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Contentieux - Page 13

  • Quelques précisions sur le champ d’application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme

    Un permis de lotir pour partie entaché d’incompétence peut être aisément régularisé par un « modificatif ». Partant, ce vice ne peut emporter que l’annulation partielle de cette autorisation en application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme.

    CAA. Douai, 16 février 2012, Association Bois-Guillaume Réflexion, 11DA00506


    Le permis de lotir en cause dans cette affaire autorisait un projet d’aménagement à cheval sur deux communes. Pour autant, cette autorisation n’avait été délivrée que par l’un des Maires de ces deux communes, en l’occurrence par celui territorialement compétent pour la majeure partie du projet puisque seule une partie d’une voie à réaliser en exécution de ce dernier était située sur la seconde commune.

    C’est à ce titre notamment que ce permis de lotir devait être contestée. Et si la Cour administrative d’appel de Douai, comme en première instance le Tribunal administratif de Rouen, devait accueillir ce moyen ce ne fut que pour prononcer l’annulation partielle de cette autorisation au titre de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : Lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. / L'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet objet de l'arrêté litigieux se situe sur le territoire des communes de Bois-Guillaume et de Bihorel et prévoit notamment l'aménagement d'une voie située en partie sur le territoire de celle-ci ; que, toutefois, cet arrêté a été signé par le maire de Bois-Guillaume et n'a pas été autorisé, conjointement ou distinctement, par le maire de Bihorel ; que, par suite, l'ASSOCIATION BOIS-GUILLAUME REFLEXION est fondée à soutenir qu'il est entaché d'incompétence pour la partie du projet située sur le territoire de la commune de Bihorel ; que cette illégalité est toutefois susceptible d'être couverte par l'intervention d'un nouvel arrêté pris par l'autorité compétente ; que cette autorité sera désormais le maire de l'unique commune de Bois-Guillaume - Bihorel créée à compter du 1er janvier 2012 ; qu'il n'est pas établi que la nature du terrain ou du projet ou encore les règles du plan local d'urbanisme désormais applicable feraient obstacle à cette régularisation ; que, dans ces conditions, le motif ainsi retenu ne justifie l'annulation de l'arrêté contesté qu'en tant qu'il concerne la partie du projet située sur le territoire de la commune de Bihorel
    ».


    Si cet arrêt présente un intérêt certain pour ce qui concerne l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, il appelle néanmoins au préalable certaines précisions s’agissant du vice d’incompétence retenu au fond.

    Par principe, en effet, la demande d’autorisation d’urbanisme se rapportant à un projet de construction ou d’aménagement à cheval sur deux communes doit être présentée à l’identique dans chacune des mairies concernées et implique, si cette compétence incombe aux maires, une décision conjointes de ces derniers ; chacun ne se prononçant toutefois qu’à l’égard de la conformité des travaux projetés sur le territoire communal pour lequel sa compétence lui est conférée (CE. 26 mars 1997, ADLA, req. n° 172.183 ; TA. Rennes, 30 mai 1990, Mme Bertier, Rec. TA, éd. Litec, 1991, p. 468).

    Il reste qu’à suivre la rare jurisprudence rendue en la matière ce principe connaît cependant une exception puisque lorsque les composantes du projet sis sur le territoire de l’une des deux communes intéressées ne relèvent pas du champ d’application de la procédure de permis de construire, seul le maire de la commune sur le territoire de laquelle les composantes du projet relevant de cette procédure ont vocation à être réalisées est compétent pour statuer sur la demande :

    « Considérant, en premier lieu, que le préfet de l'Eure soutient que le maire de Bosgouet était incompétent pour délivrer seul le permis litigieux dès lors que le projet de construction était implanté également sur le territoire de la commune voisine de La Trinité de Thouberville ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que seule une partie des pistes s'étendait sur le territoire de cette dernière commune ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne soumet la réalisation de tels ouvrages à l'octroi d'un permis de construire ; que, dès lors, le maire de Bosgouet était compétent pour autoriser l'édification du bâtiment projeté sur territoire de sa commune ; que, par suite, le moyen doit être rejeté » (CE. 8 avril 1994, SA Centaure Normandie, req. n°132.721).

    Dès lors que la réalisation d’une voie n’était jamais soumise autorisation avant le 1er octobre 2007 (anc. Art. R.421-1 ; C.urb), il n’est donc pas si certain que ce que la Cour a retenu comme vice d’incompétence était effectivement de nature à entacher d’illégalité l’autorisation contestée en l’espèce.

    En admettant l’analyse de la Cour sur ce point, la solution retenue présente cependant un triple intérêt.

    Tout d’abord, il faut ainsi rappeler que l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme dispose que « lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation ».

    Or, la référence à la « partie du projet » est de nature à générer certaines interrogations sur les vices susceptibles de n’emporter qu’une annulation partielle de l’autorisation contestée puisqu’en première analyse, ce serait donc le projet lui-même qui devrait être partiellement illégal. A priori, seul un vice de fond affectant l’autorisation contestée d’illégalité interne pourrait donc permettre son annulation partielle.

    On sait d’ailleurs qu’il a pu être jugé que l’irrégularité des documents graphiques produits par le pétitionnaire affectait d’illégalité l’ensemble du permis de construire contesté et s’opposait ainsi à l’annulation partielle de ce dernier (CAA. Bordeaux, 30 octobre 2007, SCI Les Terrasses de Marie, req.n° 05BX01764).

    Pour autant, la circonstance que l’autorisation d’urbanisme en cause soit affectée d’illégalité externe n’apparait pas nécessairement exclure que celle-ci ne donne lieu qu’à une annulation partielle. Dans certains cas, en effet, l’incomplétude du dossier ou le caractère insuffisant de certaines des pièces produites par le pétitionnaire peut n’avoir faussé l’appréciation des services instructeurs qu’à l’égard d’une des composantes du projet pouvant être caractérisée comme une « partie » de celui-ci au sens de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme. D’ailleurs, avant l’entrée en vigueur de ce dernier, il avait pu être jugé qu’un permis de construire portant, d’une part, sur un ensemble pavillonnaire, et d’autre part, sur un hôtel mais délivré au vue d’un dossier ne comportant pas la justification de la demande d’autorisation d’exploiter alors requise par le Code du commerce pour l’exploitation de ce dernier n’encourrait à ce titre l’annulation de ce permis qu’en tant qu’il avait autorisé l’hôtel (CAA. Nantes, 18 avril 2006, Sté Investimmo Région).

    Or, on comprendrait mal non seulement que l’article L.600-5 ne permette plus ce qui était possible avant son entrée en vigueur mais surtout qu’alors à titre d’exemple que la méconnaissance de l’article 13 du règlement d’urbanisme applicable semble permettre l’annulation partielle du permis de construire contesté qu’en tant que le projet litigieux ne prévoie pas un nombre d’arbres suffisant, l’irrégularité formelle du plan masse s’agissant de la représentation des arbres à planter, à abattre ou à conserver doive nécessairement emporter l’annulation totale du permis de construire délivré au vue d’un tel plan.

    Mais plus généralement, et compte tenu de la finalité de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, et des vertus qu’a bien voulu lui reconnaitre le Conseil d’Etat (CE 23 février 2011, SNC La Bretonnerie, req. n°375.129), on voit mal pourquoi les vices d’illégalité d’externe seraient par nature exclus du champ d’application de cet article.

    Précisément, en l’espèce, si le vice en cause n’avait trait qu’à une partie du projet, il n’en demeure pas moins qu’il ne procédait pas de la non-conformité de cette partie du projet aux normes d’urbanisme lui étant opposables mais de l’incompétence de l’auteur de la décision contestée pour accorder le permis attaqué pour cette partie du projet.

    Or, s’il s’agit d’un vice d’une nature particulière, il n’en demeure pas moins que l’incompétence de l’auteur de l’acte attaqué est assimilée à un vice d’illégalité externe.

    L’arrêté commenté ce jour tend donc à confirmer que l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme ne s’applique pas aux seuls vices d’illégalité interne se rapportant à la conformité du projet aux normes lui étant opposables « sur le fond ».

    Ensuite, si le critère premier de mise en œuvre de l’article précité n’est pas la divisibilité du projet et celle subséquente de l’autorisation contestée mais la potentialité du vice affectant l’autorisation contestée à être aisément régularisé par un simple « modificatif » (CE 23 février 2011, SNC La Bretonnerie, req. n°375.129), la jurisprudence rendue en application de ce même article n’apparait pas avoir en elle-même modifié les conditions du recours au « modificatif », y compris en matière de régularisation.

    Or, comme le sait, dans l’arrêt de principe par lequel il a consacré la propension régularisatrice des permis modificatifs le Conseil d’Etat a jugé que « lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure les respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises » (CE. 2 février 2004, SCI La Fontaine de Villiers, 238.315).

    Restait cependant à savoir si la compétence du permis de construire qui n’est évidemment pas relative à l'utilisation du sol pouvait être considérée comme comptant parmi les règles ayant aux formes ou aux ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire et, par voie de conséquence, si un permis affecté d’un vice d’incompétence pouvait être régularisé par un simple « modificatif » délivré par l’autorité compétente.

    L’arrêt commenté ce jour tend donc à confirmer (CAA. Nantes, 22 avril 2008, Ministre de l’écologie, req. n°07NT02508) cette possibilité.

    Enfin, et peut-être surtout, la Cour administrative d’appel de Douai s’est prononcée sur la potentialité du vice affectant le permis de lotir contesté à n’emporter que l’annulation partielle de cette autorisation en relevant « qu'il n'est pas établi que la nature du terrain ou du projet ou encore les règles du plan local d'urbanisme désormais applicable feraient obstacle à cette régularisation ».

    Certes sommairement, la Cour a ce faisant néanmoins apprécié la propension de cette autorisation à être effectivement régularisé.

    Or, comme on le sait, la spécificité de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme comparée aux possibilités d’annulation partielle précédemment reconnue par la jurisprudence est de permettre au juge administratif de prononcé l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme alors même que cette mesure n’assura pas à elle-seule la conformité du projet en résultant ; cette conformité étant précisément soumise à l’intervention d’un arrêté modificatif pris en applicabilité de l’alinéa 2.

    Surtout, si le Conseil d’Etat a fait de la propension du vice affectant d’illégalité l’autorisation en cause à être aisément régularisé par un « modificatif » le principal, voire le seul critère de mise en œuvre de l’article L.600-5, il l’a fait sans jamais entreprendre le moindre commencement d’analyse de la possibilité de régulariser le permis de construire contesté en l’espèce (régularisation qui au demeurant n’était pas évidente, loin s’en faut).

    En l’état toute la question est précisément de savoir ce qu’il advient de l’autorisation partiellement annulée lorsque celle-ci n’est en fait pas régularisable au regard des normes opposables au projet et, plus précisément, de déterminer si le titulaire de l’autorisation partiellement annulée peu la mettre en œuvre sans avoir obtenu un « modificatif » de régularisation. Deux situations doivent être distinguées.

    D’une part, il se peut que l’annulation partielle ait été rendue possible du fait de la divisibilité du projet et, plus précisément, de la dissociabilité de sa partie affectée d’illégalité. Dans ce cas, l’annulation partielle de l’autorisation contestée suffira à elle-seule à assurer la conformité du projet.

    De ce fait, on voit mal ce qui pourrait s’opposer à ce que le titulaire de l’autorisation la mette en œuvre pour sa partie validée par le juge. En effet, dès lors que les travaux accomplis seront exécutés conformément au permis résultant de l’autorisation initiale partiellement annulée aucune infraction ne sera constituée au regard de l’article L.480-4 du Code de l’urbanisme et dans la mesure où cette annulation partielle aura assuré à elle seule la conformité du projet, il en sera de même des infractions de fond visées par l’article L.160-1.

    Certes, on pourrait objecter que la mise en œuvre de ce permis aboutira à la réalisation d’un projet ne correspondant plus à celui initialement instruit et autorisé par l’administration compétente. Il reste les conditions dans lesquelles une autorisation d’urbanisme a été initialement délivrée sont sans incidence sur la validité de l’autorisation résultant de l’annulation partielle du permis initial et, par ailleurs, que l’inexécution partielle d’une autorisation d’urbanisme n’est pas en elle-même constitutive d’une infraction et n’aboutit pas nécessairement à la réalisation d‘un ouvrage dépourvu d’existence légale au regard du droit de l’urbanisme.

    Force est donc d’admettre que dans l’hypothèse retenue, le pétitionnaire pourra mettre en œuvre l’autorisation telle qu’elle résulte de l’annulation partielle prononcée au titre de l’alinéa 1er de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme et ce, sans être tenu d’obtenir au préalable le « modificatif » de régularisation prévu par son alinéa 2 ; sans compter d’ailleurs qu’une telle régularisation ne sera pas toujours nécessairement possible.

    Mais d’autre part, la principale innovation de l’article L.600-5 est de permettre l’annulation partielle de l’autorisation contestée alors même que cette dernière n’est pas divisible et, donc, alors même que cette annulation n’assura pas nécessairement à elle seule la conformité du projet en résultant ; cette conformité impliquant alors que le pétitionnaire sollicite et, le cas échéant, obtienne un « modificatif » de régularisation.

    Il est vrai que dans l’affaire « La Bretonnerie », le Cour administrative d’appel de Paris puis le Conseil d’Etat ont considéré que l’annulation partielle du permis de construire attaqué au titre de l’article précité était possible dans la mesure où l’illégalité constatée « pouvait être corrigée par l'auteur de la décision en imposant au pétitionnaire le respect des obligations prévues » par la norme initialement méconnue.

    Il reste que l’alinéa 2 de l’article L.600-5 prévoit non pas la possibilité pour l’administration d’édicter d’office un arrêté rectificatif mais envisage seulement le cas d’un « modificatif » délivré « à la demande du bénéficiaire de l’autorisation » alors qu’en l’état du droit, l’on voit mal comment l’administration pourrait imposer audit bénéficiaire de formuler une demande de « modificatif ».

    Or, la mesure prononcée par le juge administratif au titre cet article n’est pas une annulation totale conditionnelle mais bel et bien une annulation ne concernant qu’une partie de l’autorisation initiale : le pétitionnaire reste donc bien titulaire d’une autorisation certes réduite mais constituant néanmoins une autorisation ; ce que corrobore l’alinéa précité en visant « le bénéficiaire de l’autorisation » et en envisageant l’autorisation de régularisation comme un arrêté « modificatif » dont la base légale implique nécessairement qu’une part de l’autorisation primitive subsiste.

    Pour autant, il n’est pas si certain que le bénéficiaire de la partie subsistante de l’autorisation initiale puisse la mettre en œuvre sans ce rendre coupable d’une infraction au regard du droit de l’urbanisme.

    Il est vrai que dès lors que les travaux seraient accomplis conformément à cette partie de l’autorisation initiale, il serait difficile de considérer, compte tenu du principe d’interprétation stricte de la Loi pénale, que l’auteur de ces travaux puisse être poursuivi au titre de l’article L.480-4 du Code de l’urbanisme dès lors que celui-ci ne vise que les travaux exécutés sans autorisations ou en méconnaissance de l’autorisation obtenue.

    Il reste que pour sa part l’article L.160-1 du Code de l’urbanisme réprime l’exécution de travaux non-conformes aux règles d’urbanisme opposables au projet et ce, indépendamment de toute considération liée à l’autorisation dont ces travaux ont ou non fait l’objet (Cass. crim. 2 juin 2004, pourvoi n° 04-81583, Bull. crim. n° 145).

    Il s’ensuit que le seul fait que les travaux litigieux soient exécutés conformément à une autorisation en vigueur n’écarte donc pas de droit le risque que ces travaux soient constitutifs d’une infraction au règlement local d’urbanisme.

    En effet, s’il résulte de la jurisprudence rendue en la matière que dans la plupart des cas l’auteur des travaux est affranchi de sa responsabilité pénale, ce n’est pas dans la mesure où le permis de construire lui confère des droit acquis sur le plan administratif mais en vertu de l’article 122-3 du Code pénal qui dispose que « n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ». C’est la raison pour laquelle la jurisprudence offre quelques exemples où malgré le caractère définitif du permis de construire, et l’absence de fraude du pétitionnaire, l’intention coupable de ce dernier a été reconnue dès lors qu’il était établi que celui-ci avait nécessairement connaissance de l’illégalité affectant son permis de construire, l’avait exécuté en toute connaissance de cause et ne pouvait donc se prévaloir d’une erreur de droit au sens de l’article précité (Cass. crim. 14 juin 2005, pourvoi n° 05-80916, Bull. crim. n° 179).

    Dès lors, il n’apparait pas déraisonnable de considérer que le titulaire de l’autorisation partiellement annulée qui métrait en œuvre la partie de cette autorisation subsistante alors qu’elle ne serait pas conforme aux normes d’urbanisme lui étant opposables se rendrait ainsi coupable d’une infraction susceptible d’être réprimée au titre de l’article L.160-1 précité puisque du fait de la décision du juge administratif, l’auteur de ces travaux ne pourrait invoquer l’erreur de droit.

    Il reste cependant à savoir si compte tenu du principe d’interprétation stricte de la Loi pénale cette analyse sera suivie par la chambre criminelle de la Cour de cassation dès lors qu’une annulation partielle prononcée à la faveur des nouvelles possibilités issues de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme ne vaut pas non plus déclaration globale d’illégalité…

    A cet égard, il serait donc pour le moins utile qu’en amont le juge administratif se prononce sur la possibilité effective de l’autorisation d’urbanisme contestée à être régularisée par un « modificatif » avant d’en prononcer l’annulation partielle en application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme.

    Pour autant, la démarche semblant avoir été adoptée par la Cour administrative d’appel de Douai dans l’arrêté commenté ce jour pose en l’état de réelles questions d’ordre procédural.

    En effet, si le juge administratif se doit d’apprécier la propension de l’autorisation d’urbanisme attaquée à être régularisée par un « modificatif », il faut se demander quel doit être le rôle des parties à l’instance dans cette entreprise : incombe-t-il à la partie requérante concluant à l’annulation totale de cette autorisation de démontrer que les moyens qu’elle invoque à son encontre ne sauraient emporter son annulation seulement partielle et/ou les parties défenderesses doivent-elles solliciter l’application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme en démontrant que les vices invoquées peuvent être régularisés par un « modificatif » ?

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
      

     

  • Sur l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme et l’échéance à respecter pour retirer une autorisation d’urbanisme

    Les trois mois prévus par l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme pour procéder au retrait des permis doivent être compris comme le délai ouvert à l’administration non pas seulement pour prendre mais également pour notifier l’arrêté de retrait au bénéficiaire de l’autorisation retirée. C’est également la seule notification de la décision portant retrait qui doit être prise en compte s’agissant des déclarations préalables. Partant, une demande de pièce complémentaire signée avant le délai ouvert à cet effet à l’administration mais notifiée après cette échéance au déclarant est nécessairement illégale.

    CE. 13 février 2012, Association Protectrice des Animaux des Vannes, req. n°315.657/TA Amiens, 3 novembre 2011, req. n°10-02538

    Dans cette affaire, l’association pétitionnaire avait acquis un permis de construire tacite qui devait toutefois lui être ultérieurement retiré. En conséquence, celle-ci décida d’exercer une requête aux fins de référé suspension à l’encontre de cette décision de retrait en invoquant l’illégalité de cette décision au regard de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme dès lors qu’elle lui avait été notifiée plus de trois mois après la formation de l’autorisation tacite ultérieurement retirée.

    Il reste que ce moyen devait être rejeté par le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes au motif que la décision de retrait avait bien été signée avant l’échéance dudit délai de trois mois. Le Conseil d’Etat devait toutefois censuré cette analyse au motif suivant :

    « Considérant, d'autre part, qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision ; que, compte tenu de l'objectif de sécurité juridique poursuivi par le législateur, qui ressort des travaux préparatoires de la loi du 13 juillet 2006 dont ces dispositions sont issues, l'autorité compétente ne peut rapporter un permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, que si la décision de retrait est notifiée au bénéficiaire du permis avant l'expiration du délai de trois mois suivant la date à laquelle ce permis a été accordé ;
    Considérant qu'à l'appui de sa demande de suspension de l'exécution de l'arrêté signé le 7 mars 2011 par lequel le maire de Theix a retiré le permis de construire tacite qui lui avait été accordé, l'association requérante faisait valoir que ce retrait était illégal, faute de lui avoir été notifié avant l'expiration du délai fixé par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme ; que, pour juger que ce moyen n'était pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a relevé que la signature de cet arrêté était antérieure à l'expiration de ce délai et que la date de sa notification était sans incidence sur sa légalité ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'il a, ce faisant, commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'association est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée
    ».


    Pour tout dire la solution n’est pas franchement surprenante. En effet, la solution n’est finalement pas nouvelle s’agissant d’une décision de retrait, c’est-à-dire d’une décision individuelle défavorable qui ne devient exécutoire et ne produit donc ses effets juridiques à l’égard de son destinataire qu’à compter de sa notification. Or, sur ce point, l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme est finalement parfaitement rédigé et explicite : « le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que (…) ».

    Il ressort donc de la lettre même de cet article que ce n’est pas seulement la décision de retrait qui doit être prise dans le délai de trois mois. C’est le retrait (effectif) du permis (illégal) qui doit s’opérer avant cette échéance. Et dès lors que l’intervention de ce retrait implique que l’arrêté le décidant devienne exécutoire, il est donc normal que ce soit la notification de cette décision qui doive intervenir avant l’expiration du délai de trois mois prévu par l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme.

    Il faut cependant mesurer les conséquences concrètes de cette décision pour l’administration puisque ce délai court à son égard à compter de la signature du permis ou de la date de formation du permis tacite, et non pas donc à compter de l’affichage par le pétitionnaire de son autorisation sur le terrain des opérations. En outre, il faut rappeler que d’un point de vue procédural la légalité d’un retrait de permis de construire implique la mise en œuvre préalable de la procédure contradictoire prévue par l’article 24 de la loi n°2000-321 et dont l’administration ne peut s’affranchir au seul motif de l’échéance prochaine du délai lui étant offert pour procéder au retrait du permis en cause.

    D’ailleurs, on se souvient que le Conseil d’Etat avait déjà rendu une décision équivalente s’agissant des décisions de refus, et en l’occurrence d’une décision d’opposition à déclaration préalable, qui lorsqu’elles sont notifiées après l’expiration du délai ouvert à l’administration pour statuer sur la demande, et donc après la formation le plus souvent d’une autorisation tacite, sont requalifiées par le juge en décision de retrait de l’autorisation tacite et s’en trouve de ce fait illégale car entachées d’une méconnaissance de l’article 24 précité :

    « Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (… )» ; qu'il résulte de ces dispositions que les décisions qui retirent une décision créatrice de droits doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et les personnes intéressées doivent avoir au préalable été invitées à présenter leurs observations ; Considérant que si le maire a pris, dès le 28 mai 2001, avant l'expiration du délai de deux mois, une décision d'opposition à la déclaration, cette décision n'a été notifiée à la SCI requérante que le 5 juin 2001 ; qu'ainsi, le 30 mai, celle-ci était bénéficiaire d'une décision implicite de non-opposition aux travaux décrits dans sa déclaration ; que cette décision implicite avait créé des droits ; que, par suite, la décision expresse notifiée le 5 juin suivant ne peut s'analyser que comme une décision de retrait de la précédente décision implicite créatrice de droits ; qu'il suit de là que la cour administrative d'appel a entaché sa décision d'erreur de droit en rejetant le moyen tiré de ce que la décision de retrait aurait été prise selon une procédure irrégulière, faute pour le maire d'avoir invité la SCI AGYR à présenter des observations écrites ;
    Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI AGYR est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 30 juin 2005 ; Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de statuer sur l'appel formé par la SCI AGYR
    » (CE. 30 mai 2007, SCI AGYR, req. n°288.519).


    Mais s’agissant précisément des décisions de non-opposition à déclaration préalable la problématique se pose quelque peu différemment puisqu’aux termes de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme une telle décision par principe tacite ne peut pas être légalement retirée.

    C’est l’objet du jugement du Tribunal administratif d’Amiens commenté ce-jour. Dans cette affaire le requérant avait formulé une déclaration dont l’administration avait accusé réception. Ce faisant, cette dernière avait alors un mois pour solliciter du déclarant les pièces éventuellement manquantes à son dossier et/ou pour s’opposer à son projet.

    En l’occurrence les services instructeurs de la déclaration en cause devait édicter une décision portant demande de pièces complémentaires qui pour avoir été signée et envoyée au déclarant dans ce délai d’un mois devait cependant être reçu par le déclarant après l’échéance de ce délai.

    Le déclarant devait ainsi attaquer cette décision en raison de son illégalité procédant du fait que cette décision était illégale non seulement en tant que demande de pièces complémentaires intervenue après le délai d’un mois ouvert à cet effet mais également en tant qu’elle valait retrait de la décision de non-opposition tacite formée à l’expiration de ce même délai dès lors qu’il avait reçu la décision contestée après cette échéance. Et cette analyse devait donc être suivie par le Tribunal administratif d’Amiens.

    Ce jugement est intéressant à deux égards. D’une part, il confirme qu’une décision de demandes de pièces complémentaires intervenant après le délai ouvert à cet effet et/ou de retrait d’une décision de non-opposition tacite à une déclaration est certes illégale mais constitue néanmoins un acte existant, lequel produit donc ses effets juridiques tant que cette illégalité n’a pas été sanctionnée par le juge administratif. Il faut dire que :

    • une décision de demande de pièces complémentaires formulée après le délai d’un mois ouvert après ce délai n’est pas illégale de ce seul chef puisque sa « tardiveté » a pour seul effet de ne pas remettre en cause le délai d’instruction de la demande ;
    • le retrait d’une décision de non-opposition reste possible lorsqu’il est motivé par la fraude du déclarant.

    De telles décisions ne sont donc pas totalement étrangères aux pouvoirs dont dispose l’autorité administrative compétente en la matière.

    D’autre part, ce jugement présente l’intérêt de rappeler ce qu’est la date de notification : ce n’est ni la date de signature de la décision, ni sa date d’envoi, ni même nécessairement sa date de présentation mais en principe la date à laquelle la décision en cause est effectivement reçue par son destinataire.

    Cette règle vaut évidemment en toute matière et, à titre d’exemple pour ce qui concerne le droit de l’urbanisme et en l’occurrence les décisions de notification des décisions de préemption, on relèvera qu’il vient d’être jugé que :

    « Considérant qu'il résulte des dispositions mentionnées ci-dessus de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption doivent savoir de façon certaine, au terme du délai de deux mois imparti au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise ; que, dans le cas où le titulaire du droit de préemption décide de l'exercer, les mêmes dispositions imposent que la décision de préemption soit, au terme du délai de deux mois, non seulement prise mais également notifiée, au propriétaire intéressé ; que la réception de la décision par le propriétaire intéressé dans le délai de deux mois, à la suite de sa notification, constitue, par suite, une condition de la légalité de la décision de préemption ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le délai de deux mois dont disposait la COMMUNE DE MONT-DE-MARSAN pour exercer le droit de préemption sur l'immeuble appartenant à la SCI du Bord de l'Eau expirait le 5 février 2009 ; que si le pli contenant la décision de préemption a été posté par lettre recommandé avec demande d'avis de réception le 30 janvier 2009, ce pli a été retiré par le mandataire de la SCI du Bord de l'Eau au bureau de poste le 6 février 2009 ; que seule cette date, et non celle de la présentation du pli, doit être regardée comme celle de la réception de la décision de préemption ; que cette date étant postérieure à l'expiration du délai d'exercice de ce droit, la commune doit être réputée avoir renoncé à l'exercer
    » (CAA. Bordeaux, 7 février 2012, Cne de Mont-de-Marsan, req. n°11BX00761).


    Pour conclure, sur l’arrêt du Conseil d’Etat, on peut toutefois regretter que « l'objectif de sécurité juridique poursuivi par le législateur, qui ressort des travaux préparatoires de la loi du 13 juillet 2006 » auquel il s’est référé ne l’ait pas amené à conclure qu’en pareil cas, il y avait nécessairement urgence à suspendre l’exécution d’un tel retrait.

    On espère que cet objectif sera mieux pris en compte pour ce qui concerne l’article L.425-5 du Code de l’urbanisme en ce qu’il dispose que « passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».

     

     
    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • De l’annulation partielle des refus d’autorisation d’urbanisme

    Indépendamment de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, un refus d’autorisation d’urbanisme peut faire l’objet d’une annulation partielle dès lors que la demande porte sur un projet divisible.

    CAA. Marseille, 12 janvier 2012, M. A…, req. n°10MA00363


    Au regard des attentes liées à l'entrée en vigueur de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, les premières décisions juridictionnelles rendues en application de celui-ci se sont révélées assez décevantes. Pour l'essentiel, ces décisions sont en effet apparues comme une transposition de la jurisprudence antérieurement rendue en la matière et, en d'autres termes, se sont souvent bornées à faire ou non application de cet article en considération de la divisibilité du projet au regard des critères traditionnels de cette notion ; sans compter les nombreuses décisions se prononçant sur la possible annulation partielle de l'autorisation contestée sans même viser cet article (pour exemple, CAA Lyon 21 juin 2007, Ministre de l'équipement, req. n° 04LY01501).

    Il faut dire que si les travaux préparatoires de la loi du 13 juillet 2006 laissaient à penser que la volonté du législateur était d'aller au-delà de la jurisprudence antérieure, il n'en demeure pas moins que l'article L. 600-5 prévoit la possibilité d'annuler partiellement l'autorisation attaquée uniquement lorsque le juge constate que « seule une partie » du projet est illégale, ce qui induit que ce projet doit être suffisamment dissociable pour qu'une partie de celui-ci puisse être isolée. La rédaction de l'article L. 600-5 pouvait ainsi être lue comme renvoyant le juge aux conditions auxquelles une autorisation d'urbanisme pouvait n'être que partiellement annulée au regard de la jurisprudence antérieure.

    Ainsi, dans un premier temps l'essentiel de la jurisprudence s'est caractérisé par une interprétation de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme conférant peu d'intérêts à ce dispositif au regard du régime antérieur à son entrée en vigueur. Un arrêt s'est cependant singularisé : celui par lequel la cour administrative d'appel de Paris (CAA Paris 4 déc. 2008, SA Hôtel de la Bretonnerie et Ville de Paris, req. n° 07PA03606) a annulé un permis de construire en tant qu'il méconnaissait l'article 12 du règlement local d'urbanisme applicable et ce, bien que « l'illégalité dont est entaché le permis de construire litigieux du fait de l'absence de place de stationnement affecte le projet de construction dans sa totalité ». Ce faisant, la cour administrative d'appel de Paris s'est donc affranchie des considérations liées à l'interdépendance juridique des composantes du projet et, par voie de conséquence, a laissé subsister un permis de construire qui, tel qu'issu de son annulation partielle, était encore illégal pour méconnaître les dispositions du PLU communal relatives au stationnement. Pour autant, cet arrêt fut ultérieurement confirmé par le Conseil d'Etat (CE 23 févr. 2011, SNC Hôtel de la Bretonnerie, req. n° 325179).

    Est-ce à dire que la recherche du caractère divisible ou indivisible de la décision contestée n’a plus lieu d’être dans le cadre du contentieux des autorisations d’urbanisme. ? Assurément non, au premier chef pour ce qui concerne les décisions de refus d’autorisations. L’arrêt commenté ce jour en est une parfaite illustration.

    Dans cette affaire, le pétitionnaire avait sollicité un permis de construire portant tout à la fois sur une maison d’habitation et un hangar agricole ; cette demande devant toutefois être jetée de façon globale et au motif tiré de l’article NC1 du règlement de POS disposant : « occupations et utilisations du sol admises : (...) les bâtiments à usage d'exploitation agricole, les élevages et les habitations directement liées et nécessaires aux besoins, sous réserve : que le demandeur apporte la preuve d'un lien suffisant entre la construction, la nature des activités ».

    Or, si la maison d’habitation était indissociable du hangar projeté, ce dernier était pour sa part parfaitement autonome puisque sa conformité ne dépendait pas de la réalisation de cette maison. A cet égard, le projet et la décision contestée étaient donc divisibles. C’est en conséquence que la Cour administrative d’appel de Marseille devait donc juger que :

    « considérant que M. A, qui est reconnu comme exploitant agricole à titre principal par la mutuelle sociale agricole, ne démontre toutefois pas que les cultures maraîchère et fruitière auxquelles, selon lui, il entend dédier les quatre hectares de terrain qu'il possède en zone agricole sur le territoire de la commune de Montescot nécessiteraient qu'il soit logé sur l'exploitation ; que, dès lors, son projet de construction d'une maison d'habitation en zone agricole méconnaît l'article NC1 du règlement du plan d'occupation des sols ;
    Considérant, en revanche, que le maire de la commune de Montescot ne pouvait se fonder sur ces seules dispositions pour refuser à M. A de lui délivrer un permis de construire pour un hangar agricole, sans rechercher s'il n'existait pas un lien entre cette construction et les cultures maraîchères et notamment si l'importance du hangar était proportionnée à l'activité agricole du pétitionnaire ;
    Considérant que les dispositions de l'arrêté en litige, qui refuse à la fois, les constructions séparées d'un hangar et d'une maison d'habitation, présentent un caractère divisible ;
    Considérant qu'il résulte de ce qui précède, eu égard au caractère divisible de ses dispositions, que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation du refus de lui délivrer un permis pour la construction d'un hangar agricole
    ».


    La décision de refus contestée fut donc partiellement annulée mais ce, uniquement en considération du caractère divisible du projet en cause et ainsi sans référence aucune à l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme.

    Comme on le sait, en effet, l'article L. 600-5 ne vise donc que les décisions positives prises sur les demandes d'autorisation et, par voie de conséquence, semble ainsi exclure de son champ d'application les décisions de refus (en ce sens : CAA Nancy 11 oct. 2007, Commune de Wolfisheim, req. n° 06NC00685).

    Ceci semble pouvoir s'expliquer par la portée de l'annulation d'un refus d'autorisation d'urbanisme, laquelle n'aboutit pas pour le pétitionnaire à l'obtention, même tacite, de l'autorisation précédemment sollicitée puisqu'elle a pour seule conséquence d'obliger l'administration à statuer à nouveau sur la demande. Or, l'annulation partielle d'une autorisation d'urbanisme prononcée au titre de l'article précité n'a pas nécessairement vocation à assurer la conformité du projet résultant du prononcé de cette mesure ; cette régularisation pouvant nécessiter l'obtention du « modificatif » visé par l'alinéa 2 de ce même article. Ainsi, si l'on transposait ce dispositif à un refus d'autorisation, une annulation partielle d'une telle décision pourrait obliger l'administration à statuer à nouveau sur la demande pour ainsi délivrer une autorisation d'urbanisme illégale.

    Prenons en effet l'exemple d'un refus de permis de construire motivé par le seul fait que la rampe d'accès au parc de stationnement dédié au bâtiment projeté ne soit pas conforme aux règles d'implantation lui étant opposables. Le pétitionnaire attaque ce refus et le juge administratif l'annule partiellement ou a contrario ne valide ce refus qu'en tant qu'il porte sur l'implantation de la rampe d'accès. L'administration devrait alors statuer à nouveau sur la demande en lui opposant un refus partiel uniquement pour ce qui concerne la rampe d'accès et, pour le reste, autoriser un projet ne comportant aucun accès possible au stationnement prévu pour répondre aux prescriptions de l'article 12 du règlement d'urbanisme applicable. Certes, on pourrait objecter qu'il en va finalement de même de l'autorisation résultant d'une annulation partielle prononcée au titre de l'article L. 600-5. Mais outre que la légalité d'une autorisation d'urbanisme n'a pas vocation à être appréciée au regard des conséquences de son annulation partielle, cet article ne concerne que les pouvoirs du juge et, par voie de conséquence, n'a aucune incidence sur la compétence de l'administration qui, pour sa part, doit statuer sur la demande dans le respect de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme ; ce qui implique qu'elle ne peut légalement délivrer un permis de construire qu'à la condition que le projet autorisé soit en tous points conforme aux normes qu'une telle autorisation a vocation à sanctionner.

    Pour autant, toute possibilité d'annulation partielle d'un refus d'autorisation n'est donc pas exclue. Et pour cause puisqu'elle était déjà possible avant l'entrée en vigueur de l'article L. 600-5 mais à la condition que le projet soit divisible.

    On peut relever que la Cour administrative d'appel de Marseille avait déjà prononcé l'annulation partielle d'un refus de permis de construire mais ce, en considération de la seule divisibilité du projet et ainsi sans même viser l'article L. 600-5 (CAA Marseille 14 avr. 2011, Commune de Cogolin, req. n° 09MA01964) ou, a contrario, a validé globalement un tel refus au motif que :

    « Considérant que si la construction du garage destiné au rangement de matériels agricoles, dont deux tracteurs et un camion, aurait pu être autorisée sur le fondement de l'article NC1 du règlement du plan d'occupation des sols, la construction de ce garage au rez-de-chaussée de la maison d'habitation n'est pas divisible de celle-ci ; que, par suite, pour le seul motif de la méconnaissance de l'article NC1 du règlement du plan d'occupation des sols, le maire de la COMMUNE DE SAINT-ETIENNE-DU-GRES pouvait légalement refuser à Mlle Audrey A un permis de construire une maison d'habitation et un garage ;
    Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE SAINT-ETIENNE-DU-GRES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision en date du 30 août 2006 refusant à Mlle B la délivrance d'un permis de construire d'un bâtiment à usage d'habitation comprenant un garage
    » (CAA. Marseille, 14 avril 2011, Cne de Saint-Etienne du Grès, req. n°°09MA01608).


    C’est donc bien qu’au nouveau régime issu de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme subsiste celui antérieur à l’entrée en vigueur de ce dispositif, permettant ainsi l’annulation partielle des autorisations d’urbanisme divisibles, y compris lorsqu’elles sont entachées d’un vice qui ne peut pas être aisément régularisé par un simple « modificatif ».

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Deux permis de construire sur un même terrain et à un même titulaire

    Un second permis de construire délivré à titre unipersonnel à l’un des cotitulaires d’un premier permis de construire conjoint n’emporte pas le retrait implicite de cette première autorisation

    CAA. Lyon, 4 janvier 2012, M. D… et Mlle A…., req 10LY01094


    Voici un arrêt qui nous permet de revenir sur les contours de feu (?) la jurisprudence « Vicqueneau » et, plus généralement, sur la question relative à la possibilité d’obtenir deux permis de construire sur un même terrain.

    Dans cette affaire, la commune de Saint-Jorioz avait d’abord délivré, le 29 septembre 2005, un premier permis de construire sollicité puis obtenu conjointement par M.X… et Mme Y, lequel devait toutefois être frappé d’un recours en annulation. Ultérieurement, un second permis de construire devait être délivré, le 8 novembre 2006, mais cette fois-ci uniquement au bénéfice de Mme Y.

    Mais ce second permis de construire devait également être frappé d’un autre recours en annulation exercé par les mêmes requérants pour ainsi amener les parties défenderesses à invoquer la jurisprudence « Vicqueneau » et ainsi conclure au non-lieu à statuer sur la requête exercée à l’encontre du premier permis de construire délivré en 2005.

    Deux observations doivent tout d’abord être formulées sur ce point.

    D’une part, il faut préciser que le second du permis de construire avait été délivré le 8 novembre 2006. Même à considérer qu’il ait pu valoir retrait du précédent, il n’en demeurait pas moins que cette décision était antérieure à l’entrée en vigueur de l’alinéa 2 de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme, qui rappelons-le :

    • dispose que « le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire » ;

    • a été clairement voulu (mais peut-être mois clairement rédigé…) pour mettre un terme à la jurisprudence « Vicqueneau » qui procédait du postulat selon lequel la demande se rapportant au second permis valait implicitement demande de retrait du premier.

    L’article L.424-5 précité n’était donc pas applicable à la date de délivrance du second permis et, a fortiori, à la date de la seconde demande. Il s’ensuit que l’arrêt commenté ce jour ne saurait donc aucunement s’analyser comme un maintien de la jurisprudence « Vicqueneau ».

    D’autre part, il faut d’ailleurs rappeler que la spécificité de la jurisprudence « Vicqueneau » au regard de la jurisprudence antérieure à cet arrêt tenait au fait qu’en toute hypothèse la délivrance du second permis de construire valait retrait définitif du premier, y compris en cas d’annulation du second.

    Or, comme le sait, cette spécificité a disparu avec l’arrêt par lequel le Conseil d’Etat a jugé que « les conclusions aux fins d'annulation du permis initial ne deviennent sans objet du fait de la délivrance d'un nouveau permis qu'à la condition que le retrait qu'il a opéré ait acquis, à la date à laquelle le juge qui en est saisi se prononce, un caractère définitif ; que tel n'est pas le cas lorsque le nouveau permis de construire a fait l'objet d'un recours en annulation, quand bien même aucune conclusion expresse n'aurait été dirigée contre le retrait qu'il opère » (CE. 29 juin 2005, Sté Semmaris », req. n°262.328).

    Mais en l’espèce, il n’y avait donc même pas lieu de faire application de la règle issue de l’arrêt précité puisque le second permis de construire était également frappé d’un recours ; la seule circonstance que la Cour administrative d’appel de Lyon ait rejeté la requête dirigée à l’encontre de cette seconde autorisation ne suffisant pas à conférer à celle-ci un caractère définitif.

    Il reste que ce n’est pas pour cette raison que la Cour a refusé de faire application de ce qu’il reste de la jurisprudence « Vicqueneau » mais au motif suivant :

    « Considérant que le permis de construire délivré à Mme C le 8 novembre 2006 n’a pu opérer implicitement le retrait de celui du 29 septembre 2005, qui, à supposer d’ailleurs qu’il n’ait reçu aucun commencement d’exécution, avait été délivré à la fois à Mme C et à M. B et n’avait donc pas exactement le même bénéficiaire ; que dès lors, comme l’a jugé le Tribunal, les conclusions dirigées contre ce premier permis ont conservé leur objet ».

    Il faut en effet préciser que l’arrêt « Vicqueneau » avait au premier chef posé une règle contentieuse dont il résultait que :

    • d’une part et dans l’hypothèse où le second permis était annulé, cette circonstance n’avait pas pour effet de faire revivre le premier, sauf à ce que le second ait été spécifiquement contesté en tant qu’il valait retrait du premier ;

    • d’autre part et par voie de conséquence, il n’y a plus lieu de statuer sur le recours exercé à l’encontre du premier permis de construire, la requête à son encontre devenant ainsi sans objet.

    L’arrêt « Vicqueneau » n’avait donc pas érigé un principe général du droit de l’urbanisme selon lequel deux permis de construire ne pouvaient pas légalement être délivrés sur un même terrain, sans que le premier ne soit retiré. C’est ce qu’avait d’ailleurs confirmé l’arrêt « SEMMARIS » en 2005 (CE. 29 juin 2005, Sté Semmaris », req. n°262.328).

    Mais en toute hypothèse, il faut surtout rappeler que la mise en œuvre de la jurisprudence « Vicqueneau » était subordonnée à trois conditions cumulatives :

    • tout d’abord, les deux permis de construire devaient porter sur le même terrain ;

    • ensuite, le projet autorisé par le second permis de construire devait être similaire à celui visé par le premier ou, à tout le moins, les deux permis de construire devaient avoir le « même objet » (CE. 7 juillet 1999, Michelland, req. 181.312) ou poursuivre « le même but » (CAA. Versailles,18 novembre 2004, M. Bruno Y., req n°02VE02508) ;

    • enfin, il était nécessaire que le second permis de construire soit délivré au même titulaire que le premier (CE. 16 janvier 2002, Portelli, Juris-Data, n° 2002-063443) puisqu’ainsi qu’il a été pré-exposé, la solution dégagée par l’arrêt « Vicqueneau » procédait de l’analyse selon laquelle la demande se rapportant au second permis valait implicitement demande de retrait du premier.

    Ainsi de la même façon que le transfert d’un permis de construire requiert en toute hypothèse l’accord du bénéficiaire initial puisqu’à son égard ce transfert vaut retrait de l’autorisation dont il était titulaire, un second permis de construire délivré sur un même terrain, pour un même projet mais à un autre bénéficiaire ne peut valoir retrait du premier puisque la demande présentée par le second pétitionnaire ne peut s’analyser comme une demande implicite de retrait d’une autorisation créatrice de droits à l’égard du premier.

    A cet égard, la solution retenue par la Cour administrative d’appel de Lyon n’est donc pas innovante.

    Ce qui est évidemment plus intéressant tient à la circonstance que dans cette affaire le second permis de construire avait été délivré à titre unipersonnel à l’un des cotitulaires du premier permis de construire qui pour sa part était donc conjoint.

    Force est donc de considérer que quels que soient les rapports et/ou les liens existant entre le(s) titulaire(s) du premier permis de construire et le(s) titulaire(s) du second, il n’y a donc pas de place pour la jurisprudence « Vicqueneau » dès lors que les deux autorisations en cause n’ont « pas exactement le même bénéficiaire ».

    Cet arrêt tend donc implicitement à valider les pratiques fréquemment mises en œuvre par les opérateurs pour contourner cette jurisprudence, en l’occurrence en constituant des structures ad hoc dans le seul d’obtenir un second permis de construire sans que celui-ci n’emporte le retrait du premier.

    Mais si la Cour n’avait pas à se prononcer sur ce point dans le cadre de conclusions de non-lieu à statuer puisqu’en toute hypothèse le premier permis de construire n’en aurait pas moins subsisté, il faut néanmoins relever que la Cour n’a donc pas même considérer que la délivrance du second permis du second permis de construire avait emporté le retrait du premier en tant qu’il avait été délivré au titulaire du second.

    C’est donc que si le premier permis de construire n’avait pas été annulé, son bénéficiaire aurait été titulaire de deux permis de construire sur le même terrain et pour le même projet.

    Une parfaite démonstration de l’absurdité tout à la fois de la jurisprudence « Vicqueneau » et de l’interprétation qui en est parfois faite…

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés