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JURISURBA - Page 64

  • Permis d’aménager valant autorisation de construire : premiers éléments de réponse sur la mise en œuvre de la procédure prévue par l’article L.441-2 du Code de l’urbanisme

    Le bâtiment administratif et les installations techniques d’un centre de stockage de déchets sont accessoires aux alvéoles de stockage dont la réalisation relève pour sa part du permis d’aménager. Par voie de conséquence, l’ensemble peut donner lieu à un permis d’aménager au titre de l’article L.441-2 du Code de l’urbanisme.

    TA. Orléans, 18 décembre 2009, Cne de Bucy-Saint-Liphard & Cne de Huisseau-sur-Mauves, req. n°09-01896


    S’il appelle peu de commentaires, voici un arrêt intéressant en ce qu’il constitue, à notre connaissance, l’une des premières applications de l’article L.441-2 du Code de l’urbanisme, lequel introduit l’une des deux formes de « fusion » d’autorisations prévues par le dispositif entrée en vigueur le 1er octobre 2007.

    Aux termes des articles L.441-1 et L.451-1 du code de l’urbanisme que le permis de construire et le permis d’aménager pourront, si le pétitionnaire le souhaite, valoir permis de démolir ou, plus précisément, autorisation de démolition.

    Antérieurement, en effet, lorsqu’une opération de construction impliquait également des travaux de démolition assujettis à permis de démolir, l’opérateur devait tout à la fois solliciter un permis de construire et un permis de démolir et ce, de façon concomitante puisqu’aux termes de l’ancien article R.421-3-4 du code de l’urbanisme le dossier de demande de permis de construire devait justifier d’une demande de permis de démolir, à défaut de quoi le permis de construire éventuellement obtenu était illégal et encourrait l’annulation, y compris si une demande de permis de démolir avait effectivement été présentée mais sauf à ce que cette autorisation ait été obtenue avant la délivrance du permis de construire.

    Les articles L.441-1 et L.451-1 du Code de l’urbanisme offrent ainsi la possibilité – il ne s’agit pas d’une obligation – de prévoir que le permis de construire ou le permis d’aménager vaudra permis de démolir.

    Pour ce faire, il incombe au pétitionnaire de le préciser dans sa demande et de faire apparaître dans le dossier s’y rapportant qu’elle porte à la fois sur des travaux de construction ou d’aménagement ainsi que sur des travaux de démolition. Mais à défaut d’user de cette faculté, le pétitionnaire devra encore justifier du dépôt d’une demande de permis de démolir (C.urb, art. R.431-21, nouv.).

    Et plus de deux ans après son entrée en vigueur, force est de constater que cette procédure connait un joli succès puisqu’aujourd’hui il est rare que le pétitionnaire du permis de construire sollicite distinctement un permis de démolir.

    Il faut dire que cette procédure n’a quasiment que des avantages. En effet, l’usage de cette faculté ne semble pas devoir avoir pour conséquence de globaliser le risque de contentieux puisque dans l’hypothèse où le permis de construire ou d’aménager valant également autorisation de démolir serait illégal du fait d’une irrégularité relative à l’opération de démolition, le juge administratif pourra a priori se borner à prononcer l’annulation partielle du permis attaqué en ce qu’il vaut autorisation de démolition.

    S’il est vrai que les travaux de construction ou d’aménagement et les travaux de démolition sont ainsi regroupés au sein d’une même autorisation et qu’ils présentent un caractère indissociable puisque le plus souvent les travaux de construction ou d’aménagement ne pourront pas être opérés tant que n’auront pas été accomplis les travaux de démolition, il reste qu’une autorisation unique recouvrant en réalité plusieurs d’autorisations est à cet égard divisible et qu’antérieurement, l’illégalité et l’annulation éventuelles d’un permis de démolir n’avaient aucune incidence sur la régularité et le sort contentieux du permis de construire alors même qu’en considération de leur éventuelle indissociabilité, les travaux de démolition pouvaient reporter le délai de validité du permis de construire.

    On voit donc mal pourquoi l’irrégularité de l’opération de démolition devrait affecter d’illégalité l’ensemble du permis de construire ou d’aménager faisant application de la faculté offerte par les nouveaux articles L.441-1 et L.451-1 du code de l’urbanisme.

    En outre, le champ d’application de cette procédure est aussi clair que simple : dès lors que l’exécution des travaux ou aménagements projetés implique au préalable une opération de démolition exigeant un permis de démolir, le permis de construire et le permis d’aménager peuvent alors valoir autorisation de démolition.

    Or, force est d’admettre que tel n’est pas le cas de la procédure prévue par l’article L.441-2 du code de l’urbanisme dont il résulte que « lorsque les travaux d'aménagement impliquent, de façon accessoire, la réalisation par l'aménageur de constructions et d'installations diverses sur le terrain aménagé, la demande de permis d'aménager peut porter à la fois sur l'aménagement du terrain et sur le projet de construction ».

    La mise en œuvre de cette procédure implique dont que le projet de construction requiert un caractère accessoire par rapport au projet d’aménagement ; toute la difficulté étant de définir comment ce caractère accessoire doit être apprécié.

    C’est à cette question que le jugement commenté ce jour apporte quelques éléments de réponse.

    Dans cette affaire, le pétitionnaire avait sollicité et obtenu un permis d’aménager portant sur un centre de stockage de déchets, lequel impliquait 

    - d’une part, la réalisation de seize alvéoles de stockage, impliquant des affouillements et des exhaussements d’une superficie de 121.150 mètres carrés, d’une profondeur de 5,50 mètres et d’une hauteur de 24,40 mètres ;
    - d’autre part, un bâtiment administratif, une dalle, une bascule et une torchère représentant une SHOB de 308 mètres carrés.

    CLIS.jpgCe permis d’aménager devait toutefois être contesté ; les communes requérantes soutenant notamment que le projet aurait du donner lieu dans son ensemble à un permis de construire comme le permettait l’article R.421-19 k) du Code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il soumet à permis d’aménager « à moins qu'ils ne soient nécessaires à l'exécution d'un permis de construire, les affouillements et exhaussements du sol dont la hauteur, s'il s'agit d'un exhaussement, ou la profondeur dans le cas d'un affouillement, excède deux mètres et qui portent sur une superficie supérieure ou égale à deux hectares ». Mais ce moyen devait donc être rejeté par le Tribunal administratif d’Orléans au motif suivant :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R.421-19 du code de l’urbanisme : « Doivent être précédés de la délivrance d'un permis d'aménager : (…) k) A moins qu'ils ne soient nécessaires à l'exécution d'un permis de construire, les affouillements et exhaussements du sol dont la hauteur, s'il s'agit d'un exhaussement, ou la profondeur dans le cas d'un affouillement, excède deux mètres et qui portent sur une superficie supérieure ou égale à deux hectares » qu'aux termes de l'article L.441-2 du même code : « Lorsque les travaux d'aménagement impliquent, de façon accessoire, la réalisation par l'aménageur de constructions et d'installations diverses sur le terrain aménagé, la demande de permis d'aménager peut porter à la fois sur l'aménagement du terrain et sur le projet de construction. Dans ce cas, la demande de permis d'aménager ne peut être instruite que si le demandeur a fait appel à un architecte lorsque le projet de construction n'entre pas dans le champ des dérogations prévues par l'article L.431-¬3 » ;
    Considérant que les communes requérantes soutiennent, d'une part, que les travaux d'affouillements et d'exhaussements pour lesquels le permis d'aménager a été sollicité par la société Setrad relèvent d'un permis de construire, ces travaux étant nécessaires à l'implantation du centre de stockage de déchets ultimes, d'autre part, que le projet de construction du bâtiment administratif de la torchère, du dallage en béton et de la bascule, accessoires au bâtiment, ne relèvent pas d'un permis d'aménager mais d'un permis de construire que, toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier que les travaux d'affouillements et d'exhaussements nécessaires à la réalisation notamment des seize alvéoles de stockage des déchets d'une superficie chacune de 5 000 m2 et de la digue périphérique de la zone de stockage des déchets, dont au demeurant la profondeur, la hauteur et la superficie de 121 150 m2 excèdent les limites fixées par les dispositions de l'article R.421-19 du code de l'urbanisme précité, constituent des travaux qui sont nécessaires au fonctionnement même d'un centre de stockage de déchets; que ces travaux de terrassement ne peuvent dès lors être regardés comme des travaux accessoires à la construction du bâtiment administratif et relèvent d'un permis d'aménager que, d'autre part, la construction du bâtiment administratif, ne présentant qu'une surface hors œuvre nette de 110 m², de la torchère prévue pour l'élimination des biogaz et de la bascule constituent des travaux accessoires aux travaux de terrassement précités et pouvaient dès lors être également autorisés, en application des dispositions de l'article L.441-2 du code de l'urbanisme, par le permis d'aménager contesté ; que, par suite, le moyen doit être écarté
    ».


    Pour déterminer, le caractère accessoire du projet de construction par rapport au projet d’aménagement, deux critères doivent ou tout le moins peuvent être mis en œuvre.

    D’une part et s’en réelle surprise, un critère matériel impliquant d’établir l’importance des composantes du projet relevant du champ d’application du permis de construire.

    Sur ce point, on peut cependant relever qu’il ne s’agit pas d’apprécier l’importance intrinsèque de ces composantes mais leur importance relative au regard de celle des composantes du projet soumises à permis d’aménager.

    D’autre part, et cela est plus original bien que les autorisations d’urbanisme aient depuis peu vocation à s’intéresser à la fonction des équipements à réaliser, un critère fonctionnel, donc, impliquant en substance de rechercher l’élément essentiel du projet ; si celui-ci relève du permis d’aménager, les composantes du projet relevant du permis de construire revêtirons donc un caractère accessoire et le projet pourrait donc relever de la procédure prévue par l’article L.441-2 du Code de l’urbanisme.

    Mais finalement ce qui nous parait le plus intéressant dans le jugement commenté tient aux interrogations qu’il génère sur le caractère obligatoire ou facultatif de cette procédure et, surtout, sur son articulation avec l’article R.421-19 k) du Code de l’urbanisme, d’ailleurs visé par ce jugement.

    Rappelons en effet que l’article L.441-2 du Code de l’urbanisme précise que « lorsque les travaux d'aménagement impliquent, de façon accessoire, la réalisation par l'aménageur de constructions et d'installations diverses sur le terrain aménagé, la demande de permis d'aménager peut porter à la fois sur l'aménagement du terrain et sur le projet de construction ». A priori, il s’agit donc d’une simple faculté.

    Mais pour sa part, l’article soumet à permis d’aménager « les affouillements et exhaussements du sol dont la hauteur, s'il s'agit d'un exhaussement, ou la profondeur dans le cas d'un affouillement, excède deux mètres et qui portent sur une superficie supérieure ou égale à deux hectares » mais ce, « à moins qu'ils ne soient nécessaires à l'exécution d'un permis de construire » : dans ce cas l’ensemble doit relever du permis de construire (sur le régime antérieur, voir ici & là).

    Il reste qu’un projet de construction peut par ailleurs inclure des travaux d’affouillement et/d’exhaussement sans qu’à proprement parler, ces derniers ne « soient nécessaires à l’exécution d’un permis de construire » mais sans pour autant qu’ils soient l’élément essentiel du projet, rendant ainsi accessoires les composantes relevant du champ d’application du permis de construire.

    Dans ce cas, et à faire une lecture stricte des deux articles précités, ce projet impliquerait donc l’obtention de deux autorisations distinctes : un permis de construire pour les constructions et un permis d’aménager pour les travaux d’affouillements et d’exhaussement.

    Or, ces deux composantes du projet peuvent néanmoins présenter un rapport d’interdépendance fonctionnelle les rendant indissociables l’une de l’autre ; ce seul lien fonctionnel suffisant à rendre applicable le principe selon lequel une opération formant un tout unique doit relever d’une seule et même autorisation.

    Tel était d’ailleurs le cas dans cette affaire puisque si les alvéoles de stockage constituent le propre d’un centre de stockage, il reste qu’en l’espèce du moins son fonctionnement impliquait également la construction du bâtiment administratif, de la dalle, de la bascule et de la torchère qui, pour leur part, auraient n’avaient aucune raison d’être sans ses alvéoles. Dans cette mesure, ces alvéoles impliquant la réalisation de travaux d’affouillement et d’exhaussement étaient donc nécessaires à un projet de construction impliquant, à tout le moins isolément, un permis de construire ; étant précisé qu’à notre sens, par les termes « nécessaires à l'exécution d'un permis de construire », il faut en effet comprendre « nécessaires au projet » dès lors que d’une façon générale le Code de l’urbanisme ne s’intéresse pas aux modalités d’exécution des autorisations qu’il vise.

    De ce fait, il nous semble donc pas que le permis d’aménager prévu par l’article L.441-2 du Code de l’urbanisme et le permis de construire visé par l’article R.421-19 k) soient deux procédures exclusives l’une de l’autre. Et par voie de conséquence, le fait qu’un projet puisse donner lieu à un permis d’aménager au titre de l’article L.441-2 ne s’oppose pas nécessaire à ce que le pétitionnaire obtienne un permis de construire incluant les travaux visés par l’article R.421-19 k).

    Et d’ailleurs, force est de préciser que dans cette affaire le pétitionnaire avait également obtenu, pour le même projet, un permis de construire dont le recours dirigé à son encontre devait être rejeté au motif que « la seule circonstance que le permis d’aménager, délivré à la même date que le permis de construire attaqué, ait également autorisé, par la mise en application régulière des dispositions de l’article L.441-2 du Code de l’urbanisme, le bâtiment et la torchère, n’est pas de nature à entacher d’illégalité le permis de construire attaqué » (TA. Orléans, 18 décembre 2009, Cne de Bucy-Saint-Liphard & Cne de Huisseau-sur-Mauves, req. n°09-01896).

     

     

    Patrick E. DURAND

    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris

    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur la notion d’extension limitée de l’urbanisation au sens de l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme appliquée aux permis de construire au sein d’un lotissement

    Dans un lotissement, l’appréciation de l’importance de l’urbanisation emportée par l’exécution d’un permis de construire s’opère indépendamment de l’urbanisation pouvant résulter de l’autorisation de lotir initiale ou de celles résultant de permis de construire ultérieurs. En revanche, elle implique de tenir compte de celle induite par les permis de construire antérieurement délivrés dans ce même lotissement.

    CE. 30 décembre 2009, Association pour la protection du littoral Rochelais, req. n°315.966


    Voici un arrêt important – il sera d’ailleurs publié au Recueil – en ce qu’il illustre la spécificité de la « Loi littoral » ; spécificité telle qu’avouons-le d’emblée, nous n’avons pas (encore ?) tout compris à cette décision…

    litto.jpgDans cette affaire, un lotissement de deux « lots à construire » avait été autorisé le 12 septembre 2003. Puis, le 28 mai 2004, un premier permis de construire fut délivré sur le lot n°1 et le 5 novembre 2004 un second portant sur le lot n°2 fut obtenu par une société distincte de celle titulaire du premier. Mais ces deux permis de construire devaient faire l’objet de recours en annulation notamment fondés sur la méconnaissance de l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme ; l’association requérante soutenant que, pris globalement, ces deux permis de construire emportaient une extension ne revêtant pas un caractère limité comme l’impose cet article dont on rappellera qu’il dispose que « l'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée doit être justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau ».

    Toutefois, tant le Tribunal administratif de Poitiers que la Cour administrative de Bordeaux rejetèrent ce moyen et ce, après avoir apprécié isolément l’impact de chacun des projets autorisés par les deux permis de construire contestés.

    Mais en cassation, le Conseil d’Etat devait donc censurer partiellement cette modalité d’appréciation en jugeant que :

    « Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée doit être justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau (...) ; que, pour apprécier la légalité de l'arrêté du 28 mai 2004 relatif à l'îlot n° 1 du lotissement au regard de ces dispositions, la cour administrative d'appel de Bordeaux a relevé qu'eu égard, d'une part, à la situation du terrain d'assiette de ce projet, proche du rivage mais jouxtant un espace déjà urbanisé, d'autre part, à la destination des constructions envisagées et, enfin, à la densité du projet qui autorise la création de dix-sept habitations d'une surface hors oeuvre nette de 2 593 m² sur un terrain d'assiette de 8 290 m², soit un coefficient d'occupation des sols de 0,3, l'extension de l'urbanisation autorisée par ce permis de construire présentait un caractère limité ; qu'en statuant ainsi, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'en particulier, il appartenait à la cour, comme elle l'a fait, d'apprécier l'extension d'urbanisation résultant de ce seul permis de construire du 28 mai 2004 et non celle pouvant résult er de l'autorisation de lotir du 12 septembre 2003 ou celle résultant globalement du permis de construire dont elle était saisie et de celui du 5 novembre 2004, ce dernier étant postérieur à l'acte attaqué ;
    Sur le bien-fondé de l'arrêt n° 06BX00203 de la cour administrative d'appel de Bordeaux :
    Considérant que, pour apprécier la légalité de l'arrêté du 5 novembre 2004 du maire de La Rochelle autorisant la SARL BSP Promotion à réaliser un groupe d'habitations dans l'îlot n° 2 du lotissement Besselue Sud au regard des dispositions précitées du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, il appartenait à la cour administrative d'appel de Bordeaux de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce à la date d'édiction de cet arrêté ; qu'en jugeant que l'extension de l'urbanisation autorisée par ce second projet présentait un caractère limité, sans porter d'appréciation globale sur la conformité aux dispositions du II de l'article L. 146-4 de l'ensemble de l'opération immobilière autorisée par le permis de construire délivré le 28 mai 2004 au titre de l'îlot n° 1 du lotissement et par ce second permis, relatif à l'îlot n° 2 du même lotissement, la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt n° 06BX00203 du 10 mars 2008 doit être annulé
    ».


    En substance, la Haute Cour a donc estimé que l’appréciation de l’importance de l’urbanisation emportée par l’exécution d’un permis de construire doit s’opérer indépendamment de l’urbanisation pouvant résulter de l’autorisation de lotir initiale ou de celles résultant de permis de construire ultérieurs mais doit tenir compte, en revanche, de celle induite par les permis de construire antérieurement délivrés dans ce même lotissement.

    Il allait sans dire qu’il n’y avait pas à prendre en compte l’importance de l’urbanisation susceptible de résulter de permis de construire ultérieurs dès lors qu’il s’agit de l’application pure et simple de la règle selon laquelle, hors fraude du pétitionnaire, la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance, indépendamment donc de toute considération liée aux éléments de fait postérieures, et dont il résulte qu’à cette date, l’administration, en vertu du principe d’indépendance des procédures, n’est pas même réputée avoir connaissance des autres demandes d’autorisation en cours d’instruction.

    En revanche, il est plus surprenant qu’il n’y ait donc pas non plus lieu de prendre en compte l’ensemble de l’urbanisation susceptible de résulter de l’autorisation de créer le lotissement sur lequel porte le permis de construire considéré.

    Certes on pourrait y voir une conséquence de l’objet d’une telle autorisation qui n’emporte aucun droit de construire et n’emporte donc en elle-même aucune urbanisation significative. Il reste qu’en l’état de la jurisprudence rendue en la matière, les prescriptions de l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme sont néanmoins opposables aux autorisations de lotissement (pour un exemple récent : CAA. Nantes, 25 juin 2008, SCI Les Roquettes, req. n°08NT00710).

    Partant, deux considérations nous semblent susceptibles d’expliquer la solution retenue sur ce point par le Conseil d’Etat.

    D’une part, il faut rappeler qu’une autorisation de lotissement est une autorisation individuelle créatrice de droits. Or, s’il fallait tenir compte au stade de chaque permis de construire de l’urbanisation susceptible de résulter de l’autorisation de lotissement, ceci aboutirait en substance à exciper de l’illégalité d’une telle autorisation ; possibilité strictement encadrée.

    Il reste que ce n’est qu’à partir du moment où le caractère définitif d’une telle autorisation est établi qu’il n’est plus possible d’exciper utilement de l’illégalité de cette dernière. Mais en l’espèce, force est de constater que le Conseil d’Etat n’a nullement recherché si l’autorisation de lotir du 12 septembre 2003 était ou non devenue définitive au moment où le recours en annulation à l’encontre des permis de construire contestés avait été introduit.

    Mais d’autre part, la solution retenue nous semble également pouvoir justifier par le fait que les autorisations de lotissement et les permis de construire relèvent de législations distinctes ; ce qui nous semble pouvoir expliquer que le Conseil d’Etat a « préféré » considérer qu’il fallait en revanche prendre en compte l’urbanisation résultant des permis de construire antérieurement délivrés dans le lotissement.

    En résumé sur ce point, la solution retenue nous semble résulter du souhait d’éviter que l’opposabilité de l’article L.146-4 du Code de l‘urbanisme dans un lotissement se heurte aux « droits acquis » résultant de l’autorisation s’y rapportant et/ou que dans ce cas, il faille considérer l’urbanisation résultant de l’exécution des permis de construire antérieurement délivrés dans ce lotissement comme une donnée de l’urbanisation existante devant donc être prise en compte pour apprécier, mais alors isolément, l’importance de celle résultant du permis considéré.

    Toutefois, s’agissant des permis de construire, le mode d’appréciation retenu peut également surprendre, d’autant que le Conseil d’Etat s’en est tenu à la seule délivrance antérieure d’un permis de construire, sans qu’il soit établi que celui-ci ait reçu un commencement d’exécution ; la circonstance que les deux permis de construire considérés aient été délivrés à des bénéficiaires différents nous paraissant en revanche sans incidence compte tenu du caractère réel et non pas personnel du permis de construire.

    Néanmoins, le mode d’appréciation retenu nous semble justifié, du moins au regard de la spécificité de la jurisprudence du Conseil d’Etat en matière d’application de la « Loi littoral ».

    En premier lieu, il convient donc d’apprécier l’urbanisation résultant des permis de construire de façon globale et non pas donc isolément, permis par permis.

    Ce mode d’appréciation n’est pas d’une totale nouveauté puisque la jurisprudence du Conseil d’Etat offre quelques exemples de permis de construire dont la légalité a été appréciée globalement ; c’est-à-dire en substance comme s’il s’agissait d’une seule et même autorisation (CE. 25 septembre 1995, Mme Giron, req. n° 120.438).

    Il reste que dans ces cas, ces permis de construire étaient indissociables dès lors qu’ils se rapportaient à ce qu’il était alors convenu d’appeler une opération indivisible (il semble qu’il faille dorénavant s’en tenir à la notion « d’ensemble immobilier unique »). Or, en l’espèce, il ne ressort nullement des termes de l’arrêt commenté que les projets objets des permis de construire contestés présentaient un quelconque lien d’interdépendance.

    Précisons toutefois que, hors du cas visé par l’arrêt « Ville de Grenoble » et du cas des prescriptions financières l’assortissant, un permis de construire est divisible lorsqu’en fait, il autorise deux projets totalement distincts dont chacun aurait pu donner lieu à un permis de construire : il s’agit donc d’un même arrêté qui, en fait, recouvre deux permis de construire distincts et autonomes. C’est pourquoi l’annulation partielle de tels permis a toujours été possible, bien avant l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme.

    Il reste que cette règle connait une exception notable puisque pour application de la « Loi littoral », le Conseil d’Etat a jugé que :

    « Considérant que, si les terrains d'assiette des constructions autorisées par l'arrêté du 2 novembre 1988 sont compris dans l'emprise d'un port de plaisance dont la création a été autorisée par un arrêté du préfet, commissaire de la République de la Haute-Corse, en date du 4 décembre 1986 et dont l'aménagement et l'exploitation ont été concédés par la commune de Ville-di-Pietrabugno le 5 janvier 1987 à la société du port de Toga S.A., et si certains d'entre eux doivent faire l'objet de travaux de remblaiement en vue de leur exondement, tous ces terrains constituent des espaces proches du rivage de la mer au sens des dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme à l'application desquelles ne font pas obstacle celles de l'article 27 de la loi susvisée du 3 janvier 1986 ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué autorise l'édification d'un ensemble immobilier destiné à des activités d'hôtellerie, de commerce et de bureau et comportant une superficie hors oeuvre brute de 18 006 mètres carrés et une superficie hors oeuvre nette de 10 890 mètres carrés ; que si les dispositions de l'arrêté attaqué présentent un caractère divisible en ce qu'elles sont relatives, d'une part, aux bâtiments E, F 1, I et J et, d'autre part, aux bâtiments F 2, G 1, G 2 et H, l'ensemble immobilier constitue, en raison de ses caractéristiques, une même opération dont la conformité avec les prescriptions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme doit être appréciée globalement ; qu'en raison de son importance, l'opération envisagée par la société du port de Toga S.A. ne peut être regardée comme une extension limitée de l'urbanisation au sens de ces prescriptions ; qu'ainsi, en accordant le permis de construire sollicité, le maire de Ville-Di-Pietrabugno a méconnu lesdites prescriptions ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête du syndicat des copropriétaires de la "Résidence du Cap", celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a rejeté les conclusions de sa demande dirigée contre les dispositions de l'arrêté du 2 novembre 1988 autres que celles qui ont pour objet d'autoriser l'édification des bâtiments F 2, G 1, G 2 et H » (CE. 10 mai 1996, Sté Port de Toga, req. n°140.799).

    Si la divisibilité d’un permis ne s’oppose donc pas à ce que l’opération qu’il autorise soit appréciée dans sa globalité pour application de l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme, force est donc d’admettre que la légalité d’un permis de construire sur ce point doit s’apprécier globalement en tenant compte d’autres permis de construire dès lors que :

    • d’une part, ces derniers sont antérieurs à la date délivrance du permis de construire considéré ;
    • d’autre part, il est possible de les rattacher à une même opération, en l’occurrence un lotissement.

    Mais en second lieu, il faut donc souligner que ce mode d’appréciation ne vaut que pour le second permis de construire puisque la légalité du premier doit donc, puisqu’il est antérieur, s’apprécier au regard du seul projet qu’il autorise.

    A cet égard, la finalité de la solution retenue nous semble comparable à celle ayant en la matière conduit le Conseil d’Etat à faire une application pour le mois extensive de la jurisprudence « Thalamy ».

    Comme le sait, en effet, il faut en droit de l’urbanisme dissocier les constructions matériellement existantes de celles juridiquement existantes puisqu’en effet, une construction édifiée sans autorisation d’urbanisme, en vertu d’une autorisation devenue caduque ou d’une autorisation annulée n’a aucune existence légale malgré son existence physique ; sauf à être ultérieurement régularisée par un permis de construire spécifiquement obtenu à cet effet et lui-même légal ou, à tout le moins, définitif.

    Mais compte tenu du caractère réel, et non pas personnel, de la législation sur les autorisations de construire, la circonstance que celui qui envisage la réalisation de travaux portant sur une construction dépourvue d’existence légale n’ait en rien participé à l’édification de celle-ci n’aura strictement aucune incidence (CAA. Lyon, 24 février 1994, M. X…, req. n°92LY01466).

    En revanche, lorsque les travaux projetés portent sur une construction dissociable de celle irrégulièrement autorisée, il n’a en principe pas lieu de régulariser au préalable cette dernière (notre note : « Aménagement accesoire d'une construction illégale: permis de construire, modificatif ou déclaration préalable ? », CE, 9 janvier 2009, Ville de Toulouse, AJDA, n°11/ 2009) .

    Toutefois, pour application de l’article L.146-6 du Code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a jugé que l’existence de constructions édifiées en exécution de permis de construire ultérieurement annulés et n’ayant pas fait l’objet d’une régularisation ne pouvait pas être prise en compte et qu’en d’autres termes, même nombreuses, ces constructions illégales ne faisaient pas perdre à leur lieu d’implantation son caractère d’espace remarquable au sens de cet article (notre note : « Les constructions illégales ne peuvent pas être prises en compte pour apprécier le caractère urbanisé d’un site pour application de l’article L.146-6 du Code de l’urbanisme », CE. 27 septembre 2006, Cne du Lavandou, AJDA, n°39/2006) ; cette solution rejoignant d’ailleurs celle retenue par les Cours administratives d’appel s’agissant des constructions pouvant être prise en compte pour application de l’article L.146-4.I du Code de l’urbanisme et la qualification d’espaces urbanisées au sens de ce dernier (CAA. Nantes, 10 juin 1998, Cne de Lagonna-Daoulas, req. n°97NT01421 ; CAA. Marseille, 10 novembre 2004, Crts Busciazzo, req. n°01MA00314).

    En effet, toute interprétation contraire de l’article L.146-6 du Code de l’urbanisme aurait permis, tout d’abord, d’obtenir illégalement un ou plusieurs permis de construire dans un espace protégé du littoral, ensuite, d’obtenir un ou plusieurs autres permis de construire dans ce même espace et ce, régulièrement cette fois-ci puisqu’en considération de l’existence physique de constructions précédemment réalisées, nonobstant donc l’annulation des permis de construire les ayant autorisés pour, enfin, régulariser les constructions initiales par l’obtention de permis de construire délivrés au regard des constructions réalisées en exécution des permis de construire régulièrement obtenus entre temps…

    Or, il nous semble que la solution retenue par l’arrêt commenté ce jour peut également s’expliquer par la volonté d’éviter le contournement des dispositions en cause par le jeu d’une pluralité de permis de construire délivrés successivement.

    Il reste qu’au terme de cette analyse, nous avons toujours autant de mal à comprendre pourquoi il ne faut pas prendre en compte ce que prévoit en amont l’autorisation de lotissement sur lequel porte les permis de construire…

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

    A LIRE SUR LE SUJET:

  • Veille administrative : 3 réponses ministérielles

    Texte de la question (Publiée au JOAN du 06/10/2009 ; p. 9352) : « M. Alain Cousin attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur les délais induits par les révisions simplifiées du plan d'occupation des sols. En effet, la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la loi de solidarité et renouvellement urbains, complétée par la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 relative à l'urbanisme et à l'habitat, prévoit qu'un plan d'occupation des sols demeure en vigueur jusqu'à l'adoption du plan local d'urbanisme (PLU). Depuis la loi urbanisme et habitat (UH) du 2 juillet 2003, la révision d'urgence est remplacée par la révision simplifiée. La procédure de révision simplifiée, procédure accélérée de révision du plan d'occupation des sols et à terme du plan local d'urbanisme, doit permettre la réalisation d'un projet. Il est prévu qu'elle doit intervenir avant le 1er janvier 2010 pour les POS. Or la réalisation de cette révision est en pratique délicate dans la mesure où la durée moyenne de cette procédure est d'environ six à dix mois. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer s'il envisage un délai supplémentaire, au-delà du 1er janvier 2010, permettant aux communes concernées la mise en oeuvre de la procédure de révision simplifiée ».

    Texte de la réponse (Publiée au JOAN du 05/01/2010 ; p. 115) : « Initialement possible sans conditions de délais, la révision simplifiée des plans d'occupation des sols (POS), mise en place par la loi « Solidarité et renouvellement urbains » (SRU) du 13 décembre 2000, a été peu à peu encadrée et limitée dans le temps. La loi n° 2002-1 du 2 janvier 2002 relative au statut des sociétés d'économie mixte locales précise que les anciennes dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme demeurent applicables aux POS, même s'ils font l'objet d'une révision simplifiée (à l'époque dénommée révision d'urgence), mais à condition que cette révision intervienne avant le 1er janvier 2004. La loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 relative à l'urbanisme et à l'habitat a ensuite précisé que l'ensemble des révisions simplifiées des POS devait intervenir avant le 1er janvier 2006. Ce délai a finalement été prorogé jusqu'au 31 décembre 2009 par la loi de programme n° 2006-450 du 18 avril 2006 sur la recherche. Les communes ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents ont donc disposé de neuf années pour mettre en oeuvre des révisions simplifiées de POS. À ce jour, aucun nouveau texte prorogeant le délai prévu à l'article L. 123-19 b du code de l'urbanisme n'est prévu. En effet, les POS prennent bien moins en compte les principes du développement durable et la protection des espaces naturels que ne le font les plans locaux d'urbanisme (PLU). Ils se limitaient à préciser le droit des sols et appliquaient souvent des règles de densité et de taille de terrains contradictoires avec l'objectif d'utilisation économe du sol et de limitation de la consommation des espaces agricoles et naturels. Les objectifs du Grenelle de l'environnement encourageront les communes et les EPCI à élaborer des PLU, notamment en limitant dans le temps les possibilités de révision simplifiée des POS. En outre, le passage au PLU n'est pas nécessairement long et coûteux. L'élaboration des PLU intercommunaux, par exemple, permet des économies d'échelle à tous niveaux (procédures, études), ce qui allège le coût général du processus et conduit au développement de l'intercommunalité. Le coût de l'élaboration d'un PLU doit être rapporté aux avantages qu'en retire la commune ou l'EPCI. Il s'agit, en effet, d'un coût ponctuel qui sera rentabilisé par les nouvelles possibilités de maîtrise de l'aménagement et de l'urbanisme offertes par le PLU. Enfin, la révision de documents dont la conception initiale commence à dater réellement n'est souvent plus à même de répondre aux enjeux actuels d'aménagement et de développement des communes. Les communes ou EPCI compétents encore couverts par un plan d'occupation des sols doivent donc le faire évoluer en plan local d'urbanisme (PLU), afin de pouvoir bénéficier de la procédure de révision simplifiée après le 31 décembre 2009. La révision générale du POS, qui aboutira à le transformer en PLU, restera possible après cette date ».

     

    Texte de la question (Publiée au JOAN du 31/03/2009 ; p. 3026) : « M. Michel Lezeau attire l'attention de Mme la ministre du logement sur la durée de validité des permis de construire. Le Gouvernement a pris des dispositions pour proroger d'office la durée de validité des permis de construire. Il conviendrait, en parrallèle, que l'exigibilité des taxes découlant de ce permis (TLE, TRE...) fasse l'objet d'un différé de paiement. Tout report de délai est en effet actuellement refusé et la seule solution est de demander l'annulation du permis de construire délivré ! Ceci risque de remettre en question tous les projets en cours. Et lorsque le marché repartira, il faudra probablement un délai relativement long pour refaire les dossiers et purger les recours. Tous les particuliers et les promoteurs étant concernés par cette question, il lui demande de bien vouloir lui indiquer ce qui pourrait être entrepris afin de remédier rapidement à cette situation ».

    Texte de la réponse (Publiée au JOAN du 05/01/2009 ; p. 177) : « La prorogation d'un an, par le décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008, des autorisations d'occupation du sol en cours, ainsi que de celles délivrées ultérieurement jusqu'au 31 décembre 2010, a été décidée par le Gouvernement afin de ne pas empêcher la mise en oeuvre de projets de construction différés actuellement pour des raisons conjoncturelles telles que celles évoquées dans la présente question. En revanche, la prorogation parallèle d'un an des délais de paiement actuels des taxes de l'urbanisme en deux échéances à dix-huit et trente-six mois à compter de la date de délivrance du permis de construire, ou le report du paiement de la taxe locale d'équipement (TLE) en fonction de l'ouverture réelle du chantier, a été écartée par le Gouvernement pour les motifs suivants. Outre l'efficacité non avérée de cette mesure et les risques d'insolvabilité induits par l'allongement des délais de paiement, sa mise en oeuvre aurait très sensiblement alourdi les tâches des services d'assiette ainsi que celles de recouvrement des comptables du Trésor, notamment en raison du nécessaire contrôle de l'ouverture réelle des chantiers préalablement à l'émission des avis d'imposition. En conséquence, cette dernière procédure a toujours été écartée en raison de la majoration significative des coûts d'assiette qu'elle générerait. Les délais actuels de recouvrement des taxes d'urbanisme à dix-huit et trente-six mois constituent une exception au recouvrement immédiat de l'impôt. Ces délais résultent d'un compromis entre la prise en compte des aléas rencontrés par les constructeurs et la protection des budgets des collectivités territoriales. Enfin, il convient de rappeler que le nouvel article L. 278 du livre des procédures fiscales, issu de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, accorde désormais des délais de paiement particulièrement avantageux aux constructeurs dont le permis de construire est attaqué par un tiers. Le paiement des impositions afférentes à leur décision juridictionnelle est devenu définitif. Il n'est donc pas envisagé de modifier les échéances actuelles à dix-huit et trente-six mois de recouvrement des taxes d'urbanisme ».

     

    Texte de la question (Publiée au JOAN du 09/06/2008 ; p. 5530) : « M. Jean-Pierre Schosteck appelle l'attention de Mme la ministre du logement sur la réforme des permis de construire et des autorisations d'urbanisme en vigueur depuis le 01 octobre 2007 et les incidences qu'il en résulte sur le rôle de la commune en matière de sécurité dans les immeubles d'habitat collectif. En effet, la réforme semble avoir exclu l'obligation qui existait précédemment de consulter la brigade des sapeurs-pompiers ainsi que, d'ailleurs dans certaines zones, l'inspection générale des carrières. La réforme a établi une liste supposée exhaustive des pièces qui doivent être jointes à la demande de permis de construire mais n'y figurent pas ni les plans de niveau ni la notice de sécurité. Ainsi donc, un certain nombre de précisions pourtant fort utiles semblent être placées sous la seule responsabilité du maître d'ouvrage, exception étant faite pour les établissements recevant du public et les immeubles de grande hauteur. Il lui demande, par conséquent, si le maire peut malgré tout intervenir dans ce domaine de la sécurité de ces immeubles dans le cas d'une autorisation d'urbanisme: soit en recueillant l'avis de la brigade des sapeurs-pompiers en dehors de l'instruction des permis de construire ; soit en exigeant du maître d'ouvrage une attestation s'engageant à respecter les règles définies par le code de la construction et de l'habitation, notamment en matière de sécurité et d'accessibilité, dans la demande de permis de construire, à l'exemple de l'attestation réclamée lorsque la construction projetée est contenue dans un plan de prévention des risques approuvés(article R. 431-16 du CU). »

    Texte de la réponse (Publiée au JOAN du 22/12/2009 ; p. 12343) : « La réforme du code de l'urbanisme entrée en vigueur le 1er octobre 2007 a entendu respecter au plus près le principe de l'indépendance des législations. Ainsi, la délivrance des autorisations de construire doit se faire exclusivement sur la base des règles d'urbanisme, sauf lorsque le code prévoit explicitement, et, pour des cas précis, l'articulation entre l'instruction du projet au titre du code de l'urbanisme et l'instruction au titre d'une autre réglementation. Au rang de ces cas figurent les projets portant sur les établissements recevant du public et les immeubles de grande hauteur pour lesquels (art. R. 425-14 et 15 du code de l'urbanisme) un accord au titre du code de la construction et de l'habitation (CCH) est requis avant l'octroi d'un permis de construire. Sauf dans ces deux hypothèses, il n'est pas envisageable d'exiger du demandeur des pièces susceptibles de vérifier la conformité du projet au CCH. Toute demande en ce sens irait à l'encontre de l'esprit et du texte du code de l'urbanisme tel que rédigé actuellement : les autorisations d'urbanisme ne sanctionnent plus le respect des règles incendies (sauf exceptions citées plus haut) et il n'existe plus de base législative ou réglementaire sur lesquelles se fonder pour réclamer d'éventuels attestations, engagements, ou avis. Ces derniers ne sauraient offrir, en conséquence, un moyen juridiquement valable pour refuser une autorisation ou l'assortir de prescriptions. Cependant, tout porteur de projet, en signant sa demande d'autorisation de travaux, atteste avoir « pris connaissance des règles générales de construction prévues par le chapitre 1er du titre 1er du code de la construction et de l'habitation » (dernier encadré du formulaire identifié comme « l'engagement du déclarant » en application de l'article R. 431-2 du code de l'urbanisme). Enfin, si l'autorité compétente a la faculté de consulter le service départemental incendie et sécurité (SDIS), lors de l'instruction d'une autorisation d'urbanisme, c'est pour vérifier les conditions d'accès du terrain d'assiette et s'assurer en particulier de l'existence des réseaux permettant de faire face à un éventuel incendie (réalité de la desserte en eau), de façon à s'assurer que le projet ne risque pas d'entraîner des atteintes à la santé et à la salubrité publiques au sens du R. 111-2 du code de l'urbanisme ».

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur l’utilité du recours gracieux à l’encontre d’une décision de non-opposition à déclaration préalable

    Malgré l’alinéa 1er de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme, un recours gracieux à l’encontre d’une décision de non-opposition à déclaration préalable conserve le délai de recours contentieux à l’encontre de cette décision.

    CE. 20 novembre 2009, Pascal E. & Autres, req. n°326.236


    Bien qu’elle appelle peu de commentaires, voici une décision attendue, et donc d’importance, s’agissant du contentieux de la décision de non-opposition à déclaration préalable.

    Dans cette affaire, les requérants avaient introduit, le 4 août 2008, un recours gracieux à l’encontre d’une décision de non-opposition à déclaration préalable affichée sur le terrain des opérations le 16 juillet précédent. Ce recours gracieux devait cependant faire l’objet d’une décision implicite de rejet, le 4 octobre suivant.

    En conséquence, les requérants exercèrent, le 26 novembre 2008, un recours en annulation à l’encontre de cette décision de non-opposition ; recours que le Président du Tribunal administratif de Marseille devait toutefois rejeter, par ordonnance, comme manifestement irrecevable au regard de l’article R.600-2 du Code de l’urbanisme et, en d’autres termes, comme tardive.

    Mais sur transmission de la Cour administrative d’appel de Marseille, saisie par les requérants, le Conseil d’Etat devait donc juger que :

    « considérant que, sauf dans le cas où des dispositions législatives ou réglementaires ont organisé des procédures particulières, toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux qui interrompt le cours de ce délai ;
    Considérant que, pour rejeter comme tardive la demande des requérants tendant à l'annulation de la décision implicite du maire de Marseille de ne pas s'opposer à la déclaration de clôture de Mme A, l'ordonnance attaquée se fonde sur ce que leur demande n'a été enregistrée que le 26 novembre 2008 au greffe du tribunal administratif de Marseille, alors que cette décision avait fait l'objet, le 16 juillet 2008, d'un affichage qui avait fait courir le délai de recours contentieux en application de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis qu'un recours gracieux interrompant ce délai avait été présenté par les requérants le 4 août 2008 et notifié à l'auteur de la décision de non-opposition et à son bénéficiaire, comme le prévoit l'article R. 600-1 du même code, et que ce délai avait couru à nouveau pour sa totalité à compter du rejet implicite de ce recours gracieux, intervenu le 4 octobre suivant, de sorte que la demande présentée au tribunal n'était pas tardive, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit »
    ;


    et donc estimer que le recours gracieux précédemment exercé avait prorogé le délai de recours contentieux à l’encontre de la décision contestée, lequel avait donc couru à nouveau le 4 octobre 2009 (date de formation de la décision implicite de rejet de ce recours) pour expirer le 4 décembre suivant. Présenté et enregistré au greffe le 26 novembre 2008, le recours en annulation était donc bien recevable au regard de l'article R.600-2.

    La solution n’était pas si évidente dès lors que la déclaration avait été formulée, la décision de non-opposition acquise et le recours gracieux exercé après l’entrée en vigueur de la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 dite « Loi ENL ».

    En effet :

    - d’une part, pour être qualifié comme tel, un recours gracieux doit solliciter, même maladroitement ou dans des termes inappropriés, le retrait de la décision en cause ;
    - d’autre part, l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi susvisée dispose que : « la décision de non-opposition à la déclaration préalable ne peut faire l'objet d'aucun retrait ».

    Il n’était pas donc pas si évident qu’un recours gracieux tendant au prononcé d’un retrait qu’en principe l’autorité compétente ne saurait légalement édicter puisse conserver le délai de recours contentieux à l’encontre d’une décision de non-opposition à déclaration préalable.

    Il reste que les conditions de délais ayant toujours encadré les possibilités ouvertes à l’administration de prononcer le retrait de ses décisions créatrices de droit ne se sont jamais opposées à ce que l’administration puisse retirer à toute époque, et sans aucune condition de délai donc, les autorisations obtenues par fraude puisque, précisément, les autorisations entachées de fraude ne créaient pas de droits acquis au profit de leur titulaire.

    Dès lors, l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme ne s’oppose donc pas, selon nous, au retrait d’une décision de non-opposition motivée par la fraude du déclarant.

    Mais dans la mesure où, hors du cas où le retrait est sollicité par le déclarant, seule la fraude de ce dernier peut légalement motiver le retrait d’une telle décision de non-opposition, force est d’admettre qu’un recours gracieux à l’encontre d’une telle décision n’a d’intérêt et d’utilité qu’à la condition que le requérant invoque la fraude du déclarant.

    Il s’ensuit qu’en dehors de cas, et quel que soit le bien fondé des griefs opposés à la décision de non-opposition, un recours gracieux à l’encontre de cette décision est nécessairement voué au rejet.

    Partant, on aurait donc pu penser que dorénavant un recours gracieux à l’encontre d’une décision de non-opposition à déclaration préalable n’interrompait le délai de recours gracieux à l’encontre de cette décision qu’à la condition d’être fondé sur la fraude du déclarant puisque si tel n’est pas le cas du recours considéré, force est alors de regarder celui-ci comme entrepris dans le seul but d’interrompre le délai de recours contentieux.

    Toutefois, il ressort de l’arrêt commenté ce jour que tout recours gracieux à l’encontre d’une décision de non-opposition interrompt ce délai et ce, quels que soient les moyens présentés à l’appui de ce recours.

    Une telle solution nous parait justifier.

    En premier lieu, il faut préciser que l’utilité du recours gracieux trouve sa cause dans l’obligation faite à l’administration compétente de retirer, sous certaines conditions, un acte dont elle constate illégalité ; ce qu’elle peut faire spontanément, sans être saisie d’un tel recours donc.

    Il s’ensuit que les moyens présentés par l’auteur d’un recours gracieux ne lient aucunement l’administration, laquelle peut donc parfaitement retirer la décision contestée pour un motif totalement étranger à ceux invoqués par le recours. Pour ce qui nous intéresse ici, la circonstance que le requérant invoque ou non la fraude du déclarant n’a donc aucune incidence sur la possibilité offerte à l’administration de retirer la décision de non-opposition à déclaration pour ce motif.

    En second lieu, une telle restriction de l’effet interruptif du recours gracieux à l’encontre d’une décision de non-opposition n’aurait en fait eu aucun intérêt dans la mesure où :

    - d’une part, pour contourner une telle restriction, il aurait alors suffit l’alléguer systématiquement la fraude du déclarant ; le fait qu’elle soit établie ou non ne pouvant avoir aucune incidence sur recevabilité du recours contentieux ultérieure ;
    - d’autre part, il faut rappeler que le recours gracieux n’est pas le seul « recours » administratif susceptible d’interrompre le délai contentieux puisque, lorsque l’autorisation d’urbanisme contestée a été délivrée par une commune ou un EPCI, les tiers ont à cet effet la possibilité de saisir le Préfet de Département aux fins, non pas qu’il l’a retirer, mais qu’il défère l’autorisation contestée à la censure du juge administratif.

    Une telle restriction n'aurait donc pas nécessairement produit l'effet escompté... 

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés