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Sur la régularisation des lotissements de fait par l’entrée en vigueur de dispositions d’urbanisme plus permissives

Une autorisation de travaux ne peut être légalement délivrée pour une construction à édifier sur un terrain compris dans un lotissement non autorisé, à moins que ce lotissement n'ait fait l'objet d'une régularisation ultérieure, sous l'empire des dispositions législatives ou réglementaires intervenues postérieurement. Mais dans l'hypothèse où les textes postérieurs retiennent une définition plus restrictive du lotissement, celle-ci ne saurait rétroactivement régulariser les opérations de divisions ayant constitué un lotissement de fait non autorisé. En revanche, dès lors que le lotissement de fait n'entre plus, à la date à laquelle l'autorisation de travaux contestée a été délivrée, dans le champ d'application des dispositions relatives aux opérations de lotissement soumises à autorisation, des travaux de constructions sur une parcelle incluse dans le périmètre d'un tel lotissement peuvent légalement y être autorisés, sans qu’il n’y ait plus lieu à régularisation.

CE. 18 juin 2007, Association syndicale libre des propriétaires du lotissement Te Maru Ata, req. n°289.336

Voici un arrêt intéressant à quelques jours de l’entrée en vigueur, le 1er octobre 2007, du nouveau régime des autorisations d’urbanisme, issu principalement de l’ordonnance du 8 décembre 2005 et du décret du 5 janvier 2007 (NB : le dispositif a encore été complété par un décret et un arrêté édictés le 11 septembre dernier…), dont l’un des aspects importants est la modification de la définition et du régime juridique des lotissements.

Dans cette affaire, relevant du Code de l’aménagement de la Polynésie Française, un lotissement de trois terrains avait été constitué sans autorisation et ce, en violation des dispositions alors applicables de l'article D. 141-1 et D.114-12 dudit, lesquels disposaient respectivement que, d’une part, « constituent un lotissement l'opération et le résultat de l'opération ayant pour objet ou ayant eu pour effet la division volontaire d'une ou plusieurs propriétés foncières par ventes ou locations simultanées ou successives consenties en vue de l'habitation » et que, d’autre part, « toute partition de terrain en plus de trois parties est un lotissement ».

Ultérieurement, l’acquéreurs d’un des lots irrégulièrement constitués devait solliciter une autorisation de travaux aux fins de modifier et d’aménager une maison précédemment implantée sur ce lot.

A priori, cette demande d’autorisation de travaux était vouée au rejet puisque l’on sait qu’une autorisation de construire ne peut être régulièrement délivrée dans un lotissement de fait (CE. 9 avril 1986, Ministère de l’urbanisme, req. n°59.677) et qu’à défaut de régularisation préalable de ce lotissement, l’administration est tenue de déclarer inconstructibles les terrains le constituant (CE.30 avril 1982, Sarrat, REDI, 1984, p.54) ; la Cour administrative d’appel de Marseille ayant récemment jugé que ce principe était opposable au demande d’autorisation relative à la finition et l’extension de bâtiment préexistant (CAA. Marseille, 18 mai 2006, Cne de Nice, req. n°02MA02119. Voir notre note du 7 août 2006).

Il reste que si à la date des divisions litigieuses, ces dernières étaient effectivement constitutives d’un lotissement au regard de l’article D.114-2 du Code de l’aménagement de la Polynésie Française, la demande d’autorisation de travaux en cause avait été présentée après que ce dernier eu été modifiée par une délibération du 26 septembre 2002 prévoyant qu'un lotissement s'entendait de « toute partition de terrain en plus de cinq parties sur une période de moins de 10 ans ».

Au regard des ces nouvelles dispositions, les divisions litigieuses en ce qu’elles n’avaient abouti à la constitution que de trois terrains n’étaient alors plus constitutives d’un lotissement soumis à autorisation. C’est pourquoi, confirmant l’analyse faite par la Cour administrative d’appel de Paris, laquelle avait annulé le jugement du Tribunal administratif de Polynésie Française, le Conseil d’Etat devait juger que :

« Considérant qu'une autorisation de travaux ne peut être légalement délivrée pour une construction à édifier sur un terrain compris dans un lotissement non autorisé, à moins que ce lotissement n'ait fait l'objet d'une régularisation ultérieure, sous l'empire des dispositions législatives ou réglementaires intervenues postérieurement ; que, dans l'hypothèse où les textes postérieurs retiennent une définition plus restrictive du lotissement, celle-ci ne saurait rétroactivement régulariser les opérations de divisions ayant constitué un lotissement de fait non autorisé ; qu'en revanche, dès lors que le lotissement de fait n'entre plus, à la date à laquelle l'autorisation de travaux contestée a été délivrée, dans le champ d'application des dispositions relatives aux opérations de lotissement soumises à autorisation, des travaux de constructions sur une parcelle incluse dans le périmètre d'un tel lotissement peuvent légalement y être autorisés ;
Considérant que, pour rejeter l'argumentation présentée en défense par l'ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE DES PROPRIETAIRES DU LOTISSEMENT TE MARU ATA, la cour a relevé, comme le tribunal, que le lotissement dans lequel la parcelle de M. A était incluse, consistant en plus de trois parcelles, n'avait jamais été autorisé, ce qui n'est au demeurant contesté par aucune des parties ; qu'elle a également jugé que, compte tenu de l'évolution sus-rappelée des dispositions du code de l'aménagement de la Polynésie française, ce lotissement, consistant en moins de cinq parcelles, n'entrait plus dans le champ d'application des règles applicables aux lotissements de fait et qu'il ne « constituait plus un lotissement non autorisé pour lequel une régularisation par obtention d'un permis de lotir serait demeurée nécessaire afin que puissent être régulièrement autorisés des travaux de construction sur la parcelle provenant de la division » ; qu'en jugeant ainsi, pour les motifs qui viennent d'être indiqués, elle n'a entaché son arrêt d'aucune erreur de droit
».

La Haute Cour a donc considéré que dès lors que les divisions litigieuses ne constituaient plus un lotissement soumis à autorisation à la date de la demande d’autorisation de modification et d’aménagement de la maison implantée dans celui-ci, la délivrance de cette dernière n’impliquait plus la régularisation préalable de ces divisions, quand bien même avaient-elle été constitutives d’un lotissement à la date de leur réalisation. Et pour cause puisque dès lors qu’une autorisation de régularisation a vocation a être délivrée selon les règles de procédure et de fond alors applicables, et non pas en considération de celles en vigueur à la date des faits litigieux, on voit mal par quelle autorisation aurait-il été possible de régulariser un lotissement de trois terrains sous l’empire d’un dispositif dans lequel seules les partition de terrains en cinq parties sont constitutives d’un lotissement assujetti à autorisation préalable.

Il faut, toutefois, préciser que la régularisation du lotissement en cause par l’entrée en vigueur d’un dispositif plus permissif, car retenant une définition moins restrictive du lotissement, ne vaut que pour ce qui concerne la possibilité d’y construire ultérieurement et, en d’autres termes, l’inopposabilité de l’irrégularité initial de ce lotissement aux autorisations de travaux ultérieures s’y rapportant. En revanche, dans la mesure où elle ne saurait avoir d’effet rétroactif, elle n’ôte rien au fait que les divisions réalisées l’ont été sans autorisation et, par voie de conséquence, ont été constitutives d’une infraction que l’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif ne saurait faire rétroactivement disparaître : ces divisions restent donc répréhensibles au regard du droit pénal.

Mais il faut, surtout, souligner que la solution retenue par le Conseil d’Etat dans l’affaire objet de l’arrêt commenté ne vaut que dans le cas de l’entrée en vigueur de dispositions ultérieures plus permissives et non pas, bien entendu, dans le cas d’un dispositif retenant une définition plus restrictive du lotissement.

Il s’ensuit que l’entrée en vigueur du nouveau dispositif issu de la réforme des autorisations d’urbanisme opérée par l’ordonnance du 8 décembre 2005 et du décret du 5 janvier 2007 ne saurait régulariser des lotissements de fait antérieurement constitués puisque s’il assouplit, à de rares égards, le régime juridique applicable aux lotissement, et notamment les possibilités d’y délivrer une autorisation de construire avant l’achèvement complet des travaux d’équipement de celui-ci, il retient en revanche une définition plus restrictive du lotissement.

En effet, là où il résultait de l’ancien article L.315-1 du Code de l’urbanisme qu’un lotissement impliquait la constitution de plus de deux lots destinés à l’implantation de bâtiments, nombre déterminé en tenant compte des exclusions prévues par l’ancien article R.315-1, il ressort des nouveaux articles L.442-1 et L.442-2 du Code de l’urbanisme, dont on précisera qu’ils disposent respectivement que :

« constitue un lotissement l'opération d'aménagement qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet la division, qu'elle soit en propriété ou en jouissance, qu'elle résulte de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de locations, d'une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments » ;

et :

« un décret en Conseil d'Etat précise, en fonction du nombre de terrains issus de la division, de la création de voies et d'équipements communs et de la localisation de l'opération, les cas dans lesquels la réalisation d'un lotissement doit être précédée d'un permis d'aménager ».

que la constitution d’un seul et unique lot à construire emporte, sous réserve des exclusions prévues par les nouveaux articles R.442-1 et R.442-2 du Code de l’urbanisme, la création d’un lotissement ; ce que confirment les nouveaux articles R.421-19 (a) et R.421-23 (a) dont il résulte que la considération liée au nombre de lots à construire n’a plus d’incidences que pour la détermination de l’autorisation – permis d’aménager ou non-opposition à déclaration d’aménagement – à obtenir à cet effet.

Il s’ensuit que l’entrée en vigueur des nouveaux articles L.442-1 et L.442-2 du Code de l’urbanisme ne pourront pas avoir pour effet de régulariser les lotissements précédemment créés sans l’autorisation de lotir alors requise ; la circonstance que cette autorisation ait vocation à disparaître de l’ordonnancement juridique à compter du 1er octobre 2007 n’ayant évidemment aucune incidence à cet égard.

Mais précisément, dès lors qu’à compter de cette échéance il ne sera plus possible d’obtenir une autorisation de lotir et qu’en toute hypothèse, la nature de l’autorisation de régularisation à obtenir doit être déterminée en considération du régime applicable à cette date et non au regard de celui en vigueur à la date des faits litigieux, le nouveau dispositif pourra, dans certains cas, avoir pour effet d’assouplir les conditions dans lesquelles la régularisation d’un lotissement non autorisé pourra intervenir.

En effet et à titre d’exemple, un lotissement de trois lots destinés à l’implantation de bâtiments constitué avant, le 1er octobre 2007, sans l’autorisation de lotir alors requise pourra être régularisé, s’il n’implique aucun travaux d’équipement et s’il n’est pas sis dans un site classé ou un secteur sauvegardé (art. R.421-19 (a) & R.421-23 (a) ; C.urb), par une simple déclaration d’aménagement.

Mais pour conclure, on précisera qu’a contrario, la nouvelle définition du lotissement issue de l’article L.442 du Code de l’urbanisme ne saurait avoir pour effet de rendre irrégulière au regard de cette définition des divisions foncières qui, à la date de leur réalisation, n’étaient pas constitutives d’un lotissement. En effet, si l’irrégularité d’une division foncière constitutive d’un lotissement est le plus souvent sanctionnée au stade des permis de construire sollicités et/ou délivrés dans ce dernier, il reste que la régularité d’une telle division s’apprécie à la date où elle est réalisée.

Il s’ensuit qu’un permis de construire délivré, après le 1er octobre 2007, sur un terrain issu de la partition en deux parties d’une unité foncière réalisée avant cette échéance sera légal, sans qu’il y est lieu à une quelconque régularisation préalable puisque si, à compter de cette date, une telle division sera constitutive d’un lotissement soumis à déclaration d’aménagement, il reste qu’avant cette échéance, la division d’une unité foncière en deux terrains n’est pas constitutive d’un lotissement et n’implique donc pas l’obtention d’une autorisation de lotir ; étant rappelé que si une telle division exige, en revanche, l’envoi d’un plan de division à la mairie de la commune concernée en application de l’ancien article R.315-54 du Code de l’urbanisme, il a été jugé, à propos du certificat prévu par cet article dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 décembre 2000 dite « SRU », que l’inaccomplissement de cette formalité n’avait aucune incidence sur la légalité du permis de construire portant sur le terrain issu de cette division (CE. 26 avril 1993, Epx Beaucourt, Rec., p.1089).



Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

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