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Permis de construire - Page 18

  • Sur l’extension de constructions sises sur un terrain à cheval sur plusieurs zones du règlement local d’urbanisme

    Lorsque l’article 1er d’un règlement de zone n’y autorise que l’extension des constructions existantes, les constructions présentes sur une zone distincte de celle sur laquelle est projetée la construction objet de la demande de permis ne sauraient être prises en compte pour établir si cette dernière constitue une extension des deux autres.

    TA. Versailles, 22 février 2008, Epx Salin, req. n°05-04821.pdf



    Bien qu’il appelle peu de commentaires, voici néanmoins un jugement intéressant au sujet de la constructibilité des unités foncières sises à cheval sur des zones différentes du document local d’urbanisme.

    Dans cette affaire, les pétitionnaires étaient propriétaires de trois parcelles accueillant chacune un bâtiment, lesquelles formaient une seule et même unité foncière mais étaient cependant sises dans deux zones distinctes du POS communal. Et ces derniers avaient formulé une demande de permis de construire destiné à régulariser l’un de ces trois bâtiments, lequel était sis en zone ND et reliait les deux autres qui, pour leur part, étaient implantés en zone U.

    Or, cette demande devait faire l’objet d’un refus fondé sur l’article ND.1 du POS communal, lequel n’autorisait dans cette zone que « les extensions des constructions à usage d’habitation existantes », lequel devait donc être validé par le Tribunal administratif de Versailles au motif suivant :

    « Considérant que M. et Mme Salin sont propriétaires de trois parcelles, cadastrées B 1040, B 1041 et B 497 ; que les deux premières sont construites et situées en zone U du POS de la commune de Bouafle ; que le permis de construire sollicité par M. et Mme Salin avait pour objet de régulariser une construction édifiée sur la parcelle B 497, située en zone ND, et qui relie deux constructions préexistantes ; que seules sont admises en zone ND « les extensions et aménagements de constructions à usage d’habitation existantes (…) sous réserve que la totalité de la construction ait une SHON inférieure à 170 m² après travaux » ; qu’il ressort des pièces du dossier qu’aucune construction ne préexistait sur le terrain d’assiette ; que l’implantation dans une zone définie par un plan d’occupation des sols d’une construction interdite par le règlement applicable à cette zone ne saurait constituer une adaptation mineure au sens de l’article L.123-1 précité ».

    En substance, le Tribunal a donc considéré que dès lors qu’en droit, d’une part, l’article ND.1 du POS communal n’autorisait que les extensions de constructions existantes et qu’en fait, d’autre part, aucune construction ne préexistait sur le terrain d’assiette de la construction à régulariser – laquelle était elle-même dénuée de toute existence légale pour avoir été édifiée sans autorisation – le refus de permis de construire opposé à la demande des pétitionnaires était légal de ce seul chef.

    Il faut, toutefois, relever que la construction en cause reliée les deux autres constructions appartenant aux pétitionnaires et, le cas échéant, aurait donc pu constituer une extension de celles-ci.

    Mais force est de constater que le Tribunal administratif de Versailles ne s’est aucunement préoccupé de cette circonstance de fait.

    Il faut, toutefois, rappeler que les deux constructions en cause pour être sises sur la même unité foncière n’en était pas moins implantées dans une zone distincte de celle où se trouvait la construction objet du refus de permis de construire en cause

    Or, comme on le sait, le cas où un même terrain est à cheval sur deux zones, il convient d’appliquer distinctement les prescriptions de chacun des règlements de chacune de ces deux zones à la partie du terrain qui y est sise (CE. 18 mars 1998, Michel Brun, req. n°70020).

    C’est ainsi que le Conseil d’Etat a pu juger que seule peut être prise en compte la surface de la propriété située en zone constructible pour apprécier si la condition relative à la surface minimale pour construire dans cette zone est remplie (CE. 26 février 1988, Sales, req. n°64.507) et que, dans le même sens, la Cour administrative de Versailles a elle-même jugé que lorsque le terrain est à cheval sur deux zones, seule sa partie située en zone constructible pouvait être prise en compte pour le calcul de la SHON résiduelle (CAA. Versailles, 2 décembre 2004, Flury-Herard, req. n°02VE00551). Et plus généralement, il ressort de la jurisprudence rendue en la matière que cette modalité d’application des prescriptions du règlement local d’urbanisme vaut quelle que soit la prescription en cause : on voit donc mal pourquoi, il en irait autrement s’agissant des possibilités d’extension des constructions existantes.

    Il semble donc possible de déduire du silence conservé par le Tribunal administratif de Versailles sur la question de savoir si la construction en cause constituait ou non une extension des constructions existantes et du fait qu’il ait souligné « qu’aucune construction ne préexistait sur le terrain d’assiette » que lorsqu’un article 1er d’un règlement local d’urbanisme limite les possibilités de construction dans une zone à l’extension des constructions existantes, il faille comprendre que cet article autorise les seules extensions des constructions existantes dans cette même zone et, a contrario, qu’il ne permet pas de procéder dans cette zone à l’extension de constructions implantées dans une autre zone ; ce qui est, d’ailleurs, cohérent avec la jurisprudence de ce Tribunal dont la formation de référés avait précédemment jugé que lorsqu’un règlement local d’urbanisme limite les constructions à une par îlot, cette prescription ne permet pas d’autoriser sur un même îlot une construction nouvelle et l’extension d’un bâtiment situé dans une autre zone (TA. Versailles, 3 mai 2004, Epx Faivre, req. n°04-01825).



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • La réforme des autorisations d’urbanisme et le transfert partiel du permis de construire valant division

    Telle qu’elle est présentée et traitée sur le site dédié du ministère, la problématique du transfert partiel du permis de construire valant division est un parfait exemple, tout à la fois, de la communication faite par l’administration centrale sur les prétendus apports de la récente réforme des autorisations d’urbanisme et des approximations de cette réforme : une mauvaise analyse du problème pour une fausse solution.

     

    EXTRAIT DU SITE DU MINISTERE - « LE NOUVEAU PERMIS DE CONSTRUIRE »

    1er question/réponse :

    Description :


    Un permis valant division délivré avant le 1er octobre 2007, en cours de validité, peut-il faire l’objet d’un transfert partiel, sachant que le PC valant division se caractérisait, avant le 1er octobre, par un maître d’ouvrage unique ?

    Réponse :

    Pour une demande de transfert partiel d’un permis valant division déposée après le 1er octobre, les règles de procédure applicables sont celles en vigueur depuis le 1er octobre. Elles permettent donc le transfert partiel


    2e question/réponse :

    Description :


    Si un constructeur dépose un permis groupé pour 2 logements et qu’il vend ces logements après coup à deux propriétaires différents, pourra-t-il transférer le permis à chacun des propriétaires ?

    Réponse :

    L’article R.431-24 du code de l’urbanisme prévoit : "Lorsque les travaux projetés portent sur la construction, sur le même terrain, de plusieurs bâtiments dont le terrain d’assiette doit faire l’objet d’une division en propriété ou en jouissance avant l’achèvement de l’ensemble du projet, le dossier présenté à l’appui de la demande est complété par un plan de division et, lorsque des voies ou espaces communs sont prévus, le projet de constitution d’une association syndicale des acquéreurs à laquelle seront dévolus la propriété, la gestion et l’entretien de ces voies et espaces communs à moins que l’ensemble soit soumis au statut de la copropriété ou que le demandeur justifie de la conclusion avec la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent d’une convention prévoyant le transfert dans leur domaine de la totalité des voies et espaces communs une fois les travaux achevés".

    Cet article ne contient aucune condition relative à l’unicité du maître d’ouvrage. Les transferts partiels d’un permis délivré initialement à une seule personne physique ou morale sont donc possibles. De tels transferts partiels nécessitent néanmoins une clarification des responsabilités s’agissant de la réalisation des équipements propres à l’opération globale.                                                                    

    En substance, le ministère considère donc qu’en supprimant la condition dite de la « maîtrise d’ouvrage unique » posée par l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme, le nouvel article R.431-24 aurait ainsi rendu possible le transfert partiel des permis de construire valant division.


    I.- Bien qu’énoncé sous la forme de l’hypothèse ainsi visée, l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme – dont on rappellera qu’il disposait « lorsque la demande de permis de construire porte sur la construction, sur un même terrain, par une seule personne physique ou morale, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, le dossier présenté à l'appui de la demande est complété par les documents énumérés à l'article R. 315-5 (A) et, le cas échéant, à l'article R. 315-6 » – impliquait, c’est exact, qu’un permis de construire valant division ne pouvait être légalement délivré qu’à un seul et unique titulaire (CE. 4 mai 1983, Chapel, req. n°33.620).

    Mais cette contrainte a généré une idée aussi fausse que répandue : la condition dite de la « maîtrise d’ouvrage unique » s’opposait, en elle-même, au transfert partiel d’un permis de construire de construire valant division.

    Or, le transfert partiel d’un permis de construire n’aboutit pas à la formation d’une autorisation conjointement détenus par plusieurs titulaires mais de plusieurs autorisations d’urbanisme unipersonnelles distinctes. C’est ce qu’a d’ailleurs confirmé le Conseil d’Etat, dans une affaire qui curieusement n’est restée connue qu’en ce qu’elle a constitué la premier exemple de permis de construire valant division modificatifs requalifiés en nouveaux permis de construire, en jugeant que :

    « Considérant que l'administration soutient dans sa défense que les arrêtés du 15 novembre 1990 ont pour seul effet de scinder en deux l'autorisation délivrée le 18 mai 1982 à la société Le Grand Carénage, qu'ils doivent être regardés comme des permis de construire modificatifs et ne peuvent, par suite, être contestés dans celles de leurs dispositions qui seraient devenues définitives ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le permis de construire initial délivré le 18 mai 1982 à la société Le Grand Carénage prévoyait l'édification d'un hôtel et de quarante maisons individuelles sur treize parcelles référencées au cadastre AW 11 à AW 23, alors que les arrêtés contestés ont été pris sur la base d'une nouvelle division parcellaire des terrains d'assiette intervenue postérieurement au permis initial, le permis délivré le 15 novembre 1990 à la société Le Grand Carénage portant sur un hôtel et vingt-deux maisons situées sur vingt-deux parcelles cadastrales, et le permis transféré à la même date à la société Immobart autorisant, quant à lui, la construction de dix-huit maisons individuelles situées sur autant de parcelles ; que cette nouvelle division parcellaire, alors que le permis initial n'a pas été instruit en application des dispositions de l'article R.421-7-1 du code de l'urbanisme qui permettent une division ultérieure en propriété ou en jouissance des terrains d'assiette, constitue une modification d'une nature et d'une importance telles que les arrêts contestés doivent être regardés non comme des décisions modificatives d'un permis de construire antérieur, mais comme délivrant deux nouveaux permis de construire dont la légalité doit être examinée en elle-même » (CE. 22 novembre 2002, François Ponçet, req. n°204.244).

    Le transfert partiel d’un permis de construire valant division à un second maître d’ouvrage n’aboutit donc pas à la formation d’un permis de construire valant division conjoint mais à la formation de deux permis de construire valant division unipersonnels distincts ne méconnaissant donc pas la condition de la « maîtrise d’ouvrage unique » posée par l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme.

    II.- Ce qui pouvait poser problème et tendait, dans certains cas, à s’opposer au transfert partiel du permis de construire valant division – et, d’ailleurs, au transfert partiel d’un permis de construire simple – c’est qu’en réalité, la condition précitée était le corolaire et surtout la preuve de ce que le critère déterminant du lotissement est l’intervention d’une pluralité de maîtres d’ouvrage sur un même tènement, laquelle traduit nécessairement un transfert des droits à construire attachés à l’unité foncière et donc une division, à tout le moins, en jouissance de cette dernière (sur ce point, voir notre note : « La simple locations d’immeubles implantés sur un même terrain n’emporte pas une division foncière au sens de l’article R.315-1 et R.421-7-1 du Code de l’urbanisme », CAA. Versailles, 8 juin 2006, M… X., AJDA, n°31/2006 ; confirmé par le Conseil d'Etat. Et sur la problématique de la division en volume, voir ici). A titre d’exemple, en ce sens, on peut relever qu’il a pu être jugé que :

    « Considérant que le permis délivré le 26 septembre 1996 par le maire de VILLENEUVE-LOUBET autorisait la société SOPRAF à édifier 7 maisons individuelles sur un même terrain ; que cependant il ressort des pièces du dossier que par une convention de construction passée le 26 novembre 1996 avec 7 autres propriétaires, la société PHENICIA, ayant acquis ledit terrain, postérieurement à la délivrance du permis, s'est engagée à "obtenir le permis de construire ..., transférer le permis de construire au profit des coindivisaires", tandis que les "futurs acquéreurs achèteront les lots de copropriété, procéderont eux-mêmes à la construction des maisons qui y sont prévues", et obtiendront "le transfert du permis de construire à leur nom" ; que par acte du même jour, la société a vendu les droits à construire des bâtiments autorisés par le permis à 7 copropriétaires dont chacun s'est vu attribuer un certain nombre de millièmes du terrain lequel reste cependant, selon l'état descriptif de division établi à la même date, "commun en toutes ses parties y compris celles sur lesquelles sont édifiées les constructions", les seules parties privatives étant constituées par les aménagements que comporte la maison individuelle prévue sur le lot ; que ces divers actes établissent que l'opération de construction projetée consistait en l'édification de 7 villas par 7 propriétaires différents ; que la construction par chaque coindivisaire sur un même terrain d'une villa destinée à devenir sa propriété exclusive et particulière emportant nécessairement la subdivision en jouissance dudit terrain, alors même que la propriété du sol est restée indivise, constitue une opération de lotissement au sens des dispositions précitées ; qu'ainsi la société SOPRAF ne pouvait solliciter le permis critiqué sans demander préalablement l'autorisation de lotir prévue par l'article R. 315-3 du code de l'urbanisme ; que par suite, ledit permis est entaché d'irrégularité » (CAA. Marseille., 3 juin 1999, SOFRAP & Cne de Villeneuve-Loubet, req. n° 97MA05313).

    Il est vrai qu’aujourd’hui, le nouvel article R.442-1 (c) du Code de l’urbanisme dispose que « ne constituent pas des lotissements (…) les divisions de terrains effectuées conformément à un permis de construire prévu à l'article R. 431-24 ».

    Il reste que, selon nous, il n’est pas si certain que ce dispositif permette, à lui seul, de faire systématiquement échapper le transfert partiel d’un permis de construire valant division à la procédure du lotissement dans la mesure où :

    - d’une part, les divisions foncières autorisaient par l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme sont, en fait, celles liées à la commercialisation des bâtiments réalisés et non pas celles résultant d’un transfert des droits à construire préalable à l’acte de construction puisqu’on rappellera que le juge administratif a toujours veillé à « éviter les détournements de procédure en incluant dans le champ d’application du lotissement les divisions de terrain réalisées en cours de construction des bâtiments, donc après la délivrance du permis de construire », si bien que « pour échapper au lotissement, il faut donc diviser le terrain une fois les constructions achevées » (J-Cl. Bonnichot sur : CE. 21 août 1996, Ville de Toulouse, req. n°137.834 in BJDU, n°6/1996, p.404. Pour exemple : CAA. Marseille, 9 décembre 2004, Sté Riviéra Conseil, req. n°00MA02339) ;

    - d’autre part et en toute hypothèse, il est nécessaire que l’assiette foncière des droits à construire transférés par le jeu du transfert partiel corresponde à celle des lots autorisés par le permis.

    Mais en tout état de cause, le transfert partiel d’un permis de construire simple ou valant division sous l’empire du dispositif applicable avant le 1er octobre 2007 n’aboutissait pas nécessairement à la constitution d’un lotissement dans la mesure où :

    - d’une part, un tel transfert pouvait n’aboutir qu’à la formation de deux « lots à construire », ce qui, aux termes de l’ancien article R.315-1 du Code de l’urbanisme, n’était pas constitutif d’un lotissement alors qu’aux termes des dispositions combinées des nouveaux articles L.441-1, L.442-2 et R.421-19 (a) du Code de l’urbanisme, il peut y avoir lotissement dès la formation du premier « lot à construire » ;

    - d’autre part, le transfert des droits à construire en résultant pouvait s’opérer selon la technique dite de la « division primaire » visée par l’ancien article R.315-2 (d) du Code de l’urbanisme que s’est borné à conserver par le nouvel article R.442-1 (d) en en clarifiant quelque peu, il est vrai, le champ d’application matériel : rien de neuf sur ce point, donc…

    III.- Il reste que la véritable difficulté tient non pas au régime propre au permis de construire valant division et à son articulation avec la procédure de lotissement mais, plus fondamentalement, aux conditions auxquelles la légalité d’un transfert partiel est subordonnée.

    En effet, le transfert partiel d’un permis de construire aboutit donc à faire relever un même projet non pas d’une autorisation conjointe mais de plusieurs permis de construire unipersonnels distincts (CE. 22 novembre 2002, François Ponçet, req. n°204.244).

    Or, suivant le principe selon lequel un ensemble indivisible ne saurait légalement relever de plusieurs permis de construire distincts (sur ce point, voir nos notes : « La réalisation d’un ouvrage indivisible ne peut relever que d’un seul et même permis de construire », CAA. Lyon, 28 décembre 2006, Association « SOS Parc Paul Mistral », Construction & Urbanisme, n°4/2007 & « Des constructions constituant un ensemble indivisible doivent aire l’objet d’un permis de construire unique », CE. 10 octobre 2007, Association de Saint-Jory-Lasbloux, Construction & Urbanisme n°11/2007), le permis de construire portant sur un tel ensemble ne peut régulièrement faire l’objet d’un transfert partiel (CAA. Marseille, 18 mars 2004, Cne de Beausoleil, req. n° 01MA00551). Et dès lors, force est de préciser qu’au regard du droit de l’urbanisme (sur cette question, voir notre article « La divisibilité des ouvrages et des ensembles immobiliers en droit de l’urbanisme », Construction & Urbanisme, n°3/2006), un ensemble indivisible ne correspond pas seulement au cas d’un bâtiment unique ou de bâtiments accolés mais s’entend également de bâtiments distincts mais reliés entre eux par des équipements communs – nécessaires à la viabilité fonctionnelle et/ou à la conformité juridique du projet – tels un accès et/ou un parc de stationnement (CAA. Nancy, 4 mars 1997, Cts Ravachol c/ Ville de Reims, req. n° 94NC01290 ; CE. 1er décembre 1995, M. Ménager & Autres, req. n° 137.832) ; c’est-à-dire en considération d’équipements, pour le moins, fréquents dans le cadre d’une opération groupée…



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • Sur la date à prendre en compte pour apprécier la formation d’une décision tacite de prorogation du délai de validité d’un permis de construire

    Il résulte des dispositions combinées de l’article R.421-32 du Code de l’urbanisme et de l’article 16 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 que l’autorité compétente doit, pour apprécier la durée de deux mois dans laquelle est susceptible d’intervenir une prorogation tacite du délai de validité du permis de construire, prendre en compte la date d’envoi postal de la demande de prorogation, quelle que soit sa date de réception. Dès lors, lorsque la preuve de l’envoi d’une demande de prorogation au moins deux mois avant l’expiration dudit délai est apportée, la prorogation tacite est alors acquise à l’issue du délai de validité initial du permis de construire.

    TA. Nice, 6 décembre 2007, Mme Léon, req. n°04-04424 (signalé dans la lettre du TA de Nice n°6 - février 2008.pdf)


    Voici un jugement doublement intéressant, d’abord, de par l’originalité et le pragmatisme de la solution retenue, ensuite et surtout, parce qu’il touche à une problématique qu’a certes traitée la récente réforme des autorisations d’urbanisme mais ce, d'une façon nettement moins originale et, surtout, judicieuse.

    Comme on le sait, le délai de validité initial de deux ans du permis de construire régi par l’ancien article R.421-32 du Code de l’urbanisme pouvait être prorogé d’un an – et le peut, d’ailleurs, encore (art. R.424-23 & R.424-23 ; C.urb) - « sur demande de son bénéficiaire adressée à l’autorité administrative l’expiration du(dit) délai » ; cette « prorogation (étant) acquise au bénéficiaire si aucune décision ne lui a été adressée dans le délai de deux mois suivant la date de l’avis de réception postal ou de la décharge, de l’autorité compétente pour statuer sur la demande ».

    Il reste que suivant la lettre de l’ancien article R.421-32 du Code de l’urbanisme (ou de son prédécesseur l’ancien article R.421-38) et le principe selon lequel les délais d’action ouvert à l’administration pour statuer sur les demandes dont elle est saisie courent à compter de la réception de cette demande, il avait été jugé qu’il était nécessaire que la demande non seulement soit envoyée mais encore qu’elle soit reçue par l’autorité compétente au moins deux mois avant l’extinction du délai de validité initial du permis de construire (pour exemple : CE. 12 octobre 1979, Antonini, req. n°13331) puisqu’à défaut il ne pouvait y avoir de prorogation tacite dès lors que la seule demande de prorogation n’interrompt pas ce délai (pour exemple : CE. 14 mars 1973, SCI Plein Ciel, req. n°87.547) et qu’en toute logique, un permis de construire caduc ne peut être la base légale d’aucun acte subséquent : « modificatif », transfert ou, donc, prorogation (CE. 4 juin 1982, Tradimmo, Rec.,p.213).

    Mais depuis l’entrée en vigueur des dispositions précitées de l’article R.421-32 du Code de l’urbanisme et la jurisprudence susvisée, est intervenue une disposition nouvelle et de nature législative, en l’occurrence l’article 16 de la loi n°2000-321 du Code de l’urbanisme dont on précisera qu’il dispose :

    « Toute personne tenue de respecter une date limite ou un délai pour présenter une demande, déposer une déclaration, exécuter un paiement ou produire un document auprès d'une autorité administrative peut satisfaire à cette obligation au plus tard à la date prescrite au moyen d'un envoi postal, le cachet de la poste faisant foi, ou d'un envoi par voie électronique, auquel cas fait foi la date figurant sur l'accusé de réception ou, le cas échéant, sur l'accusé d'enregistrement adressé à l'usager par la même voie conformément aux dispositions du I de l'article 5 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives. Ces dispositions ne sont applicables ni aux procédures régies par le code des marchés publics, ni à celles relevant des articles L. 1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, ni à celles pour lesquelles la présence personnelle du demandeur est exigée en application d'une disposition particulière ».

    En substance, l’article précité pose donc le principe selon lequel l’obligation d’accomplir une formalité, telle la présentation d’une demande, à une date ou une échéance déterminée est respectée dès lors que, notamment, cette demande est envoyée, au plus tard, à cette date ou à l’issue de cette échéance et ce, alors même qu’elle est reçue par l’administration ultérieurement.

    C’est pourquoi le Tribunal administratif de Nice vient donc de juger qu’il résulte des dispositions combinées de l’article R.421-32 du Code de l’urbanisme et de l’article 16 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 que l’autorité compétente doit, pour apprécier la durée de deux mois dans laquelle est susceptible d’intervenir une prorogation tacite du délai de validité du permis de construire, prendre en compte la date d’envoi postal de la demande de prorogation et ce, quelle que soit sa date de réception.

    Ainsi, lorsque la preuve de l’envoi d’une demande de prorogation au moins deux mois avant l’expiration dudit délai est apportée, la prorogation tacite est alors acquise à l’issue du délai de validité initial du permis de construire, y compris, donc, lorsque la demande a été reçue par l’administration après cette échéance.

    Il reste que pour être pragmatique, cette solution n’a plus autant d’intérêt dans le dispositif issu du décret du 5 janvier 2007 et ce, bien que les nouveaux articles R.424-22 et R.424-23 du Code de l’urbanisme issu de ce décret disposent, eux-mêmes, respectivement que, d’une part, « la demande de prorogation est établie en deux exemplaires et adressée par pli recommandé ou déposée à la mairie deux mois au moins avant l'expiration du délai de validité » et que, d’autre part, « la prorogation est acquise au bénéficiaire du permis si aucune décision ne lui a été adressée dans le délai de deux mois suivant la date de l'avis de réception postal ou de la décharge de l'autorité compétente pour statuer sur la demande (…) ».

    En effet, l’objet du jugement ici commenté – et ce qui nous semble pouvoir expliquer et, en toute hypothèse, justifier son pragmatisme – procède de la problématique posée par le dispositif de l’ancien article R.421-32 du Code de l’urbanisme dont il résultait que la prolongation d’un an prenait effet dès la décision de la date l’accordant et non pas à compter de l’expiration du délai initial de validité du permis de construire (CE. 7 mai 2003, Association pour la protection du patrimoine martiniquais, req. n°251.196).

    Il s’ensuivait qu’un constructeur prudent prenant le soin d’adresser sa demande plus de deux mois avant l’expiration du délai de validité de son autorisation perdait le bénéficie du temps restant à courir à la date à laquelle l’administration accordait cette demande ; d’où la tentation d’optimiser le délai de validité du permis de construire en adressant la demande de prorogation quelques jours seulement avant l’échéance prévue pour ce faire et ainsi de prendre le risque que celle-ci ne soit reçue qu’après cette échéance.

    Or, tel ne sera plus le cas, puisque le nouvel article R.424-23 du code de l’urbanisme précise expressément que « la prorogation prend effet au terme de la validité de la décision initiale ».

    Il reste qu’outre cette condition d’ordre procédural, la prorogation du délai de validité du permis de construire et sa légalité restent subordonnées, sur le fond, à la condition que « les prescriptions d'urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n'(aie)nt pas évolué de façon défavorable à son égard » (art. R.424-21 ; C.urb) à la date de la décision accordant cette prorogation.

    Or, la règle introduite par l’article R.424-23 du Code de l’urbanisme et selon laquelle « la prorogation prend effet au terme de la validité de la décision initiale » a une autre conséquence : puisque ce n’est qu’à compter de l’expiration du délai visé par le nouvel article R.424-17 du code de l’urbanisme que prend effet la prolongation, quand bien même aura-t-elle était accordée avant cette échéance, on voit mal ce qui pourrait s’opposer, en l’état, à ce que les opérateurs anticipent, bien en amont et sans conséquence, une éventuelle évolution défavorable des prescriptions d’urbanisme et des servitudes administratives opposables à leur projet puisque dès lors que l’article R.424-23 ne prévoit pas la date à partir de laquelle la demande de prorogation peut être présentée, celui-ci n’empêche pas, en lui-même, qu’après avoir obtenu un permis de construire, son titulaire en sollicite la prorogation dès le lendemain pour ainsi l’obtenir, au plus tard, 22 mois avant l’expiration du délai de validité initial de son autorisation.

    En l’absence d’une modification de ce dispositif, force est d’admettre qu’une telle pratique ne devrait pas manquer de se développer ; ce qui pourrait, d’ailleurs, conduire le Conseil d’Etat a introduire dans le droit de l’urbanisme une notion certes connexe de la de fraude mais néanmoins distincte et qui lui est étrangère : l’abus de droit.

    Quant à l’autre principale modification du régime de validité du permis de construire, la suspension du délai de validité d’un permis de construire par le simple jeu d’un recours en annulation à son encontre, nous aurons surement l’occasion de traiter ultérieurement du cas du pétitionnaire qui « fait attaquer » sa propre autorisation…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Un simple « nota bene » attirant le pétitionnaire sur l’état du sol et lui préconisant la réalisation de sondages avant l’exécution des travaux ne constitue pas une prescription susceptible d’assurer la légalité du permis de construire ainsi délivré.

    Lorsque l’un des services consultés sur une demande de permis de construire a sollicité l’accomplissement de formalité avant de rendre son avis, l’autorité compétente se doit d’attendre le résultat de ces formalités et l’avis subséquent de ce service avant de statuer sur la demande et ne saurait donc, avant cela, légalement délivrer le permis de construire en recommandant au pétitionnaire d’accomplir ces formalités.

    TA. Versailles, 7 novembre 2007, Pénon, req. n°04-07353.pdf


    Dans cette affaire, le pétitionnaire avait présenté une demande de permis de construire sur un terrain couvert par un arrêt préfectoral édicté en considération des risques générés par la présence d’ancienne carrière de calcaire et, selon toute vraisemblance, pris en application de l’arrêté interpréfectoral du 26 janvier 1966.

    A ce titre, la demande de permis de construire devait ainsi être soumise à l’avis de l’inspecteur général des carrières, lequel s’estima cependant insuffisamment renseigné sur l’état du sous-sol du terrain à construire et sollicita conséquemment du pétitionnaire qu’il réalise une campagne de sondages dont les résultats devraient lui être communiqués pour qu’il émette son avis définitif.

    Mais cette formalité ne fut pas accomplie et le maire décida d’octroyer le permis de construire sollicité en l’assortissant d’un simple « nota bene » consistant à attirer l'attention du pétitionnaire sur la présence de carrières en sous-sol et à l'inviter à procéder à des sondages et aux travaux confortatifs nécessaires avant de réaliser tout projet menaçant la stabilité des constructions ; et c’est sur ce point, notamment, que ce permis de construire devait être attaqué.

    A titre liminaire, il incombait ainsi au Tribunal administratif de Versailles de trancher la légalité de la position de l’inspection générale des carrières en ce qu’elle avait subordonné son avis à la réalisation d’une compagne de sondages sur le terrain à construire et à l’établissement d’une étude en présentant les résultats.

    Cette question n’est pas nouvelle. Et bien qu’elle n’ait pas donné lieu à une abondante jurisprudence, celle-ci a néanmoins été tranchée par un arrêt du Conseil d’Etat publié au Recueil.

    Dans un premier temps et suivant le principe selon lequel une prescription doit avoir un fondement légal, la Cour administrative d’appel de Paris avait jugé que :

    « Considérant que, dans son avis du 18 août 1995, auquel fait référence l'arrêté refusant le permis de construire, l'inspecteur des carrières a subordonné l'intervention d'un avis définitif, comportant l'indication du type de travaux à retenir sous la construction projetée pour tenir compte de la présence d'une ancienne carrière de gypse, aux résultats d'une "campagne de recherche systématique des caractéristiques de la carrière et de son état de remblaiement sous le bâtiment et son extension" que "le demandeur devra faire exécuter par une entreprise ou un bureau d'études spécialisé" ; qu'aucune disposition du code de l'urbanisme, qui énumère limitativement les pièces exigées à l'appui d'une demande de permis, n'impose qu'un pétitionnaire doive joindre une telle étude à sa demande ; que si l'arrêté interpréfectoral du 26 janvier 1966 relatif aux zones d'anciennes carrières de Paris et du département de la Seine prévoit, dans son article premier, que les demandes de permis de construire sont transmises pour examen et avis à l'inspection générale des carrières lorsque le terrain est situé dans une telle zone, afin que soient précisées les conditions qui seront inscrites dans le permis et auxquelles devra satisfaire le maître de l' uvre en vue d'assurer la stabilité des constructions projetées, et, dans son article deux, que celui-ci est tenu, préalablement à l'édification de la construction, de se conformer aux conditions particulières qui lui ont été prescrites en application de l'article premier, aucune disposition de ce texte ne subordonne l'édiction de ces conditions particulières, par le service compétent, aux résultats d'une étude de l'état de la carrière qui devrait être effectuée préalablement par les soins et aux frais du pétitionnaire ; que l'avis émis le 18 août 1995 par l'inspecteur des carrières étant dès lors irrégulier, le maire de Paris ne pouvait se retrancher derrière l'absence d'avis définitif pour refuser le permis sollicité ; que M. X... est, en conséquence, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus au motif que, l'avis exigé par les textes n'ayant pas été formulé en l'absence de diligences effectuées par le pétitionnaire pour satisfaire à la condition qui lui était imposée, le maire de Paris était tenu de refuser le permis sollicité » (CAA. Paris, 27 février 2001, Magerand, req. n°97PA01279 ; concl. Massias in BJDU, n°3/2001, p.171).

    Mais cet arrêt devait être réformé par le Conseil d’Etat au motif suivant :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R.111-3 en vigueur à la date de la décision attaquée : "La construction sur des terrains exposés à un risque, tel que : inondation, érosion, affaissement, éboulement, avalanches, peut, si elle est autorisée, être subordonnée à des conditions spéciales" ; que l'article 1er de l'arrêté interpréfectoral du 26 janvier 1966 prévoit que "les demandes de permis de construire concernant l'édification, la surélévation, l'extension ou la modification de bâtiments dans Paris et dans le département de la Seine sont transmises pour examen et avis à l'inspection générale des carrières lorsque le terrain est situé dans une zone d'anciennes carrières, afin que soient précisées les conditions qui seront inscrites dans le permis de construire en vue d'assurer la stabilité des constructions projetées";
    Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'inspection des carrières peut légalement, dans les zones délimitées par l'arrêté interpréfectoral précité, émettre un avis défavorable à la délivrance du permis demandé lorsqu'elle ne dispose pas d'études suffisamment précises sur l'état du sous-sol pour garantir la stabilité de la construction projetée, alors même que l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme n'impose pas la production d'une telle étude parmi les pièces devant figurer dans le dossier de demande de permis de construire ; que la circonstance qu'elle suggère au demandeur, s'il souhaite persister dans son projet, de faire réaliser des études sur l'état du sous-sol n'est pas de nature à entacher d'illégalité l'avis ainsi émis ; qu'en jugeant qu'en demandant la production d'une telle étude, l'inspecteur des carrières avait excédé ses pouvoirs et donc entaché son avis d'illégalité, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; qu'ainsi la VILLE DE PARIS est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué
    » (CE. 14 mars 2003, Ville de Paris, req. n°233.545, Rec., p.129 ; concl. Mitjavile n°2/2003, p.85).

    NB : cette décision confirme que, nonobstant le caractère limitatif des pièces énumérées par le Code de l’urbanisme au sujet de la composition des dossiers de demande d’autorisation, il peut néanmoins incomber au pétitionnaire d’en produire d’autres dès lors qu’elles sont nécessaires pour établir la conformité du projet.

    C’est donc sans grande surprise qu’en l’espèce, le Tribunal administratif de Versailles devait juger que la demande de l’inspection générale était légale et, par voie de conséquence, qu’en délivrant le permis de construire sollicité sans attendre les résultats de la campagne de sondages ainsi sollicitée et, a fortiori, ses résultats, le maire avait entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation au regard, notamment, des dispositions de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme (lequel, depuis l’abrogation en 1995 de l’article R.111-3, englobe dans une certaines mesures les aspects antérieurement saisis par ce dernier).

    Pour autant, l’arrêté de permis de construire contesté n’était pas totalement taisant sur la question de l’état du sol et des risques qu’il était susceptible de générer puisqu’il comportait, donc, un "nota bene" attirant l'attention du pétitionnaire sur la présence de carrières en sous-sol et l'invitant à procéder à des sondages et, le cas échéant, aux travaux confortatifs nécessaires avant de réaliser tout projet menaçant la stabilité des constructions.

    Il reste que ni sur le forme, ni sur le fond, une telle recommandation n’était susceptible d’assurer la conformité du projet en cause et partant la légalité du permis de construire s’y rapportant.

    Rappelons, en effet, que lorsque le projet présenté par le pétitionnaire n’apparaît pas, au vu des pièces du dossier qu’il produit, pleinement conforme aux prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables mais qu’un simple « ajustement » du projet permettrait d’assurer cette conformité, l’administration a la possibilité ou, plus précisément, l’obligation de délivrer le permis de construire sollicité mais ce, en l’assortissant de prescriptions aptes, à elles-seules, à assurer la conformité du projet.

    Mais pour qu’il en soit ainsi, il doit s’agir d’une véritable prescription, c’est-à-dire d’une mesure non pas purement informative ou incitative mais d’une mesure imposant une réelle obligation au pétitionnaire.

    De ce seul chef, le "nota bene" en cause, rédigé à titre informatif, ne constituait donc pas une prescription puisqu’il consistait en une simple recommandation.

    Est-ce à dire que s‘il avait imposé au pétitionnaire de réaliser les sondages préconisés par l’inspection générale des carrières, le maire aurait ainsi assurer la légalité du permis de construire litigieux ? La réponse est clairement négative.

    Il résulte, en effet, de la jurisprudence rendu en application de l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme (repris par les dispositions combinées des nouveaux articles L.421-6 et L.421-7) qu’un permis de construire ne peut être légalement délivré qu’à la condition qu’il soit établi, à sa date de délivrance, que le projet est pleinement conforme aux prescriptions d’urbanisme se rapportant aux aspects du projet visé par cette article ; ce qui implique qu’en statuant sur la demande et en délivrant le permis de construire sollicité, l’administration prenne parti sur chacun de ces aspects et n’en laisse aucun en suspend.

    Il s’ensuit qu’une prescription ne peut tendre qu’à imposer une obligation dont l’exécution assura en elle-même la conformité du projet au regard de la norme d’urbanisme en cause. Par voie de conséquence, une prescription ne peut légalement se borner à imposer la réalisation d’une démarche dont l’accomplissement n’assurera pas à elle seule cette conformité, laquelle dépendra encore des résultats de celle-ci puisqu’en pareil cas, l’administration ne prend pas directement et immédiatement parti sur la conformité du projet mais en laisse en suspend à la date de délivrance du permis de construire et, par voie de conséquence, se décharge de sa compétence. A titre d’exemple, il a ainsi été jugé que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article L.421-3 du code de l'urbanisme : "le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l'implantation des constructions,... et l'aménagement de leurs abords" ; que les dispositions de l'article UA 3 du plan d'occupation des sols d'Orgeval précisent : "Pour être constructible, un terrain doit avoir accès à une voie publique ou privée en bon état de viabilité ... Les accès doivent être adaptés à l'opération et aménagés de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique" ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par l'arrêté attaqué en date du 15 décembre 1983, le commissaire de la République du département des Yvelines a accordé à la société civile immobilière ASCODI un permis de construire un ensemble immobilier comprenant 29 logements et des locaux destinés à des activités artisanales et de bureaux sur un terrain situé ... ; que l'article 2 de ce permis précisait qu'avant tout commencement d'exécution de travaux, le pétitionnaire devrait se mettre en rapport avec les services techniques et administratifs intéressés par la réalisation du projet afin d'arrêter les modalités de construction et de raccordement sur la voirie, obtenir des services compétents les arrêtés d'alignement à respecter, et prendre contact avec les services de l'équipement afin d'arrêter les dispositions à adopter en ce qui concerne la structure de la voirie intérieure, des parkings et des trottoirs ; qu'ainsi l'arrêté attaqué ne comportait pas de prescription expresse concernant l'aménagement des abords des constructions projetées, et renvoyait à une concertation ultérieure avec les services de l'équipement l'adaptation des accès à l'opération ;
    Considérant qu'en s'abstenant ainsi de définir, dans l'arrêté litigieux, les dispositions indispensables pour aménager les accès à la construction compte tenu de l'étroitesse de la rue des Alluets, le commissaire de la République a méconnu les dispositions précitées du code de l'urbanisme et du plan d'occupation des sols d'Orgeval
    ; qu'il résulte de ce qui précède que ni le ministre de l'équipement, ni la société civile immobilière ASCODIF ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 15 décembre 1983 accordant un permis de construire à ladite société
    » (CE. 16 janvier 1987, SCI l’Ascodif, req. n° 64.032. Voir également, sur le même point et dans le même sens : CAA. Marseille, 18 février 1999, M. Tremellat, req. n°96MA02391) ;

    et

    « Considérant qu'aux termes de l'article L.421-3 du code de l'urbanisme : "Le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l'implantation des constructions, leur destination, leur nature ..." ; qu'aux termes de l'article UC 4-2 b] du règlement du Plan d'Occupation des Sols de la ville de Saint-Raphaël, approuvé par arrêté préfectoral du 30 novembre 1979 : "Les eaux pluviales provenant des toitures des constructions et des surfaces imperméabilisées doivent être conduites dans les caniveaux, fossés ou collecteurs d'évacuation prévus à cet effet. En aucun cas, elles ne doivent être rejetées dans le réseau public d'assainissement des eaux usées, sauf en cas de réseau unitaire existant" ; qu'enfin, aux termes de l'article R.421.2 du code de l'urbanisme : "lorsque la demande concerne la construction de bâtiments ou d'ouvrages devant être desservis par des équipements publics, le plan de masse ... indique le tracé de ces équipements et les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages y seront raccordés. A défaut d'équipements publics, ce plan de masse indique les équipements privés prévus ..." ;
    Considérant que le plan de masse joint à la demande de permis de construire présentée par la S.C.I. "Les Cyprinées" pour un ensemble de seize pavillons en bande prévoyait le refoulement des eaux pluviales vers le collecteur pluvial public de l'avenue de Boulouris, située en contrehaut du terrain d'assiette du projet ; que, toutefois, si l'arrêté attaqué du maire de Saint-Raphaël accordant le permis excluait expressément cette solution, il se bornait, pour le surplus, à inviter le pétitionnaire "à solliciter auprès des services techniques municipaux les attestations de raccordement de la construction aux réseaux publics d'assainissement et pluvial" ; qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain n'était desservi par aucune autre canalisation relevant d'un réseau public d'évacuation des eaux pluviales ; que, dans ces conditions et alors qu'il ne contenait aucune indication sur la façon dont serait assuré le respect des dispositions de l'article UC 4 du règlement du plan d'occupation des sols, le permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions réglementaires précitées et doit être annulé ; que M. MASSONI est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a refusé de prononcer cette annulation
    » (CE.28 octobre 1987, Massoni, req. n°66.992).

    ou encore que :

    « Considérant (…) qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des rapports d'expertise qui y figurent, que la parcelle sur laquelle devait être édifié l'immeuble d'habitation autorisé par les arrêtés du préfet de l'Ain en date des 8 juillet 1982 et 6 juin 1984 était dans le périmètre de protection rapproché des ouvrages de captage d'eau potable destinés à l'approvisionnement de l'agglomération de Bourg-en-Bresse, et à la limite du périmètre de protection immédiate (…) ; que dans cette circonstance, en délivrant le permis de construire sans imposer des conditions précises quant aux caractéristiques du dispositif d'assainissement, mais en se bornant à prévoir que ce dispositif serait soumis à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, le préfet de l'Ain a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme » (CE. 25 septembre 1987, Ministre de l’urbanisme, du logement et des transports, req. n° 66734).

    Or, en l’espèce, même s’il avait imposer au pétitionnaire procéder à des sondages et aux travaux confortatifs nécessaires avant de réaliser tout projet menaçant la stabilité des constructions, il reste que ce faisant, le maire ne se serait pas assurer lui-même de la constructibilité du terrain au regard de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme et, le cas échéant, du caractère adéquat des travaux confortatifs envisagés mais en aurait laissé juge le seul pétitionnaire…



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés