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Contentieux - Page 14

  • Sur l’affichage d’un permis de construire délivré en application de l’article L.451-1 du Code de l’urbanisme (suite)

    Le défaut de mention de la surface à démolir sur le panneau d’affichage ne s’oppose pas nécessairement au déclenchement du délai de recours des tiers à l’encontre d’un permis de construire valant également autorisation de démolition.

    TA. Cergy-Pontoise, Ordonnance du 27 décembre 2011.PDF, req. n°n°11-05922 


    Dans une récente note, nous avions traité de l’arrêt par lequel la Cour administrative d’appel de Nancy avait considéré que, lorsque le permis de construire avait été délivré en application de l’article L.451-1 du Code de l’urbanisme et, concrètement, lorsque ce permis vaut également autorisation de démolition, l’absence de mention sur le panneau d’affichage de la surface des bâtiments à démolir s’opposait au déclenchement du délai de recours des tiers et ce, pour l’ensemble de l’autorisation contestée, y compris si les requérants ne formulent aucun moyen spécifiquement dirigé à l’encontre du « volet démolition » du projet.

    Dans notre commentaire, nous avions adhéré au principe retenu par la Cour mais ce, tout en émettant une réserve quant à sa mise en œuvre dans ce cas d’espèce.

    Précisément, l’ordonnance de tri (art. R.222-1 ; CJA) du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise vient nous conforter dans cette double analyse ; étant toutefois précisé par souci de transparence que l’auteur de ces lignes est également l’auteur du mémoire en défense ayant provoqué cette ordonnance.

    On précisera ainsi que pour opposer la forclusion des requérants, le pétitionnaire soutenait qu’un arrêté délivré en application de l’article L.451-1 du Code de l’urbanisme portait en fait deux autorisations distinctes – un permis de construire, d’une part, et un permis de démolir, d’autre part – dans la mesure où en substance :

    • d’un point de vue procédural, tout d’abord, l’article précité ne prévoit qu’une faculté destinée à éviter d’avoir systématiquement à formuler une demande de permis de démolir distincte de la demande de permis de construire ; cet article – d’ailleurs inséré au sein d’un chapitre propre aux « dispositions applicables à un permis de démolir » – n’instituant donc pas une procédure obligatoire aboutissant à un permis valant démolition conçue comme une autorisation indivisible, à l’instar à titre d’exemple d’un permis groupé délivré au titre de l’article R.431-24 ;

    • sur le fond, ensuite, il résulte de l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme que les règles d’urbanisme applicables aux travaux de construction, d’installation ou d’aménagement (al.1) sont totalement distinctes de celles opposables aux travaux de démolition (al.2), si bien que la conformité du « volet construction » et du « volet démolition » d’une demande formulée au titre de l’article L.451-1 du Code de l’urbanisme s’apprécie donc au regard de règles et de préoccupations d’urbanisme distinctes ;

    • sur le plan contentieux, enfin, l’annulation d’un permis de démolir ne remet pas en cause la légalité du permis de construire puisqu’en vertu du principe d’indépendance des procédures et des législations, cette annulation bien que rétroactive n’a aucune incidence sur le fait que l’autorisation de construire a été délivré au vu d’un dossier comportant le justificatif d’une demande de permis de démolir alors que, pareillement, dans le cas visé par l’article L.451-1 du Code de l’urbanisme l’illégalité éventuelle du « volet démolition » d’un permis de construire ne remet pas en cause le fait que cette autorisation a été délivrée au regard d’un dossier comportant les pièces requises lorsque le pétitionnaire met en œuvre la faculté prévue par cet article ;

    de sorte que les deux autorisations portées par un arrêté obtenu au titre de l’article précité sont totalement dissociables tant d’un point de vue juridique que contentieux, si bien que :

    • il est possible d’exercer un recours ne portant que sur le « volet démolition » ou que sur le « volet construction » autorisé par un tel arrêté ;

    • les mentions du panneau d’affichage d’un permis de construire obtenu sur la base de l’article précité sont donc elles-mêmes dissociables ;

    • et par voie de conséquence, que l’omission affectant le panneau apposé en l’espèce ne s’est pas opposée au déclenchement des délais de recours pour ce qui concerne l’autorisation de construire.

    Or, bien que l’ordonnance commentée ce jour ne se soit pas expressément prononcée sur ce point, il en ressort assez clairement que le Tribunal n’a pas suivi cette analyse puisque ce n’est pas en raison de cette prétendue « dissociabilité » que la requête a été rejeté comme tardive ; ce dont il résulte que le Tribunal a ainsi implicitement admis que le défaut de mention de la surface à démolir pouvait affecter d’irrégularité l’affichage de l’autorisation pour son ensemble.

    Pour rejeter la requête, le Tribunal a en effet apprécié de façon on ne peut plus traditionnel la régularité de l’affichage du permis de construire contesté dans cette affaire en considérant que le défaut de mention des surfaces à démolir ne constituait pas « dans les circonstances particulières » de l’espèce une erreur substantielle dès lors que le panneau apposé sur le terrain des opérations comportait par ailleurs les informations requises pour permettre au tiers de prendre connaissance du dossier en mairie.

    Ce faisant, le Tribunal s’est donc écarté de l’analyse de la Cour administrative d’appel de Nancy précédemment commenté, laquelle était à notre sens quelque peu contestable dans la mesure où elle s’y était bornée à juger que « la circonstance que les requérants aient pu avoir accès au dossier de permis de construire qu'ils ont produit lors de leur première demande d'annulation dudit permis de construire le 27 mai 2010 devant le Tribunal, ne peut avoir pour effet de regarder les informations mentionnées sur le panneau comme étant suffisantes pour faire courir le délai de recours contentieux ».

    On voyait mal en effet pourquoi la mention de la surface des bâtiments à démolir ferait exception au régime de l’affichage des autorisations d’urbanisme tel qu’il découle de sa finalité.

    Il faut ainsi rappeler que toute erreur ou omission affectant l’affichage d’un permis de construire ne s’oppose pas au déclenchement du délai des recours des tiers : il est encore nécessaire que cette erreur ou cette omission présente un caractère substantiel. Et pour cause puisque la « philosophie » des dispositions aujourd’hui codifiées aux articles R.424-15 et A.424-16 du Code de l’urbanisme est de permettre aux tiers « d’aller à la mairie pour prendre toute la mesure du projet » ; ce qui implique que le panneau apposé à ce titre sur le terrain des opérations soit renseigné de façon suffisante « afin d’éviter [que les tiers] soient dissuadés d’agir par une information ambiguë ou incomplète » (Conclusions ARRIGHI de CASANOVA sur CE. 16 février 1994, Sté Northerntélécom immobilier, BJDU, 1994, n°4, p.92).

    Un panneau d’affichage même renseigné de façon imprécise ou erronée satisfait ainsi aux dispositions précitées dès lors qu’il permet néanmoins aux tiers de saisir l’économie générale du projet et de comprendre qu’il leur est loisible de consulter le dossier produit par le pétitionnaire (CE. 14 novembre 2003, Ville de Nice, req. n°254.003).

    Aussi, dès lors qu’en l’espèce, les travaux de démolition projetés portaient sur des bâtiments présentant une superficie globale de 511 mètres carrés, il était difficile de considérer que ces travaux constituaient une composante substantielle d’un projet impliquant la construction d’un bâtiment d’une hauteur de 18 mètres et d’une SHON de 4.499 mètres sur un terrain de 1.987 mètres carrés et, par voie de conséquence, que le fait que le panneau apposé sur le terrain à construire n’ait pas renseigné sur la surface des bâtiments à démolir avait privé les tiers d’une information indispensable à leur compréhension de l’économie générale du projet et de nature à la dissuader d’aller en mairie prendre connaissance du dossier…



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Sur le champ d’application dans le temps de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme

    Le délai de trois mois prescrit par l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme est opposable à toutes les décisions de retrait d’un permis de construire, y compris dont lorsqu’elles concernent des permis de construire délivrés avant le 1er octobre 2007

    CAA. Lyon, 8 novembre 2011, Cne de Limonest, req. n°10LY01135


    Bien qu’il concerne une situation appelée à se raréfier, voici un arrêt qui conserve son intérêt en cette période de modification future des règles d’urbanisme.

    Dans cette affaire le pétitionnaire avait déposé le 14 novembre 2006 une demande de permis de construire pour l'édification d'une résidence étudiante de 84 logements, laquelle devait donné lieu à la formation d’un permis tacite, né le 25 mars 2007. Toutefois :

    - le 11 juin 2007 la demande devait faire l’objet d’un refus exprès s’analysant selon une jurisprudence constante en un retrait du permis tacite précédemment acquis ;
    - le 24 aout 2007, le maire devait retiré cette décision du 11 juin 2007 avant d’y « substituer » le 15 octobre 2007 une nouvelle décision de refus de permis de construire valant comme la précédente retrait du permis tacite acquis le 25 mars 2007.

    C’est cette décision du 15 octobre 2007 que le pétitionnaire devait attaquer et dont il devait obtenir l’annulation au motif de la tardiveté de ce retrait au regard de l’article L.424-5 (al.2) du Code de l’urbanisme entré en vigueur le 1er octobre 2007 et dont on rappellera qu’il dispose que « le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».

    La commune devait toutefois interjeter appel du jugement de premier instance en reprenant notamment à son compte la position de l’administration centrale au sujet du champ d’application de l’article L.424-5 précité et de sa prétendue inopposabilité aux décisions de retrait intervenant sur des permis intervenus avant le 1er octobre 2007.

    Toutefois, à l’instar du Tribunal administratif de Lyon en première, la Cour administrative d’appel lyonnaise devait rejeter cet argument pour conséquemment annuler la décision de retrait du 15 octobre 2007 au regard de sa tardiveté :

    « Considérant qu'aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 : Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ;
    Considérant qu'aux termes de l'article 26 du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 : Les demandes de permis de construire et d'autorisations prévues par le code de l'urbanisme déposées avant le 1er octobre 2007 demeurent soumises aux règles de compétence, de forme et de procédure en vigueur à la date de leur dépôt ;
    Considérant que la commune soutient que le retrait du permis tacite du 25 mars 2007 était soumis aux dispositions du 3°) de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 susvisée aux termes duquel : Une décision implicite d'acceptation peut être retirée, pour illégalité, par l'autorité administrative : 1° Pendant le délai de recours contentieux, lorsque des mesures d'information des tiers ont été mises en oeuvre ; 2° Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsqu'aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre ; 3° Pendant la durée de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé ; qu'elle fait en conséquence valoir que le retrait intervenu était possible à la date du 15 octobre 2007, dès lors qu'un recours contentieux avait été formé à son encontre le 27 juillet 2007 par l'Association syndicale libre du hameau de Mathias ;
    Considérant que les règles de procédure visées par le décret du 5 janvier 2007 précité ne visent que l'instruction des demandes de permis de construire jusqu'à l'intervention d'une décision sur celles-ci ; qu'en revanche, elles ne sauraient régir une décision de retrait intervenue postérieurement au 1er octobre 2007 qui est soumise aux dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme précité ; qu'en l'espèce, la décision du 15 octobre 2007 valant retrait du permis de construire tacite dont la SCI Résidence du Mathias était titulaire depuis le 25 mars 2007 est intervenue tardivement, dès lors qu'il a été effectué le 15 octobre 2007 au-delà du délai de trois mois prévu par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme applicable en l'espèce et alors que l'autorité administrative ne disposait plus du pouvoir pour ce faire ; qu'ainsi la COMMUNE DE LIMONEST n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a accueilli le moyen présenté par la SCI Résidence du Mathias tiré de la tardiveté de l'arrêté du 15 octobre 2007
    ».


    Une telle analyse est difficilement contestable. Il est vrai, en effet, que l’article 26 du décret du 5 janvier 2007 et l’article 4 du décret n°2007-817 du 11 mai 2007 disposent que « les demandes de permis de construire et d'autorisations prévues par le code de l'urbanisme déposées avant le 1er octobre 2007 demeurent soumises aux règles de compétence, de forme et de procédure en vigueur à la date de leur dépôt ».

    Il reste que ces dispositions ne régissent que ne régit que le « traitement » des demandes et n’a donc pas vocation à organiser le sort des décisions subséquentes et, notamment, leur retrait ; alors que pour l’application de l’ancien article L.421-2-8 du Code de l’urbanisme qui précisait que « les demandes de permis de construire sur lesquelles il n'a pas été statué à la date du transfert de compétences continuent d'être instruites et font l'objet de décisions dans les conditions prévues par les dispositions en vigueur au moment de leur dépôt », il avait néanmoins été jugé qu’en conséquence de l’intervention d’un transfert de compétences pour la délivrance des autorisations d’urbanisme intervenu entre ces deux décisions, un maire était compétent pour retirer au nom de la commune un permis de construire précédemment délivré par le préfet au nom de l’Etat (CE. 7 octobre 1994, Joly, req. n°90344).

    Surtout, l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme conditionne non pas la légalité des autorisations d’urbanisme qu’il vise mais régit uniquement la légalité des décisions de retrait de ces dernières. Or, par principe, la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération des normes applicables à sa date d’édiction et il en va évidemment ainsi des décisions prononçant le retrait d’une autorisation d’urbanisme dont, par voie de conséquence, la légalité s’apprécie au regard des règles en vigueur à la date du retrait et non pas au regard de celles applicables à la date de délivrance de l’autorisation retirée. A titre d’exemple, il a ainsi été jugé que :

    « Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 23 de la loi susvisée du 12 avril 2000 : Une décision implicite d'acceptation peut être retirée pour illégalité par l'autorité administrative : A. Pendant le délai du recours contentieux, lorsque des mesures d'information des tiers ont été mises en oeuvre ; 2. - Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision lorsque aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre ; 3. - Pendant la durée de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé ;
    Considérant qu'à la date à laquelle est intervenue la décision de retrait attaquée, la décision implicite d'acceptation du 30 avril 2002 faisait l'objet d'un recours pendant devant le Tribunal administratif de Melun introduit par l'association seine-et-marnaise de sauvegarde de la nature (A.S.M.S.N.) ; que, contrairement aux allégations de la SOCIETE LES REMBLAIS PAYSAGERS, ce recours n'était pas tardif dès lors que la requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe que les formalités d'affichage de la décision susmentionnée auraient été effectuées ; que, par suite, le maire de Carnetin pouvait, conformément aux dispositions précitées de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000, procéder au retrait de l'acte attaqué
    » (CAA. Paris, 2 octobre 2006, Sté Les Remblayes Paysagers, req. n°05PA03683).


    Ce principe est constant puisque, dans le même sens, il a pu être jugé que la procédure administrative contradictoire instituée par l’article 24 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 s’appliquait à toute décision défavorable prise à compter de son entrée en vigueur, y compris à celle retirant une décision créatrice de droit formée avant cette échéance (pour exemple : CE. 3 décembre 2001, Mme Errify, req. n°230.847) ou, bien plus, qu’en conséquence de l’intervention d’un transfert de compétences pour la délivrance des autorisations d’urbanisme intervenu entre ces deux décisions, un maire était compétent pour retirer au nom de la commune un permis de construire précédemment délivré par le préfet au nom de l’Etat (CE. 7 octobre 1994, Joly, req. n°90344).

    Il faut d’ailleurs rappeler que les délais de retrait des décisions implicites d’acceptation antérieurement issues de la jurisprudence dite « Dame Cachet » (CE. 3 novembre 1922, Dme Cachet, req. n°74010) ont été substantiellement modifiées par l’article 23 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 dont on précisera qu’elle est entrée en vigueur le 1er novembre de la même année. Or, pour application de ce nouveau dispositif, il a pu être jugé :

    « Considérant que, pour annuler la décision en litige, les premiers juges se sont fondés sur le caractère tardif du retrait ainsi opéré en estimant que le maire n'avait pu légalement y procéder, de sa propre initiative, après l'expiration d'un délai de deux mois suivant la naissance de la décision tacite de non opposition ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision de retrait, intervenue avant l'entrée en vigueur de l'article 23 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 susvisée, et alors même qu'elle a été prise de la propre initiative de l'autorité administrative, pouvait légalement intervenir dans le délai de recours contentieux ouvert à l'encontre de la décision tacite ; (CAA. Marseille, 16 mars 2006, Ministre de l’équipement, req. n°03MA00934) ;

    et :

    « Considérant qu'il est constant que la lettre de notification du délai d'instruction en date du 27 mars 2000 n'avait fait l'objet d'aucun affichage ; qu'à la date de la décision de retrait du permis tacite, les dispositions de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 n'étaient pas, en tout état de cause, entrées en vigueur ; que, dans ces conditions, le maire de la COMMUNE DE SAINT-ANDRE-LEZ-LILLE n'a pas porté atteinte à des droits définitivement acquis au bénéfice de la SA X Matériaux en prononçant, le 28 septembre 2000, le retrait du permis de construire délivré implicitement le 17 juin 2000 » (CAA. Douai, 28 avril 2005, Cne de Saint-Andre-les-Lille, req. n°03DA01136).

    Dans ces deux affaires, le juge administratif a donc apprécié la légalité de la décision de retrait en recherchant les règles applicables à leur date d’édiction et ce, indépendamment de toute considération liée à la date de délivrance de l’autorisation retirée.

    Suivant ce principe, il nous semble donc clair que le dispositif issu de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme a vocation à conditionner la légalité des décisions de retrait prononcée à compter du 1er octobre 2007, y compris donc pour ce qui concerne celles portant sur des autorisations délivrées avant cette date ; étant précisé qu’une telle interprétation n’a nullement vocation à conférer à ce dispositif une portée rétroactive puisque ce dernier régit la légalité des seules décisions de retrait et qu’elle n’aboutit pas à l’appliquer aux décisions de retrait prononcées avant le 1er octobre 2007.

    Au surplus, la seule réserve à cette conclusion tenait à ce que l’article précité vise des autorisations, tel le permis d’aménager, n’ayant vocation à intégrer l’ordonnancement juridique qu’en conséquence de demandes présentées à compter du 1er octobre 2007. Il reste que si c’est cette considération qui devait conduire l’application dans le temps de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme, force serait alors d’admettre que son dispositif aurait vocation à s’appliquer non pas seulement aux autorisations d’urbanisme délivrées après le 1er octobre 2007 mais, plus généralement, aux seules autorisations délivrées en conséquence d’une demande présentée après cette échéance.

    En résumé, dès lors que le nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme a exclusivement trait à la légalité des décisions de retrait, il n’y a pas lieu de s’attacher à la question de savoir si l’autorisation d’urbanisme en cause a été délivrée avant ou après l’entrée en vigueur de ce dispositif mais uniquement de considérer la date d’édiction de la décision de retrait. Et ce, de la même façon que pour l’application du décret du 31 juillet 2006 ayant modifié l’ancien article R.421-32 du Code de l’urbanisme, lequel concerne uniquement le délai de validité du permis de construire mais n’a pas vocation à avoir une quelconque incidence sur les recours en annulation, il n’y a pas lieu de rechercher si le permis de construire considéré a été frappé de recours avant ou après la date d’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif mais seulement d’établir si le permis de construire en cause était encore valide à cette date (CAA. Bordeaux, 5 juillet 2007, Mme Sophie X., req. n°05BX00191).

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés


  • Modificatif de régularisation des permis groupés et annulation partielle des permis de construire valant division

    Un permis de construire groupé délivré en méconnaissance de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme ne peut pas être ultérieurement régularisé par un « modificatif » délivré sous l’empire de l’ancien article R.431-24 du Code de l’urbanisme. Partant, le vice affectant cette autorisation dans sa totalité est de nature à en emporter l’annulation globale.

    CAA. Paris 4 novembre 2011, Société Murat Vazire, req. n°10PA02696


    Dans cette affaire, la société appelante avait obtenu un permis de construire en vue de l’édification d’un ensemble immobilier comportant plusieurs bâtiments sur un terrain de 10.230 mètres carrés. Cette autorisation devait toutefois être contestée puis annulée par le Tribunal administratif de Paris au motif tiré de la méconnaissance de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme.


    La société pétitionnaire devait toutefois interjeter appel de ce jugement en contestant l’assujettissement même de son projet à la procédure de permis de construire valant division ; assujettissement que confirma cependant la Cour administrative d’appel de Paris au terme d’une appréciation des caractéristiques du projet principalement fondée sur des critères rarement mis autant en exergue en la matière :

    « considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit, sur un terrain d'assiette de 10 230 m², la construction par un seul maître d'ouvrage d'un ensemble immobilier comportant plusieurs bâtiments de R+5 à R+10 étages sur 3 et 4 niveaux de sous-sol, à usage d'habitation (211 logements dont 64 logements sociaux), d'une aumônerie, d'un hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) comprenant 80 chambres ; que les immeubles comprenant 147 logements destinés à la vente, sont situés le long de la rue de Varize et du boulevard Murat et les immeubles comprenant 64 logements sociaux, et l'EHPAD sont situés au sud de la parcelle le long du boulevard Murat et de la rue du général Delestraint ; que ces deux groupes de bâtiments sont séparés par une allée traversant du nord au sud l'intégralité du terrain d'assiette et délimitant deux zones distinctes ; que, par ailleurs, le plan de repérage des clôtures prévoit des clôtures intérieures délimitant la partie du terrain affectée aux immeubles destinés à la vente comprenant des clôtures privatives pour les logements situés au rez-de-chaussée, la partie du terrain affectée à l'établissement destiné aux personnes âgées et la partie du terrain affectée aux immeubles destinés aux logements sociaux ; que l'organisation spatiale du projet s'organise ainsi autour d'unités fonctionnelles distinctes destinées à la vente, aux logements sociaux et à un établissement privé pour l'hébergement de personnes âgées ; qu'à la date des décisions contestées, le projet prévoyait ainsi, à tout le moins, de réaliser une division en propriété ou en jouissance de son terrain pour la partie affectée à l'établissement pour personnes âgées ; que, dès lors, le projet entrait dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme ».

    Mais plus spécifiquement, la Cour devait implicitement rejeter la demande de la société appelante tendant à l’application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme pour ce faisant prononcer l’annulation globale du permis de construire contesté.

    En première analyse, une telle solution est on ne peut plus logique puisque l’on sait que l’autorisation de construire et l’autorisation de diviser portée sur un permis groupé délivré au titre de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme ou par l’actuel article R.431-24 sont indivisibles ; telle étant la raison pour laquelle la Cour administrative d’appel de Bordeaux a déjà eu l’occasion de préciser que l’article L.600-5 ne trouvait pas selon elle à s’appliquer en la matière (CAA. Bordeaux, 17 mars 2009, Sté Bouygues Immobilier, req. n°07BX02438).

    Il reste que dans l’affaire objet de cet arrêt de la Cour bordelaise le permis avait été délivré conformément à l’article R.421-7-1 précité – et avait été annulé au motif que la superficie de certains des terrains à créer méconnaissait les prescriptions de l’article 5 du POS communal – alors qu’en l’espèce le permis de construire contesté avait été délivré au vu d’un dossier ne comportant pas les pièces requises par l’article précité et en conséquence d’une demande manifestement formulée en dehors de la procédure du permis de construire valant division.

    Or, s’il est vrai que ces vices sont de nature à affecter la totalité du projet en cause, il n’en demeure pas moins que la solution retenue sur ce point est plus surprenante en ce qu’elle émane de la Cour administrative d’appel de Paris dont on sait qu’elle a été la première à appliquer l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme :

    • d’une part, en s’affranchissant du critère d’invisibilité juridique traditionnellement mis en œuvre par la jurisprudence pour apprécier la propension de l’autorisation contestée a donné lieu à une simple annulation partielle ;
    • d’autre part, en allant au-delà de la lettre de l’article précité en prononçant l’annulation partielle d’un permis de construire alors que le vie dont il était entaché l’affectait dans sa totalité.

    Dans cette précédente affaire (CAA. Paris, 4 décembre 2008, SNC Hôtel La Bretonnerie, req. n°07PA03606), la Cour administrative d’appel de Paris avait en effet induit que la circonstance que l’autorisation contestée soit affectée d’illégalité dans sa totalité ne s’opposait pas au prononcé d’une annulation partielle au titre de l’article précité dès lors que le vice affectant cette autorisation pouvait être aisément régularisée par un « modificatif ».

    On pourrait ainsi considérer qu’en prononçant l’annulation totale de l’autorisation en cause dans l’affaire objet de la note de ce jour, la Cour administrative d’appel de Paris a ainsi estimé qu’une autorisation obtenue en tant que permis de construire simple ne peut être régularisée par un « modificatif » délivré au vu d’un dossier comportant les pièces requises dans le cas d’une demande portant sur une opération groupée.

    Tel n’est cependant pas le cas, du moins d’une façon générale. Et il faut dire qu’une telle solution aurait été pour le moins contestable.

    D’un point de vue procédural, en effet, il faut rappeler que l’autorisation dite « permis de construire valant division » n’existe pas en tant que telle dans le Code de l’urbanisme puisque cette autorisation n’est rien d’autre qu’un permis de construire de droit commun présentant pour seule particularité d’être délivré au vu d’un dossier comportant les pièces aujourd’hui requises par l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme.

    Or, tout vice affectant un permis de construire, y compris les vices de forme ou de procédure, est susceptible d’être purgé par un « modificatif » (CE. 2 février 2004, SCI La Fontaine de Villiers, 238.315) puisqu’un « modificatif » forme avec le permis primitif une autorisation unique dans la légalité doit s’apprécier comme si n’était en cause qu’une seule décision.

    De ce fait, la solution retenue en l’espèce par la Cour administrative d’appel de Paris ne remet aucunement en cause le bien-fondé (selon nous) des arrêts ayant déjà reconnu la possibilité de régulariser un permis de construire délivré en méconnaissance de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme par un « modificatif » délivré au vu d’un dossier comportant les pièces prescrites par cet article (CAA. Nancy, 10 juin 2010, Mme Anne A., req. n°09NC00357).

    Quant au fond, et même à admettre qu’un tel « modificatif » n’ait pas pour seul objet de régulariser les vices affectant l’autorisation initiale mais vise en fait à modifier la nature de cette dernière en la transformant en un permis de construire valant division, il reste que selon nous une telle conclusion n’exclue pas en elle-même le recours à un tel modificatif dès lors qu’en principe, cette transformation n’a aucun impact sur les modalités d’application des règles d’urbanisme opposables au projet compte tenu de l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme (voir ici) ; étant précisé que le PLU applicable en l’espèce (celui de la Ville de Paris) ne s’oppose au principe posé par cet article que s’agissant des lotissements.

    Il n’en demeure pas moins que la Cour administrative d’appel de Paris a bien rejeté l’argument de la société appelante, selon lequel le « modificatif » qu’elle avait ultérieurement obtenu avait régularisé l’autorisation contesté, mais ce au motif spécifique suivant :

    « considérant que les requérantes soutiennent que le permis modificatif délivré le 30 septembre 2008 n'était soumis qu'à l'application des nouvelles dispositions de l'article R. 431-24 du code de l'urbanisme et, qu'ainsi, la délivrance de ce permis a eu pour effet de régulariser le permis de construire initial ; qu'à supposer même que ces dispositions soient moins exigeantes, seules les dispositions de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme, demeuraient applicables au regard du projet contenu dans la demande initiale ; que, par suite, le permis modificatif du 30 septembre 2008 n'a pu régulariser sur ce point le permis initial ».

    La Cour semble donc avoir estimé que le « modificatif » allégué par la société appelante ne pouvait régulariser le permis primitif attaqué dans la mesure où celui-ci avait été délivré sous l’empire de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme, contrairement au « modificatif » allégué relevant pour sa part de l’article R.431-24.

    Deux observations liminaires toutefois.

    D’une part, et d’une façon générale, il semble que la société appelante se soit bornée à évoquer l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme pour contester le principe même de l’assujettissement de cette opération à la procédure du permis de construire valant division.

    D’autre part, et plus spécifiquement, le « modificatif » allégué par la société appelante n’avait a priori pas pour objet de régulariser l’autorisation primitive mais tendait uniquement à modifier « le permis initial pour l'alignement des 4 niveaux de sous-sol sur la façade des bâtiments côté rue de Varize et la façade de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendante (EHPAD) côté rue du général Delestraint ».

    Pour autant, la solution retenue n’en est pas moins quelque peu surprenante ; d’autant que la motivation de l’arrêt sur ce point est pour le moins sur cursive.

    En effet, si la Cour administrative d’appel de Paris a pu avoir quelques difficultés avec la propension régularisatrice du « modificatif » (CAA. Paris, 14 janvier 2001, SCI La Fontaine de Villiers, req. n°99PA00757)., il reste qu’elle l’a dorénavant parfaitement intégrée ; au point d’ailleurs de la théoriser dans un considérant de principe et de la mettre en œuvre pour les vices affectant la forme et les mentions mêmes de l’arrêté de permis de construire initial (CAA. Paris, 30 octobre 2008, M. Gilbert Y., req. n°05PA04511). De même, c’est cette Cour qui avait pu juger que l’irrégularité des divisions foncières précédemment pratiquées en méconnaissance de la règlementation sur les lotissements pouvait être régularisée par le seul assouplissement de cette réglementation (voir ici).

    D’ailleurs, s’il est vrai que les conséquences d’une modification des règles de fond ne sont pas en tous points comparables à celles liées à l’évolution des règles de procédure, il n’en demeure pas moins que pour sa part la Cour administrative d’appel de Nantes a pu juger qu’une autorisation de lotir délivrée avant le 1er octobre 2007 pouvait être régularisée par un permis d’aménager modificatif (CAA. Nantes, 4 mai 2010, Cne de Belz, req. n°09NT01343).

    Mais il est vrai que pour sa part la Cour administrative d’appel de Nantes n’a jamais hésité à reconnaitre aux autorisations modificatives des vertus régularisatrices allant peut-être au-delà de celles qu’elles revêtent effectivement (CAA. Nantes, 22 avril 2008, Ministre de l’écologie, req. n°07NT02508)...

     


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

     

  • Veille administrative – Réponse ministérielle : Bonne foi du requérant & Recours abusif

    Texte de la question publiée au JO le : 26/04/2011 page : 4163
    « M. Raymond Durand attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les conséquences de l'augmentation des procédures de recours en matière d'autorisations du droit des sols. Ces procédures, le plus souvent déclenchées par les associations de protection de la nature et/ou particuliers, revêtent un caractère systématique notamment lorsqu'il s'agit d'autorisations préalables ou de permis de construire relevant de leurs sphères d'influence. Elles engendrent un coût financier non négligeable, tant pour les collectivités que pour les administrés et entreprises. Les délais de jugement étant relativement longs en raison de l'engorgement des tribunaux administratifs, les projets concernés sont bloqués ce qui n'est pas sans conséquences sur la situation de l'emploi. L'intervention d'avocats spécialisés représente un coût non négligeable dans la mesure où aucune indemnité compensatrice n'est due à la collectivité quelle que soit l'issue de la procédure. Le contribuable est, quant à lui, doublement pénalisé, ces associations étant très souvent subventionnées par l'État et/ou collectivités territoriales. Aussi, dans un souci de protection des finances publiques, il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur cette question et les mesures qu'il envisage de prendre afin de réduire notablement la recevabilité des recours intentés dans ce domaine ».

    Texte de la réponse publiée au JO le : 23/08/2011 page : 9189
    « Tout d'abord, la juridiction administrative a effectué un effort considérable pour réduire ses délais moyens de traitement de l'ensemble des affaires qui lui sont soumises. Le délai moyen de jugement par les tribunaux administratifs a ainsi diminué de trois mois entre 2007 et 2010, pour s'établir aux alentours de onze mois en 2010. On ne peut donc parler d'engorgement des tribunaux administratifs. En outre, les recours contentieux à l'encontre des autorisations d'urbanisme n'étant pas suspensifs, ils n'ont pas pour effet de geler les projets contestés. Ce gel résulte du choix du titulaire de l'autorisation de ne pas initier les travaux prévus, ce qui a pour effet pernicieux d'encourager la multiplication des recours dilatoires. S'agissant du coût, pour les collectivités, des recours contre leurs autorisations d'urbanisme, il convient de rappeler que, s'agissant d'un contentieux de la légalité, elles peuvent assurer elles-mêmes leur défense, la représentation par un avocat devant le tribunal administratif n'étant pas obligatoire pour ce type de contentieux (art. R. 431-2 du code de justice administrative). La condamnation de la partie perdante au paiement des frais irrépétibles relève de la libre appréciation du juge. En effet, aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour condamner la partie perdante d'une instance au paiement des frais irrépétibles, « le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ». Dès lors que cette appréciation doit reposer sur des considérations d'équité et tenir compte de la situation économique de la partie perdante, il n'est pas anormal que ces dispositions ne soient pas appliquées de manière symétrique selon que celle-ci est une personne physique ou une collectivité territoriale. Cela ne fait cependant pas obstacle à ce que la collectivité défenderesse porte à la connaissance du tribunal administratif la nature et le montant des frais qu'elle a été amenée à exposer à raison de l'instance. Enfin, le Gouvernement n'envisage pas de prendre des mesures visant à réduire la recevabilité des recours. Celles-ci risqueraient de porter atteinte au droit à un recours effectif, protégé tant constitutionnellement (art. 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789) que conventionnellement (art. 13 de la Convention européenne des droits de l'Homme). Elles auraient en outre pour effet de pénaliser l'ensemble des requérants, alors que l'immense majorité d'entre eux est de bonne foi ».


    Outre que la réponse ministérielle susvisée n’est pas nécessairement révélatrice de ce que pourrait être le contentieux des autorisations d’urbanisme à l’issue de la prochaine réforme liée à « l’urbanisme de projet », celle-ci doit être nuancée en ce qu’elle précise qu’un renforcement des conditions de recevabilité des recours aurait « pour effet de pénaliser l'ensemble des requérants, alors que l'immense majorité d'entre eux est de bonne foi » et induit ainsi, au regard de l’économie générale de cette réponse, qu’un recours exercé par un requérant de bonne foi ne présente pas un caractère abusif, alors que, même si l-on peut partager ce constat de fait sur les intentions d'une majorité de requérants, tel n’est pas nécessairement le cas.

    Bien que cette réponse n’aborde pas cette question, qui ne lui était d’ailleurs pas posée, il faut en effet rappeler que l’auteur d’un recours en annulation à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme n’agit pas en totale impunité puisque non seulement il peut se voir condamner par le juge administratif, outre au paiement des frais dits irrépétibles (mais qui, donc, le sont), à une amende pour recours abusif (art. R.742-1 ; C.urb) mais qu’en outre celui-ci peut lui-même s’exposer à une action civile pour recours abusif qui sera le plus souvent exercée par le titulaire de l’autorisation d’urbanisme contestée et ce, sur le fondement de l’article 1382 du Code de civil ; le caractère abusif de son recours étant alors appréciée au regard de l’article 32-1 du Code de procédure.

    Or, si est vrai que traditionnellement la jurisprudence considérait que l’exercice d’une action en justice ne dégénérait en faute susceptible d’entraîner une condamnation à des dommages et intérêts que si cette action procédait d’une mauvaise foi caractérisée ou d’une erreur grossière équivalente au dol (voir pour exemple : Cass. Civ, 19 octobre 1943, S. 1944, I, p.43), il reste que tel n’est plus le cas.

    En effet, l’exigence systématique d’une faute grossière ou dolosive a été abandonnée par la Cour de cassation, laquelle considère dorénavant qu’une « simple légèreté blâmable » peut constituer une faute au sens des articles.32-1 du Code de procédure civile et e l’article 1382 du Code civil (voir pour exemple : Cass. 30 octobre 1968, JCP. 1969, II, p. 19954 ; Cass. 12 janvier 1976, JCP. 1977, II, p. 18378 ; Cass. 5 mai 1978, Bull. II, n° 416).

    Ainsi toute faute dans l’exercice d’une voie de droit est susceptible d’engager la responsabilité de son auteur (Cass. civ., 18 janvier 2001, pourvoi n°00-12.230) puisqu’à titre d’exemple et à l’encontre de l’auteur d’un recours en annulation à l’encontre d’un permis de construire, la Cour de cassation a pu jugé que :

    « Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y... ont saisi le tribunal administratif de Marseille de plusieurs procédures pour solliciter le sursis à exécution et l'annulation de deux permis de construire délivrés à MM. Z..., propriétaires de parcelles contiguës à leur immeuble ; qu'ils se sont désistés des appels formés contre les jugements ayant rejeté leurs demandes ; que MM. Z... les ont assignés en responsabilité et dommages-intérêts pour abus du droit d'ester en justice ;
    Attendu que, pour rejeter ces demandes, l'arrêt énonce que, si l'exercice d‘une action en justice peut être constitutif d'abus, celui qui s'en prévaut doit démontrer que ce droit a été exercé dans l'intention de nuire, cette intention pouvant se caractériser dès lors que le titulaire de ce droit ne devait en tirer aucun avantage ni aucune utilité appréciable ;
    Qu'en statuant ainsi, alors que toute faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité de son auteur, la cour d'appel a violé le texte susvisé
    » (Cass. civ., 11 septembre 2008, pourvoi n°07-18.483) ;


    En résumé, la bonne foi du requérant de l’affranchit pas des conséquences éventuelles de la faute qu’il a pu commettre dans l’exercice de son recours.

    Et pour le reste, on est heureux d’apprendre à la lecture de cette réponse que « les recours contentieux à l'encontre des autorisations d'urbanisme n'étant pas suspensifs, ils n'ont pas pour effet de geler les projets contestés » et, donc, qu’en fait, « ce gel résulte du choix du titulaire de l'autorisation de ne pas initier les travaux prévus », si bien qu’ainsi, c’est ce choix « qui a pour effet pernicieux d'encourager la multiplication des recours dilatoires » ; étant toutefois précisé que même à l’admettre « ce choix » ne s’opposera pas à ce que le pétitionnaire obtienne du requérant la réparation des préjudices susceptibles de résulter de ce gel (Cass. civ. 2 décembre 2008, pourvoi n°07-19.645).

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés