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Permis de construire - Page 26

  • Les bureaux et les locaux de formation annexes à un établissement pénitencier ne constituent pas un équipement public au sens du règlement d’urbanisme local

    La seule circonstance qu’un permis de construire soit délivré à une personne publique ne suffit pas à faire regarder la construction ainsi autorisée comme un équipement public au sens du règlement d’urbanisme local. Par voie de conséquence, lorsque cette construction ne répond pas à un besoin d’intérêt collectif, les règles opposables doivent être déterminées en considération de la seule destination de cette dernière.

    CE. 18 octobre 2006, Synd. des copropriétaires de l’immeuble « Les Jardins d’Arago », req. n°294.096


    Dans cette affaire, le Préfet de Paris avait délivré un permis de construire autorisant la construction d’un bâtiment annexe à la maison d’arrêt de la santé, lequel était destiné à accueillir des bureaux et des locaux de formation. Pour ce faire, le Préfet s’était fondé sur les articles 14 et 15 du règlement de POS communal qui autorisaient un coefficient d’occupation du sol dérogatoire fixé à 3 pour « les équipements publics participant à la vie locale » alors qu’il était fixé, par principe, à 0,5 pour les constructions à destination de bureaux et d’activités.

    Or, précisément, les requérants soutenaient que nonobstant la circonstance que la construction projetée ait vocation à être édifiée pour l’Etat, celle-ci ne pouvait pas être considérée comme un équipement public au sens des articles 14 et 15 du POS communal et, par voie de conséquence, devait se voir appliquer les règles de « droit commun », c’est-à-dire celles applicables aux constructions à destination de bureaux et d’activités. Précisément, le Conseil d’Etat a accueilli ce moyen en jugeant que :

    « Considérant que, pour prendre l'arrêté du 8 février 2006 accordant un permis de construire pour la construction d'une annexe à la maison d'arrêt de la santé, le préfet de Paris a fait application des dispositions des articles U.H.14.1 et U.H.15 du règlement du plan d'occupation des sols de la ville de Paris, qui, respectivement, dans le secteur d'implantation du bâtiment projeté, fixent un coefficient d'occupation des sols de 3 pour certaines destinations, dont les « équipements publics participant à la vie locale », alors que ce coefficient n'est en principe que de 0,5 pour les bureaux et les activités, et autorisent des dépassements limités de ces coefficients ; qu'à cet effet, le bâtiment projeté a été regardé comme constituant un tel équipement ; que, toutefois, eu égard aux caractéristiques du projet en cause, qui, ainsi qu'il ressort du dossier soumis au juge des référés, est séparé de la maison d'arrêt de la santé par une rue et qui, pour l'essentiel, a vocation à accueillir des bureaux et des locaux de formation, le juge des référés a commis une erreur de droit en estimant que le moyen tiré de la méconnaissance des règles applicables en matière de coefficient d'occupation des sols n'était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire litigieux ; qu'ainsi, le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE « LES JARDINS D'ARAGO » est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ».

    On sait, en effet, que les règlements d’urbanisme locaux ont la possibilité d’édicter des règles spécifiques pour les équipements publics. Il reste qu’eu égard, à la finalité de la règle d’urbanisme les dérogations ainsi instituées ne peuvent se justifier par le seul fait que la construction en cause soit une construction publique, c’est-à-dire réalisée par ou pour le compte d’une personne publique (sur l’insuffisance du critère organique : Ccl Y.AGUILA sur CE. 23 novembre 2005, req. n°262.105, in BJDU, n°1/2006, p.20).

    En effet, pour qu’une construction publique puisse bénéficier des règles spécifiques applicables aux équipements publics, il est également nécessaire qu’elle réponde à l’intérêt général, c’est-à-dire, en la matière, qu’elle ait vocation à offrir un service d’intérêt collectif aux administrés.

    Or, s’il ne fait pas de doute qu’un établissement pénitencier répond à un besoin d’intérêt collectif, il reste qu’au cas présent, la construction litigieuse n’avait pas vocation à accueillire des détenus, ni à participer directement à l’exécution du service public pénitencier mais était principalement destinée à accueillir des bureaux et des locaux de formation. En fait, le seul lien que cette construction présentait avec la maison d’arrêt de la santé était d’être sise à proximité de cette dernière.

    Par voie de conséquence, cette construction n’était pas destinée à offrir un service d’intérêt collectif aux administrés et ne pouvait donc être considérée comme un équipement public, quand bien même devait-elle être affectée à un service administratif de l’Etat.

    Cette solution n’est pas totalement nouvelle puisque le Conseil d’Etat avait déjà eu l’occasion de dénier la qualité d’établissement public à des bureaux affectés à un organisme de sécurité sociale (CE. 3 mai 2004, CPAM de la Meuse, req. n°223.091). Et dans cette affaire, le Commissaire du gouvernement MITJAVILLE avait précisé que :

    « la notion d’équipement public n’est pas clairement définie en droit et peu d’arrêts sont intervenus pour l’éclairer. Mais la notion d’équipement public ne saurait se confondre avec celle de bâtiment public, ni bien sûr avec celle de bâtiment accueillant du public. (…) Les bureaux de la CPAM, où les agents accomplissent leur travail, ne sont pas des équipements publics comme le sont une école, un hôpital, une piscine ou une bibliothèque, lesquels accueillent du public pour lui offrir un service d’enseignement, de soins, de loisirs. Il y’a dans la notion d’équipement public, l’idée de réponse apportée à un besoin collectif, par la mise à disposition d’installations sportives, culturelles, médicales, etc., ce que ne recouvre pas une simple construction de bureaux administratifs, même s’ils accueillent du public ».

    Mais il faut souligner que dans cette affaire la caisse d’assurance maladie titulaire du permis de construire était un établissement privé cependant que dans l’arrêt commenté la construction projetée avait vocation à être affectée à un service de l'Etat.

    Cet arrêt confirme donc que le seul fait que le pétitionnaire soit une personne publique ou que la construction projetée ait vocation à être réalisée pour le compte d’une collectivité publique ne peut suffire à considérer cette construction comme un équipement public. En ce sens, le Ministère de l’Equipement avait d’ailleurs lui-même déjà estimé que :

    « les constructions à destination d’équipements collectifs correspondent à une catégorie vaste et ambiguë qui englobe l’ensemble des installations, des réseaux et des bâtiments qui permettent d’assurer à la population résidence et aux entreprises les services collectifs dont elles ont besoins (…).
    Le POS peut distinguer ce type de destination des autres constructions (…).
    Les bureaux correspondent aux locaux où sont effectués des tâches administratives et de gestion, dans le cadre de l’administration, des organismes financiers et des assurances (…)
    » (DGUHC, « Guide des POS », Juillet 1999, p.102).

    Mais il est vrai que lorsque le règlement de POS vise spécifiquement « les équipements publics », il est nécessaire que la construction projetée non seulement réponde à un besoin intérêt collectif mais, en outre, soit réalisée par et/ou pour une personne publique.

    Il reste que s’agissant des PLU, cette considération organique ne devrait plus avoir lieu d’être dès lors que l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme dispose que « les règles édictées dans le présent article peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt. En outre, des règles particulières peuvent être applicables aux constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif ».

    Il s’ensuit que si les PLU peuvent édicter des règles spécifiques pour les « constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif », leur édiction et leur application doivent être indépendantes de toute considération liée à la qualité publique ou privée du maître d’ouvrage.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat à la cour.
    Cabinet Frêche & Associés

  • Les parcelles dont le pétitionnaire n’est pas propriétaire ne peuvent pas être prises en compte lorsque l’article 9 du POS régit l’emprise au sol des constructions en considération de la superficie de l’unité foncière

    Lorsque l’article 9 du règlement d’urbanisme local régit l’emprise au sol maximale des constructions en considération non pas de la superficie du terrain d’assiette du projet mais au regard de celle de l’unité foncière, seule la surface des parcelles dont le pétitionnaire est propriétaire peut être pris en compte pour apprécier l’emprise au sol de la construction projetée et, partant, la légalité du permis de construire s’y rapportant.

    CAA. Douai, 21 septembre 2006, M. Michel X., req. n°05DA01426


    Dans cette affaire, un permis de construire quatre maisons individuelles sur un même terrain d’assiette avait été obtenu le 31 janvier 2002. Le 7 mars suivant le Maire devait, toutefois, procéder au retrait de ce permis de construire au motif que le pétitionnaire s’était faussement déclaré propriétaire d’une des parcelles à construire et qu’après déduction de la superficie de cette portion du terrain d'assiette du projet, ce dernier méconnaissait les dispositions du règlement du plan d'occupation des sols de la commune relatif à l'emprise maximale au sol des constructions.

    Il faut en effet préciser qu’en l’espèce l’article 9 du plan d’occupation des sols communal disposait que « l'emprise au sol de toute construction ne peut excéder 20 % de la superficie du secteur parc couvrant l'unité foncière concernée, sauf pour les terrains et parc de sports ».

    Or, la notion d’unité foncière se définit comme « un îlot de propriété d’un seul tenant, composé d’une parcelle ou d’un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à une même indivision » (CE. 27 juin 2005, Cne de Chambéry, req. n°263.667) cependant que la notion de terrain d’assiette d’un projet recouvre de façon plus opérationnelle l’ensemble des parcelles sur lesquelles porte une demande de permis de construire.

    Il s’ensuit que ces deux notions ne se recoupent pas nécessairement et, plus concrètement, qu’un terrain d’assiette peut inclure une partie seulement d’une unité foncière plus vaste ou, comme en l’espèce, plusieurs unités foncières. Il reste que lorsqu’une prescription d’un règlement d’urbanisme local est édictée en considération des caractéristiques de l’unité foncière, la légalité d’un permis de construire doit être appréciée au regard de ces seules dernières et non pas en considération de celles du terrain d’assiette pris dans son ensemble. C’est pourquoi, dans l’arrêté commenté, la Cour administrative d’appel de Douai à jugé :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article UB 9-4 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune d'Haubourdin applicable en l'espèce : « L'emprise au sol de toute construction ne peut excéder 20 % de la superficie du secteur parc couvrant l'unité foncière concernée, sauf pour les terrains et parc de sports » (…) ; qu'il résulte de l'instruction que la construction autorisée par le permis de construire litigieux délivré le 31 janvier 2002 par le maire d'Haubourdin à la SCI « Saint-André » en vue de la construction de quatre maisons individuelles, avait pour effet, compte tenu de la superficie du terrain d'assiette sur lequel la société pouvait légalement prétendre à un droit de construire en qualité de propriétaire dudit terrain, de dépasser de 31,60 m2 l'emprise au sol autorisée par les dispositions précitées de l'ensemble des bâtiments édifiés sur ce terrain (…) qu'ainsi c'est à bon droit que le maire de la commune d'Haubourdin, en constatant l'illégalité dont était entaché le permis de construire qu'il avait délivré, a, par arrêté en date du 7 mars 2002, retiré l'autorisation précédemment accordée ».

    Il faut ainsi souligner que ni le retrait du permis de construire du 30 janvier 2002, ni l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai n’est motivé par la fraude à l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme qu’a constitué le fait pour le pétitionnaire de se déclarer faussement propriétaire de l’ensemble du terrain d’assiette du projet et ce faisant, d’induire que ce dernier constituait une seule et même unité foncière.

    On sait, en effet, qu’aux termes de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme une demande de permis de construire ne peut être présentée que par le propriétaire du terrain à construire et/ou par une personne disposant d’un titre habilitant à construire. Et dans ce second cas, il incombe au pétitionnaire de renseigner le formulaire de demande « CERFA » sur ce point et de produire le titre l’habilitant à obtenir un permis de construire sur le terrain. A défaut, il est considéré comme le propriétaire apparent de ce dernier.

    Mais au cas présent, le pétitionnaire ne s’était pas borné à omettre de fournir les renseignements requis mais avait déclaré être propriétaire de l’ensemble des parcelles d’assiette de son projet. Il reste qu’en vertu d’une jurisprudence constante, le fait de se déclarer faussement propriétaire de l’ensemble ou d’une partie du terrain à construire est constitutif d’une fraude entachant d’illégalité le permis de construire obtenu et susceptible d’en justifier le retrait sans qu’aucun délai ne soit opposable à l’administration pour ce faire.

    Mais ce n’est donc pas sur le terrain de la fraude que le retrait du permis de construire du 30 janvier 2002 a été validé mais sur le seul fondement de l’article 9 du règlement d’urbanisme local en ce qu’il régissait l’emprise des constructions en considération de la superficie de l’unité foncière et en considération du fait qu’après déduction de la superficie de la portion du terrain d'assiette dont le pétitionnaire s’était faussement déclaré propriétaire, le projet méconnaissait les prescriptions dudit article 9.

    Il faut donc en déduire que même si le pétitionnaire avait disposé d’un titre habilitant à construire sur cette portion de terrain, sa superficie n’aurait pas pu être prise en compte pour établir l’emprise au sol des constructions projetées dès lors qu’il n’en était pas propriétaire puisque la Cour a apprécié cette emprise au seul regard « de la superficie du terrain d'assiette sur lequel la société pouvait légalement prétendre à un droit de construire en qualité de propriétaire dudit terrain ».

    Il s’ensuit que lorsque l’article 9 du règlement d’urbanisme local régit l’emprise au sol maximale des constructions en considération non pas de la superficie du terrain d’assiette du projet mais au regard de celle de l’unité foncière seule la surface des parcelles dont le pétitionnaire est effectivement propriétaire peut être pris en compte pour apprécier l’emprise au sol de la construction projetée et, a contrario, qu’il convient, le cas échéant, de ne pas prendre en compte les autres parcelles composant le terrain d’assiette du projet même si le pétitionnaire dispose d’un titre habilitant à construire sur ces dernières.

    Pour satisfaire aux prescriptions de l’article 9 du POS communal le pétitionnaire aurait donc dû non pas se borner à se déclarer faussement propriétaire de la portion de terrain en cause mais acquérir effectivement cette dernière, quitte à le faire dans le seul but d’augmenter ses droits à construire en qualité de propriétaire au regard de cet article puisque le Conseil d’Etat a jugé que le fait d’acquérir une bande de terrain voisine du terrain à construire aux seules fins de respecter les prescriptions du règlement d’urbanisme local relatives à l’emprise au sol et à la densité des constructions n’est pas constitutif d’une fraude (CE. 30 décembre 2002, SCI d’HLM de Lille et environs, req. n°232.584 ; voir également ici).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat à la Cour
    Cabinet Frêche & Associés.

  • En cas de permis de construire conjoint, chacun des pétitionnaires doit disposer d’un titre habilitant à construire au sens de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme

    Un permis de construire délivré conjointement a plusieurs pétitionnaires dont l’un ne justifie pas d’un titre habilitant à construire est illégal au regard des prescriptions de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme. Néanmoins, par exception au principe d’indivisibilité du permis de construire et compte tenu du caractère réel de la législation d’urbanisme, ce permis de construire ne sera annulé qu’en tant qu’il a été délivré au bénéficiaire ne justifiant pas de la qualité requise.


    CAA. Bordeaux, 25 juillet 2006, Cne de Messanges, req. n°05BX02381


    Dans la mesure où il ne résulte pas de l’article R.421-1-1, ni d’aucune autre disposition du Code de l’urbanisme qu’une demande de permis de construire doit nécessairement être formulée par un seul et unique pétitionnaire, une même autorisation peut légalement être délivrée à plusieurs bénéficiaires (CE. 28 juillet 1999, SA d’HLM « Le nouveau logis – Centre Limousin », req. n° 182.167) (voir également ici). Il s’agit alors d’un permis de construire conjoint.

    Il reste que l’article précité impose que le ou, le cas échéant, les pétitionnaires disposent d’un titre habilitant à construire.

    Mais on sait que le principe d’indivisibilité des autorisations d’urbanisme connaît certaines exceptions dont il résulte qu’un permis de construire peut, lorsqu’il est divisible, faire l’objet d’une annulation partielle (pour exemple : CE. 2 février 1979, Cts Sénécal, req. n° 05.808). Et à notre sens, l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi « ENL » du 13 juillet 2006, autorisant le juge administratif à prononcer l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme ne changera rien à la circonstance qu’une telle annulation n’est possible que si le projet est divisible.

    En substance (pour une analyse approfondie voir : P.E DURAND « La divisibilité des ouvrages et des ensembles immobiliers en droit de l’urbanisme », in « Construction & Urbanisme », n°3/2006), un permis de construire est divisible s’il recouvre en fait plusieurs autorisations et/ou si la légalité d’une des composantes du projet au regard des normes d’urbanisme ne dépend pas des autres.

    A titre d’exemple, un permis de construire autorisant plusieurs bâtiments reliés entre eux par un parc de stationnement commun souterrain formera un tout indivisible (pour exemple : CE. 1er décembre 1995, M. Ménager & Autres, req. n° 137.832) puisqu’en droit, d’une part, ce parc assure la conformité de l’ensemble du projet au regard des prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme et, le cas échéant, de l’article 12 du règlement d’urbanisme local et qu’en fait, d’autre part ce même parc constitue le socle commun de l’ensemble des bâtiments sans lequel ces derniers ne peuvent être construits (sauf à modifier le projet). En revanche, un permis de construire portant sur deux maisons individuelles n’ayant aucun équipement commun est divisible (pour exemple : CAA. Marseille, 22 avril 1999, M. Bracco, req. n° 97MA00647) en ce qu’il recouvre en fait deux permis de construire dont la légalité de l’un ne dépend pas de celle de l’autre puisqu’à défaut de réalisation de l’une de ces deux maisons, celle construire pourra néanmoins être régulière au regard des prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables.

    Or, il résulte du caractère réel et non pas personnel de la législation d’urbanisme que la légalité d’un permis de construire est indépendante de toute considération liée à la qualité et à la personne du pétitionnaire. Telle étant la raison pour laquelle, à titre d’exemple, un refus de permis de construire dans une zone réservé à l’activité agricole motivé par le fait que le pétitionnaire n’a pas le statut d’agriculteur est illégal dès lors que la construction projetée constitue bien un équipement nécessaire à l’exploitation agricole.

    Il s’ensuit que la circonstance que l’un des bénéficiaires d’un permis de construire conjoint ne dispose pas d’un titre habilitant à construire ne saurait remettre en cause la légalité de l’ensemble du permis de construire au regard des prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables dès lors que l’un d’entre eux justifie bien d’un tel titre puisqu’en conséquence, la condition posée par l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme est alors satisfaite. Et précisément, dans l’arrêt commenté, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme : « La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain, soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation dudit terrain pour cause d'utilité publique. La demande précise l'identité du demandeur, l'identité et la qualité de l'auteur du projet l'identité du propriétaire au cas où celui-ci n'est pas l'auteur de la demande » ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une demande de permis de construire est présentée par plusieurs personnes, chacune d'elles doit justifier d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire a été déposée par M. Gérard A, propriétaire du terrain et par M. Christian A ; que, dès lors, la circonstance que l'arrêté attaqué du 3 janvier 2003 mentionne comme titulaire de l'autorisation une « EURL consorts A Gérard et Christian » est sans incidence sur sa légalité ;
    Considérant, en revanche, qu'en se bornant à produire une convention, signée le 17 décembre 2001 et n'ayant pas date certaine, par laquelle M. Gérard A et son épouse, agissant en qualité de propriétaires du terrain, objet de la demande, ont autorisé M. A et son frère, M. Christian A, à constituer une demande de permis de construire, la COMMUNE DE MESSANGES n'établit pas que ce dernier justifiait d'un titre l'habilitant à construire ; qu'il suit de là que l'autorisation d'aménager un terrain de camping valant permis de construire susmentionnée, qui est divisible sur ce point, est entachée d'illégalité en tant qu'elle désigne comme bénéficiaire M. Christian A
    ».

    Ce faisant, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a donc suivi le raisonnement précédemment tenu par la Cour administrative d’appel de Lyon qui, elle-même, avait jugé que :

    « Considérant que, si, par arrêté du 16 avril 1998, le maire de la COMMUNE DE TALLOIRES a délivré un permis de construire 5 bâtiments d'habitation au lieudit Les Balmettes à la fois à la S.A.R.L. SEMNOZ IMMOBILIER et à la S.A. BALADDA, il est constant que seule la première des sociétés justifiait d'un titre l'habilitant à construire ; qu'il s'ensuit que le permis de construire susmentionné, qui est divisible sur ce point, est entaché d'illégalité en tant qu'il désigne comme bénéficiaire la S.A. BALADDA » (CAA. Lyon, 12 juin 2001, Assoc. Lac d’Annecy Environnement, req. n°00LY01431).

    Néanmoins, l’arrêté commenté apporte deux précisions comparé à celui-ci de la Cour administrative d’appel de Lyon.

    D’une part, dans l’affaire objet de l’arrêt de la Cour lyonnaise, le permis de construire méconnaissait également les prescriptions de l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme et avait donc, à ce titre, était entièrement annulé.

    Or, dans l’arrêt commenté, seules les prescriptions l’article R.421-1-1 du Code l’urbanisme avaient été partiellement ignorées, si bien que le permis de contesté n’a été annulé qu’en tant qu’il a été délivré au pétitionnaire ne justifiant pas d’un titre habilitant à construire et, en d’autres termes, a été validé en ce qu’il a été délivré au propriétaire du terrain, lequel devint ainsi, par l’effet de cette annulation, bénéficiaire unique d’un permis de construire unipersonnel pourtant sollicité et initialement délivré en tant que permis de construire conjoint.

    Cet arrêt confirme ainsi clairement qu’un permis de construire conjoint peut n’être que partiellement annulé en considération de l’absence de titre habilitant à construire de l’un de ces bénéficiaires dès lors que l’un d’entre eux en justifie.

    D’autre part, l’arrêt de la Cour lyonnaise, ne permettait pas d’établir de quel titre disposait le pétitionnaire satisfaisant à la condition posée par l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme. En revanche, il ressort clairement de l’arrêt commenté que le bénéficiaire à l’égard duquel le permis de construire a été validé était propriétaire du terrain à construire.

    Or, si sur ce point la convention produite en cours d’instance par la commune appelante pour établir l’existence d’un titre habilitant à construire était inopérante puisque cette convention n’avait pas été produite au dossier de demande et, a priori, ne se rapportait pas à l’opération, il n’en demeure pas moins que ce permis de construire initialement conjoint avait fait l’objet d’une demande unique présentée, notamment, par le propriétaire du terrain.

    Par suite, il aurait également pu être raisonnablement jugé qu’en s'associant à un tiers pour présenter une demande de permis de construire conjoint, le propriétaire du terrain lui avait implicitement mais nécessairement donné son accord à cet effet lequel aurait donc pu suffire à satisfaire aux prescriptions de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme, d’autant qu’au cas présent, il s’agissait du frère du propriétaire du terrain à construire. En ce sens, le Conseil d’Etat a d’ailleurs jugé, avec pragmatisme, qu’un maire avait pu valablement estimé que le pétitionnaire disposait d’une autorisation l’habilitant à construire en considération des indications fournies par son père dans un mémoire en défense se rapportant à un précédent permis de construire et dans lequel il indiquait que c’était avec son plein accord que son fils avait sollicité l’octroi de ce permis (CE. 30 octobre 1996, M. Sengler, req. n°135.442).

    Mais tel n’a pas été le cas au cas présent et c’est donc à une appréciation stricte des conditions posées par l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme que s’est livrée la Cour administrative d’appel de Bordeaux.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • Les déductions prévues par l’article R.112-2 du Code de l’urbanisme peuvent participer à améliorer la conformité d’un ouvrage en surdensité

    Les déductions forfaitaires prévues par l’article R.112-2 du Code de l’urbanisme doivent être prise en compte pour apprécier si les travaux projetés sur un ouvrage en surdensité améliorent sa conformité au regard des prescriptions de l’article 14 du règlement local d’urbanisme. Par voie de conséquence, l’administration ne peut s’opposer à une déclaration de travaux ayant pour objet et pour effet de diminuer la SHON d’un tel ouvrage, y compris lorsque cette réduction procède de la seule mise en oeuvre de ces déductions.

    CAA. Bordeaux, 3 août 2006, M.X… c/ Cne de Saint-Palais sur Mer, req. n°03BX00912


    Par l’entrée en vigueur de nouvelles prescriptions d’urbanisme plus contraignantes, un ouvrage légalement édifiée peut néanmoins devenir irrégulier. Tel est, notamment, le cas d’une construction réalisée sur un terrain sur lequel aucun coefficient d’occupation du sol n’était alors applicable et qui peut ainsi être rendu irrégulier par l’entrée en vigueur d’un règlement local d’urbanisme lorsque cette construction est en surdensité au regard des possibilités de construction résultant de son article 14.

    Tel était précisément le cas du bâtiment objet de déclaration de travaux en litige dans l’arrêt commenté. Il reste que l’article 5 du PLU communal prévoyait expressément que « seuls sont autorisés sur les immeubles bâtis existants qui ne sont pas conformes aux règles édictées par ce règlement, les travaux qui ont pour objet d'améliorer la conformité de ces immeubles avec lesdites règles ou qui sont sans effet à cet égard ».

    En effet, un ouvrage rendu irrégulier par l’entrée en vigueur de nouvelles prescriptions d’urbanisme ne s’en trouve pas pour autant illégal au sens de la jurisprudence « Thalamy » (CE. 9 juillet 1986, Mme Thalamy », req. n° 51.172). Il s’ensuit que les travaux projetés sur un tel ouvrage n’ont pas à régulariser l’ensemble de la construction mais peuvent être autorisés dès lors qu’ils sont étrangers à la règle qu’elle méconnaît ou ont pour effet d’en améliorer la conformité, c’est-à-dire d’en réduire la non conformité (CE. 27 mai 1988, Mme Sekler, req. n°79.530). Ce qui vaut tant pour les travaux relevant du champ d’application du permis de construire que pour ceux relevant du régime déclaratif en application de l’article R.422-2 du Code de l’urbanisme (CE. 13 octobre 1993, Mme Clément, req. n°126.112).

    Précisément, la commune défenderesse soutenait en l’espèce que non seulement les travaux déclarés par le constructeur n’amélioraient pas la conformité de l’ouvrage au regard des prescriptions de l’article 14 du PLU communal mais bien plus qu’ils auraient pour effet d’en augmenter la SHON. Il est vrai que ces travaux avaient pour effet :

    - d’une part, d’aménager les combles de l’ouvrage aux fins de les rendre habitables, ce qui emportait la création de 28, 25 mètres carrés de SHON puisqu’en application de l’article R.112-2-a) du Code de l’urbanisme la surface de ces combles non aménagées n’avait pas été pris en compte pour le calcul de la densité initiale de l’ouvrage ;
    - d’autre part, la condamnation d’une cave et la transformation d’une annexe à usage d’habitation en garage, ce qui emportait une diminution de SHON de 22,43 mètres carrés puisqu’en application de l’article R.112-2-c) du Code de l’urbanisme la surface des bâtiments affectés au stationnement des véhicules n’est pas prise en compte pour le calcul de la SHON des constructions.

    En l’état, les travaux projetés emportaient donc une augmentation de 5,82 mètres carrés. Et l’on sait que le juge est particulièrement strict dans l’appréciation des conditions posées par la jurisprudence « Sekler » puisqu’à titre d’exemple, il a pu être jugé que des travaux ayant pour effet de faire passer le coefficient d’occupation du sol d’une construction de 4,03 à 4,05 aggravait la non conformité de cette dernière au regard des prescriptions de l’article 14 du règlement local d’urbanisme (CE. 10 juillet 1995, M. Timsit, req. n°97.462).

    Il reste que dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, l’augmentation de la SHON destinée à l’habitation avait corrélativement augmenté la part de la déduction forfaitaire prévue par l’article R.112-2-e) du Code de l’urbanisme ; si bien que par la mise en œuvre de cette déduction forfaitaire les travaux projetés devaient être regardés comme supprimant 36,52 mètres carrés de SHON et, par voie de conséquence, comme réduisant de 8,26 mètres carrés la SHON de l’ouvrage existant. C’est pourquoi la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la villa de M. Y, avait, à la date du dépôt de la déclaration de travaux en litige, une surface hors oeuvre nette de 175,86 m², supérieure à celle de 147 m² résultant de l'application du coefficient d'occupation des sols fixé par l'article UD 14 du règlement du plan local d'urbanisme ; que cette déclaration de travaux, qui avait été précédée d'une autre déclaration de travaux portant sur la surélévation du toit, laquelle n'a pas fait l'objet d'opposition, décrivait les travaux projetés comme consistant en la création de quatre fenêtres de toit mais comportait aussi une note de calcul de la surface hors oeuvre nette, avant et après la réalisation de l'ensemble des travaux, mentionnant, d'une part, l'aménagement des combles pour les rendre habitables, soit la création d'une surface hors oeuvre nette de 28,25 m², d'autre part, la condamnation de la cave et la transformation d'une annexe habitable en garage, soit une suppression de surface hors oeuvre nette de 22,43 m², aboutissant, compte tenu des déductions supplémentaires prévues par le e) de l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme, à une suppression totale de surface hors oeuvre nette de 36,52 m² ; que si la commune refuse de tenir compte de cette suppression de surface hors oeuvre nette, M. Y a produit devant la Cour, le 30 octobre 2003, des éléments de preuve tendant à en établir la réalité, dont la validité n'a pas été contestée par la commune ; que, dans ces conditions, la nouvelle surface hors oeuvre nette de la construction, après l'exécution de l'ensemble des aménagements projetés, est réduite de 8,26 m2 ; que les travaux déclarés par M. Y doivent, par suite, être regardés comme rendant la construction plus conforme aux dispositions de l'article UD 14 du règlement du plan local d'urbanisme fixant le coefficient d'occupation des sols ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le maire ne pouvait, pour justifier la décision d'opposition litigieuse, se fonder sur ce que les travaux faisant l'objet de la déclaration du 20 décembre 2001 méconnaissaient l'article 5 du règlement du plan local d'urbanisme en ce qu'ils aggravaient la situation de l'immeuble au regard du coefficient d'occupation des sols, doit être accueilli ; qu'il suit de là que le requérant est fondé à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande à fin d'annulation de la décision d'opposition du 28 janvier 2002 et de la décision de rejet du recours gracieux formé contre cette décision ».

    Cet arrêt doit être rapproché du jugement par lequel le Tribunal administratif de Rouen avait considéré que des travaux ayant pour objet d’édifier une terrasse ouverte avec claustras sur un ouvrage existant en surdensité ne pouvaient pas être considérés comme étrangers aux prescriptions de l’article 14 du POS communal dans la mesure où l’absence de création de SHON nouvelle résultait de la seule application des déductions prévues par l’article R.112-2 du Code de l’urbanisme (TA. Rouen, 24 septembre 1996, M. Le Sergent, req. n°94.675).

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés