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Contentieux - Page 18

  • Des liens entre permis de construire modificatifs successifs

    En cas de contentieux à l'encntre de ces deux autorisations, l'annulation d'un premier permis de construire modificatif n'emporte pas nécessairement l'annulation du second.

    CAA. Nancy, 22 janvier 2009, M. Gilbert X., req. n°08NC00223



    Dans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire puis un premier « modificatif » et, enfin, un second « modificatif ». Ces deux autorisations modificatives devaient toutefois être attaquées. Mais seule la première de ces deux autorisations devait être annulée en première instance. Le requérant décida toutefois d'interjeter appel à l'encontre de ce jugement et soutint à son encontre qu'il était entaché d'une erreur de droit dans la mesure où l'annulation d'un premier modificatif emportait nécessairement l'annulation du second.

    Comme on le sait, en effet, un permis de construire modificatif ne se substitue pas au permis de construire modificatif mais s’y intègre pour former avec lui une « autorisation unique » (TA. Versailles, 22 février 1994.pdf, SCI Les Ormes, req. n°93-05140) ; ce dont il résulte que, d’une part, « le permis de construire initialement délivré pour l'édification d'une construction et le permis modificatif ultérieurement accordé pour autoriser des modifications à cette même construction constituent un ensemble dont la légalité doit s'apprécier comme si n'était en cause qu'une seule décision » (CAA. Paris, 30 octobre 2008, M. Gilbert Y., req. n°05PA04511) et que, d’autre part, le bénéficiaire de ces autorisations doit exécuter le projet tel qu’il résulte de la combinaison de ces deux permis et, donc, ne saurait régulièrement exécuter le projet tel qu’il avait été initialement été autorisé (Cass. crim., 29 juin 2004, Association pour la sauvegarde de la commune de Favières-la-Route, Bull. crim., n°176 ; CAA. Marseille, 21 janvier 1999, Sté Terre & Pierre, req. n°96MA02171).

    Compte tenu de cette intégration du « modificatif » au « primitif », on pouvait donc penser en premier analyse que l’annulation d’un premier modificatif emporte, par voie de conséquence, l’annulation du second et ce, de la même façon que l’annulation d’un « primitif » emporte par voie de conséquence celle de son « modificatif ».

    Mais la Cour administrative d'appel de Nancy devait donc rejeter ce moyen et ce, au motif suivant :

    « Considérant qu'un permis de construire modificatif ne constitue pas une mesure d'application d'un précédent permis modificatif et qu'il n'existe par ailleurs pas entre ces deux actes un lien tel que l'annulation de celui-ci entraîne par voie de conséquence l'annulation de celui-là ; que, par suite, les premiers juges pouvaient, sans entacher la régularité de leur jugement, annuler l'arrêté du 29 avril 2004 par lequel le maire de la commune de Coin-lès-Cuvry a accordé à la coopérative agricole de production de viande un permis de construire modificatif d'un permis initial délivré le 21 août 2003 et rejeter les conclusions dirigées contre l'arrêté du 8 novembre 2005 par lequel le maire a accordé à ladite coopérative un second permis de construire modificatif ;
    Sur les conclusions tendant à l'annulation du permis de construire modificatif du 8 novembre 2005 :
    Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : « Le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions projetées sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l'implantation des constructions (...) » ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté susvisé du 24 décembre 2002 : « Les bâtiments d'élevage et leurs annexes sont implantés : à au moins 100 mètres des habitations occupées par des tiers (à l'exception des logements occupés par des personnels de l'exploitation de l'installation et des gîtes ruraux dont l'exploitant a la jouissance) (...) » et qu'aux termes de l'article 2 dudit arrêté : « (...) Les dispositions de l'article 4 ne s'appliquent, dans le cas des extensions des installations déjà autorisées, qu'aux nouveaux bâtiments d'élevage ou à leurs annexes nouvelles. Elles ne s'appliquent pas lorsqu'un exploitant doit, pour mettre en conformité son installation autorisée avec les dispositions du présent arrêté, réaliser des annexes ou reconstruire sur le même site un bâtiment de même capacité. » ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la note descriptive du projet présentée au titre de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement, au vu de laquelle l'inspecteur des installations classées de la direction départementale des services vétérinaires de la Moselle a émis le 28 octobre 2005 l'avis que le projet entrait dans la procédure de mise aux normes des bâtiments d'élevage et de maîtrise des effluents agricoles, que la construction du nouveau bâtiment autorisé par le permis de construire modificatif du 8 novembre 2005, destiné à la réception, à l'identification, à la pesée, au tri et au stockage des bovins de boucherie, s'inscrit dans le cadre d'une réorganisation de l'ensemble de l'installation permettant de mettre celle-ci en conformité avec les exigences de l'arrêté du 24 décembre 2002 concernant le stockage des effluents, grâce à la transformation en fumière couverte du bâtiment précédemment affecté à la réception et au tri des bovins et à la réalisation dans le nouveau bâtiment d'une fosse à lisier répondant aux exigences réglementaires ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient M. X, le projet ainsi autorisé entre dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 2 de l'arrêté en cause, qui permettent de déroger à la règle fixée par les dispositions de l'article 4 du même arrêté, lesquelles interdisent l'implantation d'un bâtiment d'élevage à moins de 100 mètres d'une habitation occupée par un tiers
    ».


    Une telle solution apparaît difficilement contestable. En effet, si un « modificatif » d’intègre le « primitif », il n’en demeure pas moins que la légalité d’un permis de construire modificatif ne peut être contestée qu’en considération de ses vices propres (pour exemple : CE. 4 juin 1997, Ville de Montpellier, req. n°131.233) et, notamment, sur le fond, qu’au regard des irrégularités affectant les modifications ainsi autorisées du projet initial (pour exemple : CAA. Paris, 16 février 1995, Sté Sogébail, Rec., p.509).

    A contrario, le recours à l’encontre d’un « modificatif » ne peut donc être utilement fondé sur une irrégularité affectant le seul permis de construire primitif (CE. 3 avril 1997, Mme Monmarson, req. n°53.869) dès lors que celui-ci était définitif à la date d’introduction du recours contre le « modificatif » (CE. 30 novembre 1966, Dme Martin, Rec., p.1038 ; CE 25 avril 1975, SCI Le Clos des Loges, Rec., p.259 ; CAA. Nancy, 12 juin 1997, SEP Lorraine, req. n°95NC00363).

    C’est donc bien qu’isolément, un « modificatif » a un objet et un effet limités aux seules modifications qu’il autorise. Telle est la raison pour laquelle l’illégalité et l’annulation subséquente d’un « modificatif » n’ont en elles-mêmes aucune incidence sur la légalité et la pérennité du « primitif » puisque, compte tenu de son objet et de ses effets limités, un « modificatif » ne saurait contaminer un « primitif » qui, par définition et à tous les égards, se suffit à lui-même.

    Il s’ensuit que par principe seul le « primitif », tel qu’initialement délivré, constitue la base légale de l’ensemble des « modificatifs » auxquels il donne ultérieurement lieu et qu’a contrario, un premier « modificatif » ne constitue pas par principe la base légale d’un second : l’annulation du premier n’emporte donc pas nécessairement l’annulation du second.

    Deux cas doivent cependant être réservés.

    D’une part, il va sans dire que lorsque le premier « modificatif » a été obtenu aux fins de régulariser le « primitif » son annulation prive le « primitif » de cette régularisation et l’annulation subséquence de celui-ci emporte nécessairement l’annulation des autres « modificatifs » ultérieurement obtenus.

    Il reste qu’il ne s’agit là que d’une application du principe selon lequel c’est le « primitif » qui constitue la base légale de tout « modificatif ».

    Mais d’autre part et plus spécifiquement, il nous semble également que l’annulation d’un premier « modificatif » devrait emporter l’annulation du second lorsque les modifications autorisées par le premier ont rendu possibles celles opérées par le second.

    A titre d’exemple, il nous parait en effet difficilement concevable que l’annulation d’un premier « modificatif » ayant pour objet d’adjoindre un huitième étage à l’immeuble initiale n’emporte pas l’annulation d’un second ayant pour objet d’en ajouter un neuvième.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur l’application de l’article L.554-10 du Code de justice administrative

    Un EPIC n’ayant aucune compétence en matière de délivrance d’autorisations d’urbanisme ne saurait exercer un référé sur le fondement des dispositions des articles L.554-10 du Code de justice administrative et de l’article L.600-3 du Code de l’urbanisme

    TA. Melun, 18 décembre 2008, SAN Melun Sénart, req. n°0808434-4

    Voici un jugement intéressant en ce qu’il traite des conditions de mise en œuvre du référé prévu par l’article L.554-10 du Code de l’urbanisme, lesquelles n’avaient à notre connaissance encore donné lieu à aucune jurisprudence.

    Comme on le sait une requête aux fins de référé suspension exercée sur le fondement de l’article L.521-1 du Code de justice administrative à l’encontre d’un permis de construire bénéficie d’une présomption d’urgence à suspendre la la décision contestée procédant du fait que dès sa délivrance, les travaux ainsi autorisés sont susceptibles d’être exécutés et ce faisant, de porter une atteinte irréversible aux intérêts du requérant.

    Il reste que cette présomption ne dispense aucunement le juge des référés de statuer sur l’urgence à suspendre le permis de construire contesté (CE. 18 octobre 2006, M. Patrick D., req. n° 294.183) ; et pour cause puisque cette présomption n’est pas « irréfragable » et peut être (exceptionnellement) renversée s’il est établi qu’il y a urgence à exécuter les travaux en cause.

    Cependant, les articles L.554-10 du Code de justice administrative et L.600-3 (L.421-9, anc.) du Code de l’urbanisme disposent respectivement que :

    - d’une part, «la décision de suspension d'un permis de construire dont la demande est présentée par l'Etat, la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale devant le tribunal administratif obéit aux règles définies par le premier alinéa de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme ci-après reproduit : " Art. L. 421-9, alinéa 1. - L'Etat, la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale, lorsqu'ils défèrent à un tribunal administratif une décision relative à un permis de construire et assortissent leur recours d'une demande de suspension, peuvent demander qu'il soit fait application des dispositions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales » ;

    -d’autre part, « l'Etat, la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale, lorsqu'ils défèrent à un tribunal administratif une décision relative à un permis de construire ou d'aménager et assortissent leur recours d'une demande de suspension, peuvent demander qu'il soit fait application des dispositions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales »;

    et prévoient ainsi une procédure de référé dispensée du débat sur l’urgence et susceptible, par voie de conséquence, d’aboutir à la suspension du permis de construire attaqué dès lors que sa légalité apparaît affectée d’un doute sérieux.

    C’est sur ce fondement que dans l’affaire objet du jugement commenté, le SAN requérant – un EPCI, donc – devait solliciter la suspension de l’exécution d’un permis de construire un établissement pénitentiaire programmé dans le cadre de la loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice et qu’il y avait donc a priori urgence à exécuter ; d’où le recours à cette procédure.

    Mais suivant l’argumentaire présenté par la société pétitionnaire, le juge des référés du Tribunal administratif de Melun devait donc dénier à l’EPCI requérant la possibilité de fonder son action sur les articles précités pour ainsi rejeter sa requête pour défaut d’urgence et ce, aux motifs suivants :

    « considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les titulaires de droit commune pour délivrer les autorisations d'urbanisme sont le maire et le préfet : qu'un établissement public de coopération intercommunale ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L.421-9, nouvellement codifiées à l'article L.600-3 du code de l'urbanisme, que lorsqu'il a reçu délégation d'une commune pour exercer la compétence en matière d'autorisation d'urbanisme et que le président de l'établissement se trouve, par suite de cette délégation, dans la même situation que l'aurait été le maire si la compétence n'avait pas été déléguée; qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que le maire de la commune de Réau, sur le territoire de laquelle doit être édifié un établissement pénitentiaire, objet du permis de construire contesté, n'a pas délégué sa compétence pour délivrer les autorisations d'urbanisme au président du SYNDICAT D'AGGLOMERATION NOUVELLE (S.A.N.) DE SENART ; qu'en outre le permis de construire délivré au nom de l'Etat pour le préfet de Seint et Marne à la société THEIA, pour la construction d'un établissement pénitentiaire sur le territoire de la commune de Réau, a recueillir l'avis favorable du maire de Réau ; que dès lors, ainsi que le soutiennent à bon droit le préfet de Seine-et-Marne et la société THEIA, le S.A.N. DE SENART; requérant, ne peut saisir le juge des référés d'une demande de suspension de l'exécution du permis de construire dont s'agit que sur le fondement des dispositions de l'article L.521-1 du code de justice administrative;
    SUR L'URGENCE :
    Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R.522-1 dudit code, pris pour l'application de l'article L.521-1 : "La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit (...) justifier de l'urgence de l'affaire"; qu'eu égard au caractère difficilement réversible de la construction d'un bâtiment autorisée par un permis de construire, la condition d'urgence doit en principe être constatée lorsque les travaux vont commencer ou ont déjà commencé sans être pour autant achevés; qu'il peut, toutefois, en aller autrement au cas où le pétitionnaire ou l'autorité qui a délivré le permis justifient de circonstances particulières; qu'il appartient alors au juge des référés de procéder à une appréciation globale de l'ensemble des circonstances de l'espèce qui lui est soumise ; qu'il résulte de l'instruction et des observations échangés entre toutes les parties au cours de l'audience de référé, que, premièrement, les travaux dont s'agit ne sont pas commencés à la date de la présente ordonnance, mais qu'ils sont susceptibles de commencer dans un délai bref, de l'ordre de quelques semaines, et peuvent être regardés comme imminents; que, toutefois, le S.A.N DE SENART n'apporte ni dans le cadre de la procédure écrite ni lors de l'audience publique aucune justification propre de l'urgence qu'il y aurait pour lui à s'opposer à ce projet; que le préfet de Seine-et-Marne fait valoir, de son côté, la nécessité de poursuivre la mise en œuvre sans retard du programme défini par la loi du 9 septembe 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, laquelle vise notamment à remédier à la situation de surpopulation carcérale; qu'il est contant que cette situation particulièrement grave, qui a valu, notamment, une sévère condamnation de la France par le commissaire aux droits de l'homme de Conseil de l'Europe, est de nature à justifier d'un intérêt s'attachant à ce que la construction, objet du permis de construire en litige, soit édifiée sans délai; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la prise en considération des intérêts respectifs des parties en présence, la condition d'urgence à suspendre l'exécution dudit permis ne peut être regardée comme justifiée par le syndicat requérant; qu'il y a lieu, dès lors, de rejeter la requête à fin de suspension présentée par le SYNDICAT D'AGGLOMERATION NOUVELLE (S.A.N.) DE SENART, pour défaut d'urgence
    »;


    Cette analyse apparaît difficilement contestable.

    Tout d’abord, les articles L.554-10 et L.600-3 du Code de l’urbanisme visent non pas une commune ou un EPCI mais « la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale ».

    Il s’ensuit que l’action prévue par ces articles n’est pas indistinctement ouverte à tout EPCI ou à toute commune mais est réservée à des collectivités précises, prises dans une dimension particulière.

    Ensuite, le dispositif aujourd’hui codifié à l’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme est issu des lois de décentralisations de 1982 et 1983 ainsi que de la loi n°95-125 du 8 février 1995, lesquelles ont ainsi visé à favoriser et à garantir l’autonomie des collectivités territoriales dans l’exercice de leurs compétences.

    Or, ce dispositif ne vise que les référés exercé à l'encontre d'un permis de construire et l’Etat, les communes et les EPCI sont les trois seules collectivités disposant d’une compétence en matière de délivrance d’une telle autorisation.

    Et précisément, force est enfin d’admettre que c’est bien en leur qualité d’autorité compétente pour la délivrance de ces autorisations que ces trois collectivités sont saisies par l’articles articles L.554-10 et L.600-3 du Code de l’urbanisme et non pas en leur qualité de personne publique garante de l’intérêt général puisque si tel était le cas on comprendrait mal pourquoi :

    - d’une part, ces articles visent l’Etat alors qu’une procédure équivalente est ouverte par le Code général des collectivités territoriales à son représentant dans le Département – le Préfet – en ce qu’il constitue le garant du principe de légalité et de l’intérêt général ;

    - d’autre part, ces articles excluent d’autres collectivités publiques, à savoir le Département et la Région.

    Mais par ailleurs, le jugement apporte une autre précision dont l’intérêt n’est pas négligeable : la procédure prévue par l’article L.554-10 du Code de justice administrative n’est pas une procédure autonome mais n’est qu’une modalité dérogatoire de mise en œuvre de la requête aux fins de référé suspension instituée par l’article L.521-1.

    Il s’ensuit que le recours à tort au dispositif institué par l’article L.554-10 n’affecte pas la requête d’irrecevabilité et, en toute hypothèse, ne saurait en emporter le rejet de ce seul chef mais a pour seule conséquence d’imposer au juge de statuer sur celle-ci dans les conditions de droit commun fixées par l’article L.521-1.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur l’étendue de l’obligation de notifier au requérant un permis de construire se substituant à un permis précédemment frappé de recours

    La règle posée par la jurisprudence dite « UNION » est applicable lorsque le permis précédemment frappé de recours a été retiré avant la délivrance du second.

    TA. Cergy-Pontoise, 4 juillet 2008, Epx Mandin, req. n°0711454-1.pdf



    Dans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu, le 12 mars 2007, un premier permis de construire, lequel devrait être frappé d’un recours en annulation ; recours provoquant le retrait de l’autorisation contestée, le 12 juin 2007. Mais ultérieurement, le 13 juillet 2007, un second permis de construire fut délivré, lequel devait également être contesté par les mêmes requérants mais ce, une fois passé le délai de recours contentieux de deux mois alors prévu par l’article R.490-7 du Code de l’urbanisme.

    Néanmoins, et malgré les observations des parties défenderesse, ce second recours en annulation devait être jugé recevable et ce, au motif suivant :

    « Considérant que lorsque le juge de l'excès de pouvoir est saisi par un tiers d'une décision d'autorisation qui est, en cours d'instance, soit remplacée par une décision de portée identique, soit modifiée dans des conditions qui n'en n'altèrent pas l'économie générale, le délai ouvert au requérant pour contester le nouvel acte ne commence à courir qu'à compter de la notification qui lui est faite de cet acte ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Monsieur GOLDNADEL a obtenu, le 12 mars 2007, un permis de construire que Monsieur et Madame MANDIN ont déféré au juge de l'excès de pouvoir; que cette autorisation a été rapportée, en cours d'instance, par un arrêté du 12 juin 2007; qu'il n'est toutefois pas allégué que ce retrait aurait été porté à la connaissance des époux MANDIN avant que le Tribunal prononce le 21 mai 2008 un non lieu à statuer sur leur requête; que le maire d'Enghien-les-Bains a délivré le 13 juillet 2007 à Monsieur GOLDNADEL un nouveau permis de construire dont l'économie générale ne différait pas sensiblement de celle du permis initial; que cette nouvelle autorisation n'a pas été davantage notifiée à Monsieur et Madame MANDIN; que dans ces circonstances, le délai de recours n'a pu commencé à courir à leur égard; que, par suite, leur requête dirigée contre le permis en date du 13 juillet 2007 n'est pas tardive, alors même qu'elle aurait été enregistrée plus de deux mois après l'éventuel affichage tant en mairie que sur le terrain de ce permis; que la fin de non recevoir susvisée doit, dès lors, être écartée
    ».


    En résumé, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a donc estimé qu’alors même que le recours en annulation avait été introduit plus de deux mois après l’affichage du permis de construire litigieux, ce recours était néanmoins recevable dès lors que ce permis de construire, faisant suite à un premier précédemment frappé d’un recours en annulation, n’avait pas été notifié aux requérants, si bien que le délai de recours contentieux à l’encontre de ce nouveau permis de construire n’avait pas été déclenché à l’égard de ces dernier – nonobstant l’affichage régulier de cette autorisation – comme il résulte du principe posée par la jurisprudence dite « UNION » (CE. 23 mars 1973, Cie d’assurances l’UNION, Rec.p.251).

    Cette solution n’allait pas de soi dès lors qu’en l’espèce, ce n’était pas le permis de construire attaqué qui avait remplacé en cours d’instance le permis de construire précédemment délivré au pétitionnaire, le 12 mars 2007, puisque ce dernier avait fait l’objet d’un arrêté de retrait le 12 juin 2007.

    A la date de délivrance du permis de construire attaqué, le 13 juillet 2007, le permis de construire du 12 mars 2007 avait déjà disparu de l’ordonnancement juridique : le permis de construire délivré le 13 juillet 2007 ne pouvait donc être regardé comme ayant remplacé celui délivré le 12 mars 2007 puisque ce dernier avait été précédemment retiré.

    Il est vrai que la Cour administrative d’appel de Lyon avait déjà jugé que la notification d’un second permis de construire s’imposait alors même que le premier avait précédemment fait l’objet d’un retrait (CAA. Lyon, 11 mai 1999, M. Y…, req. n°98LY00826). Mais cette décision est antérieure aux arrêts par lesquels le Conseil d’Etat a précisé que la notification imposée par la jurisprudence dite « UNION » n’a pas à être opérée lorsque le second permis de construire a été délivré postérieurement à l’annulation du premier (CE. 15 novembre 2000, Association sauvegarde du site de Courcourt, req. n°200.819) et ce, quand bien même cette annulation n’est pas définitive en raison de l’appel interjeté à l’encontre du jugement la prononçant (CE. 26 mars 2004, Epx Sandelin, req. n°247.691).

    Dans ses conclusions sur l’affaire « Association sauvegarde du site de Courcourt » (CE. 15 novembre 2000, req. n°200.819), le Commissaire du Gouvernement s’était référé à celles prononcées dans l’affaire « Institut de Radiologie » (CE.15 avril 1996, Rec., p.138), réitérant la règle posée par la jurisprudence dite « UNION », pour ainsi souligner que :

    « Le grand mérite de cette jurisprudence, c'est de garantir le caractère effectif du droit au recours juridictionnel, en rendant impossibles des manœuvres qui, en cours d'instance, tendraient, de la part du bénéficiaire de l'autorisation, à éluder le contrôle du juge, et nous ne voyons pas que le risque de telles manœuvres ait subitement disparu.
    Sans doute pourrait-on nous objecter qu'il suffirait d'apprécier, au cas par cas, si la substitution en cours d'instance d'un nouvel acte à l'acte attaqué révèle, de la part de l'administration ou du bénéficiaire, une intention manœuvrière, et de n'écarter la forclusion encourue par le demandeur que si une telle intention est établie.
    Mais, d'une part, en matière de manœuvres tendant à faire échec au contrôle du juge, il nous semble qu'il vaux mieux prévenir que guérir : le grand avantage de la règle objective que pose l'arrêt L'Union est de décourager toute tentation manœuvrière en rendant obligatoire la notification au demandeur de la décision nouvelle, si bien que le bénéficiaire se trouve dissuadé de solliciter artificiellement une nouvelle autorisation à seule fin d'échapper au débat contentieux, sachant que tel ne sera pas le résultat.
    Considérons un instant la situation de ce demandeur. Il a pris connaissance, par la publication qui en a été faite, d'une décision, par exemple, d'un permis de construire, qui lui fait grief. Il a déféré cette décision au juge.
    Désormais, à ses yeux, le litige est entre les mains de la justice, et il attend, avec confiance ou inquiétude, l'arbitrage juridictionnel. Il n'imagine pas en tout cas que la même décision (ou à peu près la même) puisse être prise et publiée une seconde fois, et sa vigilance à l'égard des formalités de publicité va se trouver nécessairement assoupie par la circonstance que le contentieux est déjà engagé. Notre demandeur ne songera pas à se rendre régulièrement à la Mairie, et à passer chaque jour en bordure du chantier afin de vérifier que le permis affiché est bien celui-là même qu'il a déféré au juge et non pas un nouveau permis reprenant les dispositions du precedent
    » (BJDU, n°5/2001, p.377-378).


    En substance, le principe dégagé par la jurisprudence dite « UNION » ainsi que ses contours procèdent du seul postulat selon lequel une fois que le requérant a exercé un recours en annulation à l’encontre d’un permis de construire, celui-ci n’a aucune raison de s’attendre à ce qu’en cours d’instance, un nouveau permis de construire se substitue à celui attaqué et, par voie de conséquence, n’a pas à guetter l’éventuel affichage d’une nouvelle autorisation.

    C’est pourquoi, dans l’affaire « Association sauvegarde du site de Courcourt » (CE. 15 novembre 2000, req. n°200.819), le Commissaire du Gouvernement a estimé que :

    « Inversement, et c'est l'hypothèse dans laquelle nous nous trouvons, si le tribunal administatif a annulé le premier permis, le risque de manœuvre est absent ou en tout cas bien moindre. L'appel n'est, en principe, pas suspensif et le titre litigieux a, au moins pour la durée de l'instance d'appel, disparu de l'ordonnancement juridique. Dans ces conditions, on peut exiger du demandeur de première instance qu'à l'instar des autres tiers à la nouvelle décision il se montre vigilant. Le risque de voir sa bonne foi ou sa confiance trompée par un maire et un pétitionnaire peux scrupuleux paraît moindre » (BJDU, n°5/2001, p.377-378).

    Or, en l’espèce non seulement le permis de construire délivré le 12 mars 2007 avait été retiré le 12 juin 2007 et avait donc disparu de l’ordonnancement juridique préalablement à la délivrance du permis de construire contesté mais en outre celui-ci a été affiché en mairie dès sa date d’édiction et ce, jusqu’au 12 août 2007.

    Dès lors, les requérant auraient pu être réputés avoir eu connaissance du retrait intervenu par l’arrêt 12 juin 2007, lequel n’avait a priori pas à leur être notifié puisque dès lors que ce retrait avait été provoqué par leur recours en annulation à l’encontre du permis de construire du 12 mars 2007, il ne leur faisait donc pas grief (pour un exemple récent : CAA. Marseille, 29 mars 2007, Mme Y Janik, req. n°04MA00644). Aussi et dès lors que :

    - en droit, d’une part, le retrait produit les mêmes effets que l’annulation d’un permis de construire puisque l’un et l’autre emportent sa disparition rétroactive de l’ordonnancement juridique ;
    - en fait, d’autre part, les parties défenderesses avaient prouvé le retrait du permis de construire en date du 12 mars 2007 ;

    il aurait pu être considéré qu’à compter de cette dernière date, les consorts Mandin ne pouvaient exclure qu’un nouveau permis de construire soit délivré au pétitionnaire et, par voie de conséquence, suivant la finalité de la jurisprudence dite « Union », qu’il leur incombait « à l'instar des autres tiers à la nouvelle décision (de) se montre(r) vigilant » sur l’affichage d’une nouvelle autorisation éventuelle.

    Mais force est précisément d’admettre que la jurisprudence précitée du Conseil d’Etat (CE. 15 novembre 2000, Association sauvegarde du site de Courcourt, req. n°200.819) n’est pas ipso facto transposable au cas où le permis de construire attaqué a été retiré avant la délivrance du second.

    En effet, ainsi qu’il a été dit, le principe dégagé par la jurisprudence dite « UNION » ainsi que ses contours procèdent en effet du seul postulat selon lequel une fois que le requérant a exercé un recours en annulation à l’encontre d’un permis de construire, celui-ci n’a aucune raison de s’attendre à ce qu’en cours d’instance, un nouveau permis de construire se substitue à celui attaqué et, par voie de conséquence, n’a pas à guetter l’éventuel affichage d’une nouvelle autorisation.

    En revanche, lorsque le permis de construire attaqué a été annulé, le requérant en a nécessairement connaissance et, par voie de conséquence, est réputé pouvoir raisonnablement s’attendre à ce que le bénéficiaire de cette autorisation sollicite et, le cas échéant, obtienne un nouveau permis de construire aux fins de concrétiser son projet.

    Il s’ensuit que, selon nous, la solution dégagée par le Conseil d’Etat dans le cas où annulation du permis de construire attaqué est antérieure à la délivrance du second n’est transposable à l’hypothèse où le permis de construire attaqué a été précédemment retiré que dans le cas où le requérant a été personnellement informé de ce retrait et, donc, qu’à la condition que ce retrait lui ait été notifié puisqu’à défaut, celui-ci ne peut s’attendre à ce qu’un nouveau permis de construire soit délivré.

    Or, en l’espèce, l’arrêté du 12 juin 2007 portant retrait du permis de construire délivré le 12 mars 2007 n’avait pas été notifié aux requérants. Et s’il est vrai que cet arrêté de retrait avait été précédemment produit dans le cadre de l’instance dirigée à l’encontre de ce permis de construire, il reste qu’il est de jurisprudence bien établie que la production d’une décision dans une autre instance ne suffit pas à établir que les parties à cette instance aient « connaissance acquise » de cette décision (pour exemple : CE. 30 juin 1999, Fondation Asturion, req. n°190.250).

    En l’état, les requérant ne pouvaient donc être réputés avoir eu connaissance du retrait du permis de construire délivré le 12 mars 2007 et, par voie de conséquence, ne pouvaient être considérés comme ayant conséquemment pu s’attendre à la délivrance du permis de construire délivré le 13 juillet 2007 au regard de la jurisprudence rendue en la matière.




    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Quand l’annulation partielle d’un permis de construire aboutit à la formation d’une autorisation « ITD », voire d’une autorisation superfétatoire

    Dès lors que l’aménagement projeté est divisible des constructions irrégulièrement autorisées par le permis de construire en cause, celui-ci peut faire l’objet d’une annulation partielle en tant qu’il autorise ces dernières et, par voie de conséquence, ne subsister qu’en ce qu’il prévoit cet aménagement, y compris si ce dernier ne relève pas du champ d’application de cette autorisation.

    CAA Nantes, 6 mai 2008, Ministère de l’équipement, req. n°07NT02215



    Voici un arrêt plus original que réellement intéressant bien qu’il touche à deux de nos « dadas ». Dans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire un hangar à fourrage, la couverture d’une aire d’alimentation pour génisses et une fosse à lisier ; le hangar et la couverture projetés devant prendre appui sur des hangars existants.

    Mais précisément, la légalité de ce permis de construire devait être contestée au motif tiré de l’illégalité des hangars existants dont il n’était pas établi qu’ils aient été construits en exécution et conformément aux permis de construire allégués par le constructeur puisque l’on sait qu’à défaut de procéder à sa régularisation, et sous réserve de l’article L.111-12 du Code de l’urbanisme (inapplicable à la date de la décision attaquée), un permis de construire portant sur une construction illégale s’en trouve ipso facto affecté d’illégalité. Et ce motif devait donc être retenu par la Cour administrative d’appel de Nantes :

    « Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment, du plan de masse joint à la demande de permis de construire présentée par le GAEC “Mac Mahon”, d'une part, que le hangar à fourrage projeté prend appui, par son côté nord, sur un hangar existant couvrant un couloir d'alimentation pour bétail, d'autre part, que la couverture projetée d'une aire d'alimentation pour génisses prend appui, par ses côtés est et sud, sur des hangars existants ; que pour soutenir que ces hangars préexistants avaient été régulièrement édifiés, le GAEC “Mac Mahon” ne peut utilement se prévaloir de deux permis de construire qui lui ont été délivrés le 27 janvier 1993 et le 22 avril 1994 pour l'édification de deux hangars et la couverture d'une aire d'exercice, en un autre lieu distant d'au moins cinquante mètres de celui d'implantation des deux constructions autorisées par l'arrêté contesté du 19 juillet 2005, modifié le 27 octobre 2005 ; qu'ainsi, le bâtiment à usage de hangar à fourrage et la couverture d'une aire d'alimentation pour génisses prenant appui sur des hangars construits sans autorisation, ne pouvaient être regardés comme ayant été légalement autorisés ; qu'il suit de là que les dispositions de l'arrêté contesté sont illégales en ce qu'elles autorisent ces deux constructions ».

    Il reste qu’en première instance, le Tribunal administratif de Rennes avait annulé l’ensemble du permis de construire contesté ; ce que devait donc censurer la Cour administrative d’appel de Nantes au motif suivant ;

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le maire de Mernel a, par l'arrêté contesté du 19 juillet 2005, modifié par arrêté du 27 octobre suivant, délivré au GAEC “Mac Mahon” un permis de construire dont les dispositions, bien qu'elles autorisent à la fois la couverture d'une aire d'alimentation pour génisses, l'édification d'un hangar à fourrage et le creusement d'une fosse à lisier de 1 500 m3, portent sur des travaux distincts et présentent un caractère divisible ; que, dès lors, le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES est fondé à soutenir que le tribunal, bien qu'ayant estimé que le permis de construire litigieux n'était illégal qu'en tant qu'il autorisait la construction du hangar à fourrage, a commis une erreur de droit en prononçant pour ce seul motif, l'annulation dudit permis dans sa totalité » ;

    et, en d’autres termes, a considéré que le projet présentait les caractéristiques permettant de ne prononcer que l’annulation partielle de l’autorisation s’y rapportant.

    Mais il faut relever qu’alors que le jugement de première instance était postérieur à l’entrée en vigueur de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, la Cour a caractérisé la possibilité d’une annulation partielle de l’autorisation litigieuse non pas en application de ce dispositif mais, comme précédemment, en considération de la divisibilité du projet et, notamment, de la dissociabilité de la fosse à lisier des deux autres composantes du projet : cette décision est donc à classer parmi celles tendant à relativiser la portée et l’utilité de l’article L.600-5 par rapport à la jurisprudence précédemment rendue en la matière.

    Il semble clair en effet que la fosse à lisier, d’une part, et le hangar à fourrage et la couverture de l’aire d’alimentation pour génisse, d’autre part, étaient divisibles tant d’un point de vue juridique, puisque rien ne laisse apparaître que la réalisation de cette fosse n’était permise qu’en considération de celle de l’un et/ou l’autre des deux autres équipements projetés, que d’un point de vue technique dès lors qu’elle ne prenait pas appui sur l’un et/ou l’autre de ces derniers. Mais il semble également falloir en déduire que la réalisation de cette fosse n’était pas, d’un point de vue fonctionnel, le complément indispensable des deux autres équipement puisqu’elle n’aurait pu alors être considérée comme divisible puisqu’à titre d’exemple, il a en ce sens été jugé que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les travaux autorisés par le permis de construire en litige ont pour objet tant la rénovation des bâtiments abritant la porcherie que la construction d'une fosse à lisier, d'une capacité de 2 300 m3 et d'une hauteur de 4,15 m ; que ces derniers travaux, qui se rattachent directement à l'installation classée soumise à autorisation et qui ne peuvent être regardés comme constituant de simples travaux d'entretien ou de grosses réparations au sens du a) de l'article 3 du décret du 12 octobre 1977, étaient, dès lors, soumis à l'étude d'impact prévue par lesdites dispositions ; qu'il est constant que ladite étude d'impact n'a pas été réalisée et ne figurait donc pas dans la demande de permis de construire sollicitée par la SCEA Nojarède ; qu'ainsi, l'absence de l'étude d'impact dans le dossier de la demande de permis de construire, en violation des dispositions susrappelées de l'article R. 421-2 8° du code de l'urbanisme est de nature à entraîner l'annulation du permis de construire en litige » (CAA. Marseille, 27 février 2007, Association nationale pour la protection des eaux et rivières, req. n°03MA00068) ;

    ou :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande déposée par la Société "MINES D'OR DE SALSIGNE" le 22 décembre 1992 à la préfecture de l'Aude en vue d'être autorisée à exploiter une usine de traitement par cyanuration et un stockage de résidus traités n'était pas accompagnée du justificatif de dépôt d'une demande de permis de construire en méconnaissance des dispositions susrappelées, alors qu'un tel permis était nécessaire à la construction d'une partie de ces installations ; que la Société requérante ne saurait se prévaloir de la demande de permis de construire qu'elle a déposée le 3 mai 1993, laquelle ne concernait que des constructions annexes aux installations pour lesquelles l'autorisation d'exploitation avait été sollicitée et non les constructions principales ; qu'elle ne saurait davantage invoquer la demande de permis de construire portant sur un ensemble industriel de 3.138 m5 de surface hors oeuvre nette déposée le 19 juillet 1993 qui, intervenue après l'arrêté en litige et quels que soient les raisons de ce retard, ne saurait par suite tenir lieu de la formalité exigée à l'article 2 précité du décret du 21 septembre 1977 ; que l'absence de justification de demande de permis de construire à l'appui de la demande d'autorisation au titre des installations classées constitue un vice substantiel de nature à justifier l'annulation de l'arrêté litigieux en tant qu'il concerne les installations dont l'édification est soumise à permis de construire ; qu'eu égard aux liens étroits existant entre l'usine de traitement de minerais, d'une part, et les bassins de stockage, d'autre part, lesquels ne nécessitent pas la délivrance d'un tel permis, l'arrêté contesté n'est pas divisible ; que par suite, l'irrégularité susmentionnée est de nature à justifier l'annulation de l'arrêté litigieux dans sa totalité » (CAA. Marseille, 8 novembre 2001, Sté Mines d’Or de Salsigne, req. n°97MA11230).

    Mais il est vrai qu’en l’espèce, le permis de construire attaqué a été partiellement annulé en tant qu’il portait sur le hangar et l’aire d’alimentation en cause au titre du principe dégagé par la jurisprudence « Thalamy » pour application de laquelle la notion d’indivisibilité des constructions semble s’entendre d’un point de vue technique et, en toute hypothèse, ne semble revêtir aucune dimension fonctionnelle.

    Partant, il n’y avait donc pas lieu d’annuler le permis de construire en tant qu’il autorisait cette fosse à lisier dans la mesure où le seul fait qu’elle soit projetée sur un terrain accueillant une construction illégale ne pouvait suffire à lui rendre opposable la règle dégagée par la jurisprudence « Thalamy »

    Mais quoi qu’il en soit, l’annulation partielle de l’autorisation litigieuse a donc abouti en l’espèce à la formation d’un permis de construire n’autorisant que le creusement d’une fosse à lisier, c’est-à-dire sur un aménagement ne constituant pas une construction et ne relevant donc pas du champ d’application de cette autorisation puisque soumis alors, sous réserve en outre de la sectorisation des travaux, à autorisation « ITD » (laquelle a depuis été absorbée par le permis d’aménager) au titre de l’ancien article R.442-2 du Code de l’urbanisme.

    De deux choses l’une dès lors et en première analyse :

    - soit, cette fosse était effectivement soumise à autorisation « ITD » et il aurait pu être considéré le permis de construire ne portant que sur celle-ci, du fait de son annulation partielle, s’en trouvait illégal à ce titre puisqu’une autorisation d’urbanisme délivrée à la place de celle effectivement requise est illégale, y compris si celle délivrée consiste en un permis de construire, c’est-à-dire en la « reine » des autorisations (pour l’exemple d’un permis de construire délivré pour une construction relevant du régime déclaratif : TA. Nice, 18 novembre 1999, M. Carl c/ Cne de Menton, req. n°95-3794) ;

    - soit, cette fosse n’était soumise à aucune autorisation d’urbanisme et le permis de construire s’y rapportant était un acte superfétatoire à l’encontre de laquelle l’association requérante n’aurait pas eu intérêt à agir (pour exemple : notre note : « Le retrait d’un premier permis de construire et la délivrance d’un nouveau sont des actes superfétatoires lorsqu’ils sont destinés à opérer une régularisation qui n’a pas lieu d’être », CAA. Bordeaux, 6 novembre 2006, Association des Belles Dames, Environnement et Patrimoine, AJDA, n°2/2007).

    Il reste qu’en jugeant que :

    « Considérant, en premier lieu, que les juges du fond n'ont pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que les autorisations dont ils ont prononcé l'annulation étaient divisibles des autres autorisations accordées par les permis contestés ; que les moyens tirés par les requérants de ce que l'atteinte portée à l'ensemble du projet par l'annulation partielle prononcée par la cour serait de nature à remettre en cause la régularité de la procédure d'octroi des permis, notamment en dénaturant l'avis favorable donné par les communes intéressées qui était fondé sur le bilan positif de l'ensemble de l'opération, sont inopérants dès lors qu'ils tendent à contester la régularité d'une autorisation administrative à raison de l'effet sur celle-ci de la décision prise par le juge quant à sa légalité » (CE. 11 novembre 2006, Association de Défense du Mezenc, req. n°281.072);

    le Conseil d’Etat a précisé que la régularité procédurale d’une autorisation d’urbanisme n’avait pas lieu d’être appréciée « rétrospectivement » en conséquence de son annulation partielle : bien que ne subsistant plus que pour une fosse à lisier, l’autorisation partiellement annulée n’en demeurait donc pas moins un permis de construire.

    En toute hypothèse, quel que soit l’objet d’un permis de construire au terme de son annulation partielle, il sera toujours possible de mettre en œuvre l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme en ce qu’il précise que « lL'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive ».



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés