Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

JURISURBA - Page 59

  • Quand le défaut de production de l’étude d’impact au dossier n’affecte pas la légalité du permis de construire

    Lorsque l’autorité compétente a eu connaissance de l’étude d’impact dans le cadre de l’instruction de la première demande de permis de construire, le défaut de production de ce document dans le nouveau dossier de demande n’affecte pas d’illégalité le second permis de construire dès lors que les modifications apportées au projet ne sont pas substantielles.

    CAA. Douai, 1er juillet 2010, Sté Cicobail, req. n°08DA00429



    Rendu en formation plénière, voici un arrêt d’importance ; d’autant qu’il nous permet de faire part de nos très vielles interrogations sur « l’utilité » de l’étude d’impact dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis de construire, du moins dans certains cas.

    On le sait, l’ancien article R.421-2 8° du Code de l’urbanisme comme l’actuel article R.431-16 f) impose au pétitionnaire de produire à son dossier une étude l‘impact lorsqu’elle est prévue en application du Code de l’environnement.

    Ce document peut être exigible dans deux cas : soit, parce ce que le projet de construction est en lui-même assujetti à cette obligation ; soit, par voie de conséquence, dans la mesure où la demande se rapporte à un projet pour laquelle cette étude d’impact est requise à un autre titre.

    Tel est le cas lorsque la demande de permis de construire se rapporte à une installation classée pour la protection de l’environnement soumise à autorisation d’exploiter.

    installation classée 2.jpgQuelle que soit l’importance et les caractéristiques intrinsèques de la construction, le pétitionnaire doit alors produire à son dossier de demande de permis de construire l’étude d’impact requise à ce titre. Il en va ainsi y compris lorsque les travaux objets de la demande de permis de construire porte sur une installation existante dès lors que ces travaux correspondent à une modification de ses conditions d’exploitation nécessitant une nouvelle autorisation au titre de la législation environnementale (CAA. Marseille, 21 février 2007, ANPER, req. n°03MA00068).

    Cette règle de procédure à longtemps fait l’objet d’une application stricte. Ainsi, dès lors que cette étude d’impact n’était pas jointe au dossier de demande de permis de construire, le permis de construire obtenu dans ces conditions encourrait systématiquement la censure, y compris lorsque ce document avait été néanmoins établi et produit au dossier de demande d’autorisation d’exploiter et quand bien même la délivrance de cette autorisation et celle du permis de construire relevaient-elles de la même autorité (CAA. Nantes, 28 juin 2002, Ministre de l’Equipement, req. n°00NT02080) Application stricte mais néanmoins parfaitement conforme :

    • d’une part, au principe d’indépendance des législations et des procédures ;
    • d’autre part, à la règle selon laquelle l’administration est réputée statuer sur une demande d’autorisation d’urbanisme au seul regard du dossier produit par le pétitionnaire.

    Précédemment, c’est d’ailleurs ce qu’avait elle-même jugé la Cour administrative d’appel de Douai (CAA. Douai, 12 avril 2007, Cne d’Oudezeelle, req. n°06DA01023).

    Cette règle devait toutefois connaitre un assouplissement substantiel grâce à l’arrêt par lequel le Conseil d’Etat a jugé que « considérant, toutefois, que lorsqu'une étude d'impact a été réalisée et portée à la connaissance, en temps utile, de l'autorité chargée d'instruire la demande de permis de construire, la seule circonstance qu'elle n'ait pas figuré, en méconnaissance du 8° du A de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme, dans le dossier joint à la demande de permis de construire ne suffit pas à faire regarder comme remplie la condition tenant à l'absence d'étude d'impact prévue à l'article L. 122-2 du code de l'environnement » (CE. 13 juillet 2007, SIETOM, req. n°294.603).

    Force était toutefois d’admettre que cette décision était propre à la lettre et à l’objet de l’article L.122-2 du Code de l’environnement qui dispose que : « si une requête déposée devant la juridiction administrative contre une autorisation ou une décision d'approbation d'un projet visé au second alinéa de l'article L. 122-1 est fondée sur l'absence d'étude d'impact, le juge des référés, saisi d'une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée ».

    Mais quoi qu’il en soit, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai va donc au-delà en faisant expressément référence, dans le cadre d’un recours en annulation, à la règle dégagée par l’arrêt précité du Conseil d’Etat.

    Dans cette affaire, la société requérante avait obtenu une autorisation d’exploiter délivré au vu d’un dossier comportant une étude d’impact et deux permis de construire se rapportant à l’installation à exploiter. Ultérieurement, le pétitionnaire devait toutefois solliciter et obtenir le retrait de ces deux permis de construire ainsi qu’un permis unique portant sur l’ensemble de projet.

    Ce permis d’ensemble devait toutefois être délivré au vu d’un dossier ne comportant pas d’étude d’impact ; motif pour lequel cette autorisation devait être annulée en première instance. Mais pour sa part, la Cour administrative d’appel de Douai devait donc juger que :

    « Considérant que lorsqu'une étude d'impact a été réalisée et portée à la connaissance, en temps utile, de l'autorité chargée d'instruire la demande de permis de construire, la seule circonstance qu'elle n'ait pas figuré, en méconnaissance du 8° du A de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme, dans le dossier joint à la demande de permis de construire, ne suffit pas à faire regarder comme entachant d'illégalité le permis de construire délivré ; qu'il en va, notamment, ainsi dans le cas où une telle étude a été réalisée et produite préalablement à la délivrance d'un premier permis de construire et qu'elle n'est pas de nouveau produite à l'occasion de l'instruction d'une nouvelle demande de permis portant sur le même projet, sous réserve que ce dernier n'ait pas fait l'objet de modifications qui, par leur nature et leur importance, conduiraient à faire regarder cette nouvelle demande comme différant substantiellement de la précédente ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'une étude d'impact a été réalisée le 7 août 2001 dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement requise notamment pour les activités de peinture exercées dans le bâtiment de tôlerie ; qu'il n'est pas contesté que cette étude a été jointe au dossier de demande de permis de construire déposée le 30 juillet 2001 et complétée le 17 septembre 2001, et a ainsi été portée à la connaissance du maire de Saint-Léonard avant que celui-ci ne délivre tant les permis de construire en date du 26 décembre 2001 que celui en date du 14 juin 2004 ; que la circonstance, à la supposer même établie, que cette étude n'ait pas été jointe à l'occasion de cette nouvelle demande, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'illégalité le permis de construire litigieux ; que si le projet présenté le 1er août 2003 différait sensiblement des précédents, du fait de l'agrandissement du bassin de rétention porté de 4 400 mètres à 5 246 mètres cubes et de l'ajout de quatre cheminées, ces modifications, eu égard à leur caractère limité au regard de l'ensemble du projet, ne constituent pas des circonstances de nature à faire regarder la nouvelle demande comme différant substantiellement de la précédente ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur l'absence d'étude d'impact jointe au dossier de demande de permis de construire pour annuler l'arrêté en date du 14 juin 2004
    ».


    Le moyen tiré du défaut d’étude d’impact au dossier de demande a donc été écarté dans la mesure où :

    • d’une part, ce document avait été produit au dossier de demande d’au moins un des deux précédent permis ;
    • d’autre part, le projet objet du permis de construire contesté ne différait pas substantiellement du projet autorisé par les deux précédentes autorisations.

    Bien que la Cour ait repris le « considérant » de l’arrêt précité du Conseil d’Etat (CE. 13 juillet 2007, SIETOM, req. n°294.603), sa décision nous parait néanmoins parfaitement orthodoxe au regard de règles jurisprudentielles bien antérieures à cet arrêt.

    On sait, en effet, que le juge administratif fait depuis longtemps preuve d’une certaine tolérance et souplesse en considérant qu’une nouvelle demande de permis de construire n’a pas nécessairement à refaire l’objet d’une instruction complète dès lors que le projet n’a pas été substantiellement modifié ; la circonstance que le premier permis de construire ait été annulé ou retiré n’ayant aucune incidence sur ce point.

    Or, l’étude d’impact prévue par l’article R.431-16 du Code de l’urbanisme n’étant qu’une pièce parmi d’autres, on voit mal pourquoi il devrait en aller autrement s’agissant de ce document ; d’autant plus lorsque l’étude d’impact est requise au dossier dans la seule mesure où le projet porte sur une installation classée pour la protection de l’environnement soumise à autorisation d’exploiter.

    Il faut en effet souligner que l’article précité précise que le dossier de demande de permis de construire comporte « l'étude d'impact, lorsqu'elle est prévue en application du code de l'environnement ». En outre, si l’étude d’impact est requise dans le cas d’une demande de permis de construire portant sur une installation classée soumise à autorisation d’exploiter, nonobstant la dispense prévue par l’article R.122-6 du Code de l’environnement c’est dans la mesure où l’article R.122-7 précise que « les dispenses d'étude d'impact résultant des dispositions du tableau de l'article R. 122-6 ne sont pas applicables aux catégories d'aménagements, ouvrages et travaux figurant au tableau de l'article R. 122-5 ».

    L’étude d’impact requise au titre de l’article R.431-16 du Code de l’urbanisme est donc celle imposée en application de l’article R.122-5 (10°) du Code de l’environnement. Comme l’illustre l’arrêté commenté et l’arrêt du Conseil d’Etat dont il procède, l’étude à joindre au dossier de demande de permis de construire est celle à produire au dossier de demande d’autorisation d’exploiter et, en d’autres termes, « l'étude d'impact relative à l'installation classée » (CAA. Nantes, 25 juin 2008, Cne de Bucy, req. n°07NT03015).

    Mais rappelons dès lors que les éventuelles erreurs, omissions ou carences affectant un dossier de demande de permis de construire n’ont d’incidence sur la légalité de l’autorisation délivrée dans ces conditions que pour autant qu’elles aient faussé l’appréciation que les services instructeurs ont pu faire de la conformité du projet au regard des normes qu’un permis de construire a vocation à sanctionner en application de l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme.

    C’est ainsi qu’il a pu être jugé que le fait que l’étude d’impact jointe à un dossier de demande de permis de construire une installation classée ne traite pas des conditions de remise en état du site après exploitation était sans incidence sur la légalité de l’autorisation obtenue puisqu’il s’agit d’une considération étrangère à la légalité d’un permis de construire (CAA. Bordeaux, 15 juin 2005, Association Vigilance et Intervention pour l’Environnement, req. n°05BX02044).

    Il est vrai qu’il s’agit là d’un point particulier d’une étude d’impact relative à une installation classée. Mais pourquoi devrait-il en aller autrement sur les autres aspects du projet saisis par ce document.

    Pour l’essentiel, en effet, une étude relative à une installation classée a trait à l’impact de l’activité à exploiter. Et pour cause puisque tel est l’objet de l’autorisation d’exploiter délivrée au titre de la législation environnementale.

    Or, comme on le sait, il est de jurisprudence bien établie qu’un permis de construire portant sur une installation classée ayant précédemment fait l’objet d’une autorisation d’exploiter n’a pas vocation à sanctionner les effets de l’activité de cette installation puisque leur contrôle relève de la seule autorisation d’exploiter (CE. 10 octobre 1994, Sté Euroliants, req. n°111.167 ; CE. 15 février 2007, Cne de Fos-sur-Mer, req. n°294.852).

    Il s’ensuit donc que, pour l’essentiel, l’étude d’impact à produire au dossier de demande de permis de construire fournit à l’autorité compétente pour statuer sur cette demande des renseignements ayant trait à des aspects du projet qu’une telle autorisation n’a pas vocation à sanctionner.

    Sans conclure au caractère totalement superfétatoire de ce document dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis de construire se rapportant à une installation classée, il nous semble néanmoins que plutôt que de sanctionner systématiquement les vices substantielles affectant l’étude d’impact par l’annulation du permis de construire, le juge devrait considérer que les éventuelles carences d’une étude d’impact ayant trait à des aspects du projet saisis par l’autorisation d’exploiter ne saurait avoir aucun effet sur la légalité d’un permis de construire dès lors qu’elles n’ont pu avoir aucune incidence sur l’appréciation que les services instructeurs ont pu faire de la conformité du projet au regard des normes qu’un tel permis a vocation à sanctionner.

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Comment établir l’assujettissement éventuel d’un projet à la procédure du permis de construire valant division ? Peut-on régulariser un permis de construire délivré en méconnaissance des articles R.421-7-1 (anc.) ou R.431-24 (nouv.) par un modificatif ?

    Même en l’absence d’indication précise dans le dossier produit par le pétitionnaire, l’assujettissement de la demande à la procédure de permis de construire valant division peut se déduire de la seule conception du projet. Mais lorsque le dossier initial ne comporte pas les pièces conséquemment requises, ce vice peut être régularisé par un simple « modificatif ».

    CAA. Lyon, 17 août 2010, Louis B., req. n°08LY02140 / CAA. Nancy, 10 juin 2010, Mme Anne A., req. n°09NC00357



    Aujourd’hui, deux arrêts offrant une solution somme toute classique mais nous permettant d’aborder une question jamais traitée ici : la régularisation d’une autorisation initiale au regard de la procédure du permis de construire valant division.

    ensemble pavillonnaire.jpgDans la première affaire (req. n°08LY02140), un promoteur avait obtenu sur deux terrains distincts deux permis de construire portant sur la réalisation d’ensemble d’habitations ; le premier prévoyant quatre maisons individuelles, le second en prévoyant huit.

    Mais chacun de ces deux permis devait être contesté au motif tiré de la méconnaissance de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme ; les requérants soutenant que le projet impliquait la division du terrain d’assiette du terrain à construire alors que le dossier ne comportait pas les pièces requises en pareil cas par cet article.

    La procédure du permis de construire valant division n’est en effet pas une faculté mais une obligation. Dès lors que le projet relève du champ d’application de l’actuel article R.431-24 du Code de l’urbanisme, le pétitionnaire doit produire à son dossier les pièces conséquemment exigibles.

    Par voie de conséquence, le seul fait qu’un dossier de permis de construire ne comporte pas les pièces requises ne signifie pas nécessairement que son projet ne relève pas de la procédure de permis de construire valant division.

    Or, s’il est facile d’établir si le projet implique la construction de plusieurs bâtiments sur le même terrain, c’est-à-dire sur la même unité foncière, il est moins évident de déterminer si sa réalisation implique une division foncière du terrain.

    En effet, le seul fait qu’un même projet implique la réalisation de plusieurs bâtiments sur un même terrain ne suffit pas à établir la division foncière de ce dernier. En outre, dans le cadre d’un projet soumis à l’actuel article R.431-24 du Code de l’urbanisme, la division éventuelle du terrain n’a pas vocation à être réalisée avant l’obtention du permis de construire puisque c’est ce dernier qui autorise cette division. Au surplus, l’exercice d’un recours en annulation se traduisant souvent par le gel de la réalisation du projet et de sa commercialisation, il est pour le moins rare que ces divisions aient été réalisées au moment où le juge est amené à se prononcer sur la requête.

    S’agissant du premier permis de construire attaqué dans cette affaire, cette question fut toutefois facile à trancher :

    « Considérant, d'une part, qu'il est constant que la rubrique n° 363, relative à l' Utilisation principale envisagée , du formulaire de la demande de permis de construire du lot B, lequel prévoit la construction de quatre maisons, indique qu'une vente ou une location-vente est envisagée ; qu'en défense, la ville de Dijon et la SARL La Côte d'Orienne ne contestent pas que l'ensemble immobilier projeté doit être ultérieurement régi par les dispositions de la loi susvisé du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ; qu'un tel régime comporte une division en parties affectées à l'usage de tous et en parties affectées à l'usage exclusif des copropriétaires, chacun d'eux disposant d'un droit de jouissance privative exclusif sur sa maison individuelle et le terrain attenant ; qu'ainsi, la construction par ladite société de plusieurs maisons d'habitation, pour un seul propriétaire, mais destinées dans l'avenir à être vendues à des propriétaires différents, entre dans le champ d'application de l'article R. 421-7-1 précité du code de l'urbanisme ; qu'il est constant que le dossier de la demande de permis ne comporte pas la note de présentation prévue à l'article R. 315-5 a) du code de l'urbanisme, auquel renvoie l'article R. 421-7-1 ; qu'il est également constant que les différentes pièces, relatives à la constitution d'une association syndicale, prévues à l'article R. 315-6 dudit code, auquel renvoie également l'article R. 421-7-1, n'ont pas été produites par le pétitionnaire, alors pourtant que des équipements communs sont prévus ; qu'en conséquence, M. B et Mme B sont fondés à soutenir que l'arrêté attaqué qui autorise le lot B a été délivré en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme ».

    Dès lors que le pétitionnaire avait lui-même indiqué que les maisons à bâtir étaient destinées à la vente et qu’il n’était pas contesté que le projet relevait du régime de la copropriété, il était clair que le projet relevait de la procédure alors prévue par l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme (CE. 8 février 1999, Cne de La Clusaz, req. n°171.94 ; CAA. Lyon, 10 juin 1997, Sté MGM, req. n°96LY00389)..

    Sur ce point, on rappellera d’ailleurs que l’actuel article R.431-24 du Code de l’urbanisme ne modifie pas la donne : le fait que le projet relève dans son ensemble de la copropriété ne l’exclue pas de cette procédure mais a pour seul effet de dispenser le pétitionnaire d’avoir à produire le projet de constitution d’une association syndicale pour gérer les voies et espaces communs éventuellement prévus par le projet.

    En revanche, ni le formulaire « CERFA », ni les pièces du dossier de la demande ayant abouti au second permis de construire ne comportaient d’indication sur le mode d’utilisation et commercialisation des maisons à construire. Pour autant, la Cour a donc également considéré que ce projet relevait de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme :

    « Considérant, d'autre part, que la même rubrique 363 du formulaire de la demande de permis de construire du lot A, qui prévoit la construction de huit maisons, n'a pas été renseignée ; que, dès lors que la nature du projet laissait clairement penser que le statut de la copropriété des immeubles bâtis est susceptible de s'appliquer, le maire de la ville de Dijon ne pouvait délivrer le permis de construire en l'absence de toute précision sur l' Utilisation principale envisagée , alors que le dossier de la demande de permis ne comportait pas les documents requis par l'article R. 421-7-1 précité du code de l'urbanisme dans l'hypothèse d'une division en propriété ou en jouissance, à savoir la note de présentation prévue à l'article R. 315-5 a) et les différentes pièces relatives à la constitution d'une association syndicale prévues à l'article R. 315-6 ; que, dans ces conditions, M. B et Mme B sont également fondés à soutenir que l'arrêté litigieux autorisant le lot A a été délivré irrégulièrement ».

    En l’absence de toute autre indication, la Cour s’est donc exclusivement fondée sur la conception d’ensemble du projet ce qui – à notre connaissance – est une première puisque si la jurisprudence offre de nombreux exemples où cette « conception » a été prise en compte, cet élément d’appréciation a toujours été combiné à d’autres (CE. 27 avril 1994, M. Vuillerme, req. n°139.238).

    D’ailleurs, en l’absence de tout élément avéré, certaines Cour ont préféré adopté une position différente. C’est ainsi qu’à l’égard d’un projet de trois bâtiments regroupant dix logements, la Cour administrative de Nantes a jugé que :

    « Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la parcelle servant d'assiette à l'ensemble immobilier de dix logements autorisé devait faire l'objet d'une division ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'absence au dossier de demande de permis de construire des documents exigés par les articles R. 315-5, R. 315-6 et R. 421-7-1 du code de l'urbanisme alors en vigueur, en cas de division de la parcelle servant d'assiette au projet faisant l'objet du permis de construire contesté est inopérant » (CAA. Nantes, 8 avril 2008, Cne d’Arradon, req. n°07NT02525).

    En revanche, on sait que pour exclure le projet du champ d’application tant de la règlementation sur les lotissements que de la procédure du permis de construire valant division, la Cour administrative d’appel de Versailles puis le Conseil d’Etat se sont fondés sur la circonstance que le pétitionnaire avait expressément précisé dans son dossier que les cinq maisons à construire étaient destinées à la location division (CE. 7 mars 2008, Cne de Mareil-le-Guyon, req. n°296.287).

    Mais le nouvel article R.431-24 génère sur ce point une véritable problématique puisqu'il conviendra dorénavant d'établir non seulement que l'opération implique une division foncière mais en outre que cette division a vocation à intervenir avant l'achèvement du projet...

    A ce stade, il faut ainsi constater que les permis de construire attaqués ont été exclusivement annulés au motif tiré de la méconnaissance de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme, les dossiers produits par le pétitionnaire ne comportant pas les pièces alors prévues par les anciens articles R.315-5 (a) et R.315-6 ; étant rappelé que sous l’empire de ce dispositif le plan de division n’était requis que lorsque le pétitionnaire entendait ventiler la SHON constructible du terrain d’origine entre les différents lots à créer (il est aujourd’hui systématiquement requis mais a contrario ne permet pas de s’opposer à l’article 14 d’un règlement de POS/PLU imposant d’appliquer le COS lot par lot).

    Or, il est toujours curieux de voir des permis de construire annuler du seul fait d’un vice se rapportant à la composition du dossier de demande puisque l’on sait qu’en principe, toute irrégularité sur ce point peut aisément être corrigée par un simple « modificatif ».

    C’est précisément ce qu’a fait le pétitionnaire dans la seconde affaire (req. n°09NC00357) où le permis de construire attaqué avait été contesté au motif tiré de la méconnaissance de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme, le dossier initial ne comportant pas la notice prévue par l’ancien article R.315-5 (a).

    En effet, le pétitionnaire obtint ultérieurement un « modificatif » délivré au vu d’un dossier comportant cette notice, ce qui régularisa le permis initial et rendit sans objet le moyen présenté sur ce point à son encontre :

    « Considérant, en troisième lieu, que lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure les respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises ; que les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial ; qu'aux termes des dispositions alors en vigueur de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme: Lorsque la demande de permis de construire porte sur la construction, sur un même terrain, par une seule personne physique ou morale, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, le dossier présenté à l'appui de la demande est complété par les documents énumérés à l'article R. 315-5 (A) (...) et qu'aux termes de l'article R. 315-5 dudit code : Le dossier joint à la demande est constitué des pièces ci-après : a) Une note exposant l'opération, précisant ses objectifs et indiquant les dispositions prévues pour assurer l'insertion dans le site, le respect de l'environnement et la qualité de l'architecture et pour répondre aux besoins en équipements publics ou privés découlant de l'opération projetée (...) ; que, si le dossier de la demande du permis de construire délivré le 17 octobre 2005 à la société immobilière de la Wantzenau ne comportait pas la note requise par les dispositions précitées, il ressort des pièces du dossier que ce document figurait dans le dossier de la demande du permis de construire modificatif accordé à ladite société le 16 février 2006 ; qu'ainsi, la requérante ne peut plus invoquer utilement la méconnaissance des dispositions précitées ».

    Mais bien que ce moyen n’ait apparemment pas été soulevé par les requérants et bien que cet arrêt soit quelque peu « imprécis » sur ce point puisque :

    - d’une part, on ne sait si le dossier initial comportait certaines des autres pièces visées par l’ancien article R.421-7-1 ;
    - d’autre part, on peut même se demande si le projet relevait de la procédure du permis de construire valant division dès lors que sur le moyen tiré de la méconnaissance de la règlementation sur les lotissements la Cour a jugé que : « la construction par la société immobilière de la Wantzenau, seule maître d'ouvrage, sur une même unité foncière, constituée des parcelles cadastrées BX n° 52/12 et BX n° 12, de deux maisons et de trois logements collectifs ne constitue pas un lotissement au sens des dispositions précitées, dès lors que cette opération n'implique aucune division foncière » ;

    cette décision soulève en toute hypothèse une question : est-il si évident de régulariser un permis initialement délivré en méconnaissance de l’ancien article R.421-7-1 ou de l’actuel article R.431-24.

    La réponse n’est pas si simple puisqu’il faut déterminer la nature de l’autorisation résultant d’un dossier ne comportant aucune des pièces par les articles précités. Cette question est en effet essentielle puisqu’elle est déterminante de l’objet et des effets de l’autorisation de régularisation ultérieure. En substance, on peut la résumer comme suit : l’autorisation initiale constitue-t-elle néanmoins un permis de construire valant division, ce dont il résulterait que la régularisation à opérer serait d’ordre strictement formelle ou s’agit-il d’un permis simple dont la régularisation implique en fait de le transformer en un permis de construire valant division.

    A notre sens, l’autorisation obtenue dans ces conditions est un permis simple et, par voie de conséquence, sa régularisation emporte sa transformation en un permis de construire valant division.

    En effet, le permis de construire se borne à autoriser le projet présenté par le pétitionnaire dans son dossier de demande. C’est donc la demande et les pièces du dossier qui déterminent la nature de l’autorisation sollicitée et les règles d’instruction applicables au projet.

    On rappellera d’ailleurs que dans l’affaire « François Poncet » (CE. 22 novembre 2002, François Poncet, req. n°204.244), un permis de construire avait initialement été obtenu pour la réalisation d’un hôtel et de quarante maisons individuelles projetées sur treize parcelles distinctes.

    Pour autant, cette autorisation avait été délivrée sur la base d’un dossier ne comportant pas les pièces prévues par l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme. Alors qu’elle était devenue définitive, l’autorisation initiale devait ultérieurement faire l’objet d’une autorisation de transfert partiel et d’un permis modificatif. Sans changer le nombre de constructions projetées, ces deux autorisations eurent toutefois pour effet de porter le nombre de parcelles à créer de treize à quarante. C’est en conséquence, que ces deux autorisations délivrées par l’administration en tant que simples « modificatifs » furent requalifiées en nouveaux permis de construire ; le Conseil d’Etat précisant que :

    « Considérant (…) qu'il ressort des pièces du dossier que le permis de construire initial délivré le 18 mai 1982 à la société Le Grand Carénage prévoyait l'édification d'un hôtel et de quarante maisons individuelles sur treize parcelles référencées au cadastre AW 11 à AW 23, alors que les arrêtés contestés ont été pris sur la base d'une nouvelle division parcellaire des terrains d'assiette intervenue postérieurement au permis initial, le permis délivré le 15 novembre 1990 à la société Le Grand Carénage portant sur un hôtel et vingt-deux maisons situées sur vingt-deux parcelles cadastrales, et le permis transféré à la même date à la société Immobart autorisant, quant à lui, la construction de dix-huit maisons individuelles situées sur autant de parcelles ; que cette nouvelle division parcellaire, alors que le permis initial n'a pas été instruit en application des dispositions de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme qui permettent une division ultérieure en propriété ou en jouissance des terrains d'assiette, constitue une modification d'une nature et d'une importance telles que les arrêts contestés doivent être regardés non comme des décisions modificatives d'un permis de construire antérieur, mais comme délivrant deux nouveaux permis de construire dont la légalité doit être examinée en elle-même ».

    Faute d’être instruite en application de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme, on voit donc mal comment la demande peut aboutir à la formation d’un permis de construire valant division.

    D’ailleurs, il faut relever que dans ses conclusions sur cette affaire, le Commissaire du gouvernement a souligné que : « il nous semble que des permis modificatifs délivrés sur la base d’une nouvelle division parcellaire modifient nécessairement l’économie d’ensemble du projet initial. Cette nouvelle division a en effet une incidence sur l’application des règles de desserte des terrains d’assiette, de raccordement aux réseaux publics et surtout de distance par rapport aux limites séparatives (…) La solution serait sans doute différente si le permis initial avait été instruit selon les règles du Code de l’urbanisme qui permettent une division ultérieure en propriété ou en jouissance des terrains d’assiette mais tel n’est pas le cas » (Concl. F. Séners, BJDU, n°6/2002, p.443).

    La solution retenue dans cette affaire procédait donc au premier chef du fait qu’un permis de construire simple n’était alors pas instruit dans les mêmes conditions qu’un permis de construire valant division.

    Dans le cas d’un permis de construire simple les règles d’urbanisme opposables au projet sont en effet appliquées à l’échelle de l’ensemble du terrain constituant l’assiette foncière de l’autorisation. En revanche, dans le cas d’un permis de construire valant division, il fallait alors tenir compte des divisions foncières à réaliser pour ainsi appliquer les règles d’urbanisme à l’échelon de chacun des terrains devant résulter de ces divisions.

    De ce fait, cette jurisprudence nous semble aujourd’hui obsolète.

    Aux fins de répondre aux interrogations et aux difficultés générées par la jurisprudence rendue au sujet des modalités d’application des règles d’urbanisme aux opérations impliquant la réalisation de divisions foncières, le dispositif entrée en vigueur le 1er octobre 2007 a comme on le sait introduit au sein du Code de l’urbanisme le nouvel l’article R.123-10-1 : « dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction, sur un même terrain, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, les règles édictées par le plan local d'urbanisme sont appréciées au regard de l'ensemble du projet, sauf si le règlement de ce plan s'y oppose ».

    Si les dispositions de l’article précité ne sont pas d’une extrême clarté, il ressort en revanche clairement des travaux préparatoires à la réforme des autorisations d’urbanisme dont il est issu que sa finalité tend à ce qu’il soit fait « abstraction » des divisions foncières induites par l’opération considérée et, en d’autres termes, que la conformité de cette dernière aux prescriptions d’urbanisme communal lui étant opposables soit appréciée à l’échelle de l’ensemble du terrain d’assiette de l’opération et non pas à l’échelon de chacun des « lots » susceptibles de résulter desdites divisions.

    Il s’ensuit notamment qu’une demande de permis de construire valant division a par principe vocation à être instruite dans les mêmes conditions qu’une demande de permis de construire simple.

    Par voie de conséquence, la transformation d’un permis simple en un permis de construire valant division, ou l’inverse, n’a en principe aucune incidence sur les modalités d’instruction de la demande initiale. Au regard de la jurisprudence précitée (CE. 22 novembre 2002, François Poncet, req. n°204.244), l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme est donc de nature à permettre que cette transformation s’opère par le jeu d’un simple « modificatif ».

    Il reste que l’article précité précise que la règle de principe qu’il pose vaut « sauf si le règlement de ce plan s'y oppose ». En d’autres termes, les règlements de PLU peuvent donc prévoir que dans le cadre d’une demande de permis de construire valant division notamment les prescriptions fixées par ce règlement ont vocation à s’appliquer non pas à l’échelle de l’ensemble de l’assiette foncière du projet mais à l’échelon de chacun des terrains issus des divisions prévues par le projet. En pareil cas, la transformation d’un permis simple en un permis de construire valant division, ou l’inverse, peut modifier les conditions dans lesquelles la demande initiale a été instruite.

    Toutefois, lorsque les auteurs des PLU décident d’utiliser l’exception prévue par l’article R.123-10-1, ils n’ont pas nécessairement l’obligation de prévoir une règle générale valant pour l’application de l’ensemble des prescriptions du règlement. La mise en œuvre de cette exception peut se limiter à seulement certaines de ces règles, voire comme c’est souvent le cas être circonscrite à seulement l’une d’entre elles, telle notamment l’article 5 du règlement relatif à la superficie minimale des terrains constructibles.

    Dans ce cas, la transformation d’un permis simple en un permis de construire valant division, ou l’inverse, aura certes un impact sur les modalités d’instruction de la demande initiale mais cette modification n’aura qu’une ampleur limitée. Or, contrairement à une idée rependue, rien ne s’oppose à ce que l’assiette foncière d’un permis de construire soit modifiée par le jeu d’un simple « modificatif » (TA. Poitiers, 25 octobre 2007, Mme Servouse, req. n°06-01532) ; la légalité d’une telle modification s’appréciant, comme pour tout autre aspect du projet, en considération de l’importance de la modification ainsi apportée au projet initial (TA. Rouen, 2 mars 1994, Mentionné au Tables du Recueil).

    Par voie de conséquence, de deux choses l’une à notre sens :

    - soit, le règlement de PLU applicable s’oppose à la règle de principe posée par l’article R.123-10 du Code de l’urbanisme pour une part significative des prescriptions édictées par ce règlement et la transformation d’un permis simple en un permis de construire valant division, ou l’inverse, aura un impact significatif sur les modalités d’instruction de la demande initiale : cette transformation impliquera l’obtention d’un nouveau permis de construire ;
    - soit, le règlement de PLU applicable ne s’oppose à la règle de principe posée par l’article R.123-10 que pour un nombre limité des prescriptions édictées par ce règlement et la transformation d’un permis simple en un permis de construire valant division, ou l’inverse, n’aura qu’un impact réduit sur les modalités d’instruction de la demande initiale : cette transformation pourra s’opérer par le jeu d’un simple « modificatif ».

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Les PLU peuvent-ils différencier les règles qu’ils édictent selon d’autres critères que la destination des constructions ?

    Dès lors que les circonstances locales le justifient, les articles L.121-1 et L.123-1 du Code de l’urbanisme permettent aux PLU d’interdire les habitations collectives et limiter le nombre de constructions par unité foncière.

    CAA. Versailles, 10 juin 2010, M. et Mme A, req. n°09VE01586 & 09VE01593



    Comparé à l’ancien article R.123-21 du Code de l’urbanisme relatif aux règlements de POS, la « particularité » de l’article R.123-9 relatif aux règlements de PLU est de préciser que les prescriptions que ces derniers édictent « peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt ». Deux lectures des ces dispositions sont (étaient) possibles :

    - Une lecture permissive au terme de laquelle elles se bornent à consacrer une possibilité reconnue par la jurisprudence aux anciens règlements de POS ;
    - Une lecture restrictive au terme de laquelle les règlements de PLU ne peuvent opérer aucune autre différenciation que celle fondée sur la destination de la construction en cause

    C’est cette seconde lecture qu’a retenu l’administration centrale en précisant notamment que : « de même, le règlement ne peut édicter des règles différentes dans une même zone pour des destinations autres que celles limitativement énumérées à l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme en différenciant, par exemple, les constructions à usage d'habitat individuel et collectif à l'intérieur d'une destination déterminée (l'habitation) » (Rép. min. 06076 ; publiée dans le JO Sénat du 02/04/2009 - page 819 ).

    L’article R.123-9 pris isolément, force est d’admettre que cette lecture est parfaitement recevable et que l’on peut même lui trouver une justification.

    Là où elle devient problématique, c’est au regard de l’économie générale du régime du PLU et, notamment, des objectifs assignés à ces documents par le Législateur à travers les articles L.121-1 et L.123-1 du Code de l’urbanisme qui pour ce faire ne disposerait donc plus que du « zonage », lequel ne permettrait d’ailleurs de réaliser tous ces objectifs et pourrait même aboutir à des situations totalement absurdes.

    Comment en effet assurer la diversité de l’offre commerciale et, notamment, le maintien et/ou le développement du commerce de proximité, si les auteurs des PLU ne peuvent opérer aucune distinction entre les différentes formes de commerces (voir ici) ? En outre, si les PLU ne pouvait interdire les « habitations collectives », le seul moyen de conserver le caractère pavillonnaire d’une zone serait d’y interdire toute nouvelle construction à destination qu’elle qu’en soit la forme….

    Précisément, c’est au seul regard des articles L.121-1 et L.123-1 du Code de l’urbanisme que la Cour administrative d’appel de Versailles a donc jugé :

    « Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme : (...) Les plans locaux d'urbanisme comportent un règlement qui fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durable, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser (...) et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions ; qu'il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme, qui ne sont pas liés par les modalités existantes d'utilisation du sol, de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer, en conséquence, le zonage et les possibilités de construction ; que leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif que dans le cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts ;
    Considérant, d'autre part, que l'article UH 1 litigieux du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Andrésy interdit, notamment, l'habitat collectif dans cette zone à dominante d'habitations individuelles et que l'article UH 2 de ce règlement prescrit, notamment, la limitation des constructions à usage d'habitation à raison d'une construction par unité foncière ;
    Considérant que les auteurs du plan local d'urbanisme de la commune d'Andrésy ont pu, sans erreur de droit, interdire l'habitat collectif en zone UH ; que cette interdiction, combinée à la limitation d'une construction à usage d'habitation par unité foncière prescrite par l'article UH 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, ne saurait être regardée comme instituant une limitation illégale du nombre de logements ou du coefficient d'occupation des sols par unité foncière ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette restriction au droit de construire portée au règlement du plan local d'urbanisme soit incompatible avec les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable, notamment celles d'équilibre entre renouvellement urbain, de développement urbain maîtrisé et de développement de l'espace rural dans un souci de protection des espaces naturels et paysagers, ainsi que d'utilisation économe de l'espace ; que le parti a d'ailleurs été pris, quant à ce dernier objectif, de densifier la proximité immédiate du centre-ville et de préserver la densité moindre de l'urbanisation de la zone UH dont s'agit ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, compte tenu des caractéristiques des terrains situés en zone UH, que la limitation à une seule construction à usage d'habitation par unité foncière soit entachée d'une erreur manifeste d'appréciation
    » (req. n°09VE01593).


    Nonobstant l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme – que la Cour n’évoque d’ailleurs pas – les articles L.121-1 et L.123-1 du Code de l’urbanisme permettent donc aux PLU d’interdire les habitations collectives, pour autant bien entendu que cette interdiction soit justifiée au regard des caractéristiques de la zone ou du secteur où elle a vocation à s’appliquer.

    Mais ces mêmes articles leur permettent donc également de limiter le nombre de constructions par unité foncière.

    Ceci était toutefois plus évident des lors qu’une telle limitation ne heurte en aucune façon les dispositions précitées de l’article R.123-9 qui par ailleurs permettent au règlement de définir « les occupations et utilisations du sol interdites » et « les occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières » ; règles qui constituent l’instrument privilégié pour réaliser les objectifs de l’article L.123-1 en ce qu’il précise que les PLU peuvent « préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être fait ou la nature des activités qui peuvent y être exercées » et « définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées », sans pour autant imposer aux PLU de s’en tenir à la destination des constructions. Et si l’on pourrait faire grief à une telle solution de permettre de contourner les limitations que le législateur a voulu apporter au recours à l’article 5 des règlements locaux d’urbanisme sur la superficie minimale des terrains, il reste que dans cette affaire la Cour nous semble avoir valider la disposition en cause pour des motifs pas si éloigné de l’article L.123-1 en ce qu’il permet à ces règlements de « fixer une superficie minimale des terrains constructibles lorsque cette règle est justifiée (…) pour préserver l'urbanisation traditionnelle ou l'intérêt paysager de la zone considérée ».

    Mais par ailleurs dès lors qu’une seule construction est autorisée par unité foncière, une telle disposition a ipso facto pour effet d’interdire la réalisation d’opérations groupées et permet donc d’opposer un refus à une demande de permis de construire groupé (qu’il vaille ou non division).

    Or, comme on le sait, l’administration centrale considère qu’un règlement d’urbanisme local ne peut légalement interdire les lotissements ou les opérations groupées puisqu’il s’agit de procédures.

    Indirectement, cet arrêt infirme donc la position de l’administration sur ce point, de la même façon d’ailleurs que cette même Cour l’avait fait à l’égard des lotissements (voir ici).

    De la même façon que le lotissement n’est pas une procédure mais un type d’utilisation du sol contrôlé par une procédure, le permis d’aménager ou la déclaration, l’opération groupée est une forme d’occupation du sol contrôlée par une procédure, le permis de construire valant le cas échéant division. Partant, lorsque les circonstances le justifient, on voit donc mal pourquoi un PLU ne pourrait pas interdire directement ou indirectement les opérations groupées.

    NB : Au surplus, à ma connaissance aucune jurisprudence ne dit qu’un POS/PLU ne peut légalement interdire une procédure puisque sauf erreur de ma part (et la rubrique « commentaires » est là pour me corriger le cas échéant), la jurisprudence n’a jamais posé que le principe selon laquelle ces documents ne pouvaient assujettir les demandes d’autorisation à une procédure autre que celle prévue par le Code de l’urbanisme.

    Mais le PLU en cause dans cette affaire illustre les limites de l’exercice en la matière ou, à tout le moins, démontre les précautions que doivent prendre les auteurs de telles dispositions.

    En l’espèce, il semble en effet que le règlement de PLU en cause se bornait à interdire l’édification de plusieurs constructions sur une même unité foncière mais ce, sans préciser la date à laquelle il fallait se placer pour apprécier l’unité foncière en cause.

    Or, en pareil cas, l’unité foncière doit s’apprécier telle qu’elle est constituée à la date à laquelle l’administration statue sur la demande d’autorisation. C’est pourquoi dans cette affaire la Cour a souligné que le terrain sur lequel portait la demande objet du refus contesté non seulement accueillait déjà deux constructions mais en outre n’avait pas été divisé :

    « Considérant, en troisième lieu, qu'une unité foncière est un îlot de propriété d'un seul tenant, composé d'une parcelle ou d'un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux était prévu sur une unité foncière de 3 310 m² comportant déjà deux maisons d'habitation ; que ce terrain n'a fait l'objet d'aucune division ; que l'unité foncière dont s'agit ne pouvait pas, par suite, recevoir une nouvelle construction » (req. n°09VE01586).

    Il semble s’ensuivre que pour contourner cette interdiction et l’objectif ainsi poursuivi, il aurait suffit de diviser au préalable le terrain…

    C’est sur ce point que l’on peut s’interroger sur la légalité de la disposition en cause dès lors que l’on sait, à titre d’exemple, qu’un PLU limitant les possibilités de construction à l’extension limitée des bâtiments existants doit préciser l’époque à laquelle il faut se placer pour apprécier l’importance de l’extension en cause (voir ici).

    Mais pour conclure, et être complet, il faut relever que le requérant soutenait que la commune ne pouvait opposer un refus de permis de construire sur le fondement de son PLU interdisant la construction de plusieurs bâtiments sur une même unité foncière dans la mesure où cette possibilité était prévue par l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme.

    Or, si la Cour a rejeté ce moyen ce moyen ce n’est pas en tant qu’il était inopérant mais parce que le projet objet de la demande ne portait que sur un seul bâtiment : il ne relevait donc pas d’un permis de construire valant division :

    « Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme, lequel était applicable jusqu'au 31 mars 2007 : Lorsque la demande de permis de construire porte sur la construction, sur un même terrain, par une seule personne physique ou morale, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, le dossier présenté à l'appui de la demande est complété par les documents énumérés à l'article R. 315-5 (a) et, le cas échéant, à l'article R. 313-6 ; que les requérants soutiennent que leur projet devait être examiné non au regard du plan local d'urbanisme, mais de ce dernier article, qui rend possible la construction de plusieurs bâtiments sur une même unité foncière devant être divisée ; que, toutefois, le projet litigieux, qui consistait en la construction d'une seule maison d'habitation, par transformation et agrandissement d'un garage existant, ne portait pas sur la construction de plusieurs bâtiments au sens et pour l'application de l'article précité ; qu'en outre, la demande ne comportait les documents prévus à cet article, s'agissant d'une division du terrain en trois lots simplement envisagée par un projet de 1990 auquel les pétitionnaires entendait se référer ; que le moyen doit donc être écarté ».

    Néanmoins, même si tel avait été le cas, la solution n’aurait pas été différente puisqu’en amont et dans les deux affaires, la Cour avait validé l’interdiction édictée par le règlement de PLU en cause indépendamment des autorisations auxquelles elle avait vocation à être appliquée. Et au surplus, on voit mal comment la légalité d’une prescription de fond d’un PLU pourrait être appréciée au regard d’une règle de procédure relative au dossier de demande de permis de construire…

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Peut-on invoquer l’illégalité du permis de construire en vertu duquel un bâtiment à reconstruire à l’identique a été initialement édifié ?

    Dès lors qu’il est devenu définitif, l’illégalité du permis de construire initial ne saurait être excipée, y compris lorsqu’il a été délivré par une autorité territorialement incompétente.

    CAA. Marseille, 7 mai 2010, Cne de Tomino, req. n°08MA01778



    RAS.jpgDans cette affaire, le pétitionnaire avait sollicité un permis aux fins de reconstruire un bâtiment détruit par un sinistre et ce, en application de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme disposant alors : « la reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un sinistre est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié ».

    Ce bâtiment ayant initialement été édifié à cheval sur deux communes, le pétitionnaire présenta comme il le devait sa demande dans chacune des mairies concernées puisque comme on le sait :

    - d’une part et d’une façon générale, un projet de construction à cheval sur le territoire de deux communes doit faire l’objet d’un permis de construire délivré conjointement par les deux autorités compétentes (CE. 26 mars 1997, ADLA, req. n° 172.183) ;
    - d’autre part et plus spécifiquement, « l’identité » requise par l’article L.111-3 précité exige notamment une identité d’implantation (CAA. Marseille, 20 novembre 2009, Michelle A, req. n°07MA03486).

    Mais cette demande devait être rejetée par le Maires des communes concernées, lesquels par une « substitution de motifs » pratiquée en cours d’instance devait exciper de l’illégalité du permis de construire en vertu duquel le bâtiment à reconstruire avait été initialement construire pour ainsi soutenir que ce bâtiment n’avait pas été régulièrement édifié au sens de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme.

    Ce moyen devait cependant être rejeté par la Cour administrative d’appel de Marseille au motif suivant :

    « Considérant, d'une part, que les requérantes excipent de l'illégalité du permis de construire délivré à M. A le 23 novembre 1968 par le maire de Tomino en faisant valoir que la partie du bâtiment dont la construction était projetée sur le territoire de la commune de Meria n'avait pas été autorisée par le maire de cette commune ; que, toutefois, une décision emportant droit de reconstruire un bâtiment, sur le fondement de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, ne peut utilement être contestée par la voie de l'exception d'illégalité de la décision initiale créatrice d'un droit de construire dès lors que cette décision, comme en l'espèce, n'a été ni retirée par l'administration ni annulée par le juge administratif ; que, par suite et, en tout état de cause, le moyen est inopérant et ne peut qu'être écarté ».

    La possibilité d’exciper de l’illégalité du permis de construire initial avait déjà été écartée par le Conseil d’Etat dans un arrêt ayant plus largement permis de définir la notion de construction dotée d’une existence légale au regard du droit de l’urbanisme :

    « considérant qu'aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un sinistre est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié " ; que s'il résulte de ces dispositions que les bâtiments construits sans autorisation ou en méconnaissance de celle-ci, ainsi que ceux édifiés sur le fondement d'une autorisation annulée par le juge administratif ou retirée par l'administration, doivent être regardés comme n'ayant pas été " régulièrement édifiés ", en revanche, un permis de construire délivré sur le fondement des dispositions de cet article ne saurait être utilement contesté au motif de l'illégalité du permis de construire initial ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le permis de construire délivré à M. X... en mars 1969 aurait été entaché d'une erreur manifeste d'appréciation était sans incidence sur la légalité du permis délivré le 17 septembre 2002 aux consorts X... et autorisant la reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un attentat en 1994 ; qu'en estimant néanmoins que ce moyen était propre à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis du 17 septembre 2002, le juge des référés a commis une erreur de droit ».

    Dans cette affaire, le Commissaire du gouvernement STALH avait ainsi expliqué la solution que devait donc retenir la Haute Cour :

    « la délivrance d’un permis de construire constitue une autorisations d’urbanisme qui présente le caractère d’une décision créatrice de droits. Dès lors que cette autorisation est devenue définitive, les droits à construire qu’elle a sanctionnés deviennent intangibles et ne sauraient être remis en cause ni par l’autorité administrative, ni par un tiers, ni même par le juge, quand bien même la décision administrative serait-elle illégale. Il ne pourrait être dérogé par le législateur à ces principes essentiels que de manière expresse et formelle. En traitant de la reconstruction des bâtiments détruits par un sinistre et en usant de la formule de « bâtiments régulièrement édifiés », le législateur ne peut à notre avis être regardé comme ayant entendu déroger à ces principes. L’expression de « construction régulièrement édifiée » nous paraît avoir une signification claire en droit de l’urbanisme : elle vise les constructions édifiées conformément à un permis de construire ».

    Par voie de conséquence, dès lors qu’il n’a pas été annulé ou retiré et qu’il a été régulièrement exécuté, l’illégalité éventuelle du permis de construire en vertu duquel avait été édifié le bâtiment à reconstruire ne saurait être légalement opposée à demande d’autorisation présentée sur le fondement de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme, ni utilement reprochée à l’autorisation délivrée sur ce fondement (CE. 5 mars 2003, Nicolas Lepoutre, req. n°252.422).

    En l’espèce, le moyen présentait cependant une particularité puisque le permis de construire initial n’avait été délivré que par l’un des deux maires des communes sur le territoire desquelles était implanté de bâtiment.

    Cette spécificité n’a cependant eu aucune incidence dans cette affaire ; et c’est bien normal.

    En effet, le permis de construire délivré par un Maire sur un terrain ne relevant pas de son ressort géographique est « simplement » entaché d’incompétence territoriale mais n’en constitue donc pas pour autant un « acte inexistant » : il confère donc à son titulaire des droits acquis et à la construction en résultant une existence légale.

    Certes, dans le cas d’une demande ultérieure de reconstruction à l’identique cette situation à pour effet de placer l’autorité compétente devant le fait accompli et de la lier par jeu d’une décision qu’elle n’a pas prise. Il reste que :

    - le droit de reconstruire à l’identique constitue un régime dérogatoire procédant de considération pour l’essentiel étrangère à la police de l’urbanisme ;
    - la situation n’est pas différente s’agissante des constructions édifiées à une époque où aucune autorisation n’était exigible, lesquelles ont néanmoins une existence légale (CE. 15 mars 2006, Ministère de l’Equipement, req. n°266.238) ;
    - en toute hypothèse, les communes conservent la possibilité de s’opposer ou d’encadrer l’exercice de ce droit par leurs documents d’urbanisme.

    On voit donc mal pourquoi le fait qu’elle n’ait pas délivrer le permis de construire initial permettrait à une commune de s’opposer au droit de reconstruire à l’identique dès lors qu’elle n’a pas manifesté la volonté de le faire à travers son document d’urbanisme.

    En toute hypothèse, l’illégalité du permis de construire initial ne saurait donc être utilement excipée pour s’opposer à l’application de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme et, plus généralement, une construction dispose donc d’une existence légale dès lors qu’elle a été édifiée conformément à un permis de construire, quel que soit les vices dont celui-ci pouvait être entaché.

    Il faut toutefois précisé que si le permis de construire ayant autorisé le bâtiment initial n’est pas encore devenu définitif, celui-ci pourra faire l’objet d’un recours en annulation, y compris si ce recours a pour but de faire regarder le bâtiment comme n’ayant pas été régulièrement édifié au sens de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme et ce, afin de contester l’autorisation de reconstruire délivrée sur ce fondement (CE. 13 décembre 2006, M. et Mme Caitucoli, req. n°284.237).

    Mais en dehors de ce cas, les possibilités d’exciper l’illégalité du permis de construire initial nous apparaissent pour le moins limitées, pour ne pas dire nulles.

    On pourrait en effet s’interroger sur le cas où la construction initiale a été édifiée conformément à un permis de construire qui pour n’avoir été ni annulé ni retiré a cependant été obtenu par fraude puisqu’une autorisation obtenue dans ces conditions ne confère aucun droit acquis.

    Il reste que tant que cette fraude n’a pas été sanctionnée par l’administration ou par le juge, la fraude entachant le permis de construire initial ne saurait, selon nous, être opposé à une demande ou à une autorisation de reconstruire sur le fondement de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme.

    En effet, si elle ne confère pas de droit acquis, une autorisation obtenue par fraude n’en est pas pour autant totalement assimilable à un acte juridiquement inexistant et s’il est d’usage de présenter un permis de construire obtenue par fraude comme insusceptible de devenir définitif, il reste que ceci ne vaut que s’agissant de la possibilité subséquemment offerte à l’administration de le retirer à tout moment et, en d’autres termes, n’a en revanche aucune incidence sur les délais ouverts aux tiers pour le contester devant le juge administratif.

    Or, dès lors que le permis de construire est devenu définitif au regard du délai de recours des tiers, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de son caractère frauduleux pour contester les autorisations ultérieures dont il constitue la base légale (à propos d’un « modificatif » : CAA. Marseille, 26 juin 2008, Association de Défense des Riverains du projet du Mas Belle-Garde, req. n°05MA02704).

    De ce fait, il ne semble pas qu’un recours dirigé à l’encontre d’une autorisation de reconstruire délivrée sur le fondement de l’article L.111-3 du code de l’urbanisme puisse utilement se borner à exciper du caractère frauduleux du permis de construire en vertu duquel a été édifié le bâtiment initial dès lors que ce permis n’a été ni annulé, ni retiré ; le requérant conservant en revanche la possibilité de solliciter le retrait de ce permis pour le cas échéant faire ensuite annuler la décision refusant de procéder à son retrait et conséquemment obtenir du juge qu’il enjoigne à l’autorité compétente de retirer le permis contesté.

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés