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Permis de construire - Page 21

  • Du permis de construire valant « ITD » au permis d’aménager valant permis de construire : la vraie fausse nouveauté de la réforme des autorisations d’urbanisme

    Dès lors qu’un projet d’aménagement inclut, même à titre accessoire, une construction assujettie à permis de construire, le projet doit relever dans son ensemble d’un permis de construire et non pas d’une autorisation « ITD ». Mais à compter du 1er octobre 2007, ce même projet pourra relever d’un permis d’aménager valant permis de construire.

    TA. Nice 16 mai 2007, Mme Abonal, req. n°04-02718 (mentionné dans la lettre_n5.pdf du TA de Nice)


    A l’heure où l’autorisation dite « ITD » vit ses derniers jours, on relèvera avec intérêt ce jugement du Tribunal administratif de Nice en ce qu’il illustre le régime particulier de cette autorisation et, surtout, permet d’appréhender la question des fusions d’autorisations d’urbanisme sur laquelle les auteurs de la réforme entrant en vigueur le 1er octobre 2007 ont beaucoup communiqué alors que non seulement il ne s’agit pas d’une réelle nouveauté et qu’en outre, les cas de fusions prévus par cette réforme sont pour le moins limités.

    Dans cette affaire, un opérateur projetait d’aménager un parc d’attraction et avait obtenu à cet effet une autorisation « ITD » délivrée sur le fondement de l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme puisque son point a) assujetti à cette autorisation « les parcs d'attractions et les aires de jeux et de sports, dès lors qu'ils sont ouverts au public ». Il reste que ce projet incluait la réalisation d’un local constitutif d’une construction relevant du champ d’application du permis de construire puisque développant une SHON de 24 mètres carrés.

    Or, le permis de construire a un effet « attracteur » et « absorbant » dans la mesure où dès lors que l’une des composantes d’un projet relève du champ d’application de cette autorisation, celle-ci doit être obtenue pour l’ensemble du projet (voir également, ici). Et pour sa part l’autorisation « ITD » a un caractère subsidiaire, c’est-à-dire qu’elle n’est requise que pour autant que l’aménagement relevant de l’article R.422-2 du Code de l’urbanisme ne soit pas l’une des composantes d’un projet relevant, notamment, du champ d’application du permis de construire ou de la déclaration de travaux. En outre, les dispositions de l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme doivent être interprétées de façon stricte puisque si ces dernières assujettissent à autorisation « ITD », d’une part, les aires de stationnement de plus de dix unités ouvertes au public et, d’autre part, les affouillements du sol d’une profondeur de plus de deux mètres et d’une superficie de plus de 100 mètres carrés, il a néanmoins été jugé qu’un parc de stationnement souterrain constituait une construction assujettie à permis de construire et ne pouvait donc pas relever d’une autorisation « ITD » (CAA. Bordeaux, 14 décembre 1999, Epx Mercier, req. n°96BX01480) ; l’exigibilité d’un permis de construire étant indépendant de toute considération liée au caractère enterré ou non de la construction projetée.

    C’est donc fort logiquement que dans cette affaire, le Tribunal administratif de Nice a jugé que dès lors que le parc d’attraction en cause comportait une construction relevant du champ d’application du permis de construire, ce projet ne pouvait relevait d’une simple autorisation « ITD » mais impliquait, pour son ensemble, l’obtention du permis de construire valant autorisation « ITD » en application de l’article R.442-3 du Code de l’urbanisme.

    Mais pour les projets faisant l’objet d’une demande d’autorisation présentée après le 1er octobre 2007, cette jurisprudence et la règle qu’elle illustre seront obsolètes, d’une part, parce que la réforme des autorisations d’urbanisme entrant en vigueur à cette date supprime l’autorisation « ITD », laquelle se trouve absorber par les autorisations nouvelles que sont le permis d’aménager et la déclaration d’aménagement et, d’autre part, parce que dans certains cas, c’est le permis d’aménager qui pourra valoir permis de construire dès lors que le nouvel article L.442-1 du Code de l’urbanisme précise que « lorsque les travaux d'aménagement impliquent, de façon accessoire, la réalisation par l'aménageur de constructions et d'installations diverses sur le terrain aménagé, la demande de permis d'aménager peut porter à la fois sur l'aménagement du terrain et sur le projet de construction ».

    De ce fait, lorsqu’un parc d’attraction sera soumis à permis d’aménager au titre du nouvel article R.421-19, h) du Code de l’urbanisme, celui-ci pourra également valoir permis de construire pour les constructions accessoires qu’implique également ce projet et, par exemple, pour son bâtiment d’accueil ou ses locaux techniques.

    On soulignera, en effet, que cette possibilité de fusion d’autorisation ne vaut que lorsque la construction considérée présente un caractère accessoire par rapport à l’économie générale du projet d’aménagement en cause. A titre d’exemple, si elle semble également pourvoir être mise en œuvre pour construire les locaux sanitaires d’un camping de plus de six tentes ou les locaux techniques d’un golf de plus de vingt-cinq hectares, elle ne saurait en revanche permettre de réaliser tout à la fois un lotissement et les bâtiments pour l’implantation desquels les divisions constitutives de ce dernier sont pratiquées.

    Mais on relèvera, surtout, qu’alors qu’il s’agissait d’un des aspects annoncés de la réforme les plus attendus par les constructeurs, les cas de fusions d’autorisations d’urbanisme sont pour le moins limités puisqu’outre la possibilité offerte pas l’article L.442-1 du Code de l’urbanisme, les seules autres hypothèses prévues sont celles saisies par les articles les nouveaux articles L.441-1 et L.451-1 du Code de l’urbanisme, lesquels en ce qu’il disposent respectivement que :


    « lorsque les travaux d'aménagement impliquent la démolition de constructions dans un secteur où un permis de démolir est obligatoire, la demande de permis d'aménager peut porter à la fois sur l'aménagement du terrain et sur le projet de démolition »;

    et :

    « lorsque la démolition est nécessaire à une opération de construction ou d'aménagement, la demande de permis de construire ou d'aménager peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement. Dans ce cas, le permis de construire ou le permis d'aménager autorise la démolition »;


    permettront donc qu’un permis d’aménager et/ou un permis de construire valent également permis de démolir…

    Mais outre le nombre très limité de cas de fusion d’autorisations d’urbanisme, il est permis de se demander si, dans certains cas, il n’y aurait pas lieu d’obtenir deux autorisations là ou antérieurement il n’en fallait qu’une. A titre d’exemple, en effet, le champ d’application du permis d’aménager et celui de la déclaration d’aménagement (art. R.421-19 à R.421-23 ; C.urb) recouvre certains travaux, installations et aménagements qui antérieurement relevaient de l’autorisation dite « ITD ». Or, seuls l’alinéa k du nouvel article R.421-19 du Code de l’urbanisme et l’alinéa f du nouvel article R.421-23 prévoient expressément que les travaux qu’ils visent – en l’occurrence certains travaux d’affouillement et d’exhaussement du sol – relèvent de ces procédures « à moins qu’ils ne soient nécessaires à l’exécution d’un permis de construire ».

    Or, si la dispense expressément prévue pour certains travaux d’affouillement et d’exhaussement du sol ne l’est pas pour l’ensemble des autres travaux, installations et aménagements visés par les nouveaux articles R.421-19 et R.421-23 du code de l’urbanisme, force serait d’en conclure que ceux-ci sont soumis à permis d’aménager ou à déclaration d’aménagement même s’ils sont nécessaires à l’exécution d’un permis de construire.

    A s’en tenir la lettre de des articles précités, il s’ensuivrait, à titre d’exemple, que pour la réalisation d’un ensemble immobilier à destination de logements pourvu d’un parc de stationnement de plus de cinquante unités ouvert au public, il faudrait obtenir, d’une part, un permis de construire et, d’autre part, un permis d’aménager puisque bien entendu cette opération ne pourra pas relever d’un permis d’aménager usant de la faculté prévue par le nouvel article L.442-1 du code de l’urbanisme dès lors que les logements ne saurait être considérés comme l’accessoire du parc de stationnement à aménager ; ce qui paraît totalement compatible avec le principe issu de l’ancien article L.421-3,al 1 du code de l’urbanisme – reproduit au nouvel article L.421-6 – selon lequel l’administration doit être en mesure de se prononcer sur la consistante exacte et complète du projet, ce qui implique que la demande et le dossier de permis de construire portent non seulement sur les constructions rendant exigibles un permis de construire mais également sur les aménagements accessoires qui en sont indissociables, notamment, parce qu’il sont nécessaires à la conformité du programme au regard des prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables. On peut donc parier que la jurisprudence nuancera substantiellement la conclusion s’imposant à la lecture des articles relatifs au champ d’application du permis d’aménager et de la déclaration d’aménagement.

    Mais à notre sens, la plus significative des fusions d’autorisations opérées par la réforme n’est pas prévue comme telle par cette dernière et procède du nouvel article R.431-24 du Code de l’urbanisme et, en d‘autres termes, du nouveau régime du permis de construire valant division, lequel, en ce qu’il permet, d’une part, l’obtention d’un permis de construire valant division conjoint (CE. 4 mai 1983, Chapel, req. n°33.620) et s’applique, d’autre part, aux divisions réalisées avant l’achèvement des travaux (CE. 21 août 1996, Ville de Toulouse, req. n°137.834 ; CE. 26 mars 2003, Leclercq, req. n°231.425), fusionne l’ancienne autorisation de lotir et les permis de construire dans un lotissement ; ce que corrobore le fait que contrairement à l’ancien article R.315-2 du Code de l’urbanisme, le nouvel article R.442-1 du Code de l’urbanisme exclut expressément de la notion de lotissement « les divisions de terrains effectuées conformément à un permis de construire prévu à l'article R. 431-24 ».


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • De la preuve de l’existence légale d’une construction ancienne à la preuve de son achèvement

    Il incombe au pétitionnaire de prouver que la construction sur laquelle porte sa demande d’autorisation de travaux a été édifiée soit avant la loi du 15 juin 1943 relative au permis de construire, soit conformément à l’autorisation requise et obtenue à cet effet. A défaut, cette construction est réputée dépourvue d’existence légale et, en toute hypothèse, les travaux projetés sur celle-ci ne peuvent relever du régime déclaratif.

    CAA. Marseille, 9 juillet 2007, SCI « Les Pouillettes », req. n°04MA01976

    L’arrêté commenté propose une solution somme toute classique mais qui illustre parfaitement l’une des problématiques du régime applicable aux travaux sur construction existante et nous permettra d’appréhender l’étendue de la réforme opérée par l’article L.111-12 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 dite ENL.

    On sait, en effet, qu’au regard du droit de l’urbanisme la notion de construction existante implique la réunion de deux conditions : d’une part, une existence physique, laquelle impose que l’ouvrage considéré ne soit pas en état de ruine ou en cas d’inachèvement des travaux que ces derniers aient néanmoins atteint un stade suffisant pour conférer à cet ouvrage la qualité de construction (CAA. Marseille, 8 décembre 2005, Cne d’Eguilles, req. n° 02MA01240 ; TA. Nice, 23 février 2006, M. Cozza, req. n°01-05873 ; CE. 29 mars 2006, Cne d’Antibes, req. n° 280.194) et, d’autre part, une existence légale, laquelle implique que la construction en cause ait été réalisée conformément à un permis de construire alors valide et définitif puisqu’a contrario, constituera une construction illégale celle édifiée sans qu’aucun permis de construire n’ait été obtenue ou en exécution d’un permis de construire précédemment annulé, retiré ou frappé de caducité ou en méconnaissance des prescriptions du permis de construire, voir en exécution d’un permis de construire ultérieurement annulé ou retiré (CE. 9 juillet 1986, Mme Thalamy, req. n° 51.172). Dans ces cas, la construction sera donc illégale et ne pourra donc pas être considérée comme existante au regard du droit de l’urbanisme, si bien que tout travaux projetés sur cette dernière devra nécessairement relever d’un permis de construire portant sur l’ensemble de celle-ci aux fins, pour autant que cela soit possible, de la régulariser ; étant précisé que lorsque l’illégalité de la construction procède de travaux irréguliers postérieurs à son implantation, les plans de la demande de permis de construire devront faire apparaitre cette construction dans son état antérieur à l’exécution des travaux litigieux (CAA. Paris, 9 novembre 2006, M.X., req. n°03PA00413). C’est, toutefois, la position du juge administratif puisque le juge judiciaire considère pour sa part qu’une construction irrégulière peut être régularisée par la prescription de l’action publique, c’est-à-dire passé un délai de trois ans à compter de l’achèvement des travaux (CAss. crim. 9 mars 1993, Derrien, pourvoi n°92-82.372).

    C’est ainsi qu’il est d’usage de présenter le régime applicable en la matière s’agissant des constructions récentes. Il reste que la législation relative au permis de construire procède de la loi du 15 juin 1943. De ce fait, bon nombre de constructions anciennes ont en fait été réalisées sans qu’aucune autorisation ne soit exigible ou à la faveur des nombreuses exemptions de permis de construire longtemps prévues par le dispositif issu de cette loi.

    Or, si ces constructions ont effectivement été édifiées sans autorisation, il n’en demeure pas moins qu’aucune autorisation n’était donc exigible pour ce faire, si bien que pouvant être implantées librement, elles disposent néanmoins d’une existence légale leur rendant inopposable la jurisprudence dite « Thalamy » puisque le Conseil d’Etat a récemment jugé que :

    « Considérant qu'en application de l'article 1er de l'arrêté du 10 août 1946 portant exemption du permis de construire en ce qui concerne les bâtiments d'exploitation agricole, alors applicable, l'édification, en 1960, sur le terrain acquis par M. et Mme D, d'un abri préfabriqué à usage de poulailler, était dispensée de permis de construire ; que cette construction qui pouvait donc être librement réalisée avait dès lors une existence légale, alors même qu'elle n'a fait l'objet d'aucune autorisation ; qu'ainsi, la demande d'autorisation litigieuse ne devait porter, comme c'est le cas le cas en l'espèce, que sur les travaux qui ont pour effet de transformer le bâtiment tel qu'il avait été régulièrement édifié ; qu'il suit de là que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que l'administration était tenue d'opposer un refus à cette demande, dès lors qu'elle ne portait pas sur l'ensemble de la construction » (CE. 15 mars 2006, Ministre de l’équipement, req. n°266.238).

    Il reste qu’en toute hypothèse, y compris donc lorsque le litige porte sur un refus de permis de construire ou une décision d’opposition à déclaration de travaux émanant de l’administration et motivé par le défaut d’existence légale de la construction sur laquelle porte la demande, c’est au pétitionnaire de prouver l’existence légale de cette construction, c’est-à-dire de prouver soit qu’elle a été édifiée avant l’entrée en vigueur de la loi du 15 juin 1943, soit en vertu d’une des exemptions issues de ce disposition, soit conformément à l’autorisation requise et obtenue (pour un précédent sur ce point :CAA. Lyon, 24 février 1994, Cne de Lorgues, req. n°21LY01466).

    A défaut de rapporter cette preuve, la construction sera réputée illégale. Par voie de conséquence, quand bien même les travaux projetés relèveraient-ils isolément du champ d’application de l’article R.422-2-m) du Code de l’urbanisme et donc d’une simple déclaration de travaux, le pétitionnaire sera tenu de présenter une demande de permis de construire portant non seulement sur les travaux projetés mais également sur l’ensemble de la construction considérée (CE. 30 mars 1994, Gigoult, req. n°137.881). C’est ce qu’illustre donc cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille :

    « Considérant, en premier lieu, que, s'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'acte notarié en date du 17 juillet 1991, qu'une construction à usage d'habitation, édifiée antérieurement à l'instauration de la législation sur les permis de construire existait, sur le terrain en cause du projet contesté, il ne résulte pas des pièces du dossier que le hangar agricole sur lequel portaient les travaux faisant l'objet de la demande de permis de construire refusée, était lui-même existant à cette date ; qu'en particulier, contrairement à ce que soutient la société appelante, l'acte notarié précité ne mentionne pas l'existence dudit hangar ; que les attestations versées au dossier par la société requérante, qui se bornent à attester de l'existence de ce hangar au plus tôt dans les années 1970, n'établissent pas que le bâtiment en cause existait avant le 15 juin 1943, date de l'instauration de la législation sur les permis de construire ; qu'il en est de même du constat de l'état des lieux et du rapport d'un architecte missionné par la société requérante, qui mentionnent uniquement le caractère vétuste du hangar en cause sans établir sa date de construction ; que le plan cadastral produit ne permet pas de déterminer la présence éventuelle de ce bâtiment particulier ; qu'il suit de là que la S.C.I «LES POUILLETTES» n'établit pas, comme elle le soutient, que le hangar agricole ne nécessitait aucune autorisation administrative compte tenu de son édification avant l'instauration de la législation sur les permis de construire ; que , par ailleurs, ladite société n'a pas justifié de l'existence d'une autorisation régulière en vue de la construction de ce bâtiment ; que, par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré, comme le faisait valoir la commune de La Motte, que les travaux en cause portant sur un bâtiment non régulièrement édifié, la demande de permis de construire devait porter sur l'ensemble des éléments de la construction et qu'à défaut, le maire ne pouvait que rejeter sa demande de permis de construire portant sur de simples travaux d'aménagement de ce hangar ; qu'il résulte des pièces du dossier que, s'il n'avait retenu que ce seul motif, le maire aurait pris la même décision ; que, dès lors, il n'y a pas lieu, pour la Cour de se prononcer sur les autres motifs de refus retenus par le maire de La Motte ;
    Considérant, en deuxième lieu, que les travaux en litige, qui ne pouvaient être regardés comme portant sur «une construction existante» au sens du m) de l'article R.422-2 du code de l'urbanisme, n'étaient pas exemptés de permis de construire ; que, par suite, les conclusions tendant à ce que la Cour constate l'existence d'une décision de non opposition à des travaux déclarés doivent, en tout état de cause, être rejetées
    »


    Et l’on soulignera que la circonstance que le pétitionnaire ne soit pas l’auteur des travaux illégaux n’a strictement aucune incidence dans la mesure où, compte tenu du caractère d’ordre public et réel de la législation d’urbanisme, le défaut d’existence légale d’une construction est opposable aux tiers, y compris lorsqu’il s’agit d’apprécier le caractère urbanisé du secteur au sein duquel est sis le terrain à construire puisque le Conseil d’Etat a récemment jugé, pour application de la loi littoral, qu’il ne pouvait être tenu compte des constructions illégales pour établir si le terrain à construire est sis dans une zone urbanisée (CE. 27 septembre 2006, Cne de Lavandou, req. n°275.923).

    Mais comme on le sait la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 a tempéré le principe issu de la jurisprudence dite « Thalamy » par l’introduction d’un nouvel article L.111-12 du Code de l’urbanisme disposant que « lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme ». Il reste que ce même article prévoit un certain nombre d’exceptions et, notamment, que la prescription décennale qu’il introduit ne vaut pas « lorsque la construction a été réalisée sans permis de construire ».

    Il est donc clair que ce nouveau dispositif ne modifie pas le régime applicable aux constructions édifiées sans qu’aucun permis de construire n’ait jamais été obtenu et auxquelles doivent nécessairement être assimilées celles réalisées à la faveur de travaux engagés ou poursuivis postérieurement à l’annulation, au retrait ou à l’extinction du délai de validité du permis de construire précédemment obtenu puisqu’au moment des travaux, le constructeur n’était donc plus titulaire de l’autorisation requise à cet effet. A contrario, sous réserve des autres exceptions prévues par le nouvel article L.111-12 du Code de l’urbanisme, le régime est applicable aux constructions exécutés en méconnaissance des prescriptions du permis de construire obtenu.

    Mais selon nous, puisque la question est discutée, la prescription décennale introduite par le l’article précité vaut également lorsque la construction a été exécutée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé ou retiré.

    Il est vrai qu’au regard du droit de l’urbanisme et de la jurisprudence dite « Thalamy » ces constructions sont assimilées à celles réalisées sans qu’aucun permis de construire n’ait été obtenu puisque, compte tenu de l’effet rétroactif attaché à l’annulation ou au retrait d’un permis de construire, la construction édifiée en exécution de ce dernier doit, en droit, être réputée réalisée sans permis de construire. En première analyse, on pourrait donc en déduire que la prescription décennale introduite par le nouvel article L.111-12 du Code de l’urbanisme ne bénéficie pas non plus aux constructions réalisées en exécution d’un permis de construire ayant ultérieurement disparu de l’ordonnancement juridique.

    Mais trois remarques nous semblent plaider pour une solution contraire.

    Tout d’abord, le trouble à l’ordre public résultant d’une construction rendue illégale par voie de conséquence de l’annulation ultérieure de son permis de construire est bien moindre que celui généré par une construction réalisée sans qu’aucune autorisation n’est jamais été obtenue ; sans compter que l’annulation du permis de construire peut résulter d’un simple vice de forme ou de procédure. D’ailleurs, malgré l’effet rétroactif attaché à l’annulation d’un permis de construire, celui qui l’a mis en œuvre ne se rend pas coupable d’un délit de construction sans autorisation au regard de l’article L.480-4 du Code de l’urbanisme ; sauf à ce qu’il l’ait obtenue par fraude (Cass. crim, 30 juin 1981, Bull. crim, n° 226 ; Cass. crim, 15 février 1995, Assoc. des amies de Saint-Palais sur Mer, pourvoi n° 94-80.739).

    Ensuite, dans la mesure où le nouvel article L.111-12 régit les travaux en considération de l’irrégularité de la construction « initiale » et fait courir la prescription qu’il prévoit à compter de son achèvement, il semble que ce soit à cette époque qu’il faille se placer pour apprécier la situation de la construction au regard du droit de l’urbanisme : le fait que le permis de construire ait ultérieurement été annulé ne devrait donc pas avoir d’incidence.

    Il est vrai, a contrario, qu’une telle interprétation de la rédaction de l’alinéa 1er du nouvel article L.111-12 pourrait également amener à conclure qu’une construction initialement régulière mais devenue illégale du fait de l’annulation ultérieure de son permis de construire ne fait donc pas partie des cas prévus par cet alinéa et, à ce seul titre, ne peut pas bénéficier de la prescription décennale qu’il prévoit alors que l’auteur des travaux n’a commis aucun délit. Il reste qu’alors, la réserve ainsi introduite ne viserait donc assurément que le cas où un permis de construire n’a jamais été obtenu : il prévoirait donc le cas où un délit a été commis comme une exception à une règle de principe dont le champ d’application ne recouvre pas les cas non-délictuels : ce qui ferait du nouvel article L.111-12 une bien curieuse règle de droit.

    Enfin, le point b) du nouvel article L.111-12 du code de l’urbanisme réserve également le cas où « une action en démolition a été engagée dans les conditions prévues par l'article L. 480-13 ».

    Or, aux termes de ce dernier, la condition première pour qu’une telle action prospère est que, préalablement, le permis de construire ait été annulé du fait d’une méconnaissance d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique.

    On voit donc mal quelle serait l’utilité de cette réserve expresse, si une construction réalisée en exécution d’un permis de construire ultérieurement annulé est, en toute hypothèse, exclue du bénéfice de la prescription décennale introduite par le nouvel article L.111-12. Précisément, celle-ci ne semble utile que pour s’opposer – le cas échéant, à titre conservatoire – à la régularisation par le temps de ces constructions menacées de démolition.

    D’ailleurs, il ressort des travaux préparatoires de la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL » que la réserve prévue par le point f) du nouvel article L.111-12 a été introduite par l’Assemblée Nationale – contre le souhait du Sénat – pour éviter une « prime » au délit de construction sans autorisation.

    S’il incombera à la jurisprudence de trancher cette question, il nous semble donc raisonnable de considérer que la prescription décennale introduite par le nouvel article L.111-12 du code de l’urbanisme a vocation à bénéficier tant aux constructions réalisées en méconnaissance du permis de construire obtenu qu’à celles édifiées en exécution d’un permis de construire ayant ultérieurement disparu de l’ordonnancement juridique ; sauf, peut-être, à ce qu’il ait été obtenu par fraude.

    Et dans ces cas, le pétitionnaire n’aura donc plus à prouver l’existence légale de cette construction mais seulement son achèvement depuis plus de dix ; étant précisé que cet achèvement s’apprécie, d’une part, non pas au regard de la date de la formulation éventuelle d’une déclaration d’achèvement, laquelle n’est qu’un indice, mais de façon concrète, en considération de son état physique (Cass.civ., 11 mai 2000, Mme Duguet, Bull. civ., III, p.107 ; CAA. Versailles, 21 avril 2005, René Cazals, req. n°02VE03315) et, d’autre part, à la date non pas de la demande mais, par principe, de la date de délivrance de l’autorisation de travaux portant sur la construction (CE. 17 avril 1992, Flaig, req. n°94.390 ; voir, toutefois, ici

    Mais pour conclure, on précisera que la prescription décennale introduite par le nouvel article L.111-12 du Code de l’urbanisme n’a pas vocation à concerner les constructions restées inachevées à l’expiration du délai de validité de l’autorisation en exécution de laquelle les travaux ont été accomplis et ce, non pas parce que son dispositif se réfère à l’achèvement de la construction mais parce que, par principe, le seul inachèvement d’une construction n’a pas pour effet de la rendre illégale et, par voie de conséquence de lui rendre opposable la jurisprudence dite « Thalamy » (CAA. Marseille, 8 décembre 2005, Cne d’Eguilles, req. n° 02MA01240 ; TA. Nice, 23 février 2006, M. Cozza, req. n°01-05873).



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • L’achat d’une bande de terrain grevée d’une servitude de jouissance perpétuelle de jardin aux fins d’élargir l’assiette foncière d’un projet de construction permet de satisfaire aux prescriptions de l’article 14 du règlement local d’urbanisme

    L’acquisition et l’adjonction d’une parcelle au terrain d’assiette d’un projet de construction aux fins d’augmenter la densité de ce dernier ne constitue pas en soi une fraude et dès lors qu’il ne s’agit pas d’un des cas de déduction prévus par l’article R.123-10 du Code de l’urbanisme, la circonstance que cette parcelle soit grevée d’une servitude de jouissance perpétuelle de jardin ne s’oppose pas à ce que sa superficie soit prise en compte pour l’appréciation du coefficient d’occupation au sol de cette construction.

    TA. Versailles, 5 juin 2007, SCI Balzac, req. n°0501083-3


    Dans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire en vue de la réalisation de trois bâtiments à destination de logements sociaux sur un ensemble parcellaire dont il était propriétaire. Et bien que ce projet bénéficiait des dispositions de l’article L.127-1 du Code de l’urbanisme – c’est-à-dire d’une majoration de COS de 20% – le pétitionnaire avait également acquis au préalable une parcelle contiguë de sorte à augmenter l’étendue de son unité foncière et, par voie de conséquence, la densité de son projet.

    Mais dans la mesure où le propriétaire initial de cette parcelle souhaitait conserver l’usage auquel elle avait toujours été affectée, celui-ci obtint que cette parcelle soit grevée à son profit exclusif d’une servitude de jouissance perpétuelle de jardin.

    Précisément, le permis de construire ainsi obtenu devait faire l’objet d’un recours en annulation motivé, notamment, par la méconnaissance de l’article 14 du règlement local d’urbanisme. Plus précisément, le requérante soutenait que la circonstance que la parcelle de terrain acquise ait été subséquemment grevée d’une servitude de jouissance au profit de son ancien propriétaire démontrait que cette acquisition n’avait été opérée que dans le but d’augmenter la densité du projet immobilier contesté et était donc frauduleuse et qu’en toute hypothèse, la superficie de cette parcelle ainsi frappée d’une servitude d’inconstructibilité n’avait pas à être prise en compte pour apprécier le respect des prescriptions de l’article précité.

    Mais ces deux branches du moyen devaient donc être rejetées par le Tribunal administratif de Versailles aux motifs suivants :

    « Considérant que la SCI requérante soutient, d’une part, que le plafond de densité prévu par l’article UB 14 précité est dépassé dès lors que la partie E du terrain d’assiette, d’une superficie de 364 m² est grevée d’une servitude de jouissance perpétuelle de jardin au profit de la propriété voisine, et ne peut de ce fait être prise en compte pour le calcul du coefficient d’occupation des sols que, toutefois, si la parcelle cadastrée AK 555, dont la société d’HLM Logement Français est propriétaire est grevée d’une servitude de jouissance perpétuelle au profit de la propriété voisine, cette circonstance ne fait pas en l’espèce obstacle à ce que la superficie de cette parcelle soit prise en compte en totalité pour la détermination de la superficie de l’unité foncière qu’elle constitue avec les parcelles AK 571 et 710, et qui compte ainsi 1356 m² ; que d’autre part, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ressort des pièces du dossier et notamment du formulaire de demande du permis de construire attaqué, que le projet litigieux bénéficiait du concours financier de I’Etat et respectait les conditions fixées par l’article L.127-1 précité : que la SCI BALZAC n’est ainsi pas fondée à soutenir que le permis attaqué, qui autorise une SHON de 1.139 m2 moyennant un dépassement du COS de 20%, méconnait l’article UB 14 du POS et l’article L. 127-1 du code de l’urbanisme;
    Considérant que la SCI BALZAC soutient que le dépassement de COS sus-analysé procède dune manœuvre frauduleuse : que, cependant, la circonstance, à la supposer établie, que la société d’HLM Logement Français se soit rendue acquéreur de la partie E du terrain afin d’élargir l’assiette foncière de la construction en vue de respecter les prescriptions de l‘article UB 14 du POS, n’est pas à elle seule de nature à démontrer qu’elle ait entendu faire échapper la construction aux règles d’urbanisme applicables; que, par suite, le moyen tiré de ce que le permis litigieux aurait été obtenu par fraude doit être écarté
    ».

    En premier lieu, le Tribunal administratif de Versailles a donc considéré que la superficie de la parcelle en cause devait être prise en compte pour le calcul des droits à construire – nonobstant la servitude d’inconstructibilité la grevant – dès lors qu’elle avait été effectivement acquise par le pétitionnaire et faisait donc partie de l’unité foncière à construire.

    Une telle solution est pour le moins logique dès lors que la densité d’une construction doit par principe être appréciée à l’échelle de l’ensemble de l’unité foncière sur laquelle porte la demande de permis de construire (sur ce principe : CE. 22 juin 1984, Comité de défense de la zone d’habitations individuelles de Neully-Plaisance, req. n°38.939 ; CAA. Lyon, 26 septembre 1995, Cne Cannes, req n°94LY01695) – ou, à tout le moins, des parcelles sur lesquelles le pétitionnaire est titré lorsqu’il n’en est pas propriétaire et non pas seulement à l’échelon de celles devant accueillir un bâtiment (CAA. Versailles, 29 mars 2007, ADEJJ, req. n°06VE01147) – et ce, sous la seule réserve de la déduction prévue par l’article R.123-10 du Code de l’urbanisme (anc. R.123-22), lequel se borne à prévoir que seuls « les emplacements réservés mentionnés au 8º de l'article L. 123-1 sont déduits de la superficie prise en compte pour le calcul des possibilités de construction ».

    C’est d’ailleurs à ce titre que la Cour administrative d’appel avait précédemment jugé que « M. Y ne peut par ailleurs soutenir que l'existence d'une servitude de passage de 76 m² sur la parcelle AL 195 réduit la surface hors oeuvre nette autorisée sur le terrain, dès lors que cette servitude n'est pas au nombre des emplacements réservés visés à l'article R.123-18 II 3° du code de l'urbanisme qui, selon les dispositions de l'article R.123-22 2° du même code, sont déduits de la superficie prise en compte pour le calcul des possibilités de construction » (CAA. Paris, 10 juin 2004, M. Y, req. n° 01PA01513).

    Dès lors qu’il résulte de l’article L.421-3 du Code de l’urbanisme que, plus généralement, la légalité d’un permis de construire doit être appréciée indépendamment de toute considération liée à l’existence d’une servitude de droit privé grevant le terrain à construire, quand bien même s’agirait-il d’une servitude d’inconstructibilité (CE. 23 novembre 1994, Ministère de l’équipement, req. n° 135.215), la circonstance que la parcelle en cause soit grevée d’une servitude de jouissance perpétuelle de jardin ne faisait donc « pas en l’espèce obstacle à ce que la superficie de cette parcelle soit prise en compte en totalité pour la détermination de la superficie de l’unité foncière qu’elle constitue avec les parcelles AK 571 et 710, et qui compte ainsi 1356 m² ».

    On relèvera, toutefois, que ce jugement marque un « revirement » pour le Tribunal administratif de Versailles qui avait pu juger – mais bien antérieurement – qu’une partie de terrain grevée d’un droit de jouissance exclusive au profit d’un tiers ne pouvait pas être pris en compte pour le calcul des droits à construire attachés à ce terrain (TA. Versailles, 23 septembre 1997, Ctrs Bry, req. n°96-4354).

    Mais en second lieu, le Tribunal a donc également estimé que « la circonstance, à la supposer établie, que [le pétitionnaire] se soit rendue acquéreur de la [la parcelle en cause] afin d’élargir l’assiette foncière de la construction en vue de respecter les prescriptions de l‘article UB 14 du POS, n’est pas à elle seule de nature à démontrer qu’elle ait entendu faire échapper la construction aux règles d’urbanisme applicables ».

    En elle-même, en effet, une telle pratique n’a rien ne frauduleuse et, comme on le sait, a été « validée » par le Conseil d’Etat.

    Dans cette affaire, un premier permis de construire avait été annulé au motif tiré de la méconnaissance de l’article 9 du règlement d’urbanisme local. Aux fins de régulariser son projet le pétitionnaire avait ainsi obtenu un bail emphytéotique administratif sur un terrain voisin de sorte à augmenter la surface du terrain d’assiette des constructions projetées et ce faisant, réduire le coefficient d’emprise au sol de ces dernières. Cependant, le permis de construire obtenu aux fins de régularisation devait être annulé, la Cour administrative de Douai considérant que « eu égard au caractère artificiel de la réunion des deux parcelles, à la circonstance que la construction était déjà édifiée à la date de la demande de la demande de permis de construire en cause et que ni son implantation, ni sa consistance n’ont été modifiées, cette opération (…) donnant tout au plus une apparence de régularité à la construction, n’a été effectuée qu’en vue d’échapper aux prescriptions de l’article UB.9 du POS ». Mais saisi en cassation, le Conseil d’Etat a toutefois annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel précité en jugeant que « la circonstance que la société requérante ait conclu un bail emphytéotique sur une parcelle voisine afin d'élargir l'assiette foncière de la construction, en vue de respecter les prescriptions de l'article UB 9 du plan d'occupation des sols, dont la finalité est de limiter la densité sur la zone, n'est pas à elle seule de nature à démontrer qu'elle ait entendu faire échapper la construction aux règles d'urbanisme applicables » (CE. 30 décembre 2002, SCI d’HLM de Lille, req. n°232.584).

    Mais ce sont surtout les conclusions du Commissaire du Gouvernement AUSTRY qui sont particulièrement éclairantes sur ce point :

    « L’hésitation est permise. il est claire que la conclusion de ce bail a été de permettre la délivrance d’un permis de régularisation en rendant le projet conforme à l’article UB.9. Mais d’un autre côté, la seule circonstance qu’un pétitionnaire adapte son projet, que ce soit dans le cadre de l’instruction du permis (…) à la suite d’un refus de permis (…) ou à la suite de l’annulation par le juge, comme ici, afin de rendre conforme aux dispositions du POS, n’est pas par elle-même de nature à faire échec à la régularisation des constructions édifiées. Ce qu’exige, en outre, votre jurisprudence sur la fraude à la loi, c’est que la manœuvre du (constructeur) lui permette d’échapper au conséquences de l’application de la règle d’urbanisme qui est en cause.
    Or, il nous semble ici que l’objet de la règle relative à l’emprise au sol des constructions est d’éviter une densification excessive de la zone dans laquelle se situe la construction projetée. Dès lors, le seul fait de transférer les droits à construire générés par une parcelle voisine qui n’aurait pas déjà épuisé ces droits ne permet pas par lui-même d’échapper aux conséquences de l’article UB.9, mais bien en respectant l’esprit de ce texte et non seulement sa lettre, d’éviter une densification trop forte de l’unité foncière constituée par le terrain d’assiette de la construction projetée. (…) Le transfert des droits à construire généré par la parcelle propriété de l’OPHLM n’est pas sans conséquence puisqu’il interdira l’utilisation des droits à construire de cette parcelle pour une autre opération, et évitera donc une surdensification de la zone qui est précisément ce qu’on cherché à prévenir les auteurs du POS en limitant l’emprise au sol de constructions.
    Nous concluons donc qu’en estimant que l’opération en cause a constitué une manœuvre qui aurait été effectué en vue d’échapper aux prescriptions de l’article UB.9, la cour a inexactement qualifié les faits de l’espèce » (Publiées in BJDU, n°3/2003, p.192, spec. P.194).


    Or, cette analyse faite à la lumière de la finalité de l’article 9 du règlement d’urbanisme local est bien évidemment parfaitement transposable à la finalité de son article 14, lesquelles sont « connexes » pour avoir toutes les deux trait à la densification du terrain ; l’exécution du permis de construire contesté en l’espèce ayant pour effet de consommer les droits à construire attachés à la parcelle grevée d’une servitude de jouissance perpétuelle de jardin, lesquels ne pourront donc plus être réutilisés pour y bâtir.

    Il s’ensuit que l’intégration de cette parcelle au terrain d’assiette du projet n’avait donc nullement pour effet d’augmenter artificiellement la densité constructible dans la zone considérée du POS communal et, par voie de conséquence, de contourner les prescriptions de son article 14.

    A notre sens, en effet, la fraude en la matière ne peut procéder que de la démarche consistant non pas seulement à acquérir une parcelle contiguë du terrain d’assiette de l’opération projetée mais à l’acquérir pour ensuite, peu de temps après l’obtention du permis de construire délivré dans ces conditions, la rétrocéder à un tiers, voire à son propriétaire d’origine (CAA. Nancy, 16 mai 2002, SCI Helios, req. n°97NC02596) puisque ce montage a alors pour unique objet de conférer à l’opération projetée une simple apparence de conformité et qu’en outre, compte tenu de l’abrogation de l’ancien dispositif prévu par l’article L.111-5-1 du Code de l’urbanisme et sous réserve du cas prévu par l’article L.123-1-1 du Code de l’urbanisme (« dans les zones où ont été fixés un ou des coefficients d'occupation des sols, le plan local d'urbanisme peut prévoir que, si une partie a été détachée depuis moins de dix ans d'un terrain dont les droits à construire résultant de l'application du coefficient d'occupation des sols ont été utilisés partiellement ou en totalité, il ne peut plus être construit que dans la limite des droits qui n'ont pas déjà été utilisés »), cette parcelle recouvrira, du fait de sa rétrocession, les droits à construire générés par sa superficie (sur un cas plus particulier de fraude au dispositif alternatif prévu par l’article R.123-10 du Code de l’urbanisme, permettant la prise en compte de la partie du terrain grevé d’un emplacement réservé pour autant que le pétitionnaire la cède gratuitement à la collectivité, constituée par la cession par la collectivité d’une partie de terrain à un constructeur qui l’avait ensuite rétrocédée gratuitement à cette dernière pour pouvoir bénéficier du report de COS correspondant : CAA. Lyon, 10 mars 1998, Ville de Nice, req. n°94LY01151).

    Mais pour conclure, il faut souligner que le commentateur de l’arrêt précité du Conseil d’Etat (CE. 30 décembre 2002, SCI d’HLM de Lille, req. n°232.584) au BJDU – en l’occurrence, le Conseiller d’Etat Jean-Claude BONICHOT – a précisé que « la régularisation n’est pas possible si elle conduit à priver la règle d’urbanisme en cause d’effectivité. Elle doit au contraire permettre de faire rentrer la construction illégale dans la légalité. Il est donc nécessaire de s’interroger sur la portée exacte de la règle méconnue par l’autorisation initiale pour savoir si la régularisation conduit ou non à y satisfaire. Tel était bien le cas en l’espèce : il est évident que si le constructeur acquiert un terrain suffisant pour le coefficient d’emprise soit respecté, il fait rentrer le bâtiment dans la norme » (BJDU, n°3/2002, p.197).

    Force est, en effet, de préciser que la solution retenue par le jugement commenté à l’égard de l’article 14 du règlement local d’urbanisme – et par le Conseil d’Etat s’agissant de l’article 9 – ne vaut pas pour toute prescription puisque pour le juge administratif l’opération d’acquisition ou de revente d’une bande de terrain sera artificielle, et donc inopérante, lorsqu’elle ne confère à la construction qu’une apparence de régularité ne permettant pas d’assurer un respect effectif de la règle d’urbanisme en cause.

    C’est ainsi, à titre d’exemple, que le Conseil d’Etat a jugé inopérante une opération de revente d’une bande de terrain de 70 centimètres destinée à régulariser une construction illégale en la faisant ainsi joindre la limite séparative alors que son permis de construire avait été précédemment annulé en raison de son implantation à 70 centimètres de la limite séparative initiale puisque cette revente permettait certes d’amener la limite séparative jusqu’à la construction litigieuse de sorte à ce qu’elles soient jointives mais, en fait, ne modifier strictement rien à l’implantation de cette construction et à sa distance par rapport à la construction voisine, laquelle, au surplus, était ainsi rendue irrégulière puisqu’initialement implantée en limite séparative, elle s’en trouvait implantée à 70 centimètres de la nouvelle limite séparative, ce que ne permettait pas l’article 7 du POS communal (CE. 25 janvier 1993, Crts Saint-Guilly, req. n°122.112).

    De même, la Cour administrative d’appel de Paris a plus récemment jugé que lorsque l’article 5 du règlement local d’urbanisme impose que le terrain d'assiette ait une largeur effective en bordure de voie de 10 mètres pour être constructible, l’adjonction d’une bande de terrain de 6,50 mètres sur 0,70 mètre à l’accès au terrain à construire, d’une largeur de 3,50 mètres, ne permet que d'obtenir artificiellement une largeur de terrain en bordure de voie de 10 mètres et ne permet donc pas de caractériser cette configuration des lieux comme une façade sur voie au sens cet article 5 et, par voie de conséquence, d’assurer l’effectivité de la règle et la réalisation de l’objectif ainsi poursuivi par les auteurs du document d’urbanisme local, à savoir que les terrains aient une largeur effective en bordure de voie de 10 mètres (CAA. Paris, 23 novembre 2006, Cne de Chaville, req. n° 05PA04096).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur les limites du permis de construire modificatif de régularisation

    Un permis de construire modificatif ne peut régulariser un permis de construire primitif ne précisant ni le nom, ni le prénom de son auteur dès lors que cette méconnaissance de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 constitue une irrégularité entachant l’édiction même du permis primitif.

    CAA. Marseille, 16 mai 2007, M.Y., req. n°04MA01336


    Depuis son apparition, dont elle rappellera qu’elle est d’origine jurisprudentielle, le permis de construire modificatif a toujours eu deux finalités et utilités distinctes : permettre au pétitionnaire qui le souhaite de modifier le projet initialement autorisé sans avoir à obtenir un nouveau permis de construire mais également permettre de régulariser le permis de construire primitif entaché d’illégalité. C’est d’ailleurs dans sa dimension « régularisatrice » que le permis de construire modificatif a vu son existence consacrée par le législateur :

    - dans un premier temps, par l’article L.462-2 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 8 décembre 2005, en ce qu’il dispose qu’en cas de non conformité des travaux réalisés, l’autorité compétente peut « mettre en demeure le maître de l'ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité » ;
    - dans un second temps, par l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL », en ce qu’il dispose qu’en cas d’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme « l'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive »

    Cependant, la Cour administrative d’appel de Paris avait mis un coup d’arrêt à cette seconde pratique en jugeant qu’un « modificatif » ne pouvait régulariser que l’illégalité interne d’un permis de construire primitif – c’est-à-dire celle procédant de la conception même du projet et de sa non conformité aux prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables sur le fond – mais qu’en revanche, il était insusceptible de régulariser les vices affectant ce dernier d’illégalité externe – c’est-à-dire ceux relatifs à la compétence de l’auteur de se permis, à sa forme (signature, motivation et indication du nom et du prénom ainsi que de la qualité de son auteur) ou la procédure préalable à sa délivrance (effectivité et régularité des consultations et avis requis) – dans la mesure où, d’une part, « la légalité d'une décision administrative s'apprécie à la date de son édiction » et où, d’autre part, « l'instruction d'une demande de permis de construire modificatif n'a pas pour finalité la reprise de celle qui a été conduite préalablement à la délivrance du permis de construire initial », si bien que « si des formalités nécessaires à la conformité du permis de construire initial aux dispositions législatives et règlementaires régissant la procédure de délivrance des permis de construire ont été omises au cours de l'instruction d'une demande de permis de construire, leur accomplissement à l'occasion de l'instruction d'une demande de permis de construire modificatif n'a pas pour effet de régulariser la procédure ayant conduit à la délivrance du permis de construire initial » (CAA. Paris, 14 janvier 2001, req. n°99PA00757).

    Pour notre part, cette solution ne nous paraissait pas totalement contestable dans la mesure où si sur le fond un « modificatif » s’intègre au « primitif » – ce dont il résulte que, sauf à se rendre coupable d’un délit de construction en méconnaissance des prescriptions de l’autorisation obtenue, son titulaire ne peut plus exécuter le projet initial sans tenir des modifications autorisées puisqu’à cet égard, ils forment, dans une certaine mesure, une seule est même autorisation (CAA. Marseille, 21 janvier 1999, Sté Terre & Pierre, req. n°96MA02171 ; TA. Versailles, 22 février 1994, SCI Les Ormes, req. n°93-05140) – l’auteur, la forme et la procédure préalable à l’édiction d’un « modificatif » ne sauraient rétrospectivement modifier la circonstance que le « primitif » a été édicté par une autorité incompétente, en une forme et/ou au terme d’une procédure irrégulière et ce, d’autant moins lorsque le projet est effectivement modifié puisqu’alors la procédure est réputée porter sur ces seules modifications ; tel, d’ailleurs, étant l’intérêt du « modificatif » obtenir rapidement une autorisation au terme d’une procédure allégée qui ne sera contestable qu’en raison de ces vices propres.

    Mais quoi qu’il en soit, le Conseil d’Etat devait annuler l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris en jugeant, dans un considérant de principe, que « lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure les respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises » (CE. 2 février 2004, SCI La Fontaine de Villiers, 238.315).

    En résumé, à l’exception peut-être de l’incompétence de l’auteur, un « modificatif » peut donc régulariser l’ensemble des vices affectant le permis de construire initial, y compris donc ses vices de forme et, a priori, celui résultant de la méconnaissance de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 qui implique qu’outre la signature de son auteur, un acte administratif indique le nom, le prénom et la qualité de son auteur, laquelle est à l’origine de nombreuses annulations d’autorisations d’urbanisme.

    Pour autant – et malgré, par ailleurs, le récent assouplissement du juge administratif dans l’application des prescriptions de l’article 4 précité puisqu’à titre d’exemple, il a été récemment jugé que l’absence de mention du nom et du prénom du maire signataire de la décision prononçant le retrait d’un permis de construire tacite peut être palliée par la présence de ces indications sur la lettre par laquelle ledit maire a, conformément à l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, informé sont titulaire de son intention de procéder à ce retrait (CAA. Lyon 5 juillet 2007, SCI LADE, req. n°05LY01966) – la Cour administrative d’appel de Marseille vient donc de juger qu’un « modificatif » ne pouvait pas régulariser un permis de construire primitif et ce, au motif suivant :

    « Considérant, d'autre part, qu'aux termes des dispositions de l'article 4, alinéa 2, de la loi du 12 avril 2000 : «Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci.» ; qu'en application de ces dispositions, l'omission de la mention des nom et prénom du signataire des permis de construire en cause est une irrégularité formelle entachant l'édiction même desdits actes, qui ne peut être régularisée, postérieurement à ladite édiction, par la circonstance que des permis de construire modificatifs, intervenus le 11 juillet 2002 et le 30 septembre 2002 respectivement pour les permis de construire LC041 délivré à B et LC042 délivré à , comporteraient, eux, les mentions exigées par les dispositions précitées ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que les permis en cause étaient irréguliers au regard des exigences sus-rappelées de la loi du 12 avril 2000 »

    Si au regard de l’arrêt précité du Conseil d’Etat, cette solution paraît entachée d’une erreur de droit (voir, d'ailleurs, ici) et d’une motivation erronée puisque, dans cet arrêt, le litige portait sur l’irrégularité de la consultation de l’ABF, laquelle est « une irrégularité [procédurale] entachant l’édiction même » du permis de construire, cette solution nous paraît néanmoins conforme à l’objectif et l’utilité de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000, lequel institue cette formalité au bénéfice non seulement du destinataire de la décision en cause mais également des tiers.

    En effet, l’article précité a pour finalité ou, à tout le moins, pour utilité de permettre aux administrés de connaître l’auteur du permis de construire en cause pour, le cas échéant, constater son incompétence. A défaut, ces administrés sont donc privés d’une information susceptible de les amener à contester la légalité de cet acte et de leur laisser à penser qu’il n’est pas entaché d’incompétence.

    Il est vrai qu’un permis de construire modificatif mentionnant le nom, le prénom et la qualité de son auteur peut alors leur fournir « rétrospectivement » cette information s’agissant du « primitif » et alors leur permettre d’apprécier la légalité de ce dernier au regard des règles de compétence.

    Il reste que si le permis de construire primitif n’a pas été frappé de recours ou a fait l’objet d’un recours exclusivement fondé sur des moyens d’illégalité interne inopérants ou infondés, cette information ne leur sera d’aucune utilité pour contester la légalité de ce dernier.

    Or, quand bien même obtiendraient-ils l’annulation du « modificatif », cette circonstance n’aurait strictement aucune incidence sur le permis de construire primitif puisque si celui constitue la base légale du « modificatif », si bien que l’annulation du permis initial emporte nécessairement l’annulation par voie de conséquence de son « modificatif » – pour autant bien entendu qu’il ait également été frappé de recours – et que même lorsque ce dernier a survécu à l’annulation du primitif – faute d’avoir été également frappé de recours – il ne peut autoriser à exécuter les travaux (TA. Nice, 22 novembre 2005, Patoulle, req. n°05-05326), l’inverse n’est pas vrai.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés