dispositif alternatif auquel avait recouru le pétitionnaire était inopérant :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le local dont le permis de construire attaqué autorise la rénovation était à usage d'atelier à la date à laquelle ce permis a été délivré ; que dès lors, et quelle qu'ait été l'affectation du local indiquée dans un acte notarié de 1982 relatif à une vente du terrain d'assiette de l'immeuble, le projet autorisé constituait une opération de transformation d'un local à usage d'atelier en local à usage d'habitation ; qu'ainsi, les dispositions précitées de l'article 12 du règlement de la zone UA du plan d'occupation des sols étaient applicables ; qu'il est toutefois constant que le terrain d'assiette du projet ne permet pas l'implantation des deux aires de stationnement requises pour un logement ; que, si, à la date de la décision attaquée, les pétitionnaires justifiaient de l'acquisition d'une place de parking dans la commune ainsi que de la location pour une durée de vingt ans de deux places sur une propriété privée voisine, ces deux dernières places n'étaient pas louées dans un parc public de stationnement comme le prévoient les dispositions précitées de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme ; qu'il suit de là que l'arrêté a été délivré en méconnaissance desdites dispositions et de celles de l'article 12 du règlement de la zone UA du plan d'occupation des sols, sans que les pétitionnaires puissent utilement se prévaloir de ce qu'ils seraient devenus, postérieurement à l'arrêté attaqué, titulaires d'une promesse de vente portant sur une aire de stationnement et, peu important que les deux places louées auprès d'un propriétaire privé n'étaient pas déjà comptées au titre des obligations de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme ».

    A l’instar d’autres juridictions ayant fait une application stricte de l’article L.421-3 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 décembre 2000 dite « SRU », en considérant que l’acquisition des places manquantes dans un parc privé ne permettait pas de satisfaire aux obligations imposées en la matière (pour exemple : CAA. Nancy, 1er juillet 1999, Rudy Girbig, req. n°96NC00479 ; TA. Versailles, 16 février 1999, Decrette, req. n° 98-06191) puisque ce dernier ne permettait alors que d’obtenir une concession dans un parc public (pour exemple : CAA. Bordeaux, 11 février 20002, Thiw Thiong, 98NC00479), la Cour a donc jugé que la location de deux places dans un parc privé était inopérante dès lors que dans sa rédaction applicable à la date des faits, l’article L.421-3 ne prévoyait que l’acquisition de places dans un tel parc. Et la circonstance qu’ultérieurement à la délivrance du permis de construire contesté son pétitionnaire ait conclu une promesse de vente portant sur ces deux places était nécessairement sans incidence compte tenu du principe selon lequel la légalité d’une telle autorisation s’apprécie à sa date de délivrance ; pas plus que la durée pour laquelle ces places avaient été initialement louées puisqu’une telle considération n’intéresse que les concessions obtenues dans un parc public de stationnement (pour exemple, comparer : CE. 30 juin 1993, SCI du 21-23 rue du Bouquet-de-Longchamp, req. n°130.372 et CE. 8 décembre 2000, Ville de Paris, req. n°202.766).

    On précisera ainsi que si la réforme des autorisations d’urbanisme entrant en vigueur le 1er octobre 2007 ne change pas cet aspect du régime des obligations imposées aux constructeurs en matière de stationnement, celle-ci procède néanmoins à certaines modifications significatives.

    Antérieurement noyées au sein des dispositions de l’article L.421-3 du code de l’urbanisme, le traitement des obligations imposées aux constructeurs en matière de stationnement est dorénavant fixé par les nouveaux articles L.111-6-1, L.123-1-2, L.123-1-3 et L.332-7-1. Mais pour ce qui intéresse l’objet de la présente note, on relèvera plus particulièrement que les trois premiers alinéas de l’article L.123-1-2 disposent que :

    « Lorsque le plan local d'urbanisme impose la réalisation d'aires de stationnement, celles-ci peuvent être réalisées sur le terrain d'assiette ou dans son environnement immédiat.
    Lorsque le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition à une déclaration préalable ne peut pas satisfaire aux obligations résultant de l'alinéa précédent, il peut être tenu quitte de ces obligations en justifiant, pour les places qu'il ne peut réaliser lui-même, soit de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation et situé à proximité de l'opération, soit de l'acquisition de places dans un parc privé de stationnement répondant aux mêmes conditions.
    En l'absence d'un tel parc, le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition à une déclaration préalable peut être tenu de verser à la commune une participation en vue de la réalisation de parcs publics de stationnement dans les conditions définies par l'article L. 332-7-1
    ».

    Il s’ensuit que le principe selon lequel le constructeur doit réaliser « lui-même » les places de stationnement requises « sur le terrain d'assiette ou dans son environnement immédiat » demeure : ce n’est donc qu’à défaut de pouvoir réaliser ces aménagement qu’il sera autorisé à recourir à un dispositif alternatif. De même, l’alinéa 2 du nouvel article L.123-1-2 du code de l’urbanisme ne semble pas de nature à modifier le principe selon lequel ce n’est qu’en cas d’impossibilité technique de les réaliser que, pour les places manquantes, il pourra recourir à ce dispositif (CE. 6 novembre 1998, Cne de Martigues, req. n°117.668).

    En revanche, l’alinéa 2 du nouvel article L.123-1-2 modifie subtilement la consistance de ce dispositif alternatif.

    Aux termes de l’alinéa 4 de l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme et en cas d’impossibilité technique de réaliser l’ensemble des places requises, le constructeur pouvait donc être tenu quitte de ses obligations en la matière en justifiant « soit de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation, soit de l'acquisition de places dans un parc privé de stationnement existant ou en cours de réalisation ».

    Or, l’alinéa 2 du nouvel article L.123-1-2, tout en conservant cette possibilité, impose que le parc public ou privé soit « situé à proximité de l'opération ». Il s’ensuit que l’obtention d’une concession dans un parc public ou l’acquisition de places dans un parc privé éloigné du terrain d’assiette de l’opération ne permet pas de satisfaire aux obligations prescrites par le nouvel article L.123-1-2 du code de l’urbanisme.

    On relèvera ainsi que dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 dite « SRU », l’ancien article L.421-3 du code de l’urbanisme prévoyait qu’à défaut de pourvoir réaliser lui-même les places de stationnement requises, le constructeur pouvait être tenu quitte de ses obligations en la matière « soit en justifiant, pour les places qu'il ne peut réaliser lui-même, de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation, soit en versant une participation fixée par délibération du conseil municipal (...) en vue de la réalisation de parcs publics de stationnement dont la construction est prévue » et classait donc au même rang l’obtention d’une concession à long terme et le versement d’une participation financière.

    Pour sa part, la loi du 13 décembre 2000 a maintenu à l’alinéa 4 de l’ancien article L.421-3 la possibilité d’obtenir une concession à long terme dans un parc public de stationnement et a introduit la possibilité d’acquérir des places dans un parc privé mais à reléguer à l’alinéa 7 la possibilité pour le constructeur de payer une participation financière compensatoire et ce, « à défaut de pouvoir réaliser l’obligation prévue au quatrième alinéa ».

    Précisément, si l’alinéa 2 du nouvel article L.123-1-2 du code de l’urbanisme prévoit que le constructeur peut être tenu quitte de ses obligations en matière de réalisation de place de stationnement en justifiant « soit de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation et situé à proximité de l'opération, soit de l'acquisition de places dans un parc privé de stationnement répondant aux mêmes conditions », son alinéa 3 précise que « en l'absence d'un tel parc, le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition à une déclaration préalable peut être tenu de verser à la commune une participation en vue de la réalisation de parcs publics de stationnement dans les conditions définies par l'article L. 332-7-1 ».

    Dorénavant, il est donc parfaitement clair que ce n’est donc que dans l’hypothèse où le constructeur ne peut pas, « en l’absence d’un tel parc », prendre en concession ou acquérir les places complémentaires requises qu’il pourra régulièrement se libérer de ses obligations par le paiement d’une participation financière.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • La jurisprudence « Thalamy » est-elle applicable aux travaux de démolition partielle ?

    La jurisprudence « Thalamy » n’est pas applicable au travaux de démolition d’un ouvrage illégal. Par voie de conséquence, il n’y pas lieu de régulariser ce dernier pour pouvoir en entreprendre la démolition, même partielle.

    CE. 4 avril 2007, M. Michel B., req. n°275.463 / TA. Nice, M. & Mme Godefroy, 8 mars 2007, req. n° 04-00396


    Même si sa portée a été modifiée de façon significative par la prescription décennale introduite par le nouvel article L.111-12 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 dite « ENL », ce dernier n’a pas en lui-même fondamentalement remis en cause le principe posé par la jurisprudence dite « Thalamy » dont il résulte qu’un ouvrage illégal ne peut faire l’objet d’aucun travaux nouveau, sauf à être concomitamment régularisé par une autorisation d’urbanisme ad hoc. C’est ainsi, à titre d’exemple, que des travaux tendant à modifier la façade d’un tel ouvrage (sur la charge de la preuve, voir ici) devront relever d’un permis de construire régularisant ce dernier bien qu’isolément, les travaux projetés relèvent, en l’état de la réglementation, du champ d’application de la déclaration préalable.

    Mais l’une des questions posées par ce principe jurisprudentiel était de savoir s’il était applicable au travaux de démolition partielle d’un ouvrage illégal. En effet, si l’on voit mal l’utilité qu’il y aurait à exiger qu’un ouvrage irrégulier se voit conférer une existence légale avant d’être démoli, on aurait pu penser, en revanche, qu’une telle régularisation s’imposait pour les travaux de démolition partielle puisque ces derniers n’ont pas pour objet de faire totalement disparaître l’ouvrage illégal initialement construit.

    Il ressort, toutefois, des deux décisions commentées que ce principe n’est pas applicable aux travaux de démolition, y compris partielle, d’un ouvrage irrégulier.

    Dans la première affaire, Monsieur A. avait procédé, sans autorisation, à des travaux d’extension de sa terrasse et ce, de telle sorte que celle-ci méconnaissait, en outre, les prescriptions du règlement du lotissement où sa villa était sise. Mais celui-ci devait conséquemment être condamné par la Cour d’appel de Nancy pour exécution de travaux sans autorisation et en violation des prescriptions d’urbanisme applicables, laquelle devait également lui enjoindre de mettre sa terrasse en conformité avec les prescriptions dudit règlement.

    C’est à cet effet que Monsieur A présenta une déclaration de travaux auquel le maire ne s’opposa pas. En revanche, cette décision de non-opposition à déclaration devait être attaquée par un voisin au motif qu’elle méconnaissait les dispositions de l’article R.421-1 du code de l’urbanisme et, en d’autres termes, que les travaux portant sur le terrasse litigieuse nécessitaient, au regard de la hauteur et de la surface initiales de cette dernière, un permis de construire puisque si les terrasses d’une hauteur inférieure à 0,60 mètre sont exemptées de toute formalité préalable, celles dont la taille excède ce seuil sont assujetties, par application de l’article R.422-2, m) du Code de l’urbanisme, soit à permis de construire, soit à déclaration préalable, selon que sa surface soit ou non supérieure à 20 mètres carrés (CE. 7 mai 2003, M. Vilaceque, req. n°247.499).

    Mais le Conseil d’Etat, confirmant le jugement de première instance du Tribunal administratif de Nancy, devait rejeter ce moyen comme inopérant et ce, au motif suivant :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A a procédé, en 1998, à des travaux d'extension de la terrasse de sa villa, qui ont eu pour effet de porter ladite terrasse à 0,90 mètres de la limite séparant sa parcelle de celle de M. B, en méconnaissance des dispositions du 2° de l'article 2?2 du règlement du lotissement communal, lequel impose une distance horizontale minimum de 3 mètres entre tout point d'un bâtiment et la limite parcellaire ; que, par un arrêt en date du 20 décembre 2001, la cour d'appel de Nancy a, d'une part, confirmé le jugement correctionnel du tribunal de grande instance de Nancy en date du 25 avril 2001 déclarant M. A coupable d'avoir exécuté des travaux de construction immobilière exemptés de permis de construire sans déclaration préalable auprès de la mairie, en méconnaissance des dispositions des articles L. 422-2 et R. 422-2 m) du code de l'urbanisme et, d'autre part, fait obligation à M. A de mettre la terrasse litigieuse en conformité avec la réglementation existante ; que la déclaration de travaux déposée en mairie par M. A le 6 février 2002, en exécution de l'arrêt précité de la cour d'appel de Nancy, avait pour objet, selon la notice explicative qui y était annexée, d'une part, le démontage de la partie de la terrasse située, en infraction avec les dispositions du 2° de l'article 2?2 du règlement du lotissement communal, à moins de trois mètres de la limite séparant sa propriété de celle de M. B, d'autre part, le coulage d'une dalle de moindre épaisseur, permettant de réduire de 18 cm la hauteur de la terrasse, dont l'emprise était ramenée à 12 m2 ;
    Considérant qu'en écartant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-1 du code de l'urbanisme, au motif que les travaux litigieux n'avaient pas pour objet de construire une terrasse, mais de mettre une terrasse existante déjà située à 1,08 m de hauteur, en conformité avec la réglementation, en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Nancy du 20 décembre 2001, le tribunal administratif de Nancy, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments développés par M. B, a suffisamment motivé son jugement ;
    Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les travaux faisant l'objet de la déclaration consistaient en une démolition d'une partie de la terrasse existante, en vue de l'exécution d'une décision juridictionnelle ; qu'ainsi, le tribunal administratif de Nancy a pu, sans erreur de droit ni dénaturation, écarter comme inopérant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 421-1 du code de l'urbanisme
    ».

    En substance, en considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R.421-1 du Code de l’urbanisme était inopérant au motif que « les travaux litigieux n'avaient pas pour objet de construire une terrasse » mais « consistaient en une démolition d'une partie de la terrasse existante », le Conseil d’Etat semble donc avoir jugé que ces travaux n’impliquaient pas même la formulation d’une déclaration préalable.

    Il semble donc que les travaux de démolition partielle de cette terrasse auraient pu être exécutés sans aucune autorisation préalable puisque pour autant qu’ils aient pu s’analyser comme des travaux de démolition d’un bâtiment au sens de l’article L.430-2 du Code de l’urbanisme, il reste qu’en toute hypothèse, l’article L.430-3 dispense de permis de démolir les démolitions intervenant, comme en l’espèce, en exécution d’une décision de justice devenue définitive.

    Pour en entreprendre sa démolition, même partielle, il n’était donc pas nécessaire de conférer concomitamment une existence légale à l’ouvrage initial, ni même à l’ouvrage partiellement démoli.

    Cette solution ressort encore plus nettement du jugement du Tribunal administratif de Nice. Dans cette affaire, Monsieur et Madame Safra avaient édifié puis modifié, chaque fois sans aucune autorisation, un garage qu’ils devaient ultérieurement entreprendre de démolir partiellement. Toutefois, le permis de démolir obtenu à cet effet devait être attaqué au motif tiré de l’irrégularité de l’ouvrage sur lequel elle portait.

    Mais précisément, le Tribunal administratif de Nice a rejeté ce recours en considérant qu’une demande de permis de démolir pouvait légalement porter sur une partie d’un ouvrage illégal sans qu’il y est lieu de régulariser ce dernier ou de conférer une existence légale à l’ouvrage résultant des travaux de démolition projetées ; étant précisé, pour autant qu’il en soit besoin, que si dans certains cas spécifiques (art. L.123-1-10° ; C.urb), un permis de construire peut également valoir autorisation de démolir, un permis de démolir ne peut en revanche jamais avoir pour objet d’autoriser une construction (CE. 28 septembre 1994, Comité de défense des lotissements de Port-Avion).

    Bien qu’elle tende à la reconnaissance indirecte d’ouvrages illégaux, la solution résultant des deux décisions commentées est néanmoins difficilement contestable.

    En vertu du principe d’indépendance des législations, le permis de construire et le permis de démolir sont deux procédures totalement distinctes ayant chacune un objet propre. Il s’ensuit que l’illégalité d’un permis de construire n’a strictement aucune incidence sur celle d’un permis de démolir et inversement (CE. 29 juillet 1994, L. Brégamy, req. n°138.895).

    Or, à ce titre, il a également pu être jugé que l’irrégularité des conditions dans lesquelles des travaux de démolition avaient été exécutés ne pouvait être opposée à un permis de construire ultérieure (CE. 5 mars 1982, Union régionale pour la défense de l’environnement en Franche-Compté, req. n°20042 ; TA. Lille 3 décembre 1992, SCI de la Marbrerie, LPA, 7 juillet 1993, p.23). A contrario, il est donc cohérent que l’irrégularité initiale d’un ouvrage ne puisse pas être invoquée à l’encontre d’un permis de démolir s’y rapportant.

    Pour conclure, on précisera qu’à notre sens, la circonstance que le nouvel article L.421-3 du Code de l’urbanisme, issu de l’ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative à la réforme des autorisations d’urbanisme, impose l’obtention préalable d’un permis de démolir pour les démolitions de « constructions existantes » n’est pas de nature à remettre en cause la portée des deux décisions commentées et, en d’autres termes, à impliquer la régularisation préalable ou concomitante des ouvrages illégaux dont la démolition est projetée puisque, reprenant le principe de l’ancien article L.430-5 al.2, le nouvel article L.421-6 précise que « le permis de démolir peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les travaux envisagés sont de nature à compromettre la protection ou la mise en valeur du patrimoine bâti, des quartiers, des monuments et des sites » : le permis de démolir n’a donc toujours pas vocation à contrôler la régularité ou la conformité de l’ouvrage à démolir au regard des prescriptions d’urbanisme.

    De même et en toute hypothèse, il est claire qu’en visant les « constructions existantes », le nouvel article L.421-3 du Code de l’urbanisme n’a pas entendu dispenser de permis de démolir les travaux de démolition d’ouvrages dépourvus d’existence légale puisqu’à l’examen des cas de dispense prévus par le nouvel article R.421-29, force est de constater que tel n’est le cas que lorsque celle démolition a été ordonnée par une décision de justice devenue définitive.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • L’article L.332-6 du Code de l’urbanisme ne s’oppose pas à la conclusion d’une convention prévoyant la rétrocession gratuite de terrains à la commune cocontractante et, à défaut, le versement d’une indemnité compensatoire

    Si l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme fixe de façon limitative les contributions qui peuvent être mises à la charge des constructeurs à l'occasion de la délivrance du permis de construire, ce dont il résulte qu'aucune autre participation ne peut leur être demandée à ce titre, ce dispositif n’affecte pas de nullité une convention par laquelle un tiers s’engage à acquérir des terrains et à les rétrocéder gratuitement à la commune cocontractante et, à défaut, à verser à cette dernière une indemnité compensatoire.

    CAA. Paris, 26 avril 2007, Cne de Puteaux, req. n°04PA00833

     

    Dans cette affaire, la SNC Puteaux Aménagements avait conclu avec la commune de Puteaux une convention aux termes de laquelle elle s’était engagée, notamment, à acquérir un ensemble parcellaire appartenant à l’Etablissement Public pour l’Aménagement de la Défense et à la rétrocéder gratuitement à la commune cocontractante en vue de la réalisation d’équipements publics.

    Mais cette convention stipulait également que « dans l'hypothèse où la SNC Puteaux aménagement ne serait pas en mesure de rétrocéder à la ville l'ensemble des terrains d'assiette prévu dans la convention précitée et nécessaire à la réalisation d'équipements publics, la SNC Puteaux aménagement versera à la ville une indemnité forfaitaire d'un montant de 10 millions de francs, valeur novembre 1991, à titre de dédommagement du fait que la ville ne pourrait plus réaliser les équipements prévus sur ces terrains en provenance de l'EPAD. Cette somme sera indexée sur la variation de l'indice du coût de la construction ».

    Or, précisément, la SNC de Puteaux ne put remettre les terrains prévus à la commune qui, par voie de conséquence, sollicita le paiement de cette indemnité compensatoire.

    Toutefois, ladite SNC devait saisir le Tribunal administratif de Paris et obtenir de ce dernier qu’il déclare nulles les stipulations formalisant l’engagement qu’elle avait pris envers la commune de Puteaux ainsi que celles relatives à l’indemnité due à défaut de respecter cette obligation et ce, sur le fondement de l’article L.332-6 du Code de l’urbanisme.

    Mais la commune devait interjeter appel de ce jugement auprès de la Cour administrative d’appel de Paris qui, pour sa part, réforma le jugement attaqué et ce, au motif suivant :

    « Considérant que si l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme fixe de façon limitative les contributions qui peuvent être mises à la charge des constructeurs à l'occasion de la délivrance du permis de construire et qu'il en résulte qu'aucune autre participation ne peut leur être demandée à ce titre, l'indemnité litigieuse prévue par les stipulations de l'article 3 de la convention qui avait pour objet de compenser la non-réalisation d'une obligation contractuelle, à savoir, la rétrocession à la ville des terrains d'assiette acquis auprès de l'EPAD nécessaires à la réalisation d'équipements publics, n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme ; que cette obligation pouvait être licitement prévue par les stipulations contractuelles susévoquées, dès lors qu'elle est la contrepartie d'un empêchement de réaliser les équipements prévus dans cette zone, notamment une crèche, des espaces verts et des parkings publics ; que, par suite, la COMMUNE DE PUTEAUX est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a déclaré nulles les stipulations de l'article 7f de la convention du 7 février 1991 ainsi que celles des articles 1, 2, 3 de la convention du 12 décembre 1991 et a déchargé pour ce motif la SNC Puteaux Aménagement de la somme mise à sa charge par la COMMUNE DE PUTEAUX par le titre exécutoire n° TR5430/99 pour un montant de 14 029 645, 22 F (soit 2 138 805, 63 euros) ».

    En substance, la Cour administrative d’appel de Paris a donc considéré que les obligations mises à la charge de la SNC Puteaux ne constituaient pas une participation d’urbanisme illégale et, par voie de conséquence, n’affectaient pas de nullité la convention conclue avec la commune cocontractante. En première analyse, une telle décision ne manque pas de surprendre.

    On sait, en effet, que les dispositions de l’article L.332-6 du Code de l’urbanisme – lesquelles, ainsi que le rappelle l’arrêté commenté, fixent de façon limitative les obligations qui peuvent être mises à la charge des « bénéficiaires des autorisations de construire » – sont d’ordre public et que l’article L.332-30, relatif à l’action en répétition des participations d’urbanisme illégales, vise les taxes et contributions de toute nature qui sont « obtenues ou imposées » en violation de l’article L.332-6.

    Il s’ensuit qu’une participation d’urbanisme dépourvue de tout fondement est illégale et sujette à répétition, y compris lorsque qu’elle a été acceptée par voie contractuelle (CE. 4 février 2000, EPAD, req. n°202.981) ; la convention conclue à cet effet étant-elle même affectée de nullité (CE. 16 janvier 1998, Sté Pierre Baron, req. n°91.156. Voir également : Cass. civ. 16 octobre 1991, JCP G 1992, II, n°21900).

    Or, il va sans dire qu’aucune disposition du Code de l’urbanisme ne prévoit qu’un constructeur peut être assujetti à l’obligation d’acquérir des terrains d’un tiers pour les rétrocéder à la personne publique, quand bien même cette rétrocession aurait-elle pour but la réalisation d’équipements publics.

    Mais précisément, dès lors que l’article L.332-6 du Code de l’urbanisme vise les « bénéficiaires des autorisations de construire », il est nécessaire, pour qu’une contribution qui n’est pas expressément prescrite par une telle autorisation soit qualifiée de participation d’urbanisme illégale, qu’il puisse être établi que son redevable y est assujetti en tant que constructeur.

    A titre d’exemple, le Conseil d’Etat a ainsi pu juger que :

    « Considérant qu'il ressort du dossier soumis aux juges du fond que la taxe locale d'équipement était instituée dans la commune d'Antibes lorsque la S.A. GRC-EMIN a été autorisée, par deux arrêtés du préfet des Alpes-Maritimes en date des 4 novembre 1981 et 25 mars 1982, à y construire un ensemble commercial sous réserve que l'accès soit réalisé "dans le cadre d'une permission de voirie délivrée par les services de l'équipement (d'Antibes)" ; que cette permission, délivrée le 2 septembre 1981, prévoyait la mise en place par le bénéficiaire d'une signalisation lumineuse tricolore au carrefour formé par la voie d'accès au centre commercial avec le chemin départemental 35 et la voie des Charmettes et la synchronisation de cette signalisation lumineuse avec celle du carrefour Saint-Claude ; que, dans ces conditions, la contribution ainsi mise à la charge de la société, nonobstant la circonstance qu'elle résulte d'une condition figurant dans la permission de voirie et non dans les permis de construire, mais à laquelle ceux-ci renvoient, devait être regardée comme une contribution aux dépenses d'équipement public imposée à la société requérante en sa qualité de constructeur ; qu'ainsi, en rejetant l'action en répétition engagée par celle-ci sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme au motif que la contribution dont s'agit, qui n'a pas été imposée par les permis de construire, n'aurait été mise à la charge de la société qu'en sa seule qualité de propriétaire du terrain d'assiette et n'entrerait pas dans les prévisions de l'article L. 332-6, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ; que la S.A. GRC-EMIN est, par suite, fondée à demander l'annulation de l'arrêt en date du 14 juin 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête » (CE. 27 avril 1998, SA GRC Emin, req. n° 150.589).

    Or, en l’espèce, les obligations mises à la charge de la SNC Puteaux Aménagements n’apparaissaient pas être la condition ou la conséquence même indirecte de la délivrance d’une autorisation d’urbanisme dont elle serait bénéficiaire mais la condition d’une autre vente de terrains à intervenir avec la commune puisque l’article 7 de la convention litigieuse stipulait que « la convention objet des présentes est consentie sous les conditions suspensives suivantes : f) que les terrains appartenant à l'EPAD dans le secteur Galliéni et devant recevoir pour partie les équipements publics prévus dans cette zone (parkings publics, escalators, dalle paysagée) aient été acquis par la SNC. Il est expressément précisé que la réalisation de cette condition suspensive concerne exclusivement l'intervention de l’acte authentique de vente à la SNC par la ville de Puteaux des terrains et droits de construire lui appartenant situés dans le secteur Galliéni ( sur la parcelle cadastrée section O 189 ) ».

    Les obligations mises à la charge de la SNC Puteaux ne procédant pas de sa qualité du constructeur ou, plus précisément, de bénéficiaire d’une autorisation de construire, celles-ci ne pouvaient donc pas s’analyser comme constitutives d’une participation d’urbanisme illégale au regard de l’article L.332-6 du Code de l’urbanisme.

    Telle nous semble être le sens de l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Paris dans cette affaire.

     

    Patrick E. DURAND Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris. FRÊCHE & Associés

  • Le recours en annulation à l’encontre du retrait d’un permis de construire ne s’oppose pas nécessairement au prononcé d’un non-lieu à statuer sur la requête exercée à l’encontre de ce dernier

    Un tiers ayant provoqué le retrait d’un permis de construire par l’exercice d’un recours en annulation à son encontre n’a pas intérêt à agir à l’encontre de ce retrait. Par suite, le recours en annulation exercé à son encontre ne s’oppose pas à considérer ce retrait comme définitif et, par voie de conséquence, à conclure au non lieu à statuer sur la requête dirigée à l’encontre du permis de construire ainsi retiré.

    CAA. Marseille, 29 mars 2007, Mme Y Janik, req. n°04MA00644


    Dans cette affaire, Madame Janik avait exercé un recours en annulation à l’encontre d’un permis de construire délivré le 28 juillet 2003, lequel, sans que la requérante ne l’ait demandé à l’autorité compétente, devait être retiré le 30 décembre 2003 ; décision de retrait que le titulaire du permis de construire en litige ne contesta pas, ce qui fut le cas, en revanche, de Madame Janik qui exerça un recours en annulation à l’encontre de celle-ci.

    Mais confirmant le jugement du Tribunal administratif de Montpellier, la Cour administrative d’appel de Marseille devait prononcer un non-lieu à statuer sur le recours exercé à l’encontre du permis de construire et rejeter la requête exercée à l’encontre de la décision retirant ce permis comme irrecevable pour défaut d’intérêt à agir de la requérante et ce, au motif suivant :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le retrait du permis de construire accordé à M. X, décidé le 30 décembre 2003 par le maire postérieurement à la demande d'annulation dudit permis présentée par Mme JANIK-Y, est, à ce jour, définitif pour avoir été notifié le 31 décembre 2003 au pétitionnaire qui ne l'a pas attaqué ; que, dans ces circonstances, même si ledit permis a reçu un commencement d'exécution par l'abattage de certains arbres situés sur le terrain d'emprise du projet, la demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du permis de construire est devenue sans objet ; qu'il n'y a pas lieu d'y statuer, quel que soit l'intérêt que présenterait pour la requérante l'examen par la Cour des illégalités dont ce permis était susceptible d'être entaché ;
    (…)
    Considérant que l'intérêt à agir d'un requérant s'apprécie au regard de ses conclusions et non de ses moyens ; que, comme il a été dit plus haut, Mme JANIK-Y a présenté une demande tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 28 juillet 2003 à M. X ; que, dans ces circonstances, la décision du 30 décembre 2003 retirant le permis de construire et au demeurant fondée sur un des motifs d'illégalité relevés par la requérante elle-même, loin de faire grief à Mme JANIK-Y, satisfait sa demande d'annulation du permis de construire ; que la requérante est ainsi sans intérêt à agir contre la décision de retrait du permis de construire ; que la circonstance que la seule illégalité retenue par la commune de Saint Cyprien pour effectuer le retrait en cause aurait été en réalité connue du service instructeur lors de la délivrance du permis de construire ne saurait invalider ledit retrait et est, par suite, sans incidence sur l'intérêt de la requérante à agir contre cette décision ; qu'ainsi, les conclusions dirigées contre la décision du 30 décembre 2003 sont irrecevables et doivent être rejetées
    ».

    On sait, en effet, qu’au regard du but objectif d’un recours pour excès de pouvoir lequel, en substance, consiste en un procès fait à un acte administratif et non pas en un litige entre parties (CE. 17 mai 1999, Cne de Montreuil, req. n°191.292), la disparition de l’acte attaqué de l’ordonnancement juridique rend sans objet la requête exercée à son encontre et, par voie de conséquence, doit amener le juge administratif à prononcer un non lieu à statuer sur cette requête.

    Tel est l’effet d’un retrait de permis de construire et ce, indépendamment de toute considération liée au commencement d’exécution que ce permis a pu recevoir ; cette considération n’intéressant que l’effet d’une abrogation qui ne peut emporter le non lieu à statuer sur la requête qu’à la condition que l’acte attaqué n’ait fait l’objet d’aucune mesure d’exécution (sur le principe : CE. 19 avril 2000, Borusz, req. n°207469).

    Cette distinction peut s’expliquer par les effets dans le temps de ces deux mesures, lesquels sont bien distincts. En effet, le retrait ayant un effet rétroactif, les travaux entrepris en exécution du permis de construire ultérieurement retiré seront réputés avoir été exécutés sans autorisation et, par voie de conséquence, devront donc être considérés comme irréguliers. En revanche, l’abrogation ne valant que pour l’avenir, les travaux réalisés avant cette décision conserveront une existence légale : le recours en annulation à l’encontre du permis de construire exécuté mais abrogé conserve donc une « utilité » et, surtout, le fait qu’il reste néanmoins lieu de statuer sur la requête évite la pratique qui consisterait à abroger un permis de construire frappé de recours dès lors qu’il aurait été entièrement exécuté.

    Mais dans tout les cas, il reste nécessaire, pour qu’il y est non lieu à statuer sur la requête exercé à l’encontre de la décision contestée, que le retrait ou l’abrogation de cette dernière soit définitif.

    Or, en l’espèce, la Cour administrative d’appel de Marseille semble avoir considéré que décision du 30 décembre 2003 par laquelle l’administration avait retiré le permis de construire délivré le 28 juillet 2003 était définitive dès lors que le titulaire de ce dernier ne l’avait pas attaquée puisque, pour ce qui concerne Madame Janik, la Cour a donc considéré que faute d’intérêt à agir à l’encontre de cette décision de retrait la requête exercée à l’encontre de cette dernière était irrecevable.

    En substance, la Cour semble donc avoir jugé que l’irrecevabilité d’un recours en annulation à l’encontre d’une décision de retrait de permis de construire permettait de considérer cette dernière comme définitive et, par voie de conséquence, de conclure au non lieu à statuer sur la requête exercée à l’encontre dudit permis.

    Sur ce point, l’arrêt commenté peut être rapproché de celui rendu par la Cour administrative de Nancy s’agissant du contentieux du permis de construire modificatif.

    On sait, en effet, que par principe la légalité d’un permis de construire modificatif ne peut être contestée qu’en considération des vices propres de ce dernier (pour exemple : CE. 4 juin 1997, Ville de Montpellier, req. n°131.233) et, notamment, sur le fond, au regard des seules irrégularités affectant les modifications ainsi autorisées au projet initial (pour exemple : CAA. Paris, 16 février 1995, Sté Sogébail, Rec., p.509).

    Ce principe ne vaut, toutefois, qu’à la condition que le permis de construire primitif soit devenu définitif à la date d’introduction du recours exercé à l’encontre de son « modificatif » ou, plus précisément, à la date à laquelle est soulevé le moyen tiré de l’illégalité du « modificatif » par voie de conséquence de celle affectant le permis initial (CE. 30 novembre 1966, Dme Martin, Rec., p.1038 ; CE 25 avril 1975, SCI Le Clos des Loges, Rec., p.259). Il s’ensuit que tant que le permis de construire primitif n’est pas devenu définitif, il est possible d’exciper de son illégalité dans le cadre d’un recours dirigé à l’encontre de son « modificatif » ; ce qui procède d’une simple application à la matière des règles générales relatives à l’exception d’illégalité des décisions individuelles créatrices de droit (pour exemple : CE. 17 décembre 1997, Préfet de l’Isère, Rec. 495 ; CE. 28 juillet 2000 Jessua, req. n°210.798).

    C’est ainsi que la Cour administrative d’appel de Nancy a pu juger que des tiers étaient recevables à invoquer l’illégalité d’un permis de construire primitif – qu’ils n‘avaient pourtant pas attaqué – au soutient d’un recours en annulation exercé à l’encontre de son « modificatif » dès lors que le permis initial n’était pas définitif puisque frappé d’un déféré préfectoral (CAA. Nancy, 12 juin 1997, SEP Lorraine, req. n°95NC00363). Mais la même Cour a également pu juger que des tiers ne pouvaient invoquer l’illégalité du « modificatif » par voie de conséquence de l’illégalité du permis de construire initial qu’ils avaient pourtant également attaqué dès lors, précisément, que leur recours à l’encontre de ce dernier était irrecevable car tardif (CAA. Nancy, 16 mai 2002, Magden, req. n°98NC02022).

    Quant aux motifs et considérations qui ont conduit la Cour administrative d’appel de Marseille à juger que le recours en annulation à l’encontre de la décision de retrait du permis de construire qu’elle contestait par ailleurs était irrecevable faute d’intérêt à agir de la requérante à l’encontre de cette décision, ceux-ci sont difficilement contestables compte tenu du caractère objectif d’un recours pour excès de pouvoir et du principe selon lequel, comme l’a rappelé la Cour, l’intérêt à agir s’apprécie au seul regard des conclusions de la requête et non pas en considération des moyens invoqués au soutien de celle-ci.

    Néanmoins, le contexte de cette affaire et la solution retenue par la Cour appellent certaines observations.

    En effet, si le retrait d’un permis de construire intervenant sur le recours gracieux d’un tiers constitue à son égard un acte créateur de droit (CE. 4 mai 1984, Epx Poissonnier) et, a contrario, n’est donc pas pour ce qui le concerne une décision faisant grief à l’encontre de laquelle il a intérêt à agir, il reste que dans cette affaire Madame Janik s’était bornée à exercer un recours en annulation à l’encontre du permis de construire en litige et n’en n’avait donc pas sollicité le retrait.

    Néanmoins, la Cour administrative d’appel de Marseille semble donc avoir considéré, en relevant que la décision de retrait était intervenue suite à l’introduction du recours en annulation et était fondée sur l’un des moyens invoqués par Madame Janik au soutien de ce recours, que cette dernière avait ainsi provoqué un retrait administratif qui lui donnait satisfaction puisque les effets d’une telle mesure sont analogues à ceux d’une annulation juridictionnelle.

    Il reste que, d’une part, le permis de construire du 28 juillet 2003 était une autorisation expresse et que, d’autre part, son retrait avait été prononcé le 30 décembre 2003, soit plus 5 mois après sa délivrance.

    Or, en l’état, si un permis de construire tacite frappé de recours peut être retiré à tout moment en cours d’instance, un permis de construire exprès ne peut plus être retiré passé un délai de quatre mois à compter de sa signature, sauf à ce que le retrait intervienne à la demande du pétitionnaire (sur le principe : CE. 16 octobre 2001, Ternon. Pour une application au retrait d'un permis de construire : CE. 23 avril 2002, Sté Bouygues Immobilier, req. n° 249.712).

    Dans la mesure où le titulaire du permis de construire contesté ne semblait pas en avoir demandé le retrait, ce dernier était donc manifestement illégal. Or, d’un point de vue juridique, force est d’admettre qu’il est difficilement concevable qu’un retrait prononcé au delà du délai ouvert à cet effet puisse être considéré comme provoqué par l’action d’un tiers ne l’ayant pas demandé.

    Mais en outre et comme l’a d’ailleurs relevé la Cour pour conclure à son caractère définitif, ce retrait illégal n’avait pas été contesté par le titulaire du permis de construire attaqué alors même qu’aucun nouveau permis de construire ne semblait lui avoir été délivré. Il est donc permis de se demander si, alors même qu’il ne semble pas avoir été formellement sollicité par son titulaire, ce retrait n’en était pas pour autant « concerté » et n’avait pas d’autre but que de priver d’objet le recours en annulation exercé à l’encontre du permis de construire contesté…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés