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JURISURBA - Page 61

  • Les travaux projetés concomitamment sur une même construction n’ont pas nécessairement à relever d’un même permis de construire

    Bien qu’à aménager dans un même immeuble existant, deux logements séparés qui n'ont pas fait l'objet d'une conception d'ensemble, qui ont une vocation fonctionnelle autonome et qui appartiennent à des propriétaires différents ne forment pas un ensemble immobilier unique. Par suite, les travaux s’y rapportant n’ont pas à relever d’un seul et même permis de construire.

    CAA. Bordeaux, 1er avril 2010, Nadia X., req. n°09BX00275


    Dans cette affaire, deux époux avaient conjointement obtenu, le 12 mai 2005, un permis de construire en vue de la création d’un logement au sein d’un lot d’un bâtiment existant soumis aux dispositions de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Et quelques semaines plus tard, le 1er juillet 2005, ce même immeuble devait faire l’objet d’un second permis de construire délivré à une autre personne en vue de l’extension de l’habitation correspondant à un autre lot de cette copropriété.

    Le permis de construire délivré le 12 mai 2005 devait toutefois faire l’objet d’un recours en annulation. Et à son appui, les requérants devaient ainsi soutenir que les travaux objets de cette autorisation et ceux autorisés par celle délivrée le 1er juillet 2005 auraient, compte tenu de leur indivisibilité prétendue, faire l’objet d’un seul et même permis de construire.

    Comme on le sait, en effet, le Conseil d’Etat a dans son arrêt « Ville de Grenoble » (CE. 17 juillet 2009, Ville de Grenoble & Communauté d’Agglomération Grenoble Alpes Métropole, req. n°301.615) confirmé la règle de principe selon laquelle « une construction constituée de plusieurs éléments formant, en raison des liens physiques ou fonctionnels entre eux, un ensemble immobilier unique, doit en principe faire l'objet d'un seul permis de construire » ; le principal apport de cet arrêt, dès lors que cette règle n’était pas totalement nouvelle (P.E. DURAND, « Ensemble immobilier unique & pluralité de permis de construire », RDI, n°11/2009), tenant à la définition ainsi posée de la notion d’ensemble immobilier unique et, surtout, à l’exception que cet arrêt a introduit à cette règle.

    Mais ce moyen devait donc être rejeté par la Cour administrative d’appel de Bordeaux au motif « que les deux projets concernent deux logements séparés qui n'ont pas fait l'objet d'une conception d'ensemble, qui ont une vocation fonctionnelle autonome et qui appartiennent à des propriétaires différents ».

    Certes la Cour n’a donc pas suivi l’analyse des requérants mais il n’en demeure pas moins qu’il nous semble reconnaître sans grande difficulté dans le « considérant » précité les critères dégagés par l’arrêt « Ville de Grenoble » : c’est donc bien que la règle de principe précisé par ce dernier peut trouver à s’appliquer aux autorisations se rapportant à des travaux projetés sur une construction existante. D’ailleurs, compte tenu de la finalité et des considérations dont procède l’arrêt « Ville de Grenoble », on voit mal pourquoi il en aurait été différemment pour les travaux sur existants.

    Il reste que l’on aurait pu penser qu’à partir du moment où de nouveaux locaux étaient projetés au sein d’un même immeuble, ce dernier créait nécessairement entre eux un lien physique, voire même un lien fonctionnel. Tel n’est donc pas le cas.

    Concernant le « lien fonctionnel », la Cour a donc considéré que les deux logements en cause avaient « une vocation fonctionnelle autonome » ; ce qui en soi n’est guère surprenant dès lors que chacun des locaux objets des permis de construire s’y rapportant constituait en lui-même et à lui seul un logement. Ce n’était donc pas la réunion de ces locaux qui formait un seul logement. En ce sens, on sait d’ailleurs qu’il a pu être jugé que des maisons de ville bien qu’accolées et sises sur un même terrain autours d’une cour commune constituent néanmoins des bâtiments distincts dès lors qu’elles « sont destinées à être occupées séparément » (CE. 7 mai 2003, Boisdeffre, req. n°251.596).

    Mais s’agissant du lien fonctionnel, il n’est pas inutile de rappeler que dans l’arrêt « Ville de Grenoble » le Conseil d’Etat a jugé que le parc de stationnement n’avait pas nécessairement à relever du même permis de construire que le Stade dès lors que l’un et l’autre avait « une vocation fonctionnelle autonome ». Or, en l’espèce, chacun des deux permis de construire en cause avait le même objet : l’aménagement d’un logement. Il s’ensuit donc que le seul fait que les locaux ou ouvrages considérés présentent la même destination ne s’oppose pas à ce qu’on leur reconnaisse une fonction propre : la fonction est donc sans rapport avec la destination de l’ouvrage considéré.

    Mais surtout, le fait qu’ils se rattachent à un même immeuble et a priori disposent donc d’aménagements communs nécessaires à leur utilisation – telle une entrée – n’apparait pas constitutif d’un lien fonctionnel au sens de l’arrêt « Ville de Grenoble ». Il semble donc que le lien fonctionnel au sens de cet arrêt doive s’entendre d’un lien unissant directement les composantes du projet et dont il résulte que l’une ne peut fonctionner sans l’autre (en ce sens : CE. 26 mars 1997, ADLA, req. n° 172.183). Et a contrario, dès lors que l’une n’est pas en elle-même nécessaire au fonctionnent de l’autre, chacune dispose alors d’une autonomie fonctionnelle.

    Quant à la circonstance que la Cour administrative d’appel de Bordeaux ait précisé que les logements « appartiennent à des propriétaires différents », celle-ci ne nous semble pas déterminante ; cette précision ne nous semblant avoir été apportée que pour appuyer l’analyse selon laquelle les deux « locaux » considérés, avaient chacun une fonction propre dès lors qu’ils n’étaient pas destinés au logement de mêmes personnes. En effet, compte tenu du caractère réel et non pas personnel de la législation sur le permis de construire, le critère du nombre de maitres d’ouvrage ne saurait a priori suffire. Force est en effet d’admettre que le seul fait que les locaux ou des bâtiments soient réalisés par plusieurs maîtres d’ouvrage ne signifie pas nécessairement que ces locaux disposent d’une autonomie fonctionnelle et, a contrario, que le seul fait qu’ils soient réalisés par un seul et même maître d’ouvrage n’implique pas en soi qu’ils n’aient pas une fonction propre. D’ailleurs, il a d’ores et déjà été jugé que deux bâtiments à destination d’habitation autorisés par deux permis de construire délivrés à quelques jours d’écart, sur un même terrain et au bénéfice d’une même personne ne constituaient pas un « ensemble immobilier unique » au sens de l’arrêt « Ville de Grenoble » (CAA. Nantes, 16 février 2010, Pascal X., req. n°09NT00832).

    Mais s’agissant d’autorisations de travaux délivrées concomitamment sur un immeuble existant, c’est bien entendu la mise en œuvre du critère du « lien physique » qui s’avère la plus intéressante puisque toute la question est de s’avoir si le seul fait que les locaux à aménager soient projetés au sein d’un même immeuble suffit à considérer qu’ils sont unis par un « lien physique » au sens de l’arrêt « Ville de Grenoble ».
    En première analyse, la solution était moins évidente que celle concernant le « lien fonctionnel ». Pour application de la jurisprudence « Thalamy », il a en effet pu être jugé qu’un permis de construire autorisant une nouvelle extension d’une maison d’habitation légalement édifiée mais ayant irrégulièrement fait l’objet d’une première extension devait nécessairement régulariser cette dernière, alors même que la seconde ne prenait pas appui sur la première et n’étaient donc pas directement liée physiquement à celle-ci, dès lors que l’une et l’autre formaient un « tout indissociable de la maison d'habitation » (CAA. Nantes, 28 décembre 2006, M. & Mme X., req. n°06NT00016).

    Or, s’il est vrai que les deux extensions avaient une même fonction puisque se rapportant à la même habitation, il reste que la jurisprudence « Thalamy » – dont la mise en œuvre avait d’ailleurs déjà abouti à considérer que les composantes d’un même projet devaient relever d’une autorisation unique (CE. 17 décembre 2003, Bontemps, req. n°242.282) – concerne uniquement les travaux prenant appui sur une construction dépourvue d’existence légale. A contrario, elle ne trouve donc pas à s’appliquer dès lors que l’ouvrage à construire est dissocié de cette construction (CE. 25 avril 2001, Ahlborn, req. n° 207.095), c’est-à-dire lorsqu’ils sont « séparés physiquement » (CAA. Marseille, 15 mai 2008, Cne de Fuveau, req. n°06MA00807) : c’est donc bien que dès lors qu’elles se rapportent à la même construction deux « extensions » sont liées physiquement même si elles ne prennent pas appui l’une sur l’autre.

    En outre, la règle dégagée par l’arrêt « Ville de Grenoble » procède selon nous de considérations qui ne sont pas si éloignées de celles selon laquelle, en principe, toute modification d’un projet relevant d’un permis de construire en cours d’exécution implique, à tout le moins, l’obtention d’un « modificatif », y compris si prises isolément ces modifications relèvent du champ d’application de la déclaration préalable (CAA. Paris, 13 décembre 1994, Ville de Paris, req. n°92PA01420; voir ici). En effet, dès lors qu’un « modificatif » s’intègre au « primitif » pour former avec lui une autorisation unique (CAA. Paris, 30 octobre 2008, M. Gilbert Y., req. n°05PA04511 ; TA. Versailles, 22 février 1994, SCI Les Ormes, req. n°93-05140), cette règle implique donc de faire relever le projet d’une seule et même autorisation. Or, il en va ainsi dès lors que le nouvel ouvrage envisagé est structurellement lié ou attenant à celui objet du permis initial (CE. 9 janvier 2009, Ville de Toulouse, req. n°307.265).

    Aussi, dès lors qu’en l’espèce, ils étaient projetés concomitamment au sein d’un même immeuble – et, donc, d’une même structure – on pouvait donc penser que ces deux logements devaient être regardés comme liés physiquement.

    Mais telle n’a donc pas été l’analyse de la Cour administrative d’appel de Bordeaux dans la mesure où « les deux projets concernent deux logements séparés qui n'ont pas fait l'objet d'une conception d’ensemble ».

    Rappelons-le, en effet, la règle de principe dégagée par l’arrêt « Ville de Grenoble » s’applique dans le cas d’une « construction constituée de plusieurs éléments formant, en raison des liens physiques ou fonctionnels entre eux, un ensemble immobilier unique ». Or, précisément, dans cette affaire, le Conseil d’Etat a confirmé l’analyse de la Cour administrative d’appel de Lyon, en ce qu’elle avait estimé au regard de considérations d’ordre physique qu’il s’agissait d’un ensemble immobilier unique, mais ce en relevant que le stade et le parc de stationnement sous-jacent avaient « fait l'objet d'une conception architecturale globale ».

    De ce fait, il nous semble donc qu’un lien physique au sens de l’arrêt « Ville de Grenoble » s’entende d’un lien unissant directement deux éléments de construction, impliquant que l’un ne puisse avoir été conçu indépendamment de l’autre et, donc, qu’ils ont fait l’objet d’une conception d’ensemble.

    Quoi qu’il en soit, il en résulte donc que le seul fait que des travaux soient projetés concomitamment sur un même immeuble existant n’induit pas qu’ils aient un lien physique et n’impliquent donc pas nécessairement qu’ils relèvent d’une même autorisation d’urbanisme. Et c’est heureux puisqu’au regard des considérations dont procède l’arrêt « Ville de Grenoble », on voit mal l’intérêt dont la préservation exigerait qu’il en soit systématiquement ainsi.

    Mais pour conclure, on précisera que la solution retenue en l’espèce ne nous parait cependant pas directement résulter de l’apport de cet arrêt. On relèvera, en effet, qu’il a pu être jugé que deux auvents projetés concomitamment par une même personne sur un même bâtiment existant mais destinés à couvrir des parties différentes de ce dernier étaient, compte tenu de leur indépendance tant physique que fonctionnelle, dissociables. Partant, chacun pouvait faire l’objet de deux déclarations préalables distinctes dès lors que leur surface respective était inférieure à 20 mètres carrés et, en d‘autres termes, n’avaient donc pas, pour application de l’ancien article R.422-2 m) du Code de l’urbanisme, a relevé d’un permis de construire unique alors même que leur surface cumulée excédait le seuil de 20 mètres carrés fixé par cet article (TA. Nice, 24 mai 2006, Mme Baracco, req. n°02-05432).

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Lotissement : étude sur l’objet de l’article R.442-2 f) du Code de l’urbanisme ?

    L’article R.442-2 f) du Code de l’urbanisme s’oppose-t-il en lui-même à ce que le reliquat d’un terrain d’origine dont une partie a fait l’objet de divisions ne relevant pas de la règlementation sur les lotissements en application de l’article R.442-1 soit pour sa part regardé comme un « lot à construire » au sens de cette règlementation.


    Comme on le sait, bien que cela ne soit pas certes pas d’une extrême clarté, il résulte des dispositions combinées des articles L.442-1, L.442-2 et R.421-19 a) que la définition du lotissement est aujourd’hui indépendante du nombre de lots à construire : il y a ainsi lotissement dès qu’une division foncière aboutit à la formation d’un lot à construire.

    Le nombre de lots n’a en effet plus d’utilité que pour déterminer si le lotissement à créer relève d’une simple déclaration ou implique l’obtention d’un permis d’aménager en application de l’article R.421-19 a) en ce qu’il dispose que : « doivent être précédés de la délivrance d'un permis d'aménager : les lotissements, qui ont pour effet, sur une période de moins de dix ans, de créer plus de deux lots à construire lorsqu'ils prévoient la réalisation de voies ou espaces communs ou lorsqu'ils sont situés dans un site classé ou dans un secteur sauvegardé dont le périmètre a été délimité ».

    Le nombre de lots à construire doit, toutefois, être décompté en tenant compte de l’article R.442-2 dont on rappellera qu’il dispose : « pour l'application du a de l'article R. 421-19, ne sont pas pris en compte pour l'appréciation du nombre de terrains issus de la division d'une propriété foncière :
    a) Les terrains supportant des bâtiments qui ne sont pas destinés à être démolis ;
    b) Les parties de terrain détachées d'une propriété et rattachées à une propriété contiguë ;
    c) Les terrains détachés d'une propriété par l'effet d'une expropriation, d'une cession amiable consentie après déclaration d'utilité publique et, lorsqu'il en est donné acte par ordonnance du juge de l'expropriation, d'une cession amiable antérieure à une déclaration d'utilité publique ;
    d) Les terrains réservés acquis par les collectivités publiques dans les conditions prévues aux articles L. 230-1 à L. 231-6 ;
    e) Les cessions gratuites et les apports de terrains résultant de l'application du e du 2° de l'article L. 332-6-1 et de l'article L. 332-10 ;
    f) Les terrains issus des divisions mentionnées à l'article R. 442-1
    »


    Si certaines réponses ministérielles laissaient à penser que l’article R.442-2 visait des divisions non constitutives d’un lotissement (Rép. min n°16280 : JOAN 17/06/2008, p.5150), la situation est plus claire aujourd’hui : ces dispositions ont pour seul objet de déterminer l’autorisation requise et, par voie de conséquence, n’ont pas en elle-même aucune incidence sur le point de savoir si les divisions qu’elles visent constituent ou non un lotissement ; cet article étant en effet on ne peut plus clair sur ce point : il ne vaut que « pour l'application du a de l'article R. 421-19 », lequel a exclusivement trait au champ d’application du permis d’aménager en matière de lotissement.

    D’ailleurs, les divisions destinées à l’implantation de bâtiments mais non constitutives d’un lotissement sont au premier chef définies par l’article R.442-1 du Code de l’urbanisme. Aussi, dès lors que le point f) de l’article R.442-2 vise lui-même « les terrains issus des divisions mentionnées à l'article R. 442-1 », force est de considérer que les dispositions de cet article visent seulement à déterminer l’autorisation requise. En effet, si cet article avait trait aux divisions non constitutives d’un lotissement, quelle serait l’utilité de viser à nouveau celles qui en sont déjà exclues au titre de l’article R.442-1 ?

    Mais précisément, pourquoi préciser que les terrains issus des divisions visées par l’article R.442-1 du Code de l’urbanisme n’ont pas à être décompté pour déterminer s’il faut ou non un permis d’aménager puisque dès lors qu’elles sont exclus de la procédure de lotissement ces divisions ne sont pas même soumises à déclaration ?

    Pour répondre à cette question et trouver le sens à l’article R.442-2 f) du Code de l’urbanisme, il faut ainsi revenir sur jurisprudence rendue sous l’empire du dispositif en vigueur avant le 1er octobre 2007.

    L’ancien article R.315-2 visait lui-même un certains nombres de divisions non-constitutives d’un lotissement. Plus précisément, son point c) disposait ainsi : « ne constituent pas des lotissements et ne sont pas soumises aux dispositions du présent chapitre : ... c) Les divisions de terrains en propriété ou en jouissance lorsque les terrains issus de la division constituent l'assiette d'un immeuble à construire dont la vente est régie par les articles 1601-1 à 1601-4 du code civil ... ». Or, à ce titre, il avait pu être jugé que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R. 315-1 du code de l'urbanisme : "Constitue un lotissement au sens du présent chapitre toute division d'une propriété foncière en vue de l'implantation de bâtiments qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de ladite propriété ..." ; qu'aux termes de l'article R. 315-2 du même code : "Ne constituent pas des lotissements et ne sont pas soumises aux dispositions du présent chapitre : ... c) Les divisions de terrains en propriété ou en jouissance lorsque les terrains issus de la division constituent l'assiette d'un immeuble à construire dont la vente est régie par les articles 1601-1 à 1601-4 du code civil ..." ; qu'aux termes du 4ème alinéa de l'article R. 315-4 dudit code : "Dans le cas où, postérieurement à une division non soumise à autorisation en application des dispositions du présent chapitre, une nouvelle division ou l'implantation d'un ou plusieurs bâtiments sur un terrain pour lequel cette implantation n'était pas envisagée entraîne l'application du régime d'autorisation défini aux articles R. 315-1 et R. 315-3, la demande d'autorisation est présentée par le propriétaire, qui a pris l'initiative de cette division ou de cette implantation. Elle ne concerne pas les terrains précédemment détachés" ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que la société civile immobilière Sainte Venise, propriétaire d'une unité foncière de 4 078 m2 située dans la commune de Bois-Guillaume, a procédé à sa division en vue de l'implantation de diverses constructions ; qu'elle a d'abord obtenu, par arrêté du maire en date du 4 décembre 1992, un permis de construire pour l'édification, sur une partie du terrain, de cinq maisons individuelles destinées à être vendues en état futur d'achèvement et, par suite, ne constituant pas un lotissement en vertu des dispositions de l'article R. 315-2 précitées du code de l'urbanisme ; que les travaux correspondant à ces cinq lots ont été achevés les 1er mars 1993, 26 mai 1995, 13 juillet 1995 et 30 juillet 1995, dates auxquelles chaque acquéreur est devenu propriétaire de son lot ; qu'ultérieurement, la société civile immobilière a été autorisée, par arrêté du maire en date du 10 décembre 1997, à construire sur la partie du terrain d'origine, qu'elle avait conservée, d'une surface de 1 427 m2, un immeuble collectif de 13 logements et d'une surface hors oeuvre nette de 927 m2 ; que d'une part, cette seconde opération a eu pour effet de porter, sur une période de moins de dix ans, à plus de deux le nombre de terrains issus de l'unité foncière ; que d'autre part, la construction du dernier immeuble n'avait pas été envisagée lors de la division initiale de l'unité foncière ; qu'ainsi, cette implantation était subordonnée à une demande d'autorisation de lotissement, en vertu des dispositions précitées du code de l'urbanisme ; que, dès lors, le permis de construire du 10 décembre 1997 délivré par le maire de Bois-Guillaume, faute d'autorisation de lotir préalable, a été accordé dans des conditions irrégulières
    » (CAA. Douai, 31 mai 2001, Yavan G., req. n°98DA12831 ; confirmé par : CE. 29 juillet 2002, Cne de Bois-Guillaume, req. n° 236.948).


    et, en d’autres termes, qu’une seconde opération réalisée sur le reliquat d’une unité foncière d’origine dont une partie a fait l’objet d’une première opération pratiquée en application de l’article précité impliquait une autorisation de lotir, quand bien même la seconde n’impliquerait-elle aucune division.

    Il est vrai que cet arrêt était expressément fondé sur l’ancien article R.315-4 (al.4) du Code de l’urbanisme en ce qu’il disposait que « dans le cas où, postérieurement à une division non soumise à autorisation en application des dispositions du présent chapitre, une nouvelle division ou l'implantation d'un ou plusieurs bâtiments sur un terrain pour lequel cette implantation n'était pas envisagée entraîne l'application du régime d'autorisation défini aux articles R. 315-1 et R. 315-3, la demande d'autorisation est présentée par le propriétaire, qui a pris l'initiative de cette division ou de cette implantation ».

    Mais si ces dispositions ont été abrogées par le dispositif en vigueur depuis le 1er octobre 2007, il reste que l’ancien article R.315-4 (al.4) précité avait été spécifiquement introduit par le décret du 29 août 1986 pour résoudre la problématique du troisième lot à construire. Cet article était donc étroitement lié à la définition du lotissement alors en vigueur, laquelle impliquait la création de plus de deux lots à construire en moins de dix. Mais dès lors qu’il y a dorénavant lotissement dès le premier lot à construire, les dispositions de cet article n’ont naturellement plus lieu d’être.

    A ce stade, l’article R.442-2 f) du Code de l’urbanisme pourrait toutefois apparaître comme un dispositif imprécis et/ou imparfait en ce qu’il traite uniquement du décompte du nombre de lots à construire là où se pose en amont la question plus fondamentale de la création éventuelle d’un lotissement.

    Mais tel ne nous semble pas le cas dans la mesure où, précisément, l’article précité à l’instar de l’ancien article R.315-4 (al.4) nous parait avoir pour objet de déterminer l’autorisation éventuellement requise avant de construire sur le reliquat d’un terrain laissé libre par une opération relevant de l’article R.442-1 mais ne portant ou n’ayant porté que sur une partie du tènement d’origine.

    Telle est selon-nous la raison d’être de l’article R.442-2 f) du Code de l’urbanisme : ce reliquat n’est pas exclu de la règlementation sur les lotissements dès lors que l’on peut y caractériser une intention de construire ; mais pour déterminer l’autorisation qu’il implique, il n’y a pas à prendre en compte les divisions réalisées sur l’autre partie du terrain d’origine dès lors que celles-ci relève de l’article R.442-1.

    Mais surtout, il nous semble même que ce reliquat peut constituer un « lot à construire » alors même qu’il n’a vocation à constituer l’assiette que d’une simple opération de construction n’impliquant pas de nouvelles divisions. Et en toute hypothèse, compte tenue de son objet, l’article R.442-2 f) ne saurait suffire à exclure qu’il en soit ainsi.

    Prenons les cas où la question se pose la plus fréquemment : une partie d’un terrain fait l’objet d’un permis de construire valant division obtenu au titre de l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme ou de plusieurs permis de construire impliquant des « divisions primaires ».

    Prises isolement, ces deux opérations et les divisions qu’elles impliquent sont exclues de la procédure de lotissement en application des points c) et d) de l’article R.442-1. Pour autant doit-on considérer que le reliquat du terrain doit lui-même être regardé comme issu de ces divisions au sens de l’article R.442-2 f) du Code de l’urbanisme ?

    Il nous parait difficile de répondre positivement à cette question. Une telle conclusion signifierait en effet que le propriétaire initial du terrain d’origine pourrait ultérieurement vendre ce reliquat à un tiers sans aucune formalité préalable.

    Or, dans le premier exemple envisagé, ce reliquat n’est pas le terrain d’assiette d’un bâtiment prévu par le permis de construire valant division obtenu sur l’autre partie du tènement d’origine. Dès lors, il parait difficile d’y voir un terrain résultant d’une division « effectuée conformément à un permis de construire prévu à l'article R. 431-24 » au sens de l’article R.442-2 c) du Code de l’urbanisme dès lors que l’article R.431-24 vise « la construction, sur le même terrain, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance ». Au surplus, cette conclusion signifierait d’ailleurs qu’un permis de construire valant division peut autoriser la formation d’un lot à construire…

    Dans le second exemple, conclure que le reliquat d’un terrain dont une partie a fait l’objet de « divisions primaires » est lui-même issu de ces divisions signifierait donc que le propriétaire initial du terrain d’origine pourrait ultérieurement vendre ce reliquat à un tiers sans aucune formalité préalable et ce alors même que ce tiers n’aurait pas préalablement obtenu un permis de construire sur ce reliquat comme le prévoit l’article R.442-1 d) du Code de l’urbanisme qui s’agissant de la « division primaire » vise « les divisions par ventes ou locations effectuées par un propriétaire au profit de personnes qu'il a habilitées à réaliser une opération immobilière sur une partie de sa propriété et qui ont elles-mêmes déjà obtenu un permis d'aménager ou un permis de construire (...) ». En substance, il y a « division primaire » lorsque le détachement de la parcelle d’assiette du projet s’opère postérieurement au permis de construire s’y rapportant et au profit d’une personne ayant elle-même déjà obtenu un permis de construire sur cette parcelle, si bien que c’est au stade de la demande de ce permis de construire que s’opère l’instruction de la division qu’elle induit. Or, dans notre cas, ce n’est pas la vente du reliquat à un tiers qui opérerait son détachement mais les divisions précédemment réalisées sur l’autre partie du terrain, lesquelles auraient donc eu pour effet d’emporter la formation de ce reliquat avant même que son acquéreur ne soit lui-même titulaire d’un permis de construire sur celui-ci.

    Cette lecture nous apparait ainsi rendre cohérentes les dispositions combinées des articles R.442-1 et R.442-2 f) du Code de l’urbanisme.

    Il est vrai qu’en première analyse cette interprétation de ce dernier pourrait butter sur l’article R.421-19 a) du Code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il dispose que « doivent être précédés de la délivrance d'un permis d'aménager : les lotissements, qui ont pour effet, sur une période de moins de dix ans, de créer plus de deux lots à construire lorsqu'ils prévoient la réalisation de voies ou espaces communs ou lorsqu'ils sont situés dans un site classé ou dans un secteur sauvegardé dont le périmètre a été délimité ». A cet égard, en effet, l’identification du statut du reliquat n’aurait pas d’intérêt puisqu’en application de l’article R.442-2 f), il n’y a pas lieu de prendre en compte les terrains issus des divisions ayant indirectement abouti à sa formation.

    Il faut, toutefois, rappeler que la notion de lotissement est définie par l’article L.442-1 du Code de l’urbanisme, lequel dispose que « constitue un lotissement l'opération d'aménagement qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet la division, qu'elle soit en propriété ou en jouissance, qu'elle résulte de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de locations, d'une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments ».

    Il s’ensuit d’une part que l’article L.442-1 précité vise non seulement les divisions ayant pour objet de créer un terrain à bâtir mais également celles ayant pour effet de créer un tel terrain. Par voie de conséquence, le fait que dans les exemples pré-exposés le permis de construire valant division ou l’opération en « divisions primaires » n’ait pas eu pour objet d’isoler ce reliquat en tant que « lot à construire » ne saurait à lui seul suffire à l’exclure de la procédure de lotissement puisque ce reliquat est né par l’effet de ces opérations.

    Mais d’autre part, et surtout, le fameux délai de dix ans n’est pas seulement la période à retenir pour apprécier si les divisions considérées impliquent ou non l’obtention d’un permis d’aménager, il constitue la période sur laquelle doit être appréciée la constitution même d’un lotissement puisqu’il est fixé par l’article L.442-1 relatif à la définition du lotissement et ce, alors même qu’il y a dorénavant lotissement dès la formation du premier lot à construire.

    C’est donc bien qu’alors même que les divisions pratiquées n’ont pas eu pour objet de créer des « lots à construire » constitutif d’un lotissement, il semble néanmoins falloir rechercher si elles n’ont pas pour effet d’aboutir à la création d’un tel lot dans les dix ans suivant leur réalisation.

    Dans le cadre d’un dispositif où l’apparition d’un seul « lot à construire » permet de caractériser un lotissement, l’article L.442-1 du Code de l’urbanisme suffit ainsi pour définir le statut du « reliquat » d’un terrain d’origine dont une partie a fait l’objet de divisions non constitutives de lotissement ; ce qui sous l’empire de l’ancien article R.315-1 était l’objet spécifique de l’article R.315-4.

    Or, rappelons-le, l’article R.442-2 f) ne vaut que « pour l'application du a de l'article R. 421-19 » – lequel a lui-même été adopté en application de l’article L.442-2 – et non pas pour application de l’article L.442-1…

    Dès lors, nous ne pensons donc pas que l’article R.442-2 f) signifie que le reliquat d’un terrain dont une partie a fait l’objet de divisions relevant de l’article R.442-1 doive être regardé comme s’il s’agissait de l’unité foncière d’origine puisqu’en substance, l’article R.442-2 f) en ce qu’il se borne à exclure du décompte du nombre de « lots à construire » les terrains issus de ces divisions pour déterminer s’il faut un permis d’aménager n’induit pas pour autant qu’il faille oublier, le cas échéant, que ce reliquat est l’effet d’une division préalable de moins de dix ans lorsqu’il apparait destiné à l’implantation d’un bâtiment.

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Veille jurisprudentielle n°32 - 7 décisions signalées ce mois-ci

    INTERPRETATION & APPLICATION DES NORMES :

    CAA. Bordeaux, 1er avril 2010, Nadia X., req. n°09BX00275

    Bien que dans un même immeuble existant, deux logements séparés qui n'ont pas fait l'objet d'une conception d'ensemble, qui ont une vocation fonctionnelle autonome et qui appartiennent à des propriétaires différents ne forment pas un ensemble immobilier unique. Par suite, les requérants ne sont en tout état de cause pas fondés à soutenir que les deux projets auraient dû faire l'objet d'un seul permis de construire en raison du caractère indivisible des ouvrages.

    PLU/POS :

    CE. 16 avril 2010, Association ALCALY, req. n°320.667

    La concertation prévue par l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme n’est pas imposées aux mises en compatibilité des plans locaux d'urbanisme auxquelles il est procédé en application de l'article L. 123-16 du code de l'urbanisme.

    DROIT DE PREEMPTION :

    CAA Marseille, 23 avril 2010, Cne de Bedoin, req. 08MA01384

    Lorsque la délibération approuvant la révision d’un POS délimitant des zones d’urbanisation future est illégale, le requérant peut exciper de son illégalité à l’encontre de la délibération étendant le droit de préemption auxdites zones d’urbanisation future puis exciper de l’illégalité de cette dernière à l’encontre de la décision de préemption prise à son titre.

    TRAVAUX SUR EXISTANT :

    CAA. Lyon, 6 avril 2010, Jean A., req. n°07LY01797

    Le permis de construire litigieux autorise l'aménagement d'une construction à usage d'habitation dans le volume d'une ancienne ferme, certes très ancienne et en mauvais état, mais non en ruine qui conserve ses murs porteurs et sa toiture. Partant, le pétitionnaire était, dès lors, fondé à indiquer une surface hors oeuvre nette existante dans sa demande de sorte que son projet qui constituait l'adaptation et la réfection d'une construction existante soit autorisé sans méconnaitre les dispositions de l'article UB5 applicable aux nouvelles constructions.

    AUTORISATIONS D’URBANISME :

    CAA. Marseille, 23 avril 2010, Cne d’Eyguieres, req. n°07MA03667

    Du moins au stade du permis de construire, la destination de la construction projetée s’apprécie au regard de sa « conception architecturale ».

    CONFORMITE DES TRAVAUX :

    CAA. Bordeaux, 30 mars 2010, Renée X., req. n°09BX0122

    Lorsqu’à la construction autorisée s’est ajoutée la construction d'une remise à foin d'une surface de 14 m2, l’administration peut refuser le certificat de conformité dès lors que cette remise prend appui sur la construction autorisée.

    CONTENTIEUX :

    CE. 7 avril 2010, SCL La Tilleuliere, req. n°311.694

    Si la délivrance d'un nouveau permis de construire au bénéficiaire d'un précédent permis, sur le même terrain, a implicitement mais nécessairement pour effet de rapporter le permis initial, ce retrait est indivisible de la délivrance du nouveau permis. Par suite, les conclusions aux fins d'annulation du permis initial ne deviennent sans objet du fait de la délivrance d'un nouveau permis qu'à la condition que le retrait qu'il a opéré ait acquis, à la date à laquelle le juge qui en est saisi se prononce, un caractère définitif. Tel n'est pas le cas lorsque le nouveau permis de construire a fait l'objet d'un recours en annulation, quand bien même aucune conclusion expresse n'aurait été dirigée contre le retrait qu'il opère.

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Sur la satisfaction des besoins en stationnement d’une construction nouvelle par la prise en compte d’un parc de stationnement futur

    Compte tenu du mode de fréquentation qu’il génère, un musée n’a pas besoin qu’une infrastructure de stationnement spécifique lui soit attachée dès lors que des possibilités de stationnement proportionnées au flux prévisible de visiteurs, notamment dans un parc public à proximité, sont disponibles. Partant, le musée n’a pas à s’accompagner d’un parc de stationnement relevant d’une autorisation indivisible et la satisfaction des besoins en stationnement de la construction projetée peut être opérée par un parc de stationnement futur.

    CAA. Marseille, 18 mars 2010, Fédération des comités d’intérêt de quartier du 2e arrondissement de Marseille, req. n°10MA00627 (ord. réf.)


    MUCUM.jpgDans cette affaire, le Préfet du Département des Bouches du Rhône avait délivré à l’Etat un permis de construire pour la réalisation du Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MUCEM) à Marseille. Ce permis de construire devait toutefois être contesté au motif tiré notamment de ce qu’il n’intégrait pas la réalisation des places de stationnement rendues nécessaires par son fonctionnement. Mais ce moyen devait être rejeté au motif suivant :

    « Considérant, en deuxième lieu, que les requérants soutiennent que l'arrêté du 27 juin 2008 serait illégal, dès lors qu'aucune place de stationnement n'est prévue dans le dossier de permis de construire ; qu'ils font valoir, en outre, que le préfet des Bouches-du-Rhône ne pouvait, à la date de délivrance du permis, s'assurer que les places de stationnement pour handicapés avaient été prévues et étaient suffisantes ;
    Considérant que les requérants semblent soutenir que la construction du musée et du parc de stationnement destiné à recevoir les agents de l'établissement et les visiteurs devaient faire l'objet d'une autorisation indivisible ; que toutefois un musée, à la différence d'un stade ou d'une salle de spectacle, compte tenu du mode de fréquentation qu'il génère, n'a pas besoin qu'une infrastructure de stationnement spécifique lui soit attachée ; qu'il suffit que des possibilités de stationnement proportionnées au flux prévisible de visiteurs, notamment dans un parc public à proximité, soient disponibles ; que, par suite, la circonstance que le permis de construire critiqué ne prévoit pas de parking n'est pas de nature à le rendre illégal
    ».


    Sur ce point, la Cour a donc estimé qu’il ne pouvait être utilement fait grief au permis de construire le musée en cause de ne pas intégrer la réalisation des places de stationnement nécessaires à cet équipement.

    Même si nous ne partageons pas totalement « l’opportunité » de l’ensemble des fondements nous semblant expliquer une telle décision, il n’en demeure pas moins que celle-ci nous semble difficilement contestable en l’état du droit et, plus précisément, en l’état de la jurisprudence rendue en la matière.

    Comme nous avions eu à plusieurs reprises l’occasion de l’écrire ici ou ailleurs, il ressortait de la jurisprudence rendue sous l’empire de l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme dont l’économie générale a été reprise par l’article L.421-6 que la notion d’ouvrage indivisible et celle subséquente d’indivisibilité du permis de construire impliquait qu’une telle autorisation porte sur un projet intégrant l’ensemble des composantes nécessaires à sa conformité au regard des prescriptions d’urbanisme lui étant opposables.

    Il reste, comme on le sait, que par l’arrêt « Ville de Grenoble » le Conseil d’Etat a substantiellement modifié la nature et la portée de ce principe, en introduisant une exception permettant, certes dans des cas limités, de faire relever un même projet de plusieurs autorisations distinctes.

    Or, d’une part, il nous semble que la Haute Cour en utilisant dans cet arrêt la notion d’ensemble immobilier unique a précisément abandonné la notion d’ensemble immobilier indivisible; et pour cause puisque si la réalisation d’un tel ensemble peut relever de plusieurs permis de construire c’est qu’un projet n’est pas par nature indivisible.

    D’autre part, et surtout pour ce qui concerne l’arrêt commenté, un ensemble immobilier unique se caractérise par les liens physiques et/ou fonctionnels unissant ses composantes. En d’autres termes, la notion d’ensemble immobilier unique est indépendante de toute considération liée à l’interdépendance juridique de ses composantes et, plus concrètement, à circonstance que l’une soit nécessaire à la conformité de l’autre : le seul fait qu’un parc de stationnement soit nécessaire à la conformité d’une construction au regard de l’article 12 d’un règlement local d’urbanisme et/ou de l’article R.111-6 du Code de l’urbanisme ne suffit donc pas pour considérer qu’ils forment un ensemble immobilier unique.

    Il reste qu’indépendamment de toute considération lié à la conformité du projet au regard des articles précités, force est d’admettre qu’un parc de stationnement est nécessaire au fonctionnement d’un ensemble immobilier ; pour autant, toutefois, que la construction projetée soit de nature à générer un trafic automobile propre.

    Précisément, dans cette affaire, la Cour administrative d’appel de Marseille devait donc considérer sur ce point qu’un musée « compte tenu du mode de fréquentation qu'il génère, n'a pas besoin qu'une infrastructure de stationnement spécifique lui soit attachée » ; ce qui, dans une certaine mesure, nous semble signifier que le fonctionnement d’un musée n’implique pas un parc de stationnement dédié et, par voie de conséquence, que l’ensemble constitué d’un musée et d’un parc de stationnement ne constitue pas un ensemble immobilier unique dont la réalisation doit, en principe, relever d’un seul et même permis de construire.

    On peut toutefois relever que la Cour a précisé qu’à cet égard un musée se différenciait « d’un stade » alors que dans l’arrêt « Ville de Grenoble » le Conseil d’Etat a considéré que le parc de stationnement en cause pouvait relever d’un permis de construire distinct du stade dans la mesure où, précisément, ce parc avait une fonction propre et autonome du stade…

    Il reste qu’en second lieu, la Cour administrative d’appel de Marseille devait préciser que « la légalité de ce permis pourrait être mise en cause si les possibilités de stationnement pour le desservir étaient insuffisantes » et, en d’autres termes, que la circonstance que d’un point de vue procédurale une construction puisse faire l’objet d’un permis de construire distinct du parc de stationnement susceptible de la desservir ne signifie pas que, sur le fond, la légalité de l’autorisation portant sur cette construction soit affranchie des prescriptions d’urbanisme relatives au stationnement.

    Mais sur ce point, la Cour devait donc valider le permis de construire contesté et ce, au motif suivant :

    « Considérant toutefois que la légalité de ce permis pourrait être mise en cause si les possibilités de stationnement pour le desservir étaient insuffisantes ; qu'à cet égard, par un arrêté en date du 30 décembre 2005, modifiée le 21 mai 2008, le préfet des Bouches-du-Rhône a arrêté la création de la zone d'aménagement concerté de la Cité de la Méditerranée ; que dans cette zone est prévue la réalisation du MUCEM et du Centre Régional de la Méditerranée sur l'esplanade du môle du port de Marseille J4 ainsi que d'un parc de stationnement public de 700 places édifié sous l'esplanade ; que, par délibération du 29 juin 2007, la communauté urbaine Marseille Provence Métropole a décidé le principe d'une délégation de service public pour la réalisation et le fonctionnement de ce parking ; que le contrat de concession passé avec le délégataire a été signé le 29 octobre 2009 ;
    Considérant que la demande de permis déposée par le ministre de la Culture précise que les besoins en matière de stationnement seront satisfaits par la réalisation d'un parking sous le môle du J4 ; que la fiche de lot concernant le musée, établie par l'établissement public Euroméditerranée, aménageur de la ZAC, fait explicitement apparaître ce parc de stationnement ; que les plans montrent, en outre, l'accès direct du parking vers le MUCEM ainsi que les facilités prévues pour l'accès des handicapés ; qu'enfin, les requérants ne démontrent pas, ni même n'allèguent que le parc de stationnement ne sera pas en fonction au moment de l'ouverture au public du musée ;
    Considérant ainsi que, eu égard aux aménagements et équipements prévus dans le cadre de la ZAC, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu, en connaissance de cause, délivrer le permis de construire querellé ; que le moyen tiré de ce que les places de stationnement affectées au MUCEM ne sont pas mentionnées dans la demande de permis n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté du 27 juin 2008
    ».


    Pour établir la légalité du permis de construire contesté sur ce point, la Cour a donc pris en compte un parc de stationnement à réaliser dans le cadre de la ZAC prévoyant également le MUCEM objet de cette autorisation.

    Or, à cet égard, la solution retenue par la Cour nous parait plus contestable ou, du moins, insuffisamment motivée pour en apprécier le bien fondé, et pour tout dire quelque peu inaboutie.

    En premier lieu, et comme on le sait, le principe selon lequel la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance a pour corolaire que la conformité d’un projet s’apprécie au regard de ses composantes et/ou en considération des équipements existants à cette date.

    Toutefois, comme nous avons eu plusieurs fois l’occasion de l’exposer, ce principe connait une exception puisqu’il est possible de prendre en compte un équipement futur pour autant que sa réalisation soit planifiée et que ses modalités et délais de réalisation soient arrêtés à la date de délivrance du permis de construire en cause.

    En l’espèce, le parc de stationnement pris en compte par la Cour était donc inscrit au programme d’une ZAC précédemment arrêté et dont, précédemment également, l’autorité compétente avait décidé qu’il donnerait lieu à une délégation de service publique.

    Il reste qu’à note sens, il s’agissait là d’éléments se rapportant à la planification du parc de stationnement et non pas à proprement d’éléments permettant de considérer sa réalisation et ses délais de réalisation comme quasi-certains. Or, si la Cour a fait état de la signature de la délégation de service publique se rapportant à sa construction et à son exploitation, il n’en demeure pas moins que cette signature était postérieure à la date de délivrance du permis de construire attaqué.

    En outre, l’essentiel de la jurisprudence se rapportant à la prise en compte d’équipements futurs avait trait aux réseaux viaires et/ou de flux alors qu’en l’espèce, il s’agissait d’un parc de stationnement dont la réalisation nécessitait elle-même un permis de construire qui, a fortiori, n’avait pas été obtenu à la date de délivrance de l’autorisation attaquée.

    Or, il ressortait de la jurisprudence antérieure que la conformité d’un projet ne pouvait pas être établie en considération d’une construction à réaliser dans le cadre d’un permis n’ayant pas été délivré à la date d’édiction de l’autorisation se rapportant à ce projet. Et plus récemment, dans l’arrêt « Ville de Grenoble », le Conseil d’Etat avait souligné, pour censurer l’appréciation opérée par la Cour administrative d’appel de Lyon, que les deux permis de construire se rapportant à l’ensemble immobilier en cause avait été délivrés à la même date.

    Toutefois, il résulte de l’arrêt précité du Conseil d’Etat qu’il n’est selon nous plus nécessaire que l’équipement dont dépend la conformité du projet en cause ait précédemment fait l’objet d’un permis de construire ou, à tout le moins, donne lieu à une autorisation délivrée à la même date que celle se rapportant à ce projet.

    En effet, telle qu’il avait initialement dégagé, le principe selon lequel des constructions indivisibles devaient nécessairement donner lieu à un permis de construire unique semblait s’expliquer non seulement par les exigences résultant de l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme mais également par le fait qu’en vertu du principe d’indépendance des procédures, l’administration devait être mise en mesure de ce prononcer sur l’ensemble du projet et en avoir ainsi une connaissance complète à l’examen du seul dossier de demande produit par le pétitionnaire. Or, en admettant dans l’arrêt « Ville de Grenoble » que l’administration pouvait apprécier globalement la conformité d’un même projet à travers l’examen de demandes de permis de construire distinctes, le Conseil d’Etat a substantiellement assoupli le principe d’indépendance des procédures. Il ne semble donc pas exclu que même lorsque les permis de construire se rapportant au projet n’auront pas été délivrés à la même date, leur légalité pourra être établie pour autant que l’administration puisse démontrer que dès la délivrance du premier permis elle avait une connaissance complète du projet lui permettant de le contrôler dans sa globalité.

    Il reste qu’en l’espèce, nous voyons mal comment la Cour a pu considérer qu’eu « égard aux aménagements et équipements prévus dans le cadre de la ZAC, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu, en connaissance de cause, délivrer le permis de construire querellé » dès lors qu’à la date de délivrance de cette autorisation, le parc de stationnement en cause n’avait pas même fait l’objet d’une demande de permis de construire.

    En revanche, la Cour s’est montré plus « orthodoxe » en relevant « les requérants ne démontrent pas, ni même n'allèguent que le parc de stationnement ne sera pas en fonction au moment de l'ouverture au public du musée » ; ce qui tend à confirmer qu’un équipement futur ne peut être pris en compte pour apprécier la légalité d’un permis de construire que pour autant, notamment, que sa réalisation soit prévue à brève échéance.

    Cette précision nous semble toutefois avoir été apportée également pour justifier que la Cour se dispense d’établir si les délais de réalisation du parc de stationnement pouvaient être considérés comme quasi-certains à la date de délivrance du permis de construire contesté…

    Mais pour être complet, on précisera qu’en revanche, la circonstance que le parc de stationnement en cause n’ait vocation à être réalisé par le titulaire du permis de construire attaqué n’avait en elle-même aucune incidence dans la mesure où :

    • d’une part, et d’une façon générale, le permis de construire revêt un caractère réel et non pas personnel et est donc par principe indépendant de toute considération liée à la personne devant réaliser le projet ainsi autorisé ;
    • d’autre part, et plus spécifiquement, l’exception introduite par l’arrêt « Ville de Grenoble » vaut « notamment en cas d'intervention de plusieurs maîtres d'ouvrage » ; ce qui ne signifie cependant pas qu’il s’agisse d’une condition nécessaire ou suffisante.

    Quoi qu’il en soit on relèvera que la Cour a souligné que la demande de permis de construire le MUCEM avait été établie en prenant précisément en compte le parc de stationnement en cause ; ce dont il résulte que sur ce point cet arrêt nous semble pouvoir être rapproché de celui par lequel la Cour administrative d’appel de Nancy avait accepté de prendre en compte la réalisation d’un aménagement futur dès lors qu’il était inscrit au POS communal et que le pétitionnaire l’avait intégré à son plan masse.

    Il reste que dans cette affaire, l’aménagement en cause consistait en un élargissement d’un chemin rural existant…

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés