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Contentieux - Page 16

  • Réduction du projet d'origine : permis modificatif et/ou retrait partiel du permis initial ?

    Dès lors que le projet initial est divisible, une demande de permis de construire modificatif tendant à la suppression d’une des composantes dissociables de ce projet s’analyse comme une demande expresse de retrait partiel de l’autorisation primitive. Par voie de conséquence, une fois le modificatif sollicité obtenu et de devenu définitif, il n’y a plus lieu de statuer sur la requête pour ce qu’elle concerne cette composante du projet.

    CAA. Nantes, 7 avril 2010, SNC Parc Eolien Guern, req. n°09NT00829

     

    Voici un arrêt en lui-même intéressant et qui, en outre, nous permet de revenir sur la jurisprudence « SCI La Tilleulière » du même jour que nous n’avions pas eu l’occasion, et pour tout dire pas eu le temps, de traiter à son époque.

    éolienne.jpgDans cette affaire, une société avait obtenu un permis de construire portant principalement sur quatre éoliennes, lequel devait ultérieurement être transféré à une autre société. Peu de temps avant que le Tribunal administratif de Rennes ne statue sur la requête, la société bénéficiaire du transfert et donc du permis de construire attaqué s’était prévalue de l’obtention d’un « modificatif » ayant eu pour objet et pour effet de rapporter à trois le nombre d’éoliennes prévus. Pour autant, le Tribunal administratif de Rennes annula l’ensemble du permis (primitif) attaqué et ce, sans avoir au préalable rouvert l’instruction de cette affaire. C’est la raison pour laquelle ce jugement fut annulé par la Cour administrative d’appel de Nantes, laquelle considéra par ailleurs que compte tenu de l’intervention de ce « modificatif », il n’y avait donc plus lieu de statuer sur la requête à l’encontre du permis de construire initial en ce qu’elle concernait l’éolienne supprimée par ce « modificatif » :

    « Considérant que par une note en délibéré enregistrée le 30 janvier 2009 au greffe du Tribunal administratif de Rennes, le préfet du Morbihan a porté à la connaissance du tribunal que, par un arrêté de la même date, il avait accordé à la SNC PARC EOLIEN GUERN un permis de construire modificatif du permis délivré le 8 avril 2005 ; que ce permis de construire modificatif du 30 janvier 2009, qui limite à trois le nombre d'éoliennes dont la construction est autorisée et vise à régulariser le permis de construire du 8 avril 2005, constitue une circonstance de droit nouvelle ; que, par suite, le Tribunal administratif de Rennes était tenu de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans cette note en délibéré ; qu'à défaut d'avoir satisfait à cette obligation de réouverture de l'instruction, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité ; que, dès lors, le jugement attaqué doit être annulé ;
    Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association contre le projet éolien de Guern devant le Tribunal administratif de Rennes ;
    Sur le permis de construire du 8 avril 2005 en tant qu'il porte sur la construction de l'éolienne E3 :
    Considérant que par arrêté du 8 avril 2005, le préfet du Morbihan a délivré à la société Zjn Grundstucks-Verwaltungs Gmbh, un permis de construire quatre éoliennes et un poste de livraison sur un terrain sis au lieudit Niziau, sur le territoire de la commune de Guern, ce permis de construire ayant été transféré, par arrêté préfectoral du 3 décembre 2007, à la SNC PARC EOLIEN GUERN ; qu'à la suite de la demande de permis de construire modificatif présentée, le 22 janvier 2009, par cette société tendant, notamment, à la suppression de l'éolienne E3, dont il est constant qu'elle n'avait pas été édifiée, le préfet du Morbihan a délivré, par arrêté du 30 janvier 2009, à ladite société un permis de construire modificatif autorisant la construction des trois éoliennes E1, E2 et E4 ; que le permis de construire du 8 avril 2005, dont le délai de validité a été suspendu en vertu des dispositions de l'article R. 424-19 du code de l'urbanisme, n'était pas périmé à la date à laquelle le permis modificatif a été délivré ; que, par suite, le permis de construire modificatif du 30 janvier 2009, devenu définitif, doit être regardé comme ayant procédé, à la demande expresse de la SNC PARC EOLIEN GUERN, au retrait du permis de construire du 8 avril 2005 en tant qu'il porte sur la construction de l'éolienne E3 laquelle est divisible des autorisations de construire portant sur les éoliennes E1, E2 et E 4 ; que, dès lors, les conclusions de la demande de l'association contre le projet éolien de Guern dirigées contre l'arrêté du 8 avril 2005 sont, dans cette mesure, devenues sans objet
    ».


    Pour conclure au non-lieu à statuer partiel sur la requête, la Cour a donc considéré que la demande de « modificatif » valait demande expresse de retrait partiel du permis primitif en tant qu’il portait sur l’éolienne supprimée par l’intervention de cette autorisation modificative obtenue le 30 janvier 2009, soit après l’entrée en vigueur du l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme.

    Pour autant, il ne semble pas falloir y voir une volonté du juge administratif de contrecarrer l’objectif poursuivi par cet article et, en d’autres termes, de maintenir la règle dégagée par l’arrêt « Vicqueneau » (CE. 31 mars 1999, Vicqueneau, BJDU, 2/1999, p.156) dont il résultait, pour mémoire que :

    • tout d’abord, l’intervention d’un nouveau permis de construire emportait le retrait du précédent dès lors qu’ils avaient été obtenu par la même personne, pour un même projet sur un même terrain ;
    • ensuite, ce retrait était en toute hypothèse définitif, si bien que dans l’hypothèse où le second permis était annulé, cette circonstance n’avait pas pour effet de faire revivre le premier (sauf à ce que le second ait été spécifiquement contesté en tant qu’il valait retrait du premier) ;
    • enfin et par voie de conséquence, il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours exercé à l’encontre du premier permis de construire, la requête à son encontre devenant ainsi sans objet.

    Il faut en en effet souligner que la jurisprudence « Vicqueneau » n’a jamais concerné que l’intervention d’un nouveau permis de construire ou, le cas échéant, d’un « modificatif » requalifié en nouveau permis de construire.

    Or, un véritable « modificatif » ne se substitue pas intégralement au permis initial mais vient s’y intégrer pour former avec lui une autorisation unique (CAA. Paris, 30 octobre 2008, M. Gilbert Y., req. n°05PA04511) ; ce dont résulte non seulement sa propension à régulariser l’autorisation initiale, y compris à l’égard des vices de forme ou de procédure affectant ce dernier, mais également l’obligation pour le pétitionnaire d’exécuter le projet tel qu’il résulte de la combinaison du permis initial et de son « modificatif ».

    Il s’ensuit que par définition et pour ce qui concerne les modifications projetées, le « modificatif » emporte bien le retrait de l’autorisation primitive s’agissant des aspects du projet initial ainsi modifiés. Par voie de conséquence, lorsque la modification en cause consiste en la suppression pure et simple d’une des composantes du projet initial, ce « modificatif » a bien pour effet de procéder au retrait partiel de l’autorisation primitive.

    Partant, une demande se rapportant à un tel « modificatif » peut effectivement s’analyser comme une demande expresse de retrait partiel du permis initial puisqu’en elle-même une telle autorisation modificative a bien cet effet. L’analyse opérée par la Cour sur ce point est donc nettement moins difficile à suivre que celle de la jurisprudence « Vicqueneau », selon laquelle en demandant un nouveau permis de construire, le pétitionnaire sollicite implicitement le retrait définitif et inconditionné du précédent…

    En toute hypothèse, la jurisprudence « Vicqueneau » nous semble bien condamnée. On sait d’ailleurs que le 7 avril 2010 également, le Conseil d’Etat a jugé que :

    « Considérant que si la délivrance d'un nouveau permis de construire au bénéficiaire d'un précédent permis, sur le même terrain, a implicitement mais nécessairement pour effet de rapporter le permis initial, ce retrait est indivisible de la délivrance du nouveau permis ; que, par suite, les conclusions aux fins d'annulation du permis initial ne deviennent sans objet du fait de la délivrance d'un nouveau permis qu'à la condition que le retrait qu'il a opéré ait acquis, à la date à laquelle le juge qui en est saisi se prononce, un caractère définitif ; que tel n'est pas le cas lorsque le nouveau permis de construire a fait l'objet d'un recours en annulation, quand bien même aucune conclusion expresse n'aurait été dirigée contre le retrait qu'il opère ; que, par suite, en jugeant que le retrait du permis de construire délivré à la SCI LA TILLEULIERE le 16 juillet 2003, opéré par le second permis de construire délivré le 23 mai 2005 à la même société sur le même terrain, était devenu définitif faute d'avoir été expressément contesté, alors que ce second permis avait fait l'objet d'un recours contentieux et avait d'ailleurs été suspendu par une ordonnance du juge des référés, la cour administrative d'appel de Lyon a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que cet arrêt doit, dès lors, être annulé » (CE. 7 avril 2010, SCL La Tilleuliere, req. n°311.694).

    Tout d’abord, cet arrêt met donc un terme à la spécificité de la jurisprudence « Vicqueneau », selon laquelle en toute hypothèse la délivrance du second valait retrait définitif du premier, y compris en cas d’annulation du second. Il ressort en effet de l’arrêt précité que le retrait du premier permis ne sera acquis que lorsque le second sera devenu définitif.

    Ensuite, il faut souligner en l’espèce que cet arrêt a été rendu dans une affaire où le second permis de construire datait du 23 mai 2005.

    Certes cet arrêt a donc été rendu le 7 avril 2010 mais il s’est prononcé sur une affaire où le second permis de construire avait été délivré le 23 mai 2005, c’est-à-dire antérieurement à l’entrée en vigueur de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme : il n’y avait donc pas lieu d’apprécier les effets du second permis sur le premier au regard des règles de retrait résultant de l’article précité.

    Par principe, en effet, la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération des normes applicables à sa date d’édiction et il en va évidemment ainsi des décisions prononçant le retrait d’une autorisation d’urbanisme dont, par voie de conséquence, la légalité s’apprécie au regard des règles en vigueur à la date du retrait (pour exemple au sujet de l’article 23 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 : CAA. Douai, 28 avril 2005, Cne de Saint-Andre-les-Lille, req. n°03DA01136 ; CAA. Paris, 2 octobre 2006, Sté Les Remblayes Paysagers, req. n°05PA03683 ; CAA. Marseille, 16 mars 2006, Ministre de l’équipement, req. n°03MA00934).

    L’arrêt « SCI La Tilleulière » ne remet donc aucunement en cause la portée de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme à l’égard des permis de construire délivrés après son entrée en vigueur.

    Enfin et surtout, l’arrêt « SCI La Tilleulière » part encore du postulat selon lequel, pour les permis délivrés avant l’entrée en vigueur de l’article précité, « la délivrance d'un nouveau permis de construire au bénéficiaire d'un précédent permis, sur le même terrain, a implicitement mais nécessairement pour effet de rapporter le permis initial ».

    En effet et ainsi qu’il a été pré-exposé, la solution dégagée par l’arrêt « Vicqueneau » procèdait de l’analyse selon laquelle la demande se rapportant au second permis vaut implicitement demande de retrait du premier ; telle étant la raison pour laquelle cette solution ne trouve pas à s’appliquer lorsque le premier et le second permis ont été délivrés à des personnes différentes (CE. 16 janvier 2002, Portelli, req. n°221.745).

    Or, comme on le sait, c’est précisément la raison pour laquelle l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme dispose que : « le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».

    Depuis l’entrée en vigueur de l’article précité, un nouveau permis de construire ne peut donc plus emporter le retrait d’un précédent permis puisqu’une demande tendant à la délivrance d’une autorisation ne saurait s’analyser comme tendant expressément au retrait d’une précédente.

    En résumé, non seulement l’arrêt « SCI La Tilleulière » a substantiellement limité la portée de la jurisprudence « Vicqueneau » à l’égard des seconds permis intervenus avant l’entrée en vigueur de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme mais, bien plus, pour ceux délivrés après cette échéance, il nous semble marquer la volonté du Conseil d’Etat de ne pas contrecarrer l’objectif poursuivi par le législateur à travers cet article puisque pour ce faire, il aurait donc fallu que la Haute Cour juge qu’une nouvelle demande d’autorisation valait demande expresse de retrait du précédent ; ce qui n’a donc pas été le cas.

    Mais revenons-en maintenant à la spécificité de l’arrêt commenté ce jour : la requalification d’un « modificatif » en retrait partiel du permis primitif et l’analyse de la demande de « modificatif » en demande expresse de retrait partiel ; cette requalification ayant été rendue possible pas le fait que l’éolienne ainsi supprimée était divisible des trois autres.

    Sur ce point, la solution n’est pas nouvelle puisque le juge administratif avait déjà eu l’occasion de reconnaitre à l’administration la possibilité de prononcer le retrait partiel d’une autorisation d’urbanisme lorsque celle-ci est divisible (CE, 28 févr. 1996, Grote de Chanterac, req. n°124.016).

    Toute la question tenait sur ce point au fait que cette possibilité avait été consacrée sans que cela n’amène le juge à rechercher les effets de ce retrait partiel sur la procédure d’octroi du permis (partiellement) maintenu alors même que l’autorisation initiale avait été délivrée sur la base d’une demande unique portant sur l’ensemble du projet initial.

    Il est vrai que le retrait a un effet équivalent à l’annulation d’un permis de construire et que s’agissant d’une annulation partielle d’un permis le Conseil d’Etat a jugé que :

    « Considérant, en premier lieu, que les juges du fond n'ont pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que les autorisations dont ils ont prononcé l'annulation étaient divisibles des autres autorisations accordées par les permis contestés ; que les moyens tirés par les requérants de ce que l'atteinte portée à l'ensemble du projet par l'annulation partielle prononcée par la cour serait de nature à remettre en cause la régularité de la procédure d'octroi des permis, notamment en dénaturant l'avis favorable donné par les communes intéressées qui était fondé sur le bilan positif de l'ensemble de l'opération, sont inopérants dès lors qu'ils tendent à contester la régularité d'une autorisation administrative à raison de l'effet sur celle-ci de la décision prise par le juge quant à sa légalité » (CE. 6 novembre 2006, req. n°281.672).

    Il reste que dans ces deux affaires, le retrait et l’annulation résulteraient de l’illégalité de l’autorisation initiale et, en d’autres termes, ne répondait pas à une demande du pétitionnaire.

    Or, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté ce jour, tel était bien le cas puisque la demande de « modificatif » a en elle-même était requalifiée en demande expresse de retrait partiel ; ce retrait partiel ayant été acté indépendamment de la légalité du permis de construire attaqué s’agissant de l’éolienne en cause puisque ce retrait résultait donc d’une demande du bénéficiaire de l’autorisation ayant par ailleurs conduit la Cour a prononcé un non-lieu à statuer partiel sur ce point.

    Néanmoins, la Cour s’est donc bornée à vérifier que :

    • tout d’abord, l’éolienne en cause n’avait pas été édifiée puisque si tel avait été le cas il y’aurait encore eu lieu de statuer sur la requête ;
    • ensuite, le permis de construire initial était encore en cours de validité puisqu’à défaut le « modificatif » aurait alors constitué un nouveau permis de construire (aurait-il alors emporté le retrait partiel du permis initial mais cette fois-ci en tant que celui-ci autorisait le trois autres éoliennes ?) ;
    • enfin, le « modificatif » était définitif (on peut toutefois regretter que la Cour n’est pas précisé de quoi résultait ce caractère définitif à l’égard des requérants).

    La Cour n’a donc pas vérifié l’impact de ce « modificatif/retrait » sur l’économie générale du projet initial et la procédure de délivrance de l’autorisation primitive ; étant rappelé que le fait qu’un « modificatif » opère une réduction du programme d’origine n’a aucune incidence puisqu’une réduction substantielle du projet peut impliquer un nouveau permis de construire (CE, 6 avr. 1979, SCI Europe Verte, req. n° 8628 ; CE, 7 juin 1985, SA d'HLM "L'Habitat communautaire locatif" : Gaz. Pal. 1986, 2, pan. dr. adm. p. 291).

    Il reste que le projet initial était divisible et que ce « modificatif/retrait » portait sur une composante dissociable de celui-ci.

    Or, à l’examen de la jurisprudence rendue en la matière, la divisibilité d’un projet d’urbanisme produit ses effets à tous les stades : la nature et le nombre d’autorisations susceptibles d’être obtenues ; le pouvoir de l’administration statuant sur la demande ; le pouvoir de l’administration pour retirer l’autorisation délivrée ; le délai de validité de l’autorisation pour engager les travaux ; l’appréciation de la conformité des travaux ; le sort contentieux de l’autorisation. Et pour cause puisqu’en fait, lorsqu’un arrêté portant permis de construire est divisible, c’est qu’il intègre déjà « plusieurs décisions », si bien qu’il faut apprécier distinctement l’objet et les effets de « chacune des autorisations » (Concl. J. Burguburu sur : CE. 17 juillet 2009, Ville de Grenoble », BJDU n°4/2009, p.274).

    D’ailleurs, au stade de l’instruction de la demande, l’administration n’apparait pas devoir nécessairement saisir la demande de façon globale et indivisible puisqu’il a été jugé qu’elle pouvait y opposer un refus partiel ou a contrario n’accorder que partiellement l’autorisation sollicitée lorsque l’objet de la demande est dissociable (CE, 4 janv. 1985, SCI Résidence du Port, req. n°47.248).

    Il ne semble donc pas déraisonnable de considérer que l’arrêt commenté induit que dans le cas d’un projet divisible l’impact d’un « modificatif » doit être apprécié non pas à l’échelle de l’ensemble du projet ainsi autorisé mais à l’échelon de la composante du projet sur laquelle porte les modifications projetées ; ce qui semble d’ailleurs ressortir d’autres décisions (CE. 16 février 1979, SCI « CAP NAIO », req. N° 03.646).

    Mais en toute hypothèse, lorsqu’il s’agira de supprimer purement et simplement une des composantes dissociables du projet initial, le bénéficiaire de l’autorisation primitive pourra donc se borner à solliciter le retrait partiel de cette dernière.

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Sur l’utilité du recours gracieux à l’encontre d’une décision de non-opposition à déclaration préalable

    Malgré l’alinéa 1er de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme, un recours gracieux à l’encontre d’une décision de non-opposition à déclaration préalable conserve le délai de recours contentieux à l’encontre de cette décision.

    CE. 20 novembre 2009, Pascal E. & Autres, req. n°326.236


    Bien qu’elle appelle peu de commentaires, voici une décision attendue, et donc d’importance, s’agissant du contentieux de la décision de non-opposition à déclaration préalable.

    Dans cette affaire, les requérants avaient introduit, le 4 août 2008, un recours gracieux à l’encontre d’une décision de non-opposition à déclaration préalable affichée sur le terrain des opérations le 16 juillet précédent. Ce recours gracieux devait cependant faire l’objet d’une décision implicite de rejet, le 4 octobre suivant.

    En conséquence, les requérants exercèrent, le 26 novembre 2008, un recours en annulation à l’encontre de cette décision de non-opposition ; recours que le Président du Tribunal administratif de Marseille devait toutefois rejeter, par ordonnance, comme manifestement irrecevable au regard de l’article R.600-2 du Code de l’urbanisme et, en d’autres termes, comme tardive.

    Mais sur transmission de la Cour administrative d’appel de Marseille, saisie par les requérants, le Conseil d’Etat devait donc juger que :

    « considérant que, sauf dans le cas où des dispositions législatives ou réglementaires ont organisé des procédures particulières, toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux qui interrompt le cours de ce délai ;
    Considérant que, pour rejeter comme tardive la demande des requérants tendant à l'annulation de la décision implicite du maire de Marseille de ne pas s'opposer à la déclaration de clôture de Mme A, l'ordonnance attaquée se fonde sur ce que leur demande n'a été enregistrée que le 26 novembre 2008 au greffe du tribunal administratif de Marseille, alors que cette décision avait fait l'objet, le 16 juillet 2008, d'un affichage qui avait fait courir le délai de recours contentieux en application de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis qu'un recours gracieux interrompant ce délai avait été présenté par les requérants le 4 août 2008 et notifié à l'auteur de la décision de non-opposition et à son bénéficiaire, comme le prévoit l'article R. 600-1 du même code, et que ce délai avait couru à nouveau pour sa totalité à compter du rejet implicite de ce recours gracieux, intervenu le 4 octobre suivant, de sorte que la demande présentée au tribunal n'était pas tardive, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit »
    ;


    et donc estimer que le recours gracieux précédemment exercé avait prorogé le délai de recours contentieux à l’encontre de la décision contestée, lequel avait donc couru à nouveau le 4 octobre 2009 (date de formation de la décision implicite de rejet de ce recours) pour expirer le 4 décembre suivant. Présenté et enregistré au greffe le 26 novembre 2008, le recours en annulation était donc bien recevable au regard de l'article R.600-2.

    La solution n’était pas si évidente dès lors que la déclaration avait été formulée, la décision de non-opposition acquise et le recours gracieux exercé après l’entrée en vigueur de la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 dite « Loi ENL ».

    En effet :

    - d’une part, pour être qualifié comme tel, un recours gracieux doit solliciter, même maladroitement ou dans des termes inappropriés, le retrait de la décision en cause ;
    - d’autre part, l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi susvisée dispose que : « la décision de non-opposition à la déclaration préalable ne peut faire l'objet d'aucun retrait ».

    Il n’était pas donc pas si évident qu’un recours gracieux tendant au prononcé d’un retrait qu’en principe l’autorité compétente ne saurait légalement édicter puisse conserver le délai de recours contentieux à l’encontre d’une décision de non-opposition à déclaration préalable.

    Il reste que les conditions de délais ayant toujours encadré les possibilités ouvertes à l’administration de prononcer le retrait de ses décisions créatrices de droit ne se sont jamais opposées à ce que l’administration puisse retirer à toute époque, et sans aucune condition de délai donc, les autorisations obtenues par fraude puisque, précisément, les autorisations entachées de fraude ne créaient pas de droits acquis au profit de leur titulaire.

    Dès lors, l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme ne s’oppose donc pas, selon nous, au retrait d’une décision de non-opposition motivée par la fraude du déclarant.

    Mais dans la mesure où, hors du cas où le retrait est sollicité par le déclarant, seule la fraude de ce dernier peut légalement motiver le retrait d’une telle décision de non-opposition, force est d’admettre qu’un recours gracieux à l’encontre d’une telle décision n’a d’intérêt et d’utilité qu’à la condition que le requérant invoque la fraude du déclarant.

    Il s’ensuit qu’en dehors de cas, et quel que soit le bien fondé des griefs opposés à la décision de non-opposition, un recours gracieux à l’encontre de cette décision est nécessairement voué au rejet.

    Partant, on aurait donc pu penser que dorénavant un recours gracieux à l’encontre d’une décision de non-opposition à déclaration préalable n’interrompait le délai de recours gracieux à l’encontre de cette décision qu’à la condition d’être fondé sur la fraude du déclarant puisque si tel n’est pas le cas du recours considéré, force est alors de regarder celui-ci comme entrepris dans le seul but d’interrompre le délai de recours contentieux.

    Toutefois, il ressort de l’arrêt commenté ce jour que tout recours gracieux à l’encontre d’une décision de non-opposition interrompt ce délai et ce, quels que soient les moyens présentés à l’appui de ce recours.

    Une telle solution nous parait justifier.

    En premier lieu, il faut préciser que l’utilité du recours gracieux trouve sa cause dans l’obligation faite à l’administration compétente de retirer, sous certaines conditions, un acte dont elle constate illégalité ; ce qu’elle peut faire spontanément, sans être saisie d’un tel recours donc.

    Il s’ensuit que les moyens présentés par l’auteur d’un recours gracieux ne lient aucunement l’administration, laquelle peut donc parfaitement retirer la décision contestée pour un motif totalement étranger à ceux invoqués par le recours. Pour ce qui nous intéresse ici, la circonstance que le requérant invoque ou non la fraude du déclarant n’a donc aucune incidence sur la possibilité offerte à l’administration de retirer la décision de non-opposition à déclaration pour ce motif.

    En second lieu, une telle restriction de l’effet interruptif du recours gracieux à l’encontre d’une décision de non-opposition n’aurait en fait eu aucun intérêt dans la mesure où :

    - d’une part, pour contourner une telle restriction, il aurait alors suffit l’alléguer systématiquement la fraude du déclarant ; le fait qu’elle soit établie ou non ne pouvant avoir aucune incidence sur recevabilité du recours contentieux ultérieure ;
    - d’autre part, il faut rappeler que le recours gracieux n’est pas le seul « recours » administratif susceptible d’interrompre le délai contentieux puisque, lorsque l’autorisation d’urbanisme contestée a été délivrée par une commune ou un EPCI, les tiers ont à cet effet la possibilité de saisir le Préfet de Département aux fins, non pas qu’il l’a retirer, mais qu’il défère l’autorisation contestée à la censure du juge administratif.

    Une telle restriction n'aurait donc pas nécessairement produit l'effet escompté... 

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Sur l’intérêt à agir du titulaire du permis de construire initial à l’encontre du « modificatif » délivré à un tiers

    Dès lors que le « modificatif » a été obtenu conformément à une convention conclue entre son titulaire et le bénéficiaire d’un permis de construire initial, ce dernier n’a pas intérêt à agir à l’encontre de l’autorisation modificative.

    TA. Cergy-Pontoise, 23 octobre 2009, SCI « Cotte & Lac, req. n°0705031-1


    Dans cette affaire, le requérant avait obtenu le transfert d’un permis de construire un ensemble immobilier à destination de logements et de commerces devant relever du régime de la copropriété. Ultérieurement, il devait ainsi vendre un des lots de cette copropriété à un tiers mais ce, tout en l’autorisant à obtenir un « modificatif » portant sur ce lot.

    Ce « modificatif » obtenu, le titulaire du permis de construire initial devait toutefois attaquer cette autorisation en invoquant le fait qu’il était tenu « de mener la construction de l’immeuble jusqu’à son terme conformément audit permis de construire sur la base duquel au surplus ont été délivrées l’assurance dommages ouvrage de l’immeuble ainsi que la garantie d’achèvement ». Mais sa requête devait donc être rejetée comme irrecevable pour défaut d’intérêt à agir et ce, au motif suivant :

    « Considérant que, pour contester l'arrêté susvisé en date du 11 décembre 2006, par lequel la commune d'Enghien-les-Bains a accordé un permis de construire modificatif à la SCI « Chance et lac », ainsi que la décision en date du 5 mars 2007 par laquelle le maire de la commune d'Enghien-les-Bains a rejeté son recours gracieux à l'encontre dudit arrêté, la SCI COTTE ET LAC se prévaut de sa qualité de titulaire du permis de construire initial, délivré le 21 février 2005 à la SCI Yoline, puis transféré à elle le li mai 2005 pour l'édification d’un immeuble à usage d'habitation et de commerce, situé 1ter boulevard Cotte à Enghien-les Bains qu'elle soutient, qu'en tant que bénéficiaire dudit permis, elle est tenue de mener à bien la construction de l'immeuble jusqu'à son terme, conformément audit permis sur la base duquel ont été délivrées l'assurance dommages ouvrage de l'immeuble ainsi que la garantie d'achèvement et que les travaux autorisés par le permis modificatif litigieux délivré à la SCI « Chance et lac » ne sauraient intervenir qu'après l'achèvement de l'immeuble et l'obtention du certificat de conformité que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que le permis de construire modificatif attaqué a été sollicité par la SCI « Chance et lac» conformément à l'autorisation qui lui en avait été donnée par la SCI COTTE ET LAC, dans l'acte de vente en l'état futur d'achèvement des lot n° 11, 42 et 43 de l'immeuble en copropriété situé 1 ter boulevard Cotte à Enghien-les Bains, conclu avec elle le 6 octobre 2006 et qui disposait « le vendeur autorise l’acquéreur à titre personnel avant le dépôt de la déclaration d’achèvement des travaux, une demande de permis de construire modificatif à l’effet de modifier le lot numéro onze objet des présentes par surélévation de la toiture de l'immeuble objet des présentes et de créer un volume sous la toiture sans création d'une surface hors œuvre nette supplémentaire pour le lot numéro onze (...) » ; que le permis de construire modificatif attaqué, sollicité et obtenu dans le strict respect de cette convention, dont la requérante n'a contesté la validité ni antérieurement au dépôt de sa requête, ni même dans cette dernière et dont les modalités d'exécution sont, en tout état de cause, sans incidence sur sa légalité, ne préjudicie à aucun intérêt conférant la SCI COTTE ET LAC qualité pour le contester ;
    Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI COTTE ET LAC n'est pas recevable à demander l'annulation du permis de construire modificatif délivré le 11 décembre 2006 par la commune d'Enghien-les-Bains à la SCI « Chance et lac », ainsi que la décision en date du 5 mars 2007 par laquelle le maire de la commune d'Enghien-les-Bains a rejeté son recours gracieux ; que, par suite, sa requête doit être rejetée
    » ;


    copro.jpgUne telle solution apparait difficilement contestable. Comme l’a en effet relever le Tribunal, l’acte de vente conclu entre la SCI COTTE & LAC et la SCI CHANCE & LAC stipulait que : « le VENDEUR [la SCI COTTE & LAC] autorise L’ACQUEREUR [la SCI CHANCE & LAC] à déposer à titre personnel avant le dépôt de la déclaration d’achèvement des travaux une demande de permis de construire modificatif à l’effet de modifier le lot numéro onze (11) objet des présentes par surélévation de la toiture de l’immeuble objet des présentes et de créer un volume sous la toiture sans création d’une sruface hors œuvre nette supplémentaire pour le lot n°11 ». Or, le permis de construire modificatif contesté portait bien sur le lot en cause et autorisait une augmentation de la hauteur de l’immeuble à construire résultant d’une surélévation de toiture emportant une création de comble. En d’autres termes, le permis de construire modificatif attaqué correspondait strictement à ce qu’avait accepté et autorisé la SCI COTTE & LAC.

    Dès lors, force était donc d’admettre que ce permis de construire modificatif ne pouvait lui faire grief et, par voie de conséquence, que la SCI COTTE & LAC n’avait pas intérêt à agir à son encontre.

    En outre, il faut souligner que la demande de « modificatif », présentée en application de l’acte de vente précité du 6 octobre 2006, ne tendait pas au transfert du permis de construire initial et que l’arrêté contesté du 11 décembre 2006 se bornait à délivrer un permis de construire modificatif.

    Or, comme on le sait, un « modificatif » ne se substitue pas au permis de construire initial mais s’y intègre (CAA. Marseille, 21 janvier 1999, Sté Terre & Pierre, req. n°96MA02171 ; TA. Versailles, 22 février 1994, SCI Les Ornes, req. n°935140) pour former avec lui une autorisation unique.

    Il n’est donc pas déraisonnable de considérer que, sur un plan personnel, le permis de construire modificatif attaqué avait donc pour effet de rendre le permis de construire initial, tel que modifié par l’arrêté du 11 décembre 2006, conjoint à la SCI COTTE & LAC et à la SCI CHANCE & LAC.

    Par voie de conséquence, sur le plan matériel, la requérant était donc co-bénéficiaire des modifications autorisées par le permis de construire modificatif attaqué ; étant rappelé qu’il s’agissait là de la conséquence de l’acte de vente conclu le 6 octobre 2006, laquelle, en toute hypothèse, devait donc être réputée avoir été acceptée par la SCI requérante. Bien qu’emportant le retrait du permis initial pour pas partie modifiée par l’autorisation contestée, cette dernière n’avait donc pas intérêt à agir à l’encontre de cette autorisation puisque, du fait de cet acte, elle ne pouvait être regardée comme lui faisant grief.

    D’ailleurs, la requête apparaissait procédait non pas tant de la délivrance du permis de construire modificatif que de ses conséquences s’agissant de son exécution au regard des liens contractuels de la SCI COTTE & LAC et de la SCI CHANCE & LAC.

    Cette requérante soutenait en effet que bénéficiaire du permis initial, elle était tenue « de mener la construction de l’immeuble jusqu’à son terme conformément audit permis de construire sur la base duquel au surplus ont été délivrées l’assurance dommages ouvrage de l’immeuble ainsi que la garantie d’achèvement ».

    Il reste qu’un tel argument apparaissait inopérant dès lors, donc, qu’un « modificatif » s’intègre au permis de construire primitif, ce dont il résulte que son bénéficiaire ne peut plus légalement bâtir la construction telle qu’autorisée par le permis initial, c’est-à-dire sans tenir compte de l’intervention du « modificatif » obtenu (CAA. Marseille, 21 janvier 1999, Sté Terre & Pierre, req. n°96MA02171 ; TA. Versailles, 22 février 1994, SCI Les Ornes, req. n°935140) ; étant rappelé, ici encore, qu’il s’agissait là de la conséquence de l’acte de vente conclu le 6 octobre 2006.

    Mais en outre, la requérante soutenait, en substance, que les travaux faisant l’objet du permis de construire modificatif attaqué ne pouvaient intervenir qu’après l’achèvement de l’immeuble et l’obtention de la conformité par elle, le titulaire du « modificatif » étant débiteur à cet égard de ses acquéreurs de lots de copropriété, de la remise de ce certificat de conformité. Il reste que :

    - tout d’abord, l’acte de vente conclu le 6 octobre 2006 stipulait expressément que « le VENDEUR autorise L’ACQUEREUR à déposer à titre personnel avant le dépôt de la déclaration d’achèvement des travaux une demande de permis de construire modificatif » ;

    - ensuite, un permis de construire modificatif ne peut être légalement délivré une fois que le permis de construire initial a été exécuté et que la déclaration d’achèvement a été formulée (pour exemple : CE. 23 septembre 1988, Sté Les Maisons Goëland, req. n°72.387) ;

    - enfin, dans la triple mesure où :

    un « modificatif » ne se substitue pas au permis de construire initial mais s’y intègre (CAA. Marseille, 21 janvier 1999, Sté Terre & Pierre, req. n°96MA02171 ; TA. Versailles, 22 février 1994, SCI Les Ornes, req. n°935140) ;
    une déclaration d’achèvement ne peut régulièrement être formulée avant l’entière exécution des travaux autorisés (CE. 14 janvier 1983, M.Y, req. n°26022) ;
    un certificat de conformité est un acte indivisible, si bien qu’il ne peut y avoir de conformité partielle (CE. 20 Janvier 1988, M. Mariac, req. n° 64616) et que l’inachèvement des travaux justifie un refus de certificat (CAA. Lyon, 21 mars 2000, SCL Les Glovettes, req. n° 95LY01518. TA. Nice. 10 mars 1994, Sté Laffite Bail, req. n°89.777) ;

    la requérante ne pouvait légalement formuler une déclaration d’achèvement et obtenir un certificat de conformité avant que les travaux autorisés par le permis de construire, tel que modifié par le « modificatif » attaqué, aient été entièrement exécutés.

    Mais en toute hypothèse, ces considérations liées à l’exécution du permis de construire « modificatif » attaqué et à ses conséquences s’agissant de la responsabilité civile de la SCI COTTE & LAC et/ou de la SCI CHANCE & LAC ne pouvait conférer à la société requérante intérêt à en obtenir l’annulation dès lors qu’elles étaient totalement étrangère à la légalité d’une autorisation d’urbanisme.

    Enfin, la société requérante faisait grief le titulaire du « modificatif » attaqué de considérer qu’il incombait à la requérante de réaliser personnellement les travaux objets de cette autorisation alors même que cette autorisation de construire n’avait pas été sollicitée et obtenu par elle.

    Il reste, outre que l’on pouvait considérer que le permis de construire modificatif attaqué avait eu pour effet de rendre le permis de construire initial, tel que modifié par l’arrêté du 11 décembre 2006, conjoint à la SCI COTTE & LAC et à la SCI CHANCE & LAC, que la question de savoir laquelle de ces deux SCI CHANCE & LAC ou de la SCI COTTE & LAC devait exécuter les travaux autorisés permis de construire « modificatif » contesté n’avait pas vocation à être tranchée par le juge administratif, la légalité d’un permis de construire ainsi que, d’ailleurs, la régularité des travaux exécutés étant, comme le sait, indépendantes de toute considération liée à l’auteur de ces travaux.

    En résumé, et à suivre les allégations de la requérante, il n’était donc pas déraisonnable de considérer que la requête avait exclusivement pour but de régler des difficultés que n’avait pas été traitées l’acte de vente conclu le 6 octobre 2006. Il reste que le recours pour excès de pouvoir et le juge administratif n’ont nullement vocation à participer au règlement d’un litige entre deux sociétés co-contractantes et à pallier les lacunes d’un contrat de droit privé…




    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Vers le renouveau de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme ?

    L’article L.600-5 du Code de l’urbanisme implique-t-il (encore) que l’annulation partielle du permis de construire porte nécessairement sur une composante divisible du projet ?

    CAA. Nancy, 2 juillet 2009, Association « Pare-Brise », Req. n°08NC00126 (137e note)

    Voici une note qui porte bien mal son nom si l’on s’en tient au sens de l’arrêt référencé puisque, précisément, cet arrêt apparait consacré l’inutilité intrinsèque du dispositif prévu par l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme au regard de la jurisprudence antérieure au 17 juillet 2009.

    L’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, introduit par la loi du 16 juillet 2006 dite « ENL », prévoit que « lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation » et, le cas échéant, que « l'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive ». Il reste que le seul fait de prévoir pour le juge administratif la possibilité de prononcer l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme n’est pas d’une absolue nouveauté puisqu’il s’y autorisait déjà lorsque l’autorisation en cause est divisible, c’est-à-dire lorsque la composante du projet illégale est dissociable des autres d’un point de vue juridique et technique, voir fonctionnel.

    Or, pour sa part, l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme se borne à viser le cas, plus général, où « seule une partie du projet (…) est illégale » et, ainsi, semble tendre à élargir les hypothèses dans lesquelles l’autorisation d’urbanisme contestée pourra ne faire l’objet que d’une annulation partielle.

    Néanmoins plus de trois ans après son entrée en vigueur, force est de constater que l’article L.600-5 n’a donné lieu qu’à peu de décisions jurisprudentielles alors qu’au regard de sa rédaction (« lorsqu’elle constate… ») il n’est pas besoin que les parties en aient sollicité l’application qui pour être facultative (« la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle … ») est néanmoins ouverte pour l’ensemble des recours en cours d’instance, qu’ils aient ou non été introduits avant l’entrée en vigueur de la loi « ENL » (TA. Amiens, 29 décembre 2006, req. n° 04-01732), tant devant le juge administratif de première instance que devant les juges d’appel et de cassation lorsqu’ils sont appelés à statuer sur le fond du litige.

    Mais précisément, il est permis de se demander si cette application marginale de ce nouveau dispositif n’est pas le signe de ce qu’il ne revêt pas en lui-même tout l’intérêt que certains ont voulu y voir ou lui conférer.

    En effet, toute la difficulté est d’établir quand et jusqu’à quel stade est-il possible de considérer que seule une partie du projet est illégale, notamment, lorsqu’il s’agit d’un projet formant ce qu’il convenait jusqu’à récemment encore de qualifier d’ensemble indivisible ou d’opération indissociable et dont, par voie de conséquence, aucune partie ne peut être dissociée et isolée.

    Or, précisément, et à quelques exceptions près, à s’en tenir à la jurisprudence rendue en la matière, l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme ne semble avoir vocation à s’appliquer qu’aux composantes juridiquement dissociables du projet d’ensemble - y compris si son irrégularité peut être régularisée par un simple « modificatif » (CAA. Nantes, 25 juin 2008, Cne de Bucy, req. n°07NT03015 & CAA. Lyon, 1er juillet 2008, Cne de Valmeinier, req. n°07LY02364) que l’article L.600-5 ne prévoit d’ailleurs que comme une simple faculté – et ce, aux fins de ne pas aboutir à la formation d’un permis de construire qui, après annulation partielle, ne respecterait toujours pas les prescriptions d’urbanisme lui étant opposables (pour exemple : CAA. Marseille, 8 février 2007, M. Joseph X., req. n°04MA02390 & CAA. Bordeaux, 11 décembre 2007, SCI Redon, req. n°06BX01060).

    On pouvait ainsi se demander si l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme aurait une réelle incidence sur les règles gouvernant l’annulation partielle du permis de construire puisqu’à titre d’exemple, pour censurer l’ensemble d’un permis de construire méconnaissant les conclusions d’un diagnostic d’archéologie préventive et n’annuler que partiellement un permis de construire un parc éolien, la Cour administrative d’appel de Lyon a motivé sa première décision par le fait que les dispositions de cette autorisation « pour l'ensemble de la réalisation d'un village de vacances (n’étaient) pas divisibles » (CAA. Lyon, 21 juin 2007, Ministre de l'équipement, req. n°04LY01501) et sa seconde par la circonstance que « les éoliennes n° 2 et n° 3 sont des ouvrages distincts des trois autres éoliennes dont la construction a été autorisée par le permis (et) que les dispositions de ce permis applicables aux dites éoliennes sont, dans cette mesure, divisibles des autres dispositions de ce même permis » (CAA. Lyon, 23 octobre 2007, SARL, Le Pré Bossu, req. n°06LY02337).

    Or, précisément, dans l’affaire objet de l’arrêt de la présente note, la Cour administrative d’appel de Nancy devait juger que :

    éole.jpg« Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : Lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. (...) ; que l'éolienne n° 3 est un ouvrage distinct des deux autres éoliennes dont la construction a été autorisée par le permis de construire contesté ; que les dispositions de ce permis applicables à ladite éolienne sont, dans cette mesure, divisibles des autres dispositions de ce même permis ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production de l'avis émis par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales des Vosges, qui figure au dossier de première instance, M. X et l'ASSOCIATION PARE-BRISE sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation du permis de construire accordé le 4 mai 2006 par le préfet des Vosges à la SARL Vosges Eole , en tant qu'il porte sur l'éolienne n°3 et, dans cette mesure, à en demander l'annulation » ;

    et, donc, ne faire application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme à l’éolienne en cause que dans la mesure où celle-ci était divisible des deux autres.

    En résumé et au regard de ces premières années d’application, l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme n’apparaissait ainsi pour l’essentiel que comme la simple consécration des exceptions au principe d’indivisibilité du permis de construire telles qu’elles avaient été dégagées par la jurisprudence administrative (CE. 2 février 1979, Cts Sénécal, req. n° 05.808 ; CE. 16 février 1979, SCI Cap Naio c/ Dlle Fournier, Rec., p.66)

    Or, l’indivisibilité du permis de construire avait pour autre corolaire, notamment, l’impossibilité de fractionner la réalisation d’un ensemble immobilier indivisible ne pouvaient légalement faire l’objet de plusieurs permis de construire distincts. Mais comme on le sait, le Conseil d’Etat a considérablement assouplit ce principe et ce, surtout,

    - d’une part, en se référant à la notion d’ensemble immobilier unique et non plus d’ensemble indivisible ou d’opération indissociable, et pour cause puisque si un ensemble immobilier unique peut néanmoins faire l’objet de plusieurs permis de construire, c’est donc qu’il n’est pas indivisible à cet égard ;

    - d’autre part, en mettant en œuvre des critères d’ordre exclusivement physique et fonctionnel et, donc, indépendamment de toute considération liée à l’interdépendance juridique des composantes du projet.

    Par cet « abandon » de la notion d’ensemble indivisible et cette prédominance du fonctionnel sur le juridique est assurément de nature à donner une nouvelle dimension, et a priori un nouvel intérêt, à l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés