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Une prescription technique irréalisable n’affecte pas d’illégalité le permis de construire lorsqu’elle n’apparaît pas nécessaire pour assurer la conformité du projet aux prescriptions d’urbanisme

Lorsque le terrain n’apparaît pas exposé à un risque d’inondation, la prescription technique imposée par le permis de construire en considération de ce risque n’est pas nécessaire pour assurer la conformité du projet au regard de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme. Par voie de conséquence, la circonstance que cette prescription ne serait pas réalisable n’est pas de nature à affecter le permis de construire d’illégalité.

CAA. Marseille, 9 novembre 2006, Cne de Tarascon, req. n°04MA00895

Dans cette affaire, le Maire de la Commune de Tarascon avait délivré un permis de construire un immeuble à destination d’habitation sur un terrain faisant l’objet d’un classement administratif en zone submersible mais ce, en l’assortissant de la prescription suivante « l'attention du pétitionnaire est attirée sur le fait que la construction projetée est située en zone submersible réglementée du Rhône et qu'une crue de ce fleuve peut endommager ses biens. Le niveau des plus hautes eaux de la dernière crue s'est élevé à cet endroit à la cote de 11,90 m NGF. La construction devra disposer d'un niveau refuge accessible situé au-dessus de l'altitude précitée ».

Le Préfet des Bouches-du-Rhône devait toutefois déférer ce permis de construire à la censure du juge administratif au motif tiré de la méconnaissance de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme et ce, en soutenant, notamment, que la prescription précitée ne pouvait assurer la conformité du projet au regard de cet article dès lors qu’elle était irréalisable.

On sait, en effet, qu’aux fins d’assurer la conformité du projet aux normes d’urbanisme qui lui sont opposables, un permis de construire peut être assorti de prescriptions techniques imposant la réalisation de travaux ou d’aménagements que n’auraient pas prévus par le pétitionnaire.

Mais pour être opérante, il est nécessaire que cette prescription soit légale ce qui implique non seulement qu’elle soit adéquate et qu’elle ait un impact limité au regard de l’économie générale du projet mais également qu’elle n’apparaisse pas irréalisable (CE. 14 décembre 1992, Epx Léger, req. n°106.685 ; CE. 1er mars 1996, Becaud, req. n°116.820).

Or, contrairement aux prescriptions financières, une prescription technique constitue le soutien indivisible de l’autorisation d’urbanisme qui l’édicte, si bien que son illégalité intrinsèque affecte d’illégalité l’ensemble de l’autorisation et emporte donc l’annulation de cette dernière dans sa globalité ; telle étant la raison pour laquelle un recours en annulation exclusivement dirigé vers une telle prescription, et concluant donc à l’annulation partielle de l’autorisation, est irrecevable qu’il émane d’un tiers ou du pétitionnaire (CE 12 octobre 1979, Poidevin, req. n°12957).

Mais dans l’affaire objet de l’arrêt commenté le moyen tiré du caractère irréalisable de la prescription en cause a été écarté, au premier chef, du simple fait qu’elle n’était pas nécessaire puisque la Cour administrative d’appel de Marseille avait précédemment constaté que nonobstant le classement administratif dont il faisait l’objet, le terrain à construire n’était pas, en fait, exposé à un risque particulier d’inondations :

« Considérant, en second lieu, que, pour contester la légalité du permis en litige, le préfet fait également valoir que la prescription, fixée par l'article 3 de l'arrêté contesté, assortissant le permis de construire en litige, serait irréalisable ; que, toutefois, il résulte de ce qui vient d'être dit que la parcelle d'assiette du projet contesté n'est pas soumise à un risque d'inondation du fait de l'existence des ouvrages de protection existants ; qu'ainsi, et en toute hypothèse, la circonstance que la prescription en cause serait irréalisable est sans effet sur la légalité du permis de construire contesté ; qu'en tout état de cause, le préfet n'établit pas le caractère irréalisable de ladite prescription alors qu'il ressort des pièces du dossier que, des aménagements mineurs permettraient la réalisation d'un accès au toit à partir du bâtiment ».

En substance, la Cour a donc considéré que le caractère prétendument irréalisable de la prescription en cause « est sans effet sur la légalité du permis de construire contesté » dès lors que celle-ci n’était pas nécessaire, en l’espèce, pour assurer la conformité du projet à l’article R.111-2 du code de l’urbanisme. Sur ce point, cet arrêt peut être rapproché de celui par lequel la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait jugé qu’il ne pouvait être fait grief à un permis de construire délivré sur un terrain en zone inondable de ne pas être assorti de prescriptions spéciales dès lors qu’eu égard à la nature de la construction projetée – en l’occurrence, un abri de jardin ouvert – de telles prescriptions n’apparaissaient pas nécessaires (CAA. Bordeaux 3 mai 2001, Savariau, req. n°97BX02145).

On sait, en effet, que le Conseil d’Etat a précisé que s’agissant de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme et, notamment, du risque d’inondation d’absence de prescriptions spéciales n’est illégale que si de telles prescriptions sont nécessaires (CE. 23 décembre 1994, Peissik, req. n°108.969). Mais a contrario, force est donc de considérer qu’une prescription qui n’est pas nécessaire est nécessairement illégale puisqu’elle impose au titulaire de l’autorisation qui l’édicte une contrainte injustifiée.

Partant et suivant le principe selon lequel une prescription technique est indivisible de l’autorisation qu’elle assortit, une prescription technique qui n’est pas nécessaire, et donc illégale, affecte d’illégalité l’ensemble de l’autorisation obtenue. Il faut, toutefois, préciser que si, par principe, une prescription technique est indivisible de l’autorisation qui l’impose c’est dans la mesure où celle-ci est censée permettre d’assurer la conformité du projet aux normes d’urbanisme qui lui sont opposables ; telle étant la raison pour laquelle, d’une part, l’administration ne peut refuser un permis de construire lorsqu’il apparaît que l’édiction de prescriptions spéciales aurait permis d’assurer la conformité du projet aux règles d’urbanisme (CE. 12 mai 1989, SCI Azr Parc, req. n°96.665) et, d’autre part, la légalité d’un permis de construire assorti de prescriptions doit être appréciée non pas seulement en considération du projet présenté par le pétitionnaire mais également au regard de ces prescriptions (CE. 26 février 2001, Dorwling-Carter, req. n°211.318).

A notre sens, une prescription qui n’est pas nécessaire est certes illégale mais dans la mesure où, précisément, elle n’est pas nécessaire pour assurer la conformité du projet aux règles d’urbanisme qui lui sont opposables, celle-ci n’a pas à être considérée comme le soutien indivisible du permis de construire qui l’édicte. Mais force est de constater que telle ne semble pas être la position du juge administratif et, notamment, de la Cour administrative d’appel de Marseille à s’en tenir à sa jurisprudence antérieure :

« Considérant, d'autre part, que le juge administratif, lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à l'annulation partielle d'un acte dont les dispositions forment un tout indivisible, est tenu de rejeter ces conclusions comme irrecevables quels que soient les moyens invoqués contre la décison attaquée ; Considérant que, par une décision en date du 22 juillet 1993, le maire de BANDOL ne s'est pas opposé à l'ouverture d'une fenêtre sur une maison à usage d'habitation projetée par Mme GILBERT ; que, toutefois, le maire de BANDOL a précisé, dans le corps de sa décision, que cette ouverture devrait comporter un verre opaque ; que cette prescription spéciale édictée par application des dispositions précitées constitue un tout indivisible avec l'autorisation accordée alors même qu'elle ne constitue pas une prescription relative à la sécurité ou à l'aspect architectural de la construction ; que, par suite, Mme GILLET n'était pas recevable à demander l'annulation de la décision précitée en tant seulement qu'elle prescrit l'utilisation d'un verre opaque » (CAA. Marseille, 31 mai 2001, Mme Gillet, req. n°98MA00512).

Dans cette affaire, la Cour a donc considéré que pour ne pas être nécessaire à la sécurité et à l’aspect architectural de la construction, la prescription en cause n’en était pas moins indivisible de l’autorisation en cause et ne pouvait donc pas faire l’objet d’une annulation partielle ; ce dont il résulte que son illégalité aurait pu emporter l’annulation de l’ensemble de l’autorisation…

Mais il est vrai que dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, la légalité de la prescription en cause était contestée en considération de son caractère prétendument irréalisable et non pas au motif qu’elle n’était pas nécessaire ; ce qui aurait été pour le moins contradictoire au soutient d’un recours principalement fondé sur l’article R.111-2 du code de l’urbanisme et la soi-disant inondabilité du terrain à construire.

 

Patrick E. DURAND Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris Cabinet Frêche & Associés

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