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Sur le champ d’application dans le temps de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme

Le délai de trois mois prescrit par l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme est opposable à toutes les décisions de retrait d’un permis de construire, y compris dont lorsqu’elles concernent des permis de construire délivrés avant le 1er octobre 2007

CAA. Lyon, 8 novembre 2011, Cne de Limonest, req. n°10LY01135


Bien qu’il concerne une situation appelée à se raréfier, voici un arrêt qui conserve son intérêt en cette période de modification future des règles d’urbanisme.

Dans cette affaire le pétitionnaire avait déposé le 14 novembre 2006 une demande de permis de construire pour l'édification d'une résidence étudiante de 84 logements, laquelle devait donné lieu à la formation d’un permis tacite, né le 25 mars 2007. Toutefois :

- le 11 juin 2007 la demande devait faire l’objet d’un refus exprès s’analysant selon une jurisprudence constante en un retrait du permis tacite précédemment acquis ;
- le 24 aout 2007, le maire devait retiré cette décision du 11 juin 2007 avant d’y « substituer » le 15 octobre 2007 une nouvelle décision de refus de permis de construire valant comme la précédente retrait du permis tacite acquis le 25 mars 2007.

C’est cette décision du 15 octobre 2007 que le pétitionnaire devait attaquer et dont il devait obtenir l’annulation au motif de la tardiveté de ce retrait au regard de l’article L.424-5 (al.2) du Code de l’urbanisme entré en vigueur le 1er octobre 2007 et dont on rappellera qu’il dispose que « le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».

La commune devait toutefois interjeter appel du jugement de premier instance en reprenant notamment à son compte la position de l’administration centrale au sujet du champ d’application de l’article L.424-5 précité et de sa prétendue inopposabilité aux décisions de retrait intervenant sur des permis intervenus avant le 1er octobre 2007.

Toutefois, à l’instar du Tribunal administratif de Lyon en première, la Cour administrative d’appel lyonnaise devait rejeter cet argument pour conséquemment annuler la décision de retrait du 15 octobre 2007 au regard de sa tardiveté :

« Considérant qu'aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 : Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ;
Considérant qu'aux termes de l'article 26 du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 : Les demandes de permis de construire et d'autorisations prévues par le code de l'urbanisme déposées avant le 1er octobre 2007 demeurent soumises aux règles de compétence, de forme et de procédure en vigueur à la date de leur dépôt ;
Considérant que la commune soutient que le retrait du permis tacite du 25 mars 2007 était soumis aux dispositions du 3°) de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 susvisée aux termes duquel : Une décision implicite d'acceptation peut être retirée, pour illégalité, par l'autorité administrative : 1° Pendant le délai de recours contentieux, lorsque des mesures d'information des tiers ont été mises en oeuvre ; 2° Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsqu'aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre ; 3° Pendant la durée de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé ; qu'elle fait en conséquence valoir que le retrait intervenu était possible à la date du 15 octobre 2007, dès lors qu'un recours contentieux avait été formé à son encontre le 27 juillet 2007 par l'Association syndicale libre du hameau de Mathias ;
Considérant que les règles de procédure visées par le décret du 5 janvier 2007 précité ne visent que l'instruction des demandes de permis de construire jusqu'à l'intervention d'une décision sur celles-ci ; qu'en revanche, elles ne sauraient régir une décision de retrait intervenue postérieurement au 1er octobre 2007 qui est soumise aux dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme précité ; qu'en l'espèce, la décision du 15 octobre 2007 valant retrait du permis de construire tacite dont la SCI Résidence du Mathias était titulaire depuis le 25 mars 2007 est intervenue tardivement, dès lors qu'il a été effectué le 15 octobre 2007 au-delà du délai de trois mois prévu par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme applicable en l'espèce et alors que l'autorité administrative ne disposait plus du pouvoir pour ce faire ; qu'ainsi la COMMUNE DE LIMONEST n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a accueilli le moyen présenté par la SCI Résidence du Mathias tiré de la tardiveté de l'arrêté du 15 octobre 2007
».


Une telle analyse est difficilement contestable. Il est vrai, en effet, que l’article 26 du décret du 5 janvier 2007 et l’article 4 du décret n°2007-817 du 11 mai 2007 disposent que « les demandes de permis de construire et d'autorisations prévues par le code de l'urbanisme déposées avant le 1er octobre 2007 demeurent soumises aux règles de compétence, de forme et de procédure en vigueur à la date de leur dépôt ».

Il reste que ces dispositions ne régissent que ne régit que le « traitement » des demandes et n’a donc pas vocation à organiser le sort des décisions subséquentes et, notamment, leur retrait ; alors que pour l’application de l’ancien article L.421-2-8 du Code de l’urbanisme qui précisait que « les demandes de permis de construire sur lesquelles il n'a pas été statué à la date du transfert de compétences continuent d'être instruites et font l'objet de décisions dans les conditions prévues par les dispositions en vigueur au moment de leur dépôt », il avait néanmoins été jugé qu’en conséquence de l’intervention d’un transfert de compétences pour la délivrance des autorisations d’urbanisme intervenu entre ces deux décisions, un maire était compétent pour retirer au nom de la commune un permis de construire précédemment délivré par le préfet au nom de l’Etat (CE. 7 octobre 1994, Joly, req. n°90344).

Surtout, l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme conditionne non pas la légalité des autorisations d’urbanisme qu’il vise mais régit uniquement la légalité des décisions de retrait de ces dernières. Or, par principe, la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération des normes applicables à sa date d’édiction et il en va évidemment ainsi des décisions prononçant le retrait d’une autorisation d’urbanisme dont, par voie de conséquence, la légalité s’apprécie au regard des règles en vigueur à la date du retrait et non pas au regard de celles applicables à la date de délivrance de l’autorisation retirée. A titre d’exemple, il a ainsi été jugé que :

« Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 23 de la loi susvisée du 12 avril 2000 : Une décision implicite d'acceptation peut être retirée pour illégalité par l'autorité administrative : A. Pendant le délai du recours contentieux, lorsque des mesures d'information des tiers ont été mises en oeuvre ; 2. - Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision lorsque aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre ; 3. - Pendant la durée de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé ;
Considérant qu'à la date à laquelle est intervenue la décision de retrait attaquée, la décision implicite d'acceptation du 30 avril 2002 faisait l'objet d'un recours pendant devant le Tribunal administratif de Melun introduit par l'association seine-et-marnaise de sauvegarde de la nature (A.S.M.S.N.) ; que, contrairement aux allégations de la SOCIETE LES REMBLAIS PAYSAGERS, ce recours n'était pas tardif dès lors que la requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe que les formalités d'affichage de la décision susmentionnée auraient été effectuées ; que, par suite, le maire de Carnetin pouvait, conformément aux dispositions précitées de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000, procéder au retrait de l'acte attaqué
» (CAA. Paris, 2 octobre 2006, Sté Les Remblayes Paysagers, req. n°05PA03683).


Ce principe est constant puisque, dans le même sens, il a pu être jugé que la procédure administrative contradictoire instituée par l’article 24 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 s’appliquait à toute décision défavorable prise à compter de son entrée en vigueur, y compris à celle retirant une décision créatrice de droit formée avant cette échéance (pour exemple : CE. 3 décembre 2001, Mme Errify, req. n°230.847) ou, bien plus, qu’en conséquence de l’intervention d’un transfert de compétences pour la délivrance des autorisations d’urbanisme intervenu entre ces deux décisions, un maire était compétent pour retirer au nom de la commune un permis de construire précédemment délivré par le préfet au nom de l’Etat (CE. 7 octobre 1994, Joly, req. n°90344).

Il faut d’ailleurs rappeler que les délais de retrait des décisions implicites d’acceptation antérieurement issues de la jurisprudence dite « Dame Cachet » (CE. 3 novembre 1922, Dme Cachet, req. n°74010) ont été substantiellement modifiées par l’article 23 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 dont on précisera qu’elle est entrée en vigueur le 1er novembre de la même année. Or, pour application de ce nouveau dispositif, il a pu être jugé :

« Considérant que, pour annuler la décision en litige, les premiers juges se sont fondés sur le caractère tardif du retrait ainsi opéré en estimant que le maire n'avait pu légalement y procéder, de sa propre initiative, après l'expiration d'un délai de deux mois suivant la naissance de la décision tacite de non opposition ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision de retrait, intervenue avant l'entrée en vigueur de l'article 23 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 susvisée, et alors même qu'elle a été prise de la propre initiative de l'autorité administrative, pouvait légalement intervenir dans le délai de recours contentieux ouvert à l'encontre de la décision tacite ; (CAA. Marseille, 16 mars 2006, Ministre de l’équipement, req. n°03MA00934) ;

et :

« Considérant qu'il est constant que la lettre de notification du délai d'instruction en date du 27 mars 2000 n'avait fait l'objet d'aucun affichage ; qu'à la date de la décision de retrait du permis tacite, les dispositions de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 n'étaient pas, en tout état de cause, entrées en vigueur ; que, dans ces conditions, le maire de la COMMUNE DE SAINT-ANDRE-LEZ-LILLE n'a pas porté atteinte à des droits définitivement acquis au bénéfice de la SA X Matériaux en prononçant, le 28 septembre 2000, le retrait du permis de construire délivré implicitement le 17 juin 2000 » (CAA. Douai, 28 avril 2005, Cne de Saint-Andre-les-Lille, req. n°03DA01136).

Dans ces deux affaires, le juge administratif a donc apprécié la légalité de la décision de retrait en recherchant les règles applicables à leur date d’édiction et ce, indépendamment de toute considération liée à la date de délivrance de l’autorisation retirée.

Suivant ce principe, il nous semble donc clair que le dispositif issu de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme a vocation à conditionner la légalité des décisions de retrait prononcée à compter du 1er octobre 2007, y compris donc pour ce qui concerne celles portant sur des autorisations délivrées avant cette date ; étant précisé qu’une telle interprétation n’a nullement vocation à conférer à ce dispositif une portée rétroactive puisque ce dernier régit la légalité des seules décisions de retrait et qu’elle n’aboutit pas à l’appliquer aux décisions de retrait prononcées avant le 1er octobre 2007.

Au surplus, la seule réserve à cette conclusion tenait à ce que l’article précité vise des autorisations, tel le permis d’aménager, n’ayant vocation à intégrer l’ordonnancement juridique qu’en conséquence de demandes présentées à compter du 1er octobre 2007. Il reste que si c’est cette considération qui devait conduire l’application dans le temps de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme, force serait alors d’admettre que son dispositif aurait vocation à s’appliquer non pas seulement aux autorisations d’urbanisme délivrées après le 1er octobre 2007 mais, plus généralement, aux seules autorisations délivrées en conséquence d’une demande présentée après cette échéance.

En résumé, dès lors que le nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme a exclusivement trait à la légalité des décisions de retrait, il n’y a pas lieu de s’attacher à la question de savoir si l’autorisation d’urbanisme en cause a été délivrée avant ou après l’entrée en vigueur de ce dispositif mais uniquement de considérer la date d’édiction de la décision de retrait. Et ce, de la même façon que pour l’application du décret du 31 juillet 2006 ayant modifié l’ancien article R.421-32 du Code de l’urbanisme, lequel concerne uniquement le délai de validité du permis de construire mais n’a pas vocation à avoir une quelconque incidence sur les recours en annulation, il n’y a pas lieu de rechercher si le permis de construire considéré a été frappé de recours avant ou après la date d’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif mais seulement d’établir si le permis de construire en cause était encore valide à cette date (CAA. Bordeaux, 5 juillet 2007, Mme Sophie X., req. n°05BX00191).

 

Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés


Commentaires

  • Chers juristes, Cher Patrick,

    L'article L.424-5 nous rappelle que : "La décision de non-opposition à la déclaration préalable ne peut faire l'objet d'aucun retrait.

    Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire."

    Une lecteure attentive de ces dispositions devrait nous amener à en déduire que la délivrance d'une DP tacite ou explicite ne peut plus être retirée par l'autorité compétente (dont acte) mais également par le demandeur. Et ce dernier point est quelque peu passé inaperçu pour une grande majorité des collectivités qui effectue des retrait de DP à la demande des pétitionnaires.

    Le texte ne prévoyant le retrait que pour les permis....

    Quid alors de celle ou celui qui a obtenu une DP et qui ne souhaite plus la mettre en oeuvre pour des raisons multiples et sollicte d'être dégrévé des éventuelles taxes d'urbanisme liées à la délivrance de cette DP ?

    A mon sens, la personne dera patienter 2 ans (délai de validité) et solliciter une attestation de caducité de l'autorité compétence qui après contrôle de la non réalisation des travaux établira l'attestation qui permettra enfin un dégrèvement des taxes payées.

    Je m'interroge de savoir si cette particularité a été voulue ou est-ce simplement un oubli qui pourrait par ailleurs être rectifié dans la nouvelle mouture à venir.

    Chaque nouvelle année apporte son lot d'espérance......

    Bonne année à tous,
    et bonne rentrée.

    KADA-YAHYA Mansour

  • bonjour à tous et bonne année également.

    Mansour, cette "anomalie" avait déjà été relevée par le CGEDD dans son rapport-bilan de la réforme de 2007 (cf page 40 de http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/007015-01_rapport_cle2e9419.pdf) et sa correction était l'une de leur proposition principale (la 16).

    le fait d'attendre la caducité n'est pas souhaitable, pour d'évidentes raison fiscales : le pétitionnaire doit à mon sens pouvoir refuser tout appel de fonds en arguant qu'il ne met pas en oeuvre le projet déclaré.

    un peu de bon sens, parfois... d'autant qu'on voit mal qui aurait intérêt à engager un recours à l'encontre d'un retrait de DP à la demande du pétitionnaire !

  • Cher Emmanuel,

    De mémoire, il me semblait bien que la rectif qui est proposée ne porte que sur le retrait en cas d'illégalité de la DP sans proposer un retrait à l'initiative du bénéficiaire comme cela existe pour les permis !

    Proprosition n°16 ci-reproduite :
    16- Pour les déclarations préalables : étudier une faculté, même limitée, de retrait en cas d'illégalité manifeste, et la possibilité d'étendre le champ de la déclaration préalable pour les travaux sur construction existante.

    Par ailleurs dans les bouches-du-rhône (DDTM fiscalité) aucun dégrèvement n'est autorisé sans arrêté de retrait spécifique ou une attestation de caducité mentionnant la visite des agents assermentés. Un combat difficile pour les pétitionnaires crois-moi !

    En ce qui concerne le bon sens, l'expérience montre de l'être humain est quelquefois surpenant au point de vous faire mentir même quant il n'y a aucun enjeu particulier...c'est l'histoire du scorpion (la nature humaine).

    Cordialement,
    KADA-YAHYA Mansour

  • tu as -évidemment!- raison sur la proposition 16, et celle ci intervient après la remarque suivante : "Ces critiques sont avivées par le fait qu'il est impossible de retirer une décision de non opposition à une déclaration préalable, même quand elle est illégale, et même si ce retrait est demandé par le pétitionnaire."... en page 40 donc.

    Amicalement

  • Dans une certaine mesure, l'arrêt CE. 6 mai 2011, Ministre de l’écologie, req. n°336.919 va d'ailleurs dans ce sens puisqu'il ne semble autoriser les décisions de non-opposition modificatives que pour la régularisation des vices d'illégalité externe et non pas donc pour les vices de fond relatifs au projet lui-même alors qu'on sait qu'un modificatif impactant le projet constitue une forme de retrait de l'autorisation initiale pour ce qui concerne les aspects modifiés du projet primitif.

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