Sur l’affichage d’un permis de construire valant autorisation de démolition
Lorsque le permis de construire vaut autorisation de démolition au titre de l’article L.451-1 du Code de l’urbanisme, l’irrégularité affectant l’affichage du permis pour ce qui concerne son « volet démolition » rend inopposable le délai de recours visé par l’article R.600-2 pour l’ensemble de l’autorisation, y compris si les requérants n’ont présenté aucun moyen se rapportant à cet aspect du projet
CAA. Nancy, 9 juin 2011, M. et Mme Jean-Michel A, req. n°10 NC01632
Voici un arrêt « tête d’épingle » appelant peu de commentaires mais qui présente néanmoins un intérêt pratique évident dès lors qu’il constitue une des premières décisions abordant la question des liens unissant l’autorisation de démolition intégrée au permis de construire lorsque ce dernier a été obtenu en application de la faculté offerte par l’article L.451-1 du Code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il dispose : « lorsque la démolition est nécessaire à une opération de construction ou d'aménagement, la demande de permis de construire ou d'aménager peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement. Dans ce cas, le permis de construire ou le permis d'aménager autorise la démolition ».
Dans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire intégrant donc à ce titre une autorisation de démolition. Mais lors de l’affichage de ce permis sur le terrain des opérations, celui-ci omis d’indiquer la surface des bâtiments à démolir comme le prévoit pourtant l’article A.424-16 (d) du Code de l’urbanisme.
Or, cette autorisation devait faire l’objet d’un recours en annulation mais ce, après l’expiration d’un délai de deux moins à compter de cet affichage. C’est la raison pour laquelle ce recours fût rejeté comme manifestement irrecevable par le jeu d’une « ordonnance de tri » (art. R.222-1 ; CJA).
Les requérants devaient toutefois interjeter appel en faisant valoir l’omission affectant le panneau d’affichage du permis de construire contesté ; ce à quoi le pétitionnaire devait pour sa part opposer que :
• l’omission en cause n’affectait que le « volet démolition » du projet et ne concernait donc pas le permis de construire en lui-même ;
• et par voie de conséquence que la requête était irrecevable dès lors qu’en première instance, les requérants n’avaient invoqué aucun moyen se rapportant au « volet démolition » du projet.
A priori, force serait de suivre l’argument du pétitionnaire. En première analyse, en effet, on pourrait considérer au regard de l’objet et de la finalité de l’article L.451-1 du Code de l’urbanisme entrée en vigueur le 1er octobre 2007 qu’un arrêté obtenu à ce titre recouvre en fait deux autorisations dans la mesure où :
• l’article précité ne prévoit qu’une faculté destinée à se substituer à l’obligation d’obtenir un permis de démolir ;
• les règles d’urbanisme applicables aux travaux de construction, d’installation ou d’aménagement sont totalement distinctes de celles opposables aux travaux de démolition (art. 421-6 ; C.urb).
Par ailleurs, hors du cas prévu par l’article précité, on sait que l’annulation d’un permis de démolir ne remet pas en cause la légalité du permis de construire puisqu’en vertu du principe d’indépendance des procédures, cette annulation bien que rétroactive n’a aucune incidence sur le fait que l’autorisation de construire a été délivré au vu d’un dossier comportant le justificatif d’une demande de permis de construire.
Or, pareillement, dans le cas visé par l’article L.451-1 du Code de l’urbanisme l’illégalité éventuelle du « volet démolition » d’un permis de construire ne serait donc pas de nature à remettre en cause le fait que cette autorisation a été délivrée au regard d’un dossier comportant les pièces requises lorsque le pétitionnaire met en œuvre la faculté prévue par cet article.
De ce fait, il serait donc possible d’en conclure que les deux autorisations portées par un arrêté obtenu au titre de l’article précité sont totalement dissociables, si bien que :
• il serait possible d’exercer un recours ne portant que sur le « volet démolition » ou que sur le « volet construction » autorisé par un tel arrêté ;
• les mentions du panneau d’affichage d’un permis de construire obtenu sur la base de l’article précité sont donc elles-mêmes dissociables ;
• et par voie de conséquence, que les erreurs ou omissions affectant le panneau d’affichage apposé sur le terrain pour ce qui concerne le « volet démolition » du projet ne s’opposent pas au déclenchement des délais de recours pour ce qui concerne l’autorisation de construire elle-même.
Il reste qu’à notre sens, la mise en œuvre de l’article L.451-1 du Code de l’urbanisme emporte une véritable fusion des procédures du permis de démolir et du permis de construire, ce dont il résulte que l’administration instruit et apprécie globalement la demande, le dossier et le projet.
Selon nous, l’arrêté obtenu au titre de l’article précité revêt ainsi une nature distincte d’un permis de construire délivré au vu d’un dossier comportant seulement le justificatif d’une demande de permis de démolir.
Surtout, et de ce fait, cette nature nous parait nettement plus proche pour ne pas dire identique à un permis de construire portant sur un « ERP » qui, au titre de l’article L.425-3 du Code de l’urbanisme, tient alors lieu de l’autorisation de travaux visée par l’article L.111-8 du Code de l’urbanisme dont il est alors indivisible alors même que dans ce cas :
• le pétitionnaire n’a à adjoindre à son dossier le « volet sécurité et accessibilité » prévu par l’article R.431-30 qu’en trois exemplaires ;
• ce volet n’est instruit que par les seules commissions de sécurité et d’accessibilité compétentes ;
• le permis de construire et l’autorisation de travaux prévue par l’article L.111-8 précité procèdent non pas seulement de procédure mais de législations indépendantes.
A notre sens, les deux autorisations portées par l’article L.451-1 du Code de l’urbanisme – qui d’ailleurs précise que « dans ce cas, le permis de construire (…) autorise la démolition » – sont donc indissociables.
Par voie de conséquence, il nous semble que l’absence de mention du « volet démolition » du permis de construire sur le panneau d’affichage s’y rapportant est de nature à s’opposer au déclenchement du délai de recours pour l’ensemble de cette autorisation.
Précisément, c’est cette seconde analyse que devait suivre la Cour administrative d’appel de Nancy en jugeant que :
« Considérant, en l'espèce, qu'il est constant que le panneau d'affichage du permis de construire de la SCI Villa du Sud ne comportait, contrairement aux prescriptions de l'article A. 424-16 du code de l'urbanisme précité, aucune mention des bâtiments à démolir alors que le permis délivré à la SCI Villa du Sud en application de l'article L. 451-1 du code de l'urbanisme, prévoyait la démolition d'une maison individuelle et d'une grange ; que cette omission[ms1] substantielle fait obstacle à ce que l'affichage soit regardé, pour l'application des dispositions de l'article R. 600-2 du même code, comme suffisant pour le déclenchement du délai de recours à l'égard des tiers ; que la circonstance que M. et Mme A n'aient aux termes de leur requête soulevé à l'encontre du permis en litige que des moyens relatifs à la légalité de la construction autorisée et n'aient pas contesté la démolition autorisée par ce même permis, est sans influence sur l'appréciation de régularité de l'affichage dès lors que les prescriptions de l'article A. 424-16 du code de l'urbanisme précité s'appliquent dans leur intégralité tant aux permis de construire qu'aux permis de démolir ; qu'enfin, la circonstance que les requérants aient pu avoir accès au dossier de permis de construire qu'ils ont produit lors de leur première demande d'annulation dudit permis de construire le 27 mai 2010 devant le Tribunal, ne peut avoir pour effet de regarder les informations mentionnées sur le panneau comme étant suffisantes pour faire courir le délai de recours contentieux ; que par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de régularité de l'ordonnance, M. et Mme A sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance contestée, le vice-président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté pour tardiveté leur demande ; que l'ordonnance contestée doit pour ce motif être annulée ; qu'il y a lieu de renvoyer M. et Mme A devant le Tribunal administratif de Strasbourg pour qu'il soit statué sur leur demande ».
Néanmoins, cet arrêt appelle à notre sens une légère réserve en ce qu’il s’est borné à juger que « la circonstance que les requérants aient pu avoir accès au dossier de permis de construire qu'ils ont produit lors de leur première demande d'annulation dudit permis de construire le 27 mai 2010 devant le Tribunal, ne peut avoir pour effet de regarder les informations mentionnées sur le panneau comme étant suffisantes pour faire courir le délai de recours contentieux ».
Il faut en effet rappeler que la « philosophie » des dispositions aujourd’hui codifiées aux articles R.424-15 et A.424-16 du Code de l’urbanisme est de permettre aux tiers « d’aller à la mairie pour prendre toute la mesure du projet », ce qui implique que le panneau apposé à ce titre sur le terrain des opérations soit renseigné de façon suffisante « afin d’éviter [que les tiers] soient dissuadés d’agir par une information ambiguë ou incomplète » (Conclusions ARRIGHI de CASANOVA sur CE. 16 février 1994, Sté Northerntélécom immobilier, BJDU, 1994, n°4, p.92) ; ce dont il résulte qu’un panneau d’affichage même renseigné de façon imprécise ou erronée satisfait ainsi aux dispositions précitées dès lors qu’il permet néanmoins aux tiers de saisir l’économie générale du projet et de comprendre qu’il leur est loisible de consulter le dossier produit par le pétitionnaire (CE. 14 novembre 2003, Ville de Nice, req. n°254.003).
Or, de ce fait, il pourrait être considéré que l’absence de mention du « volet démolition » d’un projet déclenche néanmoins le délai de recours des tiers et ce, pour l’ensemble de l’autorisation, si :
• compte tenu de la configuration des lieux, c’est-à-dire du terrain et des bâtiments existants ;
• au regard des mentions du panneau se rapportant au projet de construction ;
les tiers ne peuvent que comprendre que la mise en œuvre du projet de construction renseignée sur ce panneau implique nécessairement la démolition des bâtiments présents sur le terrain sur lequel ce panneau a été apposé ; leur offrant ainsi la possibilité d’aller en mairie prendre connaissance du dossier pour vérifier l’existence d’une demande d’autorisation de démolir et prendre connaissance du « volet démolition » du projet.
Mais il est vrai que cette démarche dans laquelle la Cour ne s’est pas engagée appellerait une appréciation nécessairement subjective du projet et de la compression que le tiers peuvent en avoir à la vue du panneau d’affichage et du terrain sur lequel il est apposé.
Reste maintenant à attendre la réponse sur la principale question posée par l’article L.451-1 du Code de l’urbanisme : quels sont les liens qui unissent au fond le permis de construire et l’autorisation de démolition qu’il intègre et, concrètement, l’illégalité du seul « volet démolition » du projet est-elle de nature à emporter l’annulation de l’ensemble du permis de construire…
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés
Commentaires
divisibilité des règlements d'urbanisme, divisibilité des projets -avec ses effets en matière d'annulation en tant que-, divisibilité des autorisations -avec son effet PCVD-, divisibilité de l'urgence -et son effet en matière de référé-, divisibilité conditionnelle des demandes pour un projet non divisible -GRenoble-... mais pas de divisibilité de l'affichage !
Mais la question de l'affichage n'est qu'une des composantes de la question fondamentale se rapportant à l'opportunité de recourir à la factulté de l'article L.451-1 : le permis de construire et l'autorisation de démolition sont-ils divisibles ?
voir aussi CE 339988 avec une autorisation implicite du CM accordée au maire pour déposer un PD puisque PC autorisé...
Oui, il est "formidable". Celà étant il va également dans le sens d'un contrôle de la validité du titre, certes nettement moins poussé que celui de la CAA objet de la note de la semaine dernière, mais néanmoins.
moins poussé... même pas sûr quand on sait qu'il s'agit d"une ordonnance en référé, je trouve que le juge de cassation a exercé un contrôle pour le moins très approfondi de la légalité de l'acte.
je n'ose imaginer à quel point il aurait "poussé" pour un jugement au fond !
Bonjour,
Si je partage votre avis sur l'indivisibilité des volets construction et démolition dans une même autorisation, notamment par la comparaison en matière d'ERP, je me demande si cette lecture ne risque pas de restreindre le recours à l'article L 451-1, du moins pour les promoteurs qui préféreront du coup déposer deux dossiers distincts pour limiter les risques d'annulation.
Je me permet aussi de relever une coquille à l'avant dernier paragraphe : "une appréciation nécessairement subjective du projet et de la compréHENssion". Ou alors seulement à Cannes.
Cordialement,
bonsoir,
Cette décision doit être rapprochée de celle de la CAA NANTES qui avait jugé que les dispositions concernant les mentions de l'affichage du permis " imposent de faire état....de la démolition de bâtiments".
En effet, c'est au regard de l'opération globale de construction (démolition - construction) qu'un requérant arrête son choix de contester ou non un permis de construire.
Néanmoins, le degré de précision des ouvrages démolis n'implique pas d'indiquer sur le panneau la " démolition de conduits de cheminée et d'une toiture terrasse", dès lors que 'les indications portées sur ce panneau permettaient d'apprécier la nature et les caractéristiques du projet' (N° 10NT00137 ).
en l'espèce, dans l'arret de la CAA de NANCY que j'approuve totalement, c'est bien parce que la démolition totale du batiment constituait un élément substantiel dans la nature et caracteristiques du projet, que les juges ont estime l'affichage du PC irrégulier.