VEILLE ADMINISTRATIVE : Sur les obligations et les droits du titulaire d’un permis de construire à titre précaire
Question publiée au JO le : 29/04/2008 page : 3587
« M. Bernard Perrut attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, sur les dispositions de l'article L 123-1-8°du nouveau code de l'urbanisme relatif aux emplacements réservés. Le régime antérieur avait défini une interdiction générale de construire issue de l'article R123-32 du code de l'urbanisme qui a été abrogé et interdisait toute construction à l'exception de celles prévues par l'article L423-1 du code de l'urbanisme dans sa forme antérieure relatif aux permis délivrés à titre précaire. Le régime des emplacements réservés n'est aujourd'hui plus défini et si l'article L 123-1-8°du code de l'urbanisme permet toujours la création de tels emplacements, les citoyens et la collectivité n'ont pas l'information nécessaire pour connaître les possibilités, les limitations ou les interdictions de construire sur lesdits emplacements. Il lui demande, dans l'hypothèse de l'institution par un PLU d'un emplacement réservé, quel est le régime auquel est soumis le propriétaire de celui-ci et s'il n'apparaîtrait pas utile de préciser, comme par le passé, le régime applicable ».
Réponse publiée au JO le : 12/08/2008 page : 6957
« Le régime antérieur à la réforme des autorisations de construire applicable aux emplacements réservés prévoyait une interdiction générale de construire sur les terrains, bâtis ou non. Toutefois, en application de l'ancien article L. 423-1 du code de l'urbanisme, il était possible d'accorder exceptionnellement un permis pour une construction à caractère précaire. Désormais, le champ d'application du permis précaire a été étendu et ce permis est systématiquement exigé pour les constructions sur les emplacements réservés, en application de l'article L. 433-3 du code de l'urbanisme. En vertu de ce même article, le bénéficiaire du permis de construire doit enlever sans indemnité la construction et remettre, à ses frais, le terrain en l'état à la première demande du bénéficiaire de la réserve ».
Voici une réponse qui nous paraît un peu courte, et pour partie erronée, sur le nouveau régime du permis de construire à titre précaire.
On sait que pour assouplir le principe d’inconstructibilité d’un emplacement réservé par un PLU ou un document d’urbanisme à un ouvrage public, une voie publique, un espace vert ou une installation d’intérêt général et en considération du fait que cet emplacement peut demeurer plusieurs années avant que le projet en vue duquel il est réservé se concrétise, soit abandonné ou devienne inutile (sur ce point), l’ancien article L.421-3 du code de l’urbanisme autorisait à délivrer un permis de construire sur cet emplacement à la condition que la construction à édifier ait en elle-même, indépendamment de l’usage qu’entendait en faire son maître d’ouvrage, un caractère précaire ; ce qu’a totalement modifié le nouvel article L.433-1 en ce qu’il dispose que « « une construction n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L. 421-5 et ne satisfaisant pas aux exigences fixées par l'article L. 421-6 peut exceptionnellement être autorisée à titre précaire dans les conditions fixées par le présent chapitre ».
En premier lieu, il n’est en effet plus exigé que la construction à édifier présente un caractère précaire puisque c’est le permis de construire s’y rapportant qui est délivré à titre précaire ou, plus précisément, les droits y étant attachés qui s’en trouvent théoriquement frappés de précarité.
Il pourra donc s’agir de toute construction, y compris durable par destination, relevant du champ d’application du permis de construire ou de la déclaration de travaux puisque le nouvel article L.433-1 du code de l’urbanisme se borne à viser le cas des constructions n’entrant pas dans le champ d’application du nouvel article L.421-5, lequel a trait aux constructions dispensées de toute formalité.
Il reste que, précisément, une construction n’entrant pas dans le champ d’application du nouvel article L.421-5 du code de l’urbanisme peut relever du champ d’application de la déclaration préalable. Or, une telle construction peut également ne pas satisfaire aux exigences fixées par l’article L.421-6 qui ne vise expressément que le permis de construire et le permis d’aménager puisque, s’agissant des déclarations préalables, le nouvel article L.421-7 du Code de l’urbanisme se borne à renvoyer au principe posé par l’article L.421-6.
En d’autres termes, une construction relevant du champ d’application de la déclaration préalable à laquelle l’article L.421-7 du code de l’urbanisme est opposable est « une construction n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L. 421-5 et ne satisfaisant pas aux exigences fixées par l'article L. 421-6 » au sens de l’alinéa 1er de l’article L.433-1.
Or, l’alinéa 2 de l’article L.433-1 du code de l’urbanisme ne vise que l’hypothèse du permis de construire délivré à titre précaire. A s’en tenir à la rédaction de l’article L.433-1 deux interprétations de son dispositif sont donc possibles : soit, une construction relevant du champ d’application de la déclaration préalable mais à laquelle l’article L.421-7 du code de l’urbanisme est opposable peut être autorisée à titre précaire mais alors par un permis de construire, soit une telle construction ne peut pas bénéficier d’une exception pourtant ouverte aux constructions assujetties à permis de construire ; et la même question se pose à l’égard du permis d’aménager visé par le nouvel article L.442-1 du code de l’urbanisme, c’est-à-dire celui incluant, à titre accessoire, la réalisation de constructions.
En second lieu, le permis de construire à titre précaire ne se borne plus à viser l’hypothèse d’une construction projetée sur un emplacement réservé mais, beaucoup plus généralement, le cas où cette construction ne respecte pas les exigences fixées par le nouvel article L.421-6 du code de l’urbanisme et, en d’autres termes, méconnaît les règles, prescriptions et servitudes d’urbanisme qui lui sont opposables. Par voie de conséquence, l’autorisation visée par le nouvel article L.433-1 du code de l’urbanisme est bien plus qu’un permis de construire à titre précaire mais un véritable permis de construire en méconnaissance des prescriptions opposables au projet.
Il reste qu’en dernier lieu, la précarité de l’ouvrage n’aura pas nécessairement à être organisée puisqu’aux termes du nouvel article L.433-2 du code de l’urbanisme – qui, à cet égard, reprend l’économie générale de l’ancien article L.423-2 – l’arrêté de permis de construire « peut fixer un délai à l'expiration duquel le pétitionnaire doit enlever la construction autorisée » mais n’en a donc pas l’obligation, sous réserve des quelques exceptions prévues par le nouvel article R.433-1, lequel dispose que :
« L'arrêté accordant un permis de construire à titre précaire comporte obligatoirement l'indication du délai à l'expiration duquel le pétitionnaire doit enlever la construction autorisée dans les cas suivants :
a) Lorsque le terrain d'assiette du projet n'est situé ni dans une zone urbaine, une zone à urbaniser ou un emplacement réservé délimités par un plan local d'urbanisme ni dans un secteur constructible délimité par une carte communale ;
b) Ou lorsque le terrain est situé dans un secteur sauvegardé ou un périmètre de restauration immobilière créé en application des articles L. 313-1 à L. 313-15 du code de l'urbanisme, dans un site inscrit ou classé en application des articles L. 341-1 et suivants du code de l'environnement, dans le champ de visibilité d'un monument historique tel que défini par le code du patrimoine ou dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager créée en application de l'article L. 642-1 du code du patrimoine ».
Et s’il est vrai que tel était déjà le cas sous l’empire de l’ancien article L.423-2 du code de l’urbanisme, il reste que le permis de construire prévu par l’ancien article L.423-1 ne pouvait légalement porter que sur des constructions précaires par nature.
Or, non seulement le nouvel article L.433-1 autorise les constructions durables par destination mais, en outre, si l’on s’en tient au nouvel article L.433-3 du code de l’urbanisme, lequel dispose que :
« Le bénéficiaire du permis de construire ou son ayant droit doit enlever sans indemnité la construction et remettre, à ses frais, le terrain en l'état :
a) A la date fixée par le permis ;
b) Ou, lorsque la construction est située sur un emplacement réservé ou dans le périmètre d'une déclaration d'utilité publique, à la première demande du bénéficiaire de la réserve ou de l'expropriant » ;
le constructeur ne serait tenu d’enlever la construction et de remettre en état le terrain qu’à l’expiration du délai éventuellement fixé et/ou lorsque la construction est située sur un emplacement réservé et/ou dans le périmètre d'une déclaration d'utilité publique, à la première demande du bénéficiaire de la réserve ou de l'expropriant. A s’en tenir à la lettre de l’article précité, lorsque le permis de construire n’a pas fixé de délai pour l’enlèvement des constructions ou qu’il ne porte pas sur un terrain grevé d’un emplacement réservé ou sis dans le périmètre d’une déclaration publique, le constructeur ne serait donc jamais tenu de l’enlever.
Il incombera donc à la jurisprudence de préciser si l’administration pourra néanmoins en poursuivre la démolition, sachant que cette question n’est saisie que par le nouvel article L.433-5 du code de l’urbanisme qui se borne à prévoir que « si l'arrêté accordant le permis de construire a fixé un délai pour l'enlèvement de la construction et si la remise en état intervient à l'initiative de la puissance publique avant l'expiration de ce délai, une indemnité proportionnelle au délai restant à courir est accordée ».
Il nous semble donc que ce n’est qu’à défaut de délai fixé par le permis de construire que l’administration peut poursuivre la démolition et la remise en état du terrain à tout moment puisqu’il résulte du nouvel article L.433-5 du code de l’urbanisme que le délai pouvant être fixé constitue une véritable garantie ouvrant un droit à indemnité lorsque l’administration ne le respecte pas : à défaut de délai, son titulaire n’a donc aucune garantie et, par voie de conséquence, l’administration pourra vraisemblablement ordonner l’enlèvement de la construction sans indemnité.
En revanche, lorsqu’un délai a été fixé l’administration peut anticiper son échéance et solliciter la démolition de l’ouvrage mais alors en allouant au propriétaire de l’ouvrage – y compris s’il n’est pas le titulaire du permis d’origine et n’en a pas obtenu le transfert (En ce sens : CE. ord., 6 mars 2006, Ville de Lyon, req. 283.987) – une indemnité proportionnelle au délai restant à courir.
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet Frêche & Associés