Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Permis de construire - Page 23

  • La jurisprudence « Thalamy » est-elle applicable aux travaux de démolition partielle ?

    La jurisprudence « Thalamy » n’est pas applicable au travaux de démolition d’un ouvrage illégal. Par voie de conséquence, il n’y pas lieu de régulariser ce dernier pour pouvoir en entreprendre la démolition, même partielle.

    CE. 4 avril 2007, M. Michel B., req. n°275.463 / TA. Nice, M. & Mme Godefroy, 8 mars 2007, req. n° 04-00396


    Même si sa portée a été modifiée de façon significative par la prescription décennale introduite par le nouvel article L.111-12 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 dite « ENL », ce dernier n’a pas en lui-même fondamentalement remis en cause le principe posé par la jurisprudence dite « Thalamy » dont il résulte qu’un ouvrage illégal ne peut faire l’objet d’aucun travaux nouveau, sauf à être concomitamment régularisé par une autorisation d’urbanisme ad hoc. C’est ainsi, à titre d’exemple, que des travaux tendant à modifier la façade d’un tel ouvrage (sur la charge de la preuve, voir ici) devront relever d’un permis de construire régularisant ce dernier bien qu’isolément, les travaux projetés relèvent, en l’état de la réglementation, du champ d’application de la déclaration préalable.

    Mais l’une des questions posées par ce principe jurisprudentiel était de savoir s’il était applicable au travaux de démolition partielle d’un ouvrage illégal. En effet, si l’on voit mal l’utilité qu’il y aurait à exiger qu’un ouvrage irrégulier se voit conférer une existence légale avant d’être démoli, on aurait pu penser, en revanche, qu’une telle régularisation s’imposait pour les travaux de démolition partielle puisque ces derniers n’ont pas pour objet de faire totalement disparaître l’ouvrage illégal initialement construit.

    Il ressort, toutefois, des deux décisions commentées que ce principe n’est pas applicable aux travaux de démolition, y compris partielle, d’un ouvrage irrégulier.

    Dans la première affaire, Monsieur A. avait procédé, sans autorisation, à des travaux d’extension de sa terrasse et ce, de telle sorte que celle-ci méconnaissait, en outre, les prescriptions du règlement du lotissement où sa villa était sise. Mais celui-ci devait conséquemment être condamné par la Cour d’appel de Nancy pour exécution de travaux sans autorisation et en violation des prescriptions d’urbanisme applicables, laquelle devait également lui enjoindre de mettre sa terrasse en conformité avec les prescriptions dudit règlement.

    C’est à cet effet que Monsieur A présenta une déclaration de travaux auquel le maire ne s’opposa pas. En revanche, cette décision de non-opposition à déclaration devait être attaquée par un voisin au motif qu’elle méconnaissait les dispositions de l’article R.421-1 du code de l’urbanisme et, en d’autres termes, que les travaux portant sur le terrasse litigieuse nécessitaient, au regard de la hauteur et de la surface initiales de cette dernière, un permis de construire puisque si les terrasses d’une hauteur inférieure à 0,60 mètre sont exemptées de toute formalité préalable, celles dont la taille excède ce seuil sont assujetties, par application de l’article R.422-2, m) du Code de l’urbanisme, soit à permis de construire, soit à déclaration préalable, selon que sa surface soit ou non supérieure à 20 mètres carrés (CE. 7 mai 2003, M. Vilaceque, req. n°247.499).

    Mais le Conseil d’Etat, confirmant le jugement de première instance du Tribunal administratif de Nancy, devait rejeter ce moyen comme inopérant et ce, au motif suivant :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A a procédé, en 1998, à des travaux d'extension de la terrasse de sa villa, qui ont eu pour effet de porter ladite terrasse à 0,90 mètres de la limite séparant sa parcelle de celle de M. B, en méconnaissance des dispositions du 2° de l'article 2?2 du règlement du lotissement communal, lequel impose une distance horizontale minimum de 3 mètres entre tout point d'un bâtiment et la limite parcellaire ; que, par un arrêt en date du 20 décembre 2001, la cour d'appel de Nancy a, d'une part, confirmé le jugement correctionnel du tribunal de grande instance de Nancy en date du 25 avril 2001 déclarant M. A coupable d'avoir exécuté des travaux de construction immobilière exemptés de permis de construire sans déclaration préalable auprès de la mairie, en méconnaissance des dispositions des articles L. 422-2 et R. 422-2 m) du code de l'urbanisme et, d'autre part, fait obligation à M. A de mettre la terrasse litigieuse en conformité avec la réglementation existante ; que la déclaration de travaux déposée en mairie par M. A le 6 février 2002, en exécution de l'arrêt précité de la cour d'appel de Nancy, avait pour objet, selon la notice explicative qui y était annexée, d'une part, le démontage de la partie de la terrasse située, en infraction avec les dispositions du 2° de l'article 2?2 du règlement du lotissement communal, à moins de trois mètres de la limite séparant sa propriété de celle de M. B, d'autre part, le coulage d'une dalle de moindre épaisseur, permettant de réduire de 18 cm la hauteur de la terrasse, dont l'emprise était ramenée à 12 m2 ;
    Considérant qu'en écartant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-1 du code de l'urbanisme, au motif que les travaux litigieux n'avaient pas pour objet de construire une terrasse, mais de mettre une terrasse existante déjà située à 1,08 m de hauteur, en conformité avec la réglementation, en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Nancy du 20 décembre 2001, le tribunal administratif de Nancy, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments développés par M. B, a suffisamment motivé son jugement ;
    Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les travaux faisant l'objet de la déclaration consistaient en une démolition d'une partie de la terrasse existante, en vue de l'exécution d'une décision juridictionnelle ; qu'ainsi, le tribunal administratif de Nancy a pu, sans erreur de droit ni dénaturation, écarter comme inopérant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 421-1 du code de l'urbanisme
    ».

    En substance, en considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R.421-1 du Code de l’urbanisme était inopérant au motif que « les travaux litigieux n'avaient pas pour objet de construire une terrasse » mais « consistaient en une démolition d'une partie de la terrasse existante », le Conseil d’Etat semble donc avoir jugé que ces travaux n’impliquaient pas même la formulation d’une déclaration préalable.

    Il semble donc que les travaux de démolition partielle de cette terrasse auraient pu être exécutés sans aucune autorisation préalable puisque pour autant qu’ils aient pu s’analyser comme des travaux de démolition d’un bâtiment au sens de l’article L.430-2 du Code de l’urbanisme, il reste qu’en toute hypothèse, l’article L.430-3 dispense de permis de démolir les démolitions intervenant, comme en l’espèce, en exécution d’une décision de justice devenue définitive.

    Pour en entreprendre sa démolition, même partielle, il n’était donc pas nécessaire de conférer concomitamment une existence légale à l’ouvrage initial, ni même à l’ouvrage partiellement démoli.

    Cette solution ressort encore plus nettement du jugement du Tribunal administratif de Nice. Dans cette affaire, Monsieur et Madame Safra avaient édifié puis modifié, chaque fois sans aucune autorisation, un garage qu’ils devaient ultérieurement entreprendre de démolir partiellement. Toutefois, le permis de démolir obtenu à cet effet devait être attaqué au motif tiré de l’irrégularité de l’ouvrage sur lequel elle portait.

    Mais précisément, le Tribunal administratif de Nice a rejeté ce recours en considérant qu’une demande de permis de démolir pouvait légalement porter sur une partie d’un ouvrage illégal sans qu’il y est lieu de régulariser ce dernier ou de conférer une existence légale à l’ouvrage résultant des travaux de démolition projetées ; étant précisé, pour autant qu’il en soit besoin, que si dans certains cas spécifiques (art. L.123-1-10° ; C.urb), un permis de construire peut également valoir autorisation de démolir, un permis de démolir ne peut en revanche jamais avoir pour objet d’autoriser une construction (CE. 28 septembre 1994, Comité de défense des lotissements de Port-Avion).

    Bien qu’elle tende à la reconnaissance indirecte d’ouvrages illégaux, la solution résultant des deux décisions commentées est néanmoins difficilement contestable.

    En vertu du principe d’indépendance des législations, le permis de construire et le permis de démolir sont deux procédures totalement distinctes ayant chacune un objet propre. Il s’ensuit que l’illégalité d’un permis de construire n’a strictement aucune incidence sur celle d’un permis de démolir et inversement (CE. 29 juillet 1994, L. Brégamy, req. n°138.895).

    Or, à ce titre, il a également pu être jugé que l’irrégularité des conditions dans lesquelles des travaux de démolition avaient été exécutés ne pouvait être opposée à un permis de construire ultérieure (CE. 5 mars 1982, Union régionale pour la défense de l’environnement en Franche-Compté, req. n°20042 ; TA. Lille 3 décembre 1992, SCI de la Marbrerie, LPA, 7 juillet 1993, p.23). A contrario, il est donc cohérent que l’irrégularité initiale d’un ouvrage ne puisse pas être invoquée à l’encontre d’un permis de démolir s’y rapportant.

    Pour conclure, on précisera qu’à notre sens, la circonstance que le nouvel article L.421-3 du Code de l’urbanisme, issu de l’ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative à la réforme des autorisations d’urbanisme, impose l’obtention préalable d’un permis de démolir pour les démolitions de « constructions existantes » n’est pas de nature à remettre en cause la portée des deux décisions commentées et, en d’autres termes, à impliquer la régularisation préalable ou concomitante des ouvrages illégaux dont la démolition est projetée puisque, reprenant le principe de l’ancien article L.430-5 al.2, le nouvel article L.421-6 précise que « le permis de démolir peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les travaux envisagés sont de nature à compromettre la protection ou la mise en valeur du patrimoine bâti, des quartiers, des monuments et des sites » : le permis de démolir n’a donc toujours pas vocation à contrôler la régularité ou la conformité de l’ouvrage à démolir au regard des prescriptions d’urbanisme.

    De même et en toute hypothèse, il est claire qu’en visant les « constructions existantes », le nouvel article L.421-3 du Code de l’urbanisme n’a pas entendu dispenser de permis de démolir les travaux de démolition d’ouvrages dépourvus d’existence légale puisqu’à l’examen des cas de dispense prévus par le nouvel article R.421-29, force est de constater que tel n’est le cas que lorsque celle démolition a été ordonnée par une décision de justice devenue définitive.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Le coefficient d’occupation au sol d’une construction doit être établi au regard de la superficie de l’ensemble de l’unité foncière sur laquelle elle est projetée tant que cette dernière n’a pas été effectivement divisée

    Dans la mesure où, d’une part, la norme d’urbanisme s’applique à l’échelle de l’unité foncière et où, d’autre part, la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance, le respect des prescriptions relatives au coefficient d’occupation au sol des constructions doit être apprécié en considération de la superficie de l’ensemble de l’unité foncière tant qu’elle n’a pas été divisée, y compris si à la date de délivrance du permis de construire, il est établi qu’elle a vocation à faire l’objet d’une division en propriété.

    CAA. Versailles, 29 mars 2007, ADEJJ, req. n°06VE01147


    Dans cette affaire, la commune de Chily-Mazarin était propriétaire d’un terrain relevant de son domaine public, d’une superficie de 2.973 mètres carrés, qu’elle devait décider de scinder en deux « volumes » aux fins d’en déclasser un pour le vendre à un tiers. La commune créa ainsi un premier « volume » de 1.760 mètres carrés et un second de 1.213 mètres carrés qu’elle déclassa puis de vendit à la société Pax Progrès Pallas sous condition suspensive, notamment, de l’obtention un permis de construire que cette dernière obtint sur ce second volume.

    Mais ce permis de construire devait être contesté au regard des prescriptions de l’article 14 du POS communal – fixant en l’occurrence le COS à 1,20 – dans la mesure où celui-ci autorisait la construction d’un immeuble d’une SHON de 2.417 mètres carrés, puisque selon l’association requérante et à s’en tenir à la superficie du « volume » sur lequel, d’une part, le pétitionnaire disposait d’un titre habilitant à construire et, d’autre part, portait ce permis de construire, la SHON constructible s’y limitait à 1.455 mètres carrés.

    On sait, en effet, que par principe la densité d’une construction s’apprécie en considération de la superficie de l’unité foncière sur laquelle porte le permis de construire (sur ce principe : CE. 22 juin 1984, Comité de défense de la zone d’habitations individuelles de Neully-Plaisance, req. n°38.939), ce qui exclut, a contrario, de prendre en compte la superficie de l’unité foncière initiale dont a été détaché le terrain à construire :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-22-2° du code de l'urbanisme : "Le coefficient d'occupation des sols s'applique à la superficie du terrain qui fait l'objet de la demande d'autorisation de construire (...)" ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire présentée pour la société Pyrénées Hôtels avait pour objet la construction d'une résidence hôtelière d'une superficie hors oeuvre nette de 2 758 m2 sur des parcelles d'une superficie de 3 968 m2 situées dans la zone UT du plan d'occupation des sols de Saint-Lary-Soulan où le coefficient d'occupation des sols applicable est de 1 ; que si les parcelles objet du permis proviennent de la division d'un ensemble foncier de 20 605 m2 acquis par la commune pour y aménager un complexe thermal, le coefficient d'occupation des sols s'applique à la surface des parcelles détachées qui ont fait l'objet de la demande d'autorisation de construire, et non à celle de l'unité foncière initiale ; qu'en conséquence, le projet de la société Pyrénées Hôtels excède les possibilités de construction afférentes auxdites parcelles ; que, par suite, la commune de SAINT-LARY-SOULAN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a, par le jugement attaqué, annulé l'arrêté du maire de Saint-Lary-Soulan en date du 11 juin 1987 qui a fait droit à la demande de la société » (CE. 12 mai 1993, Cne de Saint-Lary , req. n°99.611).


    Il reste que cette solution n’était pas totalement transposable au cas présent dans la mesure où, dans cette affaire, la division du terrain avait d’ores et déjà été réalisée à la date de délivrance du permis de construire en cause cependant que, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, la division du terrain à construire pour être programmée à la date de délivrance du permis de construire contestée n’en était pas pour autant réalisée puisque l’ensemble des conditions suspensives à la vente du terrain n’avait pas été levé.

    Précisément, l’une des principales difficultés d’application des règles d’urbanisme aux opérations impliquant une division foncière tient à ce que non seulement la norme d’urbanisme s’applique à l’échelle de l’unité foncière, c’est-à-dire au terrain composé de plusieurs parcelles contiguës appartenant à un même propriétaire ou une même indivision, mais qu’en outre, la légalité d’une autorisation d’urbanisme s’apprécie à sa date de délivrance.

    Or, ces principes peuvent conduire à certaines situations « incohérentes » au regard des objectifs poursuivis par le droit de l’urbanisme, ce qui explique que la jurisprudence a pu hésiter sur les modalités d’application de la norme d’urbanisme aux opérations de construction impliquant une division foncière et, notamment, à celles relevant d’un permis de construire valant division.

    A sa date de délivrance, en effet, un permis de construire valant division portant sur une seule et même unité foncière autorise, à terme, la réalisation de divisions foncières pouvant consister en des divisions en propriété. A la date de délivrance du permis de construire, le projet porte donc sur une seule unité foncière mais l’on sait qu’à terme, chaque construction sera implantée sur une unité foncière distincte.

    Suivant le principe selon lequel la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance, celle-ci devrait donc être appréciée, à titre d’exemple, au regard de l’article 8 du règlement local d’urbanisme relatif à l’implantation des constructions sur une même propriété. Or, il se peut que le projet ne soit pas conforme à l’article 7 relatif à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives alors que celui-ci n’est pas applicable pour ce qui concerne l’implantation des constructions projetées par rapport aux limites des unités foncières qui seront constituées par la réalisation du projet. A sa date de délivrance, le permis de construire est donc parfaitement légal bien qu’il autorise un projet qui dès son exécution aboutira à l’implantation de bâtiments qui seront irréguliers au regard de l’article 7 du règlement local d’urbanisme.

    D’ailleurs, c’est principalement l’application des règles relatives à la surface minimale des terrains constructibles, telles qu’elles ont vocation à être définies par l’article 5 du règlement local d’urbanisme, lesquelles ne sont pas si éloignées de celles relatives à la densité des constructions fixées par son article 14, qui illustre le mieux les hésitations de la jurisprudence rendue en la matière sur le point de savoir si ces règles devaient être appliquées à l’échelle du terrain d’assiette de l’opération où à l’échelon de chaque lots à constituer (TA. Versailles, 26 septembre 1986, Abihssara, req. n° 85-2619 ; CAA. Paris, 28 septembre 1993, SCI Le Domaine de Roissy, req. n° 93PA00247 ; CAA. Paris 31 mars 1994, Cne de Mareil-sur-Mauldre, req. n° 93PA00452 ; CAA Paris, 17 janv. 2002, req. n° 99PA02662, EURL MODAP ; CE. 13 mai 1988, Comité de défense des sites de la Turbie, req. n° 72.100).

    En l’espèce, toute la question était donc de savoir s’il convenait d’apprécier la régularité du projet à la seule date de délivrance du permis de construire contesté pour ainsi prendre en compte l’ensemble de la superficie de l’unité foncière ou de tenir compte de sa division future pour ainsi ne considérer que la superficie du « volume » sur lequel le pétitionnaire disposait d’un titre habilitant à construire. Et c’est la première solution qu’a retenue la Cour administrative de Versailles en jugeant que :

    « Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Chilly-Mazarin a, dans un premier temps, divisé la parcelle AK 348 faisant partie de son domaine public, en deux volumes, le premier correspondant à une superficie au sol de 1 760 m2 et comprenant cette surface ainsi que l'espace situé au-dessus, le deuxième correspondant à une superficie au sol de 1 213 m2 et comprenant l'espace situé au-dessus de cette surface ainsi que le tréfonds de la totalité de la parcelle ; que, par deux délibérations en date du 12 mai 2003, la commune a déclassé le volume 2, a décidé de vendre ce dernier à la société Pax Progrès Pallas pour la somme de 925 000 , de céder à celle-ci les droits de construire nécessaires à la réalisation de l'opération et d'autoriser le maire à signer avec la société une promesse de vente puis à passer avec elle un acte de vente après la réalisation de différentes conditions suspensives dont, en particulier, l'octroi d'un permis de construire ; qu'il ressort clairement des stipulations de la promesse de vente passée entre la commune et la société le 8 juillet 2003, prorogée en dernier lieu jusqu'à la date du 31 mars 2005, que le transfert de propriété prévu par cet acte ne pouvait prendre effet que sous réserve de la réalisation de plusieurs conditions suspensives, parmi lesquelles l'octroi du permis de construire ; qu'il s'en déduit qu'à la date de délivrance du permis de construire litigieux, la division du terrain en propriété et en jouissance n'était pas intervenue ; que, par suite, la commune pouvait répartir librement entre la superficie correspondant au volume 2 et celle correspondant au volume 1 la surface hors oeuvre nette (SHON) résultant de l'application du coefficient d'occupation des sols à la superficie totale de la parcelle AK 348 ; que, compte tenu du coefficient d'occupation des sols de 1,20 applicable en l'espèce ainsi qu'il vient d'être dit, de la superficie de 2 973 m2 de la parcelle et de l'existence sur la partie de la parcelle correspondant au volume 1 d'un bâtiment conservé d'une SHON de 429 m2, la SHON maximum constructible était de 3 168,60 m2 ; que, dès lors, le moyen tiré par l'ADEJJ de ce que le permis de construire litigieux, en autorisant la société Pax Progrès Pallas à réaliser un immeuble de 2 417 m2 de SHON sur la superficie correspondant au volume 2, excède la SHON maximum constructible doit être écarté ».

    En cela, l’arrêt commenté va donc dans le sens, à l’égard d’une opération ne constituant pas un lotissement et ne relevant pas d’un permis de construire valant division, du décret n°2007-18 du 5 janvier 2007 en ce qu’il a inséré au Code de l’urbanisme et, plus précisément, au sein de ces dispositions intéressant le règlement de PLU, un nouvel article R.123-10-1 précisant que : « dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction, sur un même terrain, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, les règles édictées par le plan local d'urbanisme sont appréciées au regard de l'ensemble du projet, sauf si le règlement de ce plan s'y oppose ».

    Il n’en demeure pas moins que de par la réalisation de la division en propriété du terrain sur lequel portait le permis de construire contesté, d’une part, l’immeuble édifié en exécution de ce dernier s’en trouvera en « surdensité » et donc non conforme aux prescriptions de l’article 14 du POS communal et que, d’autre part, nonobstant l’abrogation de l’ancien article L.111-5 par la loi dite « SRU », les droits à construire sur le « volume » conservé par la commune de Chily-Mazarin s’en trouveront considérablement réduits – par la consommation d’une part des droits y étant attachés par le permis de construire en cause – du moins au regard de la récente jurisprudence de la Cour administrative d’appel de Versailles (CAA. Versailles, 28 décembre 2006, Cne d’Orgerus, Construction & Urbanisme n°3/2007) pour qui cette seule abrogation ne semble pas de nature à justifier l’abandon de la jurisprudence dite « Campero » (CE. 23 octobre 1987, Campero, req. n°63.007).

    Mais pour conclure, une observation spécifique mérite d’être formulée dès lors que, dans l’arrêt commenté, la Cour administrative d’appel de Versailles a souligné qu’à « la date de délivrance du permis de construire litigieux, la division du terrain en propriété et en jouissance n'était pas intervenue », ce qui induit que la solution aurait pu être différente si malgré l’absence de division en propriété de l’unité foncière en cause, celle-ci avait néanmoins fait l’objet d’une division en jouissance alors que dans la mesure où une telle division n’emporte pas la constitution de plusieurs unités foncières, elle n’est, en toute hypothèse, pas susceptible d’avoir une incidence sur les modalités d’application classiques de la normes d’urbanisme, y compris lorsqu’elle intervient au titre d’un permis de construire valant division (pour un exemple récent : CAA. Lyon, 8 juin 2006, M.X & autres, req. n°02LY01598).

    Mais surtout, si à la date de délivrance du permis de construire contesté la vente du « volume » à construire n’avait pas été réalisée et si, par voie de conséquence, la division en propriété de l’unité foncière en cause n’avait pas été encore opérée, il n’en demeure pas moins que le pétitionnaire tirait sont titre habilitant à construire d’une promesse de vente préalable ayant ainsi procédé à son profit à un « transfert des droits à construire » de la Ville sur son terrain, ce qui, selon un arrêt récent de la Cour administrative d’appel de Versailles (CAA. Versailles, 8 juin 2006, M… X., AJDA, n°31/2006), semblait constituer le critère déterminant de la notion de division en jouissance (sur la division en volume, voir ici)…



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabient FRÊCHE & Associés

  • Une prescription technique irréalisable n’affecte pas d’illégalité le permis de construire lorsqu’elle n’apparaît pas nécessaire pour assurer la conformité du projet aux prescriptions d’urbanisme

    Lorsque le terrain n’apparaît pas exposé à un risque d’inondation, la prescription technique imposée par le permis de construire en considération de ce risque n’est pas nécessaire pour assurer la conformité du projet au regard de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme. Par voie de conséquence, la circonstance que cette prescription ne serait pas réalisable n’est pas de nature à affecter le permis de construire d’illégalité.

    CAA. Marseille, 9 novembre 2006, Cne de Tarascon, req. n°04MA00895

    Dans cette affaire, le Maire de la Commune de Tarascon avait délivré un permis de construire un immeuble à destination d’habitation sur un terrain faisant l’objet d’un classement administratif en zone submersible mais ce, en l’assortissant de la prescription suivante « l'attention du pétitionnaire est attirée sur le fait que la construction projetée est située en zone submersible réglementée du Rhône et qu'une crue de ce fleuve peut endommager ses biens. Le niveau des plus hautes eaux de la dernière crue s'est élevé à cet endroit à la cote de 11,90 m NGF. La construction devra disposer d'un niveau refuge accessible situé au-dessus de l'altitude précitée ».

    Le Préfet des Bouches-du-Rhône devait toutefois déférer ce permis de construire à la censure du juge administratif au motif tiré de la méconnaissance de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme et ce, en soutenant, notamment, que la prescription précitée ne pouvait assurer la conformité du projet au regard de cet article dès lors qu’elle était irréalisable.

    On sait, en effet, qu’aux fins d’assurer la conformité du projet aux normes d’urbanisme qui lui sont opposables, un permis de construire peut être assorti de prescriptions techniques imposant la réalisation de travaux ou d’aménagements que n’auraient pas prévus par le pétitionnaire.

    Mais pour être opérante, il est nécessaire que cette prescription soit légale ce qui implique non seulement qu’elle soit adéquate et qu’elle ait un impact limité au regard de l’économie générale du projet mais également qu’elle n’apparaisse pas irréalisable (CE. 14 décembre 1992, Epx Léger, req. n°106.685 ; CE. 1er mars 1996, Becaud, req. n°116.820).

    Or, contrairement aux prescriptions financières, une prescription technique constitue le soutien indivisible de l’autorisation d’urbanisme qui l’édicte, si bien que son illégalité intrinsèque affecte d’illégalité l’ensemble de l’autorisation et emporte donc l’annulation de cette dernière dans sa globalité ; telle étant la raison pour laquelle un recours en annulation exclusivement dirigé vers une telle prescription, et concluant donc à l’annulation partielle de l’autorisation, est irrecevable qu’il émane d’un tiers ou du pétitionnaire (CE 12 octobre 1979, Poidevin, req. n°12957).

    Mais dans l’affaire objet de l’arrêt commenté le moyen tiré du caractère irréalisable de la prescription en cause a été écarté, au premier chef, du simple fait qu’elle n’était pas nécessaire puisque la Cour administrative d’appel de Marseille avait précédemment constaté que nonobstant le classement administratif dont il faisait l’objet, le terrain à construire n’était pas, en fait, exposé à un risque particulier d’inondations :

    « Considérant, en second lieu, que, pour contester la légalité du permis en litige, le préfet fait également valoir que la prescription, fixée par l'article 3 de l'arrêté contesté, assortissant le permis de construire en litige, serait irréalisable ; que, toutefois, il résulte de ce qui vient d'être dit que la parcelle d'assiette du projet contesté n'est pas soumise à un risque d'inondation du fait de l'existence des ouvrages de protection existants ; qu'ainsi, et en toute hypothèse, la circonstance que la prescription en cause serait irréalisable est sans effet sur la légalité du permis de construire contesté ; qu'en tout état de cause, le préfet n'établit pas le caractère irréalisable de ladite prescription alors qu'il ressort des pièces du dossier que, des aménagements mineurs permettraient la réalisation d'un accès au toit à partir du bâtiment ».

    En substance, la Cour a donc considéré que le caractère prétendument irréalisable de la prescription en cause « est sans effet sur la légalité du permis de construire contesté » dès lors que celle-ci n’était pas nécessaire, en l’espèce, pour assurer la conformité du projet à l’article R.111-2 du code de l’urbanisme. Sur ce point, cet arrêt peut être rapproché de celui par lequel la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait jugé qu’il ne pouvait être fait grief à un permis de construire délivré sur un terrain en zone inondable de ne pas être assorti de prescriptions spéciales dès lors qu’eu égard à la nature de la construction projetée – en l’occurrence, un abri de jardin ouvert – de telles prescriptions n’apparaissaient pas nécessaires (CAA. Bordeaux 3 mai 2001, Savariau, req. n°97BX02145).

    On sait, en effet, que le Conseil d’Etat a précisé que s’agissant de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme et, notamment, du risque d’inondation d’absence de prescriptions spéciales n’est illégale que si de telles prescriptions sont nécessaires (CE. 23 décembre 1994, Peissik, req. n°108.969). Mais a contrario, force est donc de considérer qu’une prescription qui n’est pas nécessaire est nécessairement illégale puisqu’elle impose au titulaire de l’autorisation qui l’édicte une contrainte injustifiée.

    Partant et suivant le principe selon lequel une prescription technique est indivisible de l’autorisation qu’elle assortit, une prescription technique qui n’est pas nécessaire, et donc illégale, affecte d’illégalité l’ensemble de l’autorisation obtenue. Il faut, toutefois, préciser que si, par principe, une prescription technique est indivisible de l’autorisation qui l’impose c’est dans la mesure où celle-ci est censée permettre d’assurer la conformité du projet aux normes d’urbanisme qui lui sont opposables ; telle étant la raison pour laquelle, d’une part, l’administration ne peut refuser un permis de construire lorsqu’il apparaît que l’édiction de prescriptions spéciales aurait permis d’assurer la conformité du projet aux règles d’urbanisme (CE. 12 mai 1989, SCI Azr Parc, req. n°96.665) et, d’autre part, la légalité d’un permis de construire assorti de prescriptions doit être appréciée non pas seulement en considération du projet présenté par le pétitionnaire mais également au regard de ces prescriptions (CE. 26 février 2001, Dorwling-Carter, req. n°211.318).

    A notre sens, une prescription qui n’est pas nécessaire est certes illégale mais dans la mesure où, précisément, elle n’est pas nécessaire pour assurer la conformité du projet aux règles d’urbanisme qui lui sont opposables, celle-ci n’a pas à être considérée comme le soutien indivisible du permis de construire qui l’édicte. Mais force est de constater que telle ne semble pas être la position du juge administratif et, notamment, de la Cour administrative d’appel de Marseille à s’en tenir à sa jurisprudence antérieure :

    « Considérant, d'autre part, que le juge administratif, lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à l'annulation partielle d'un acte dont les dispositions forment un tout indivisible, est tenu de rejeter ces conclusions comme irrecevables quels que soient les moyens invoqués contre la décison attaquée ; Considérant que, par une décision en date du 22 juillet 1993, le maire de BANDOL ne s'est pas opposé à l'ouverture d'une fenêtre sur une maison à usage d'habitation projetée par Mme GILBERT ; que, toutefois, le maire de BANDOL a précisé, dans le corps de sa décision, que cette ouverture devrait comporter un verre opaque ; que cette prescription spéciale édictée par application des dispositions précitées constitue un tout indivisible avec l'autorisation accordée alors même qu'elle ne constitue pas une prescription relative à la sécurité ou à l'aspect architectural de la construction ; que, par suite, Mme GILLET n'était pas recevable à demander l'annulation de la décision précitée en tant seulement qu'elle prescrit l'utilisation d'un verre opaque » (CAA. Marseille, 31 mai 2001, Mme Gillet, req. n°98MA00512).

    Dans cette affaire, la Cour a donc considéré que pour ne pas être nécessaire à la sécurité et à l’aspect architectural de la construction, la prescription en cause n’en était pas moins indivisible de l’autorisation en cause et ne pouvait donc pas faire l’objet d’une annulation partielle ; ce dont il résulte que son illégalité aurait pu emporter l’annulation de l’ensemble de l’autorisation…

    Mais il est vrai que dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, la légalité de la prescription en cause était contestée en considération de son caractère prétendument irréalisable et non pas au motif qu’elle n’était pas nécessaire ; ce qui aurait été pour le moins contradictoire au soutient d’un recours principalement fondé sur l’article R.111-2 du code de l’urbanisme et la soi-disant inondabilité du terrain à construire.

     

    Patrick E. DURAND Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris Cabinet Frêche & Associés

  • Un permis de construire peut être régulièrement délivré sur la partie libre d’un emplacement réservé devenue inutile du fait de la réalisation de l’équipement d’intérêt général en vue duquel il a été institué

    Lorsqu’au terme des travaux de réalisation d’une voie publique en vue de laquelle un emplacement réservé a été créé, il apparaît qu’une partie du terrain réservé demeure libre et ne sera donc pas utilisée, un permis de construire peut être régulièrement délivré sur cette partie de terrain quand bien même le reliquat de cet emplacement réservé n’a pas été expressément supprimé par une décision ad hoc.

    CAA. Bordeaux, 12 février 2007, M. Jacques Y, req. n°04BX00214


    Dans cette affaire un permis de construire 28 logements sociaux avait été délivré sur un terrain relevant du domaine privé communal. Il reste que ce terrain était grevé d’un emplacement réservé destiné à permettre la réalisation d’une voie publique devant assuré la desserte d’un équipement public, en l’occurrence, une médiathèque.

    Or, des voisins du terrain à construire devaient attaquer ce permis de construire en soutenant, notamment, que la destination de l’immeuble ainsi autorisé était incompatible avec l’affectation de l’emplacement réservé grevant ledit terrain.

    On sait, en effet, qu’aux fins de permettre la réalisation de voies, d’espaces verts ou d’équipements d’intérêt général, les communes ont la possibilité d’instaurer des emplacements réservés à cet effet, lesquels ont pour effet de grever les terrains concernés d’une quasi-inconstructibilité puisqu’en dehors du projet en vue duquel l’emplacement a été créé, seuls des ouvrages précaires peuvent y être autorisés dans le cadre d’un permis de construire délivré au titre de l’actuel article L.423-1 du code de l’urbanisme (par l’entrée en vigueur du décret n°2007-18 du 5 janvier 2007, ce régime sera substantiellement modifié puisqu’il ne sera plus besoin que l’ouvrage soit précaire par destination dans la mesure où c’est dorénavant le permis de construire s’y rapportant qui sera délivré à titre précaire).

    En dehors de ce cas particulier, le terrain grevé d’un emplacement réservé ne peut faire l’objet d’aucun permis de construire portant sur un projet autre que celui en vue duquel il a été institué ; ce qui vaut tant à l’égard des tiers qu’à l’égard de la collectivité publique l’ayant institué ou de la collectivité publique réservataire et ce, quand bien même le terrain à construire appartiendrait-il à l’une des ces dernières et y compris s’il s’agit d’un autre projet d’intérêt général dont la réalisation ne s’opposerait pas, par elle-même, à celle du projet pour lequel l’emplacement a été réservé :

    « Considérant que le plan d'occupation des sols approuvé de la commune de Courbevoie comportait, à la date du 15 octobre 1986 à laquelle a été délivré le permis litigieux, un emplacement réservé, sous le numéro 123, d'une superficie de 15 450 m2 destiné à permettre l'édification de locaux scolaires sous la forme, notamment, d'une école maternelle et de l'extension du groupe scolaire existant ; qu'ainsi le maire, postérieurement à l'acquisition des parcelles nécessaires, d'ailleurs autorisé par le conseil municipal à fin de réalisation d'équipements scolaires, ne pouvait légalement délivrer un permis de construire ayant pour objet la réalisation d'un parc de stationnement en sous-sol, de 9 420 m2 de surface hors oeuvre brute, alors même que cette construction n'aurait pas fait obstacle à l'édification ultérieure de bâtiments scolaires ; que, par suite, le permis de construire accordé le 15 octobre 1986 à la commune de Courbevoie, qui méconnaît les prescriptions alors en vigueur du plan d'occupation des sols, est entaché d'illégalité » (CE. 14 octobre 1991, Association du cadre de vie des résidents de Courbevoie-Bécon, req. n°92.532).

    Par principe, en effet, le respect de la destination d’un emplacement réservé s’impose tant que celui-ci n’a pas été abrogé ; et pour le juge administratif il ne peut y avoir de renoncement implicite au bénéfice d’un tel emplacement (sur la position du juge judiciaire : Cass. civ. 24 novembre 1987, Bull. civ., III, n°192 ; Cass. civ., 17 juillet 1997, Bull.civ., 1997, III, n°171).

    En l’état, le permis de construire contesté dans l’affaire objet de l’arrêt commenté apparaissait donc illégal. Il reste que si l’emplacement réservé en cause n’avait pas été expressément abrogé, la voie en vue de laquelle cet emplacement réservé avait été institué avait déjà été entièrement réalisée.

    Par voie de conséquence, la partie du terrain objet du permis de construire contesté restée grevée d’un emplacement réservé qui n’avait plus vocation à être utilisée et, en d’autres termes, était ainsi devenu inutile. Tel est la raison pour laquelle la Cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté ce moyen :

    « Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle le permis litigieux a été délivré, la voie nouvelle de liaison entre la rue de Ciron et la rue de la Berchère, destinée notamment à desservir la médiathèque, et qui faisait l'objet d'un emplacement réservé, était entièrement réalisée sur une partie du terrain faisant l'objet de cet emplacement réservé ; que le maire de la commune, laquelle est propriétaire de l'ensemble du terrain, lui-même situé en zone UB du plan d'occupation des sols, a pu, sans entacher sa décision d'illégalité, délivrer un permis de construire pour une construction qui empiète sur la partie de l'emplacement réservé devenue inutile compte-tenu de l'entier achèvement des travaux de construction de la voie nouvelle ».

    En cela, l’arrêt commenté est bien évidemment à rapprocher des jurisprudences dites « Secher » et « Kergall » mais reconnaît une nouvelle modalité d’extinction d’un emplacement réservé devenu inutile.

    On sait, en effet, que le Conseil d’Etat a pu juger illégaux le maintient d’un emplacement réservé n’ayant pas reçu l’affectation à laquelle il était destiné au bout de plusieurs décennies (CE. 17mai 2002, Kergall, req. n°221.186) ainsi que le refus d’abroger un emplacement réservé alors que la personne publique avait pris un autre parti d’aménagement à l’égard du terrain grevé par celui-ci (CE. 6 octobre 1995, Secher, in BJDU, n°6/1995).

    A cela, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux ajoute donc un nouveau cas, somme toute fort logique : l’extinction de la partie de l’emplacement réservé devenue inutile par la réalisation du projet en vue duquel il a été créé.

    Mais il faut également relever, d’une part, que dans cette affaire et contrairement aux deux arrêts précités de la Haute Cour, la décision attaquée était le permis de construire délivré sur l’emplacement réservé en cause et souligner, d’autre part, que la Cour administrative d’appel de Bordeaux a donc considéré qu’un emplacement réservé devenu inutile perd son opposabilité alors même qu’il n’a pas fait l’objet d’une suppression expresse. A contrario, force est donc de considérer qu’un emplacement réservé devenu inutile ne saurait régulièrement motivé un refus de permis de construire délivré sur celui-ci.

    Pour conclure sur l’arrêt commenté et faire le lien avec notre précédente note sur la prise compte d’équipements publics futurs nécessaires à la desserte des constructions projetées, on précisera que la voie objet de l’emplacement réservé en cause a été prise en compte au titre de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme dans la mesure où elle « avait été entièrement réalisée à la date à laquelle le permis de construire a été délivré » ; ce qui induit qu’à défaut, la seule circonstance que sa réalisation ait fait l’objet d’un emplacement réservé n’aurait pas suffit. Et pareillement, la Cour a établi la légalité du permis de construire contesté au regard de l’article 4 du règlement de POS communal ainsi que celle de prescription imposant, à ce titre, le raccordement à un bassin de rétention en considération du fait que « ce bassin de rétention était achevée à la date à laquelle le permis contesté a été délivré » ; ce dont on peut déduire qu’à défaut, le permis de construire aurait été jugé illégal puisque sa conformité était conditionnée à une prescription irréalisable à la date de délivrance du permis de construire (pour un exemple, en la matière, d’une prescription irréalisable et, partant, illégale : CE. 12 mai 1993, Epx Ainciburru, req. n°124.936).



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés