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De la preuve de l’existence légale d’une construction ancienne à la preuve de son achèvement

Il incombe au pétitionnaire de prouver que la construction sur laquelle porte sa demande d’autorisation de travaux a été édifiée soit avant la loi du 15 juin 1943 relative au permis de construire, soit conformément à l’autorisation requise et obtenue à cet effet. A défaut, cette construction est réputée dépourvue d’existence légale et, en toute hypothèse, les travaux projetés sur celle-ci ne peuvent relever du régime déclaratif.

CAA. Marseille, 9 juillet 2007, SCI « Les Pouillettes », req. n°04MA01976

L’arrêté commenté propose une solution somme toute classique mais qui illustre parfaitement l’une des problématiques du régime applicable aux travaux sur construction existante et nous permettra d’appréhender l’étendue de la réforme opérée par l’article L.111-12 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 dite ENL.

On sait, en effet, qu’au regard du droit de l’urbanisme la notion de construction existante implique la réunion de deux conditions : d’une part, une existence physique, laquelle impose que l’ouvrage considéré ne soit pas en état de ruine ou en cas d’inachèvement des travaux que ces derniers aient néanmoins atteint un stade suffisant pour conférer à cet ouvrage la qualité de construction (CAA. Marseille, 8 décembre 2005, Cne d’Eguilles, req. n° 02MA01240 ; TA. Nice, 23 février 2006, M. Cozza, req. n°01-05873 ; CE. 29 mars 2006, Cne d’Antibes, req. n° 280.194) et, d’autre part, une existence légale, laquelle implique que la construction en cause ait été réalisée conformément à un permis de construire alors valide et définitif puisqu’a contrario, constituera une construction illégale celle édifiée sans qu’aucun permis de construire n’ait été obtenue ou en exécution d’un permis de construire précédemment annulé, retiré ou frappé de caducité ou en méconnaissance des prescriptions du permis de construire, voir en exécution d’un permis de construire ultérieurement annulé ou retiré (CE. 9 juillet 1986, Mme Thalamy, req. n° 51.172). Dans ces cas, la construction sera donc illégale et ne pourra donc pas être considérée comme existante au regard du droit de l’urbanisme, si bien que tout travaux projetés sur cette dernière devra nécessairement relever d’un permis de construire portant sur l’ensemble de celle-ci aux fins, pour autant que cela soit possible, de la régulariser ; étant précisé que lorsque l’illégalité de la construction procède de travaux irréguliers postérieurs à son implantation, les plans de la demande de permis de construire devront faire apparaitre cette construction dans son état antérieur à l’exécution des travaux litigieux (CAA. Paris, 9 novembre 2006, M.X., req. n°03PA00413). C’est, toutefois, la position du juge administratif puisque le juge judiciaire considère pour sa part qu’une construction irrégulière peut être régularisée par la prescription de l’action publique, c’est-à-dire passé un délai de trois ans à compter de l’achèvement des travaux (CAss. crim. 9 mars 1993, Derrien, pourvoi n°92-82.372).

C’est ainsi qu’il est d’usage de présenter le régime applicable en la matière s’agissant des constructions récentes. Il reste que la législation relative au permis de construire procède de la loi du 15 juin 1943. De ce fait, bon nombre de constructions anciennes ont en fait été réalisées sans qu’aucune autorisation ne soit exigible ou à la faveur des nombreuses exemptions de permis de construire longtemps prévues par le dispositif issu de cette loi.

Or, si ces constructions ont effectivement été édifiées sans autorisation, il n’en demeure pas moins qu’aucune autorisation n’était donc exigible pour ce faire, si bien que pouvant être implantées librement, elles disposent néanmoins d’une existence légale leur rendant inopposable la jurisprudence dite « Thalamy » puisque le Conseil d’Etat a récemment jugé que :

« Considérant qu'en application de l'article 1er de l'arrêté du 10 août 1946 portant exemption du permis de construire en ce qui concerne les bâtiments d'exploitation agricole, alors applicable, l'édification, en 1960, sur le terrain acquis par M. et Mme D, d'un abri préfabriqué à usage de poulailler, était dispensée de permis de construire ; que cette construction qui pouvait donc être librement réalisée avait dès lors une existence légale, alors même qu'elle n'a fait l'objet d'aucune autorisation ; qu'ainsi, la demande d'autorisation litigieuse ne devait porter, comme c'est le cas le cas en l'espèce, que sur les travaux qui ont pour effet de transformer le bâtiment tel qu'il avait été régulièrement édifié ; qu'il suit de là que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que l'administration était tenue d'opposer un refus à cette demande, dès lors qu'elle ne portait pas sur l'ensemble de la construction » (CE. 15 mars 2006, Ministre de l’équipement, req. n°266.238).

Il reste qu’en toute hypothèse, y compris donc lorsque le litige porte sur un refus de permis de construire ou une décision d’opposition à déclaration de travaux émanant de l’administration et motivé par le défaut d’existence légale de la construction sur laquelle porte la demande, c’est au pétitionnaire de prouver l’existence légale de cette construction, c’est-à-dire de prouver soit qu’elle a été édifiée avant l’entrée en vigueur de la loi du 15 juin 1943, soit en vertu d’une des exemptions issues de ce disposition, soit conformément à l’autorisation requise et obtenue (pour un précédent sur ce point :CAA. Lyon, 24 février 1994, Cne de Lorgues, req. n°21LY01466).

A défaut de rapporter cette preuve, la construction sera réputée illégale. Par voie de conséquence, quand bien même les travaux projetés relèveraient-ils isolément du champ d’application de l’article R.422-2-m) du Code de l’urbanisme et donc d’une simple déclaration de travaux, le pétitionnaire sera tenu de présenter une demande de permis de construire portant non seulement sur les travaux projetés mais également sur l’ensemble de la construction considérée (CE. 30 mars 1994, Gigoult, req. n°137.881). C’est ce qu’illustre donc cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille :

« Considérant, en premier lieu, que, s'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'acte notarié en date du 17 juillet 1991, qu'une construction à usage d'habitation, édifiée antérieurement à l'instauration de la législation sur les permis de construire existait, sur le terrain en cause du projet contesté, il ne résulte pas des pièces du dossier que le hangar agricole sur lequel portaient les travaux faisant l'objet de la demande de permis de construire refusée, était lui-même existant à cette date ; qu'en particulier, contrairement à ce que soutient la société appelante, l'acte notarié précité ne mentionne pas l'existence dudit hangar ; que les attestations versées au dossier par la société requérante, qui se bornent à attester de l'existence de ce hangar au plus tôt dans les années 1970, n'établissent pas que le bâtiment en cause existait avant le 15 juin 1943, date de l'instauration de la législation sur les permis de construire ; qu'il en est de même du constat de l'état des lieux et du rapport d'un architecte missionné par la société requérante, qui mentionnent uniquement le caractère vétuste du hangar en cause sans établir sa date de construction ; que le plan cadastral produit ne permet pas de déterminer la présence éventuelle de ce bâtiment particulier ; qu'il suit de là que la S.C.I «LES POUILLETTES» n'établit pas, comme elle le soutient, que le hangar agricole ne nécessitait aucune autorisation administrative compte tenu de son édification avant l'instauration de la législation sur les permis de construire ; que , par ailleurs, ladite société n'a pas justifié de l'existence d'une autorisation régulière en vue de la construction de ce bâtiment ; que, par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré, comme le faisait valoir la commune de La Motte, que les travaux en cause portant sur un bâtiment non régulièrement édifié, la demande de permis de construire devait porter sur l'ensemble des éléments de la construction et qu'à défaut, le maire ne pouvait que rejeter sa demande de permis de construire portant sur de simples travaux d'aménagement de ce hangar ; qu'il résulte des pièces du dossier que, s'il n'avait retenu que ce seul motif, le maire aurait pris la même décision ; que, dès lors, il n'y a pas lieu, pour la Cour de se prononcer sur les autres motifs de refus retenus par le maire de La Motte ;
Considérant, en deuxième lieu, que les travaux en litige, qui ne pouvaient être regardés comme portant sur «une construction existante» au sens du m) de l'article R.422-2 du code de l'urbanisme, n'étaient pas exemptés de permis de construire ; que, par suite, les conclusions tendant à ce que la Cour constate l'existence d'une décision de non opposition à des travaux déclarés doivent, en tout état de cause, être rejetées
»


Et l’on soulignera que la circonstance que le pétitionnaire ne soit pas l’auteur des travaux illégaux n’a strictement aucune incidence dans la mesure où, compte tenu du caractère d’ordre public et réel de la législation d’urbanisme, le défaut d’existence légale d’une construction est opposable aux tiers, y compris lorsqu’il s’agit d’apprécier le caractère urbanisé du secteur au sein duquel est sis le terrain à construire puisque le Conseil d’Etat a récemment jugé, pour application de la loi littoral, qu’il ne pouvait être tenu compte des constructions illégales pour établir si le terrain à construire est sis dans une zone urbanisée (CE. 27 septembre 2006, Cne de Lavandou, req. n°275.923).

Mais comme on le sait la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 a tempéré le principe issu de la jurisprudence dite « Thalamy » par l’introduction d’un nouvel article L.111-12 du Code de l’urbanisme disposant que « lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme ». Il reste que ce même article prévoit un certain nombre d’exceptions et, notamment, que la prescription décennale qu’il introduit ne vaut pas « lorsque la construction a été réalisée sans permis de construire ».

Il est donc clair que ce nouveau dispositif ne modifie pas le régime applicable aux constructions édifiées sans qu’aucun permis de construire n’ait jamais été obtenu et auxquelles doivent nécessairement être assimilées celles réalisées à la faveur de travaux engagés ou poursuivis postérieurement à l’annulation, au retrait ou à l’extinction du délai de validité du permis de construire précédemment obtenu puisqu’au moment des travaux, le constructeur n’était donc plus titulaire de l’autorisation requise à cet effet. A contrario, sous réserve des autres exceptions prévues par le nouvel article L.111-12 du Code de l’urbanisme, le régime est applicable aux constructions exécutés en méconnaissance des prescriptions du permis de construire obtenu.

Mais selon nous, puisque la question est discutée, la prescription décennale introduite par le l’article précité vaut également lorsque la construction a été exécutée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé ou retiré.

Il est vrai qu’au regard du droit de l’urbanisme et de la jurisprudence dite « Thalamy » ces constructions sont assimilées à celles réalisées sans qu’aucun permis de construire n’ait été obtenu puisque, compte tenu de l’effet rétroactif attaché à l’annulation ou au retrait d’un permis de construire, la construction édifiée en exécution de ce dernier doit, en droit, être réputée réalisée sans permis de construire. En première analyse, on pourrait donc en déduire que la prescription décennale introduite par le nouvel article L.111-12 du Code de l’urbanisme ne bénéficie pas non plus aux constructions réalisées en exécution d’un permis de construire ayant ultérieurement disparu de l’ordonnancement juridique.

Mais trois remarques nous semblent plaider pour une solution contraire.

Tout d’abord, le trouble à l’ordre public résultant d’une construction rendue illégale par voie de conséquence de l’annulation ultérieure de son permis de construire est bien moindre que celui généré par une construction réalisée sans qu’aucune autorisation n’est jamais été obtenue ; sans compter que l’annulation du permis de construire peut résulter d’un simple vice de forme ou de procédure. D’ailleurs, malgré l’effet rétroactif attaché à l’annulation d’un permis de construire, celui qui l’a mis en œuvre ne se rend pas coupable d’un délit de construction sans autorisation au regard de l’article L.480-4 du Code de l’urbanisme ; sauf à ce qu’il l’ait obtenue par fraude (Cass. crim, 30 juin 1981, Bull. crim, n° 226 ; Cass. crim, 15 février 1995, Assoc. des amies de Saint-Palais sur Mer, pourvoi n° 94-80.739).

Ensuite, dans la mesure où le nouvel article L.111-12 régit les travaux en considération de l’irrégularité de la construction « initiale » et fait courir la prescription qu’il prévoit à compter de son achèvement, il semble que ce soit à cette époque qu’il faille se placer pour apprécier la situation de la construction au regard du droit de l’urbanisme : le fait que le permis de construire ait ultérieurement été annulé ne devrait donc pas avoir d’incidence.

Il est vrai, a contrario, qu’une telle interprétation de la rédaction de l’alinéa 1er du nouvel article L.111-12 pourrait également amener à conclure qu’une construction initialement régulière mais devenue illégale du fait de l’annulation ultérieure de son permis de construire ne fait donc pas partie des cas prévus par cet alinéa et, à ce seul titre, ne peut pas bénéficier de la prescription décennale qu’il prévoit alors que l’auteur des travaux n’a commis aucun délit. Il reste qu’alors, la réserve ainsi introduite ne viserait donc assurément que le cas où un permis de construire n’a jamais été obtenu : il prévoirait donc le cas où un délit a été commis comme une exception à une règle de principe dont le champ d’application ne recouvre pas les cas non-délictuels : ce qui ferait du nouvel article L.111-12 une bien curieuse règle de droit.

Enfin, le point b) du nouvel article L.111-12 du code de l’urbanisme réserve également le cas où « une action en démolition a été engagée dans les conditions prévues par l'article L. 480-13 ».

Or, aux termes de ce dernier, la condition première pour qu’une telle action prospère est que, préalablement, le permis de construire ait été annulé du fait d’une méconnaissance d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique.

On voit donc mal quelle serait l’utilité de cette réserve expresse, si une construction réalisée en exécution d’un permis de construire ultérieurement annulé est, en toute hypothèse, exclue du bénéfice de la prescription décennale introduite par le nouvel article L.111-12. Précisément, celle-ci ne semble utile que pour s’opposer – le cas échéant, à titre conservatoire – à la régularisation par le temps de ces constructions menacées de démolition.

D’ailleurs, il ressort des travaux préparatoires de la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL » que la réserve prévue par le point f) du nouvel article L.111-12 a été introduite par l’Assemblée Nationale – contre le souhait du Sénat – pour éviter une « prime » au délit de construction sans autorisation.

S’il incombera à la jurisprudence de trancher cette question, il nous semble donc raisonnable de considérer que la prescription décennale introduite par le nouvel article L.111-12 du code de l’urbanisme a vocation à bénéficier tant aux constructions réalisées en méconnaissance du permis de construire obtenu qu’à celles édifiées en exécution d’un permis de construire ayant ultérieurement disparu de l’ordonnancement juridique ; sauf, peut-être, à ce qu’il ait été obtenu par fraude.

Et dans ces cas, le pétitionnaire n’aura donc plus à prouver l’existence légale de cette construction mais seulement son achèvement depuis plus de dix ; étant précisé que cet achèvement s’apprécie, d’une part, non pas au regard de la date de la formulation éventuelle d’une déclaration d’achèvement, laquelle n’est qu’un indice, mais de façon concrète, en considération de son état physique (Cass.civ., 11 mai 2000, Mme Duguet, Bull. civ., III, p.107 ; CAA. Versailles, 21 avril 2005, René Cazals, req. n°02VE03315) et, d’autre part, à la date non pas de la demande mais, par principe, de la date de délivrance de l’autorisation de travaux portant sur la construction (CE. 17 avril 1992, Flaig, req. n°94.390 ; voir, toutefois, ici

Mais pour conclure, on précisera que la prescription décennale introduite par le nouvel article L.111-12 du Code de l’urbanisme n’a pas vocation à concerner les constructions restées inachevées à l’expiration du délai de validité de l’autorisation en exécution de laquelle les travaux ont été accomplis et ce, non pas parce que son dispositif se réfère à l’achèvement de la construction mais parce que, par principe, le seul inachèvement d’une construction n’a pas pour effet de la rendre illégale et, par voie de conséquence de lui rendre opposable la jurisprudence dite « Thalamy » (CAA. Marseille, 8 décembre 2005, Cne d’Eguilles, req. n° 02MA01240 ; TA. Nice, 23 février 2006, M. Cozza, req. n°01-05873).



Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

Commentaires

  • Bonjour, et tout d'abord merci pour ces éclaircissements.
    Je me trouve propriétaire récent d'une habitation pour laquelle, en vue de travaux de rénovation, j'ai demandé et obtenu un PC. Ce dernier est contesté au TA par un voisin hargneux qui argumente principalement autour de la jurisprudence Thamaly ; je vais donc devoir me défendre.
    Mon cas est similaire au cas du hangar construit en 1960 et que vous pré-citez puisqu'il s'agit d'une maison dont le corps principal a été construit en 1880, donc son permis à l'époque et agrandie d'extentions sans doute dans les années 70-90 (difficile à déterminer) mais en plusieurs fois et bien depuis plus de 10 ans...
    Auriez-vous un conseil à me donner ou des exemples de jurisprudence en mon sens ?
    Sincère remerciement par avance pour toute réponse de votre part...
    Tél. 06 87 05 36 13.

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