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La simple location d’immeubles implantés sur un même terrain n’emporte pas une division foncière assujettie à la procédure de lotissement ou à celle du permis de construire valant division

La location d’immeubles et la jouissance privative en résultant pour leurs occupants n’emportent pas nécessairement une division foncière en propriété ou en jouissance du terrain sur lequel ils sont édifiés dans la mesure où une telle division ne peut résulter que du bénéfice d’un droit de construire. Par voie de conséquence, la construction sur un même terrain de cinq immeubles destinés à être loués ne relève ni du champ d’application du lotissement, ni de celui du permis de construire valant division.

CE. 7 mars 2008, Cne de Mareil-le-Guyon, req. n°296.287


Dans cette affaire, un même pétitionnaire avait présenté, le même jour, cinq demandes de permis de construire en vue d’édifier cinq maisons individuelles sur l’unité foncière dont il était propriétaire. Toutefois, ces demandes devait faire l’objet de cinq décisions de refus, toutes motivées par le motif tiré de ce que un tel projet impliquait nécessairement la division foncière du terrain à construire, si bien que ces cinq demandes auraient dû être, soit précédées de l’obtention d’une autorisation de lotir, soit groupées dans le cadre d’une unique demande de permis de construire valant division.

En première instance, le pétitionnaire fut débouté de sa demande d’annulation des cinq refus de permis de construire qui lui avaient été opposés, le Tribunal administratif de Versailles estimant que son projet relevait du champ d’application de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme et exigeait donc un permis de construire valant division. Mais saisie en appel, la Cour administrative de Versailles devait annuler et réformer le jugement de première instance au motif qu’il ressortait des pièces des dossiers de demande et des déclarations du pétitionnaire que les maisons individuelles projetées étaient seulement destinées à être louées, si bien que leur terrain d’assiette ne devait donc faire l’objet d’aucune division en propriété, ni même d’une division en jouissance puisque, nonobstant la jouissance privative des habitations louées résultant de l’article 1709 du Code civil, un tel usage n’implique le bénéfice d’aucun droit de construire :

« Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme : « Lorsque la demande de permis de construire porte sur la construction, sur un même terrain, par une seule personne physique ou morale, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, le dossier présenté à l'appui de la demande est complété par les documents énumérés à l'article R. 315-5 (a) et, le cas échéant, à l'article R. 315-6 … » ; qu'aux termes de l'article R. 315-1 du code de l'urbanisme : Constitue un lotissement au sens du présent chapitre toute division d'une propriété foncière en vue de l'implantation de bâtiments qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de ladite propriété (...) L'alinéa précédent s'applique notamment aux divisions en propriété ou en jouissance résultant de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de locations (…) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux porte sur la construction de cinq maisons individuelles sur un même terrain appartenant à M. X ; que ces maisons sont destinées, selon les déclarations du pétitionnaire, à faire l'objet d'une location et qu'il n'est pas établi, contrairement à ce que soutient la commune, que chacune de ces habitations soit destinée à devenir la propriété exclusive et particulière de chaque occupant ; que si la commune de Mareil-le-Guyon soutient également que la location de ces logements implique, conformément à l'article 1709 du code civil, la jouissance privative des habitations louées, cet usage personnel ne saurait être assimilé, par lui même, à une opération de division du sol en propriété ou en jouissance visée par les dispositions précitées du 2ème alinéa de l'article R. 315-1 et de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme, un tel usage n'impliquant le bénéfice d'aucun droit à construire ; qu'ainsi, le terrain d'assiette du projet n'ayant pas vocation à faire l'objet d'une division en propriété ou même en jouissance, c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a considéré que le projet nécessitait la délivrance d'un permis de construire groupé prévu par les dispositions précitées de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme
» (CAA. Versailles, 8 juin 2006, M. X…, req. n° 04VE03538).


Et le Conseil d’Etat vient donc de confirmer cette analyse en jugeant pour sa part que :

« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour rejeter par cinq décisions du 27 décembre 2001, les cinq demandes de permis de construire présentées par M. B, le maire de la COMMUNE DE MAREIL-LE-GUYON s'est fondé sur ce que le terrain d'assiette des constructions projetées devait faire l'objet d'une division en jouissance, et a informé l'intéressé de ce qu'il lui appartenait de déposer une demande unique de permis de construire groupé, en application de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme, ou une demande préalable d'autorisation de lotir, sur le fondement de l'article R. 315-1 du même code ; que la COMMUNE DE MAREIL-LE-GUYON se pourvoit contre l'arrêt du 8 juin 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a annulé les jugements du tribunal administratif de Versailles du 19 octobre 2004 rejetant les demandes de M. B dirigées contre les cinq décisions de refus du maire de la COMMUNE DE MAREIL-LE-GUYON, ainsi que ces décisions ; Sur le pourvoi principal : Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme alors en vigueur : Lorsque la demande de permis de construire porte sur la construction, sur un même terrain, par une seule personne physique ou morale, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, le dossier présenté à l'appui de la demande est complété par les documents énumérés à l'article R. 315-5 (a) et le cas échéant à l'article R. 315-6 ; Considérant que les projets présentés par M. B consistaient en la construction en vue de leur location ultérieure, par un seul maître d'ouvrage et sur un même terrain, de cinq habitations ; que cette opération n'est susceptible de conférer à chacun des futurs locataires qu'un simple droit d'usage exclusif d'une maison individuelle et du terrain attenant, sans entraîner, par elle-même, de division foncière ; que, dès lors, la COMMUNE DE MAREIL-LE-GUYON n'est pas fondée à soutenir que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit, en jugeant que la location ne constituait pas une division en jouissance de la propriété foncière ; que, par suite, sa requête doit être rejetée ; que les conclusions du pourvoi principal étant rejetées, les conclusions du pourvoi incident sont, par voie de conséquence, devenues sans objet »

Force est effectivement d’admettre qu’en l’espèce, le projet ne relevait manifestement pas du champ d’application de l’autorisation de lotir. On sait, en effet, que le Conseil d’Etat a précisé que la construction de plusieurs bâtiments sur un même terrain par un même maître d’ouvrage (CE. 23 décembre 1993, Billon, req. n°140.752) et, le cas échéant, à la faveur de plusieurs permis de construire simultanés ou successifs (CE. 10 décembre 1982, Orsini, req. n°14.125) ne constitue pas un lotissement. Au surplus et dans la mesure où l’ancien article R.315-1 du Code de l’urbanisme vise les divisions foncières destinées à l’implantation de bâtiments, seules les divisions préalables ou concomitantes à l’acte de construction peuvent rendre exigibles une autorisation de lotir (CE. 21 août 1996, Ville de Toulouse, req. n°137.834 ; CE. 26 mars 2003, Leclercq, req. n°231.425). Or, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, rien ne laissait apparaître que le terrain d’assiette du projet avait vocation à être divisé avant l’achèvement des cinq maisons individuelles projetées (pour un exemple inverse : CAA. Marseille, 3 juin 1999, Sté SOFRAP, req. n°97MA05313).

Dès lors, la seule véritable question était d’établir si l’opération projetée relevait du champ d’application de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme et, en d’autres termes, impliquait la réalisation de divisions foncières postérieures à l’achèvement des constructions puisque seules ces dernières sont susceptibles de relever de l’article précité (CE. 26 mars 2003, Leclercq, req. n°231.425) ; étant rappelé que le nouvel article R.431-24 du Code de l’urbanisme vise, dorénavant, les seules divisions réalisées avant l’achèvement complet des travaux autorisés par le permis de construire valant division qu’il régit.

L’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme et le nouvel article R.431-24 imposent, en effet, au pétitionnaire de produire à son dossier de demande de permis de construire certaines des pièces exigibles dans le cadre d’une demande d’autorisation de lotissement lorsque son projet porte sur la réalisation de plusieurs bâtiments sur une même unité foncière devant faire l’objet d’une division ultérieure à l’achèvement de ces bâtiments. Et bien entendu, le seul fait que le pétitionnaire ne produise pas ces pièces ne suffit pas à établir que le terrain d’assiette de son projet n’a pas vocation à faire l’objet d’une telle division. En effet, le juge administratif apprécie l’exigibilité de ces pièces au regard des caractéristiques de l’ensemble immobilier projeté objet de la demande de permis de construire – voire des seules déclarations du pétitionnaire (CAA. Paris, 17 janvier 2002, EURL Modap, req. n°99PA02662) – dont il peut déduire que sa commercialisation et/ou sa gestion impliquera nécessairement des divisions foncières et, par voie de conséquence, juger que les pièces requises par l’article précité étaient exigibles (CE. 8 février 1999, Cne de La Clusaz, req. n°171.94 ; CAA. Lyon, 10 juin 1997, Sté MGM, req. n°96LY00389 ; CE. 27 avril 1994, M. Vuillerme, req. n°139.238) pour, le cas échéant, annuler le permis de construire délivré au vu d’un dossier ne comportant pas ces dernières.

Or, au cas présent, s’il était manifeste que le pétitionnaire n’entendait pas construire les cinq maisons individuelles projetées pour son seul usage, il ressortait toutefois de ses dossiers de demande de permis de construire qu’il avait uniquement l’intention de les louer. Par voie de conséquence, son projet n’impliquait donc aucune division en propriété. Il reste qu’à l’instar de l’ancien article R.315-1 du Code de l’urbanisme, l’ancien article R.421-7-1 vise non seulement les divisions en propriété mais également les divisions en jouissance ; l’ancien article R.315-1.al.2 y intégrant expressément « les locations ». Et si en l’espèce, les locations portaient sur les maisons individuelles et non pas directement sur leur terrain d’assiette, ces locations emportaient néanmoins la jouissance privative non seulement des bâtiments mais également de leur emprise au sol.

Cependant, la Cour administrative d’appel de Versailles puis le Conseil d’Etat ont donc jugé qu’une telle location n’emportait pas une division foncière au sens de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme, ni, d’ailleurs, au sens de l’ancien article R.315-1 ; ce qui vaut bien entendu pour application des nouveaux articles L.442-1 et R.431-24 du Code de l’urbanisme. Et à cet égard, l’arrêt commenté peut donc être rapproché de celui par lequel la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que « la seule privation de l’emprise au sol d’habitations ne constitue pas par elle-même une opération de division de ce sol » (CAA. Bordeaux, 31 mai 2001, Cts Pezin, req. n°97BX02195).

Mais l’arrêt commenté apporte surtout deux précisions d’importance. D’une part, il confirme que les divisions foncières sont celles résultant non pas du simple droit d'usage exclusif d'un bâtiment et du terrain attenant mais d’un transfert du droit de construire sur l’unité foncière initiale : ce qui n’est pas le cas du simple locataire d’un terrain et, a fortiori, de l’immeuble édifié sur ce dernier puisqu’une telle qualité ne confère pas un titre habilitant à construire ; sauf à ce qu’il soit titulaire d’un bail à construction, d’un bail emphytéotique ou, plus généralement, d’un bail l’autorisant expressément à construire sur le terrain loué.

Dans cette mesure et si tant est qu’il en soit encore besoin, cet arrêt confirme qu’une division foncière ne peut procéder que de la réunion sur une même unité foncière d’origine de plusieurs titulaires d’un droit d’y construire et, surtout, que dès lors qu’une telle réunion est constituée, il y a nécessairement division foncière de ce terrain (sur la division en volume, voir ici).

D’autre part, il convient de souligner que l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme comme le nouvel article R.431-24 se bornent à saisir le cas où « la demande de permis de construire porte sur la construction, sur un même terrain, (…) de plusieurs bâtiments ».

Or, dans cette affaire, il ne s’agissait pas d’une demande de permis de construire portant sur cinq maisons individuelles mais de cinq demandes de permis de construire distinctes portant chacune sur une seule et unique maison. Ce simple constat aurait donc pu conduire à juger que – de ce seul fait – l’opération projetée n’était pas assujettie au régime du permis de construire valant division.

Tel n’a, toutefois, pas été le cas. Mais il faut dire qu’une telle solution aurait totalement vidé de sa substance l’ancien article R.421-7-1 et le nouvel article R.431-24 du Code de l’urbanisme puisque pour échapper à leurs prescriptions, il aurait donc suffit de fractionner l’opération en autant de permis de construire que de bâtiments projetés ; pour autant, toutefois, que ces derniers ne soient pas interdépendants en conséquence de l’existence d’équipements communs nécessaires à leur conformité – tel, à titre d’exemple, un parc de stationnement – puisqu’en pareil cas l’opération serait indivisible (CE. 1er décembre 1995, M. Ménager & Autres, req. n° 137.832 ; CAA. Nancy, 4 mars 1997, Epx Ravachol c/ Ville de Reims, req. n° 94NC01290) et exigerait un permis de construire unique (CE. 26 mars 1997, ADLA, req. n° 172.183).

Il semble donc permis d’en déduire que, nonobstant la rédaction de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme et du nouvel article R.431-24, lorsque l’opération consiste en la construction de plusieurs bâtiments sur un même terrain ultérieurement destiné à faire l’objet d’une division en jouissance ou en propriété, le projet doit nécessairement relever d’une demande de permis de construire valant division sans pouvoir la fractionner en plusieurs permis de construire simples.


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet Frêche & Associés

Commentaires

  • Je trouve que le principe d'égalité est mis en cause, si le simple fait de projeter de louer (sachant que le demandeur peut changer d'avis après l'achèvement ou peu de temps après cet achèvement) permet d'échapper à la division en jouissance de fait,
    Le code de l'urbanisme ne semble pas s'appliquer différemment selon qu'il s'agit d'un logement à louer ou a vendre, d'autant plus qu'au cours de "sa vie", un logement peut passer plusieurs fois de la location à la vente et vice versa.
    Les POS ou PLU devraient etre entre autres considérés comme des indicateurs de densité de logements par secteur, que ce soit pour louer ou vendre, à des jeunes ou des vieux, à des français ou etrangers, etc....

  • Je ne comprends pas votre commentaire : la philosophie des POS et PLU n'est pas remise en cause dans ce cas (qu'il y ait location ou vente) : la densité dépend (entre autre, il est vrai) du COS.

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