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Contentieux - Page 17

  • Sur l’appréciation de l’impact d’un « modificatif » au regard de l’objet du permis de construire

    Un « modificatif » ayant pour objet d’augmenter le nombre d’aires de stationnement projetées peut être requalifié en nouveau permis de construire alors même qu’il ne porte pas sur le bâtiment objet du « primitif »

    CAA. Bordeaux, 30 juillet 2009, Association de défense du site de Bilaa, req. n°08BX00323 (135e note)


    Dans cette affaire, une commune s’était « auto-délivrée » un permis de construire ayant pour objet de rénover un château sis dans un site boisé et, prévoyant, notamment la création de 57 places de stationnement, lequel devait être attaqué par une association de défense de l’environnement ainsi que le « modificatif » ultérieurement obtenu par la commune aux fins de supprimer ces 57 places pour en créer 207 ailleurs.

    Mais en première instance, le recours en annulation à l’encontre du « modificatif » devait être rejeté comme irrecevable au motif tiré de l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme – ce que l’association requérante ne contesta pas en appel … Quant au recours contre le « primitif », celui-ci devait lui-même être rejeté après que le juge administratif eu statué sur les conclusions de l’association requérante, laquelle interjeta appel de ce jugement ; requête que la Cour administrative d’appel devait donc rejeter au motif suivant :

    « Considérant que le projet autorisé par le permis de construire délivré le 19 décembre 2006 portait sur la rénovation et la réhabilitation du château du Bilaa, situé dans un site boisé, en vue d'y créer une salle convivialité ; que ce projet incluait la réalisation sur le site de 57 places de stationnement ; que le permis de construire délivré le 28 mai 2007 supprime les divers sites de stationnement initialement prévus et prévoit, sur d'autres emplacements, la création de 207 places de stationnement, ce qui entraîne l'abattage de nombreux arbres ; que, compte tenu de l'ampleur des modifications ainsi apportées au projet initial, et même si ces modifications n'affectent pas le projet architectural relatif au château, ce permis doit être regardé non pas comme un simple modificatif au permis initialement délivré, mais comme un nouveau permis ; que ce nouveau permis a implicitement mais nécessairement retiré le permis délivré le 19 décembre 2006 ; que ce retrait, définitif faute d'avoir été contesté, a privé d'objet les conclusions de l'association dirigées contre le permis de construire du 19 décembre 2006 ; que, par suite, le tribunal administratif aurait dû, par son jugement du 4 décembre 2007, prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de ce permis ; que ce jugement doit, dans cette mesure, être annulé ; qu'il convient, après évocation, de décider qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions ».

    A titre liminaire, on soulignera que le « modificatif » en cause – requalifié en nouveau permis de construire et considéré comme ayant emporté le retrait implicite mais nécessaire du précédent – avait été édicté le 28 mai 2007.

    La légalité de cet arrêté ayant vocation à être appréciée en considération des circonstances de droit et de fait présentes à sa date d’édiction, tant en ce qu’il valait permis de construire qu’en ce qu’il valait retrait de permis, il n’y avait donc pas lieu d’appliquer l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme, lequel en ce qu’il dispose que « le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire » est certes issu de l’article 6 de la loi dite « ENL » du 13 juillet 2006 mais n’est entré en vigueur que le 1er octobre 2007.

    Le 28 mai 2007, la légalité et l’effet du « modificatif » en cause en ce qu’il valait retrait du permis précédent avaient donc vocation à être appréciés en considération de la règle dégagée par la jurisprudence « Vicqueneau ».

    parking.jpgMais sur le fond, force est surtout de souligner que la Cour bordelaise a donc requalifié le « modificatif » attaqué en nouveau permis de construire au regard de l’importance des modifications en cause, lesquelles n’intéressaient que l’aménagement des abords de la construction  mais en aucune mesure cette dernière.

    Or, aucun de ces aménagements - aires de stationnement  et abattage d'arbres - pris isolément, ne relevait du champ d’application du permis de construire.

    Il reste qu'aux termes de l'article L. 421-6 du Code de l'urbanisme, lequel reprend l’économie générale de l’ancien article L.421-3 alors applicable, « le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique ». Et à ce titre, l'Administration a l'obligation de prendre parti sur l'ensemble des composantes du projet (CE, 7 nov. 1973, n° 85237, Giudicelli. Sur l'aménagement intérieur des « ERP » : CAA Marseille, 22 déc. 2003, n° 99MA00462, SCI Magniola ) ; ce qui implique qu'elle en ait une parfaite et complète connaissance.

    Telle est, notamment, la raison pour laquelle les documents que le pétitionnaire doit produire à l'appui de sa demande doivent figurer non seulement les constructions projetées mais également, notamment, la plupart des aménagements extérieurs prévus. Et bien entendu, toute insuffisance du dossier de demande sur l'un de ces aspects du projet peut suffire à emporter l'annulation du permis de construire obtenu (pour l'exemple récent de l'absence de figuration du traitement des espaces extérieurs du terrain d'assiette du projet après abattage des arbres s'y trouvant : CAA Bordeaux, 17 avr. 2008, n° 06BX00558, Cne Biganos. Voir également : CAA. Paris, 3 juillet 2009, Guy X., req. N°07PA00677).

    Or, l'Administration est réputée statuer au vu du dossier produit par le pétitionnaire (CE, 18 mars 1970, Rodde : Rec. CE 1970, p. 208) et, par voie de conséquence, autoriser l'ensemble des composantes du projet figuré par celui-ci. C'est ainsi que, par principe, ces travaux et ces aménagements extérieurs aux constructions formeront avec celles-ci un tout indivisible au regard du permis de construire les autorisant. A titre d'exemple, la non conformité aux prescriptions d'urbanisme opposables au projet d'une terrasse et d'un muret pourra ainsi justifier l'annulation de l'ensemble du permis de construire autorisant, au principal, le bâtiment au regard duquel ils constituent des travaux extérieurs (CAA Lyon, 19 avr. 1994, n° 93LY01230, Préfet du Dpt de Haute-Corse) ; bien qu'isolément de tels ouvrages ne relèvent pas nécessairement de la procédure de permis de construire.

    À tous les égards, un permis de construire autorise donc l'ensemble du projet figuré par le pétitionnaire dans son dossier de demande et non pas seulement ceux des ouvrages relevant intrinsèquement du champ d'application matériel de cette autorisation. C'est pourquoi, plus spécifiquement, la chambre civile de la Cour de cassation a jugé (Cass. 1re civ., 24 oct. 2006, n° 05-19.708, F-D, SCI Arzac) que l'engagement de n'exercer aucun recours à l'encontre d'un permis de construire valait pour l'ensemble du projet immobilier ainsi autorisé, y compris donc pour ses composantes ne relevant pas isolément du champ d'application de cette autorisation d'urbanisme.

    Bien plus, il a pu être notamment jugé que :

    - d’une part, l'annulation d'un permis de construire interdisait la poursuite de l'ensemble des travaux se rapportant au projet précédemment autorisé, y compris s'il s'agit de simples travaux d'aménagement intérieur (Voir notre note : « Sur l'objet du permis de construire et les conséquences de son annulation sur la poursuite des travaux », CA Bordeaux, 21 févr. 2008, n° 07/004980, Sté Hatexim, Construction & Urbanisme n° 6/2008) puisque même si par principe le permis de construire ne sanctionne pas en tant que tel l'aménagement intérieur d'une construction – hors du cas des « ERP » pour ce qui concerne les règles de sécurité et d’accessibilité » – il n'est pas non plus totalement étranger à cette question dès lors qu'il la saisit indirectement à travers la destination de l'ouvrage, dont il s'ensuit, d'ailleurs, que si de simples différences entre l'aménagement intérieur autorisé et celui réalisé ne sauraient permettre à l'Administration de contester la conformité des travaux, il en va différemment lorsque les aménagements effectivement exécutés traduisent un changement de destination de l'ouvrage au regard de celle autorisée (CAA Bordeaux, 30 mars 2000, n° 97BX00229, Rassinoux ) ;

    - d’autre part, lorsque le projet n'est pas conforme aux prescriptions d'urbanisme lui étant opposables, l'Administration est tenue d'opposer un refus de permis de construire pour l'ensemble du projet, y compris pour ses composantes impliquant des travaux qui, pris isolément, ne relèvent pas du champ d'application du permis de construire ; étant relevé que dans cette affaire, il s'agissait précisément de travaux d'aménagement intérieur destinés pour la plupart à modifier la destination d'une construction existante que, par voie de conséquence, la cour jugea ainsi indivisibles du projet soumis à autorisation (CAA Bordeaux, 30 juill. 2001, n° 98BX01492, Cne Saint-Philippe).

    Mais en l’espèce, on pouvait s’interroger sur la nécessité même d’obtenir à tout le moins un « modificatif » puisqu’il s’agissait de créer 207 aires de stationnement en un autre endroit que celles initialement prévues cependant que la Cour administrative d’appel de Bordeaux puis le Conseil d’Etat avaient précédemment jugé que si par principe toute modification d’un projet soumis à permis de construire implique l’obtention d’un modificatif, il en va différemment lorsque les constructions, aménagements et où installations en cause ne sont ni attenants, ni structurellement liés à la construction objet du permis de construire en cours d’exécution (voir nos notes : « La réalisation d’une piscine découverte isolée et dissociable d’une construction objet d’un permis de construire relève de la déclaration préalable et n’impose donc pas l’obtention d’un « modificatif », CAA. Bordeaux, 27 juin 2007, Ville de Toulouse, Construction & Urbanisme, n°9/2007 & « Aménagement accesoire d'une construction illégale: permis de construire, modificatif ou déclaration préalable ? », CE, 9 janvier 2009, Ville de Toulouse, AJDA, n°11/ 2009).

    Il reste, et c’est selon le nous le critère déterminant sur ce point, qu’il ne s’agissait pas seulement de créer ces aires mais également de supprimer celles initialement prévues pour satisfaire a priori aux prescriptions applicables en la matière.

    Or, quand bien même la création de ces places aurait-elle été, prise isolément, dispensée de toute formalité, ou assujettie alors à autorisation « ITD », puis effectivement réalisées, il n’en aurait pas mois demeuré que la non réalisation des 57 places initialement prévues aurait justifié que l’administration conteste la conformité des travaux réalisés au titre du permis de construire obtenu dès lors que cette conformité doit être exclusivement appréciée au regard des travaux prévus par l’autorisation dont l’exécution et l’achèvement ont déclenché les opérations de récolement.

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Qu’est-ce que le terrain au sens des articles R.424-15 et R.600-2 du Code de l’urbanisme ?

    L’affichage sur une parcelle de l’unité foncière satisfait aux prescriptions de l’article R.424-15 du Code de l’urbanisme, y compris si cette parcelle ne compte pas parmi celles sur lesquelles portent le permis de construire et constituant l’assiette du projet autorisé.

    TA. Cergy-Pontoise, 20 mars 2009, SARL AMINECOV, req. n°08-10295

    Bien qu’il appelle peu de commentaires, voici un jugement intéressant compte tenu de son intérêt pratique évident.

    P6CAU1DLRBCAEKRW54CAMZ66FVCAXCAOUACAJPDWCBCA13FR1GCAX0AO92CAD4FL3MCA6RZ559CA31M8TJCATL3JOCCA2F1JH1CA1G7PE9CAC0O2E9CAINGMRBCAQNHGPUCA7HBJE5CA53MG4ZCAHO81VF.jpgDans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire un ensemble immobilier à destination d’habitation sur un terrain bordé par trois voies. Et pour application de l’article R.424-15 du Code de l’urbanisme, celui-ci avait fait procéder à l’affichage de son autorisation sur deux de celles-ci et, immédiatement, l’avait fait constater par plusieurs constats d’huissier. Toutefois, un voisin devait exercer un recours gracieux puis un recours en annulation à l’encontre de ce permis de construire mais ce, après le délai de deux mois prévus par l’article R.600-2 du Code de l’urbanisme, tel qu’il résultait du premier des constats d’huissier qu’avait fait réalisé le pétitionnaire ; ce qu’en défense, ce dernier ne manqua évidemment pas d’opposer au requérant pour conclure à l’irrecevabilité de sa demande.

    Mais le requérant devait faire valoir que l’un des trois panneaux d’affichage apposés par le pétitionnaire l’avait été sur une parcelle ne comptant pas parmi celles sur laquelle portait le permis de construire contester pour ainsi soutenir que cet affichage n’avait pu déclencher le délai de recours fixé par l’article R.600-2, même si ces parcelles étaient contiguës et appartenaient toutes à un même propriétaire et, en d’autres termes, constituaient donc une seule et même unité foncière ; le requérant soutenant ailleurs que l’affichage sur la deuxième voie était également inopérant puisque c’était volontairement que le permis de construire n’avait pas été affiché sur la troisième donnant accès à son domicile. Néanmoins, cet argument devait être rejeté par le Tribunal administratif aux motifs suivants :

    « Considérant que, par arrêté du 20 novembre 2007, le maire d’Ezanville a délivré un permis de construire à la SNC Ezanville-les-Ouches en vue de la construction de 113 logements collectifs et individuels sur un terrain situé rue de la Fraternité-rue Colbert ; que par un recours gracieux du 11 juillet 2008 et une requête enregistrée le 24 septembre 2008, la SARL AMINECOV a demandé l’annulation de cet arrêté ; qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment des constats d’huissier en date du 13 décembre 2007, 23 janvier 2008 et 12 février 2008, que le permis de construire attaqué a été affiché sur le terrain, sur la clôture du chantier rue Simone de Beauvoir et sur le mur de clôture du terrain rue de la Fraternité, au plus tard le 13 décembre 2007, date du premier constat d’huissier susmentionné ; que la circonstance que le permis litigieux n’ait pas été affiché sur une partie de son terrain d’assiette desservie par une troisième voie est sans incidence sur la régularité de cet affichage ; qu’ainsi, le recours gracieux exercé le 11 juillet 2008 était tardif et n’a pu par conséquent proroger le délai de recours contentieux qui était expiré le 24 septembre 2008, date d’enregistrement de la requête ; que, dès lors, la requête est entachée d’une irrecevabilité manifeste non susceptible d’être couverte en cours d’instance et doit être rejetée selon la procédure fixée par les dispositions précitées de l’article R.222-1 du code de justice administrative » ;

    ce qui apparut , d’ailleurs, si évident pour le Tribunal que la requête fut rejetée pour irrecevabilité manifeste sur le fondement de l’article R.222-1 du Code de justice administrative.

    Il est vrai, en effet, que les articles R.600-2 et R.424-15 du Code de l’urbanisme se bornent à disposer respectivement que :

    « le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 » ;

    et :

    « mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. Cet affichage n'est pas obligatoire pour les déclarations préalables portant sur une coupe ou un abattage d'arbres situés en dehors des secteurs urbanisés » ;

    mais ce, de la même façon qu’à titre d’exemple, l’article R.423-1 (a) du Code de l’urbanisme précise que :

    « les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés (…) par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ».

    Or, comme on le sait, à ce titre notamment, la notion de terrain doit par principe s’entendre de l’unité foncière, c’est-à-dire d’un ilot de propriété d’un seul tenant composé, le cas échéant, de plusieurs parcelles dès lors que celles-ci, donc, sont contiguës et appartiennent à un même propriétaire ; telle étant la raison pour laquelle à titre d’exemple s’agissant de l’application des prescriptions de fond :

    • d’une part, la limite commune des assiettes respectives de deux permis de construire ne constitue pas une limite séparative au sens de l’article 7 d’un règlement d’urbanisme local dès lors que ces deux autorisations portent sur une même unité foncière (CAA. Paris, 29 avril 2004, OPAC de Paris, req. n°00PA03311) ;

    • d’autre part, un accès à aménager sur une parcelle permet de satisfaire à l’article R.111-5 du Code de l’urbanisme même si cette parcelle ne compte pas parmi celles constituant l’assiette foncière du projet dès lors qu’elles relèvent toutes d’une même unité foncière (CE. 8 octobre 2008, M. Jean-Pierre B., req. n°292.799).

    Il n’en va donc pas différemment pour les articles R.424-15 et R.600-2 du Code de l’urbanisme : pour apprécier la régularité de l'affichage sur le terrain, il faut donc se référer, au premier chef, à la notion d’unité foncière; étant toutefois rappelé que dans certains cas particuliers cet affichage peut être régulièrement opéré sur un terrain voisin (pour exemple, CE. 23 otcobre 1991, Cne de Rueil-Malmaison, req. n°119.065). 


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur l’intérêt à agir d’une association de défense de l’environnement à l’encontre du permis de construire une installation classée

    Dès lors qu’au regard de sa mission statutaire, les intérêts défendus par l’association requérante sont susceptibles d’être lésés par l’autorisation d’exploiter délivrée au titre de la législation classée pour la protection de l’environnement, cette association est dépourvue d’intérêt à agir à l’encontre du permis de construire se rapportant au projet.

    TA. Rennes, 14 mai 2009, Association de défense de la Basse-Vallée de l’Aff, req. n°0901557-1 (ordonnance de référé.pdf).



    Dans cette affaire l’association requérante avait introduit un recours en annulation puis une requête en référé suspension à l’encontre d’un permis de construire des entrepôts liés à une usine de production ; l’ensemble étant soumis à autorisation d’exploiter au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement.

    Mais cette requête devait être rejeté pour défaut d’intérêt à agir, le juge des référés estimant « qu’eu égard à la généralité de son objet statutaire et au ressort géographique dans lequel elle intervient, l’association requérante ne justifie ainsi pas d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de l’arrêté attaqué par lequel le Maire de Cournon a accordé un permis de construire à la société Knauf Ouest, dès lors qu’à la différence de l’autorisation délivrée au titre de la législation sur les installations classées, ledit permis n’est susceptible de porter atteinte aux intérêts principalement environnementaux que l’association s’est statutairement donnée pour mission de défendre ; que par suite les conclusions à fin de suspension dudit arrêté sont irrecevables ».

    En substance, le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes a donc rejeté la requête comme irrecevable pour défaut d’intérêt à agir en considération de la généralité des missions statutaires de l’association requérante, de son ressort géographique d’intervention et, plus spécifiquement, de la spécialité de sa mission.

    Il faut en effet rappeler que l’intérêt à agir d’une association à l’encontre d’une décision administrative est exclusivement apprécié au regard de l’objet social de l’association requérante et non des moyens qu’elle entend développer pour sa réalisation (voir en ce sens : CE. 29 janvier 1988, Association « Segustero », Rec. , p. 947) et qu’à ce titre, il est notamment exigé que l’association ait une mission statutaire suffisamment précise et limitée – tant d’un point de vue matériel que géographique (CE. 26 juillet 1985, URDEN, Rec., p.251) – et que l’intérêt que cette mission révèle soit en rapport direct avec ceux que la décision attaquée est susceptible de léser (CE. 24 novembre 1961, Synd. Commissaire adjoint – Préfecture de police, Rec., p.656 ; CE. 13 mars 1987, Sté Albigeoise de Spectacles, Rec., p.97).

    Or, en l’espèce, non seulement les missions statutaires de l’association requérante étaient pour le moins larges et imprécises mais, en outre, l’intérêt que ses statuts révélaient n’était pas de ceux susceptibles d’être lésés par un permis de construire.

    En effet, si l’association requérante avait notamment pour objet statutaire «d’agir pour la sauvegarde de ses intérêts dans le domaine de l’environnement, de l’aménagement harmonieux et équilibré du territoire et de l’urbanisme ainsi que de défendre en justice ses droits et intérêts », il reste qu’aux termes de l’article 1er de ses statuts, sa mission était la suivante :

    « L’association a pour objet de protéger, de conserver et de restaurer les espaces ressources, milieux et habitats naturels, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres fondamentaux écologiques, les eaux, l’air, les sols, le sous-sol, les sites, les paysages et le cadre de vie, le patrimoine culturel et historique, de lutter contre les risques, pollutions (thermiques, chimiques, magnétiques, etc.) et nuisances (bruit, lumière, vibrations, odeurs, etc.), générées notamment par les installations classées, contre l’aliénation des chemins ruraux et de randonnée, de promouvoir la découverte et l’accès à la nature et, d’une manière générale, d’agir pour la sauvegarde de ses intérêts dans le domaine de l’environnement, de l’aménagement harmonieux et équilibré du territoire et de l’urbanisme ainsi que de défendre en justice ses droits et intérêts, l’association entend également s’intéresser à tout ce qui concerne l’utilisation des ressources naturelles et qui amènerait les citoyens à devenir des « usagers » ou « consommateurs » de l’environnement.
    A ce titre, l’association entend promouvoir le respect des préoccupations environnementales dans, notamment, les contrats administratifs (délégations de service public, marchés publics, etc.), la gestion des propriétés publiques, la commercialisation des ressources naturelles, la politique des transports, celle de l’énergie, l’agriculture, le tourisme, l’alimentation et les médias.
    L’association entend par ailleurs défendre le respect de la condition animale, qu’il s’agisse des animaux domestiques ou sauvages.
    L’association s’intéresse enfin aux questions environnementales lorsqu’elles concernent la santé publique. Cette problématique peut l’amener à se pencher sur des questions principalement liées à la santé publique, notamment sur les moyens de surveillance et prévention des crises sanitaires
    ».


    Or, il est de jurisprudence constante qu’un objet statutaire d’une telle généralité ne saurait conférer intérêt à agir à l’encontre d’un permis de construire puisqu’à l’égard d’associations à l’objet pourtant plus restreints, le Conseil d’Etat a jugé, à titre d’exemple, que :

    « Considérant que l’union régionale pour la défense de l’environnement, de la nature, de la vie et de la qualité de vie en Franche-Comté, pour demander l’annulation de l’arrêté en date du 2 octobre 1978 par lequel le maire de Luxeuil-les-Bains a accordé un permis de construire à la SCI Le Pasteur en vue d’édifier un immeuble à usage d’habitation et de commerce à Luxeuil-les-Bains, se prévaut de ce que sont objet social, tel qu’il figure à l’article 2 de ses statuts, porte notamment « sur tous les problèmes relatifs à l’urbanisme et à l’équipement en Franche-comté » ; que l’intérêt invoqué par l’association requérante n’est pas de nature à lui donner qualité pour demander l’annulation de l’arrêté ci-dessus analysé » (CE. 26 juillet 1985, URDEN, Rec., p.251).

    ou encore que :

    « Considérant, d'autre part, que l'arrêt attaqué relève que, selon ses statuts, l'Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais a pour objet, dans toute la Martinique "... de défendre et de protéger : les droits de l'homme, les espèces animales et végétales, le cadre de vie, le sol, le sous-sol, les forêts, les eaux marines, terrestres et du sous-sol, le domaine public maritime, les étangs, marais et zones humides, les cinquante pas géométriques, les mangroves, les métiers respectant les cycles écologiques et la sécurité des hommes, des femmes et des enfants contre les risques naturels majeurs et technologiques" ; qu'en en déduisant que l'association ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire attaqué, la cour administrative d'appel a fait une exacte application des règles relatives à la recevabilité du recours pour excès de pouvoir » (CE. 9 décembre 1996, ASSUPAMAR, req. n°155.477).

    De ce seul chef, l’association requérante n’apparaissait donc pas avoir intérêt à agir à l’encontre du permis de construire contesté ; étant rappelé qu’il « n'appartient pas au juge administratif pour statuer sur l'intérêt à agir d'une association (…) de distinguer (…) un objet social principal d'un objet social (…) secondaire » (CAA. Paris, 15 juin 2000, GALEC, req. n°97PA02517).

    En outre, il résultait de la seule circonstance que l’objet social de l’association requérante visait des domaines d’actions n’ayant strictement aucun rapport avec l’urbanisme lui déniait tout intérêt à agir à l’encontre du permis de construire en cause puisqu’à titre d’exemple, il a encore été récemment jugé que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'objet social de l'ASSOCIATION, tel qu'il était défini à l'article 2 de ses statuts modifiés le 2 juin 2004 applicables à la date d'introduction de sa demande devant le tribunal administratif le 13 octobre 2002 était : « la défense et la protection de l'urbanisme, de l'environnement (...) de l'écologie, du paysage, de la qualité de la vie » ainsi que « la défense des contribuables et des consommateurs (...) » sur le territoire de cinq communes ; qu'eu égard à la généralité d'un tel objet, qui porte à la fois sur la défense de l'environnement et la protection des intérêts des consommateurs et des contribuables, l'association requérante ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de la délibération litigieuse du conseil municipal de Loriol du 11 juin 2004 ; qu'ainsi sa demande devant le tribunal administratif n'était pas recevable ; qu'elle n'est par suite pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué le tribunal administratif a, au motif de sa tardiveté, rejeté sa demande comme irrecevable ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées dès lors qu'elle est partie perdante » (CAA. Lyon, 7 août 2008, Association urbanisme et environnement de la confluence Drome-Rhone, req. n°06LY01602).

    Mais en outre, l’article 1er des statuts de l’association requérante stipulait que : « L’association exerce son action sur le territoire du département du Morbihan (56) et, prioritairement sur celui de la Basse Vallée de l’Aff. Elle exerce également son action à l’égard de tout fait et notamment de tout dommage, bien que né en dehors de sa compétence géographique, serait de nature à porter atteinte à l’environnement du département précité ».

    Force était donc de considérer que l’association requérante entendait exercer, en tous lieux, l’ensemble des missions visées aux paragraphes précités de l’article 1er de ses statuts (CAA. Paris, 15 juin 2000, GALEC, req. n°97PA02517 ; précité).

    Par voie de conséquence et faute de réelle limitation, le champ d’action géographique de l’association requérante ne pouvait qu’être regardé comme national alors même que son nom vise la Basse-Vallée de l’Aff et qu’elle a son siège à Cournon (CE, 23 février 2004, Communauté des communes du Pays Loudunais, req. n° 250.482 ; CE. 5 novembre 2004, Association Bretagne Littoral, req. n° 264.819 ; CAA. Douai, 17 mars 2005, Assoc. « Vie & Paysage », req. n° 03DA00544).

    Mais dès lors que les bâtiments projetés en l’espèce n’étaient pas de nature à avoir un impact national l’association n’a pas, à cet égard également, intérêt à agir à l’encontre du permis de construire en cause.

    Mais plus spécifiquement, force est d’admettre que les missions statutaires de l’association requérante étaient quasi-exclusivement axées sur des préoccupations d’ordre environnemental. Or, compte tenu de l’indépendance des législations, ces préoccupations étaient sans rapport aucun avec l’objet d’un permis de construire, d’autant moins lorsqu’il porte, comme c’était le cas dans cette affaire, sur une installation classée pour la protection de l’environnement. En effet, même à admettre que l’installation contestée en l’espèce soit sources de nuisances environnementales, celles-ci ne pouvaient résulter que de ses conditions de fonctionnement.

    Il s’ensuit que les missions statutaires de l’association requérante renvoyaient directement à l’objet d’un arrêté d’autorisation d’exploitation délivré au titre de la législation sur les installations classées et non d’un permis de construire dont le seul objet est d’autoriser l’édification d’une construction.

    Or, si l’objet statutaire l’association requérante pouvait éventuellement permettre d’accueillir une requête dirigée à l’encontre de l’autorisation d’exploiter les installations en cause, cette circonstance ne pouvait suffire à établir la recevabilité de son action à l’encontre du permis de construire attaqué. On sait d’ailleurs que le Conseil d’Etat a jugé à l’encontre d’une association déférant au juge administratif un permis de construire que :

    « Si le permis litigieux a pour objet d’autoriser deux sociétés à ouvrir un magasin de vente à grande surface, dont l’exploitation est soumise à autorisation par la loi du 27 décembre 1973, cette circonstance, qui lui donnerait qualité pour déférer au juge de l’excès de pouvoir l’autorisation accordée au titre de cette législation, ne lui donne pas en revanche, qualité pour attaquer le permis de construire » (CE. 22 octobre 1986, Reynaud, Rec. , p.654 et 655).

    C’est donc à juste selon nous qu’en application des principes d’indépendances des législations et de spécialité des personnes morales que le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes a pris en compte le fait « qu’à la différence de l’autorisation délivrée au titre de la législation sur les installations classées, ledit permis n’est susceptible de porter atteinte aux intérêts principalement environnementaux que l’association s’est statutairement donnée pour mission de défendre » ; cette ordonnance étant dans la droit ligne du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nantes avait lui-même estimé que :

    « Considérant que selon l’article 2 des statuts de l’association CRITOM, association régie par la loi du 1er juillet 1901, cette dernière a pour but : 1) d’assurer l’information et la défense de la population contre les nuisances de tout genre, particulièrement contre celles liées au déchets ; 2) de lutter contre tous les projets pouvant amener des nuisances pour l’environnement, 3) de proposer des aménagements visant à l’amélioration du cadre de vie et de l’environnement naturel, 4) de promouvoir l’idée de sauvegarde de l’environnement par le développement d’activités orientées vers la nature, 5) de veiller au respect de la législation sur les questions d’environnement et autres, en estant en justice chaque fois que nécessaire ;
    Considérant qu’un tel objet social ne confère pas à l’association requérante un intérêt lui donnant qualité pour demander la suspension de l’arrêté en date du 4 février 2002 par lequel le préfet de Maine et Loire a délivré (…) un permis de construire un centre d’incinération de déchets ménagers dès lors en effet qu’a la différence d’une autorisation, délivré au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement, d’exploiter un tel centre, le dit permis n’est pas en lui-même susceptible de porter directement atteinte aux intérêts que l’association s’est statutairement donnés pour mission de défendre ; que par suite la requête de l’association CRITOM doit être rejetée
    » (TA Nantes, 17 mai 2002, CRITOM c/ Préfet de Maine et Loire, req. n°02.1035) ;


    cette ordonnance et ce jugement nous semblant en parfaite cohérence avec les récents arrêts par lequel le Conseil d’Etat a jugé que la légalité d’un permis de construire une installation classée pour la protection de l’environnement ainsi que l’urgence à en suspendre l’exécution ne sauraient être établies en considération de préoccupations saisies par l’autorisation d’exploiter (CE. 15 février 2007, Ministre de l’écologie et du développement durable, req. n°294.186 & CE. 15 février 2007, Cne de Fos-sur-Mer, req. n°294.852).

    Pour une critique de cette ordonnance, on attendra les commentaires d’Emmanuel WORMSER, que je salue.

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat à la Cour
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur l’annulation partielle d’un permis de construire en tant qu’il vaut autorisation de division

    La méconnaissance des prescriptions de l’article 5 d’un règlement local d’urbanisme résultant de la surface des terrains issus d’un permis de construire délivré au titre de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme affecte d’illégalité cette autorisation dans son ensemble et ne peut donc emporter son annulation partielle sur le fondement de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme.

    CAA. Bordeaux, 17 mars 2009, Sté Bouygues Immobilier, req. n°07BX02438



    Voici un arrêt intéressant non seulement en ce qu’il illustre le champ d’application – décidément limité de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme – mais surtout parce qu’il permet d’appréhender la nature du permis de construire valant division aujourd’hui régi par l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme.

    Dans cette affaire, la société requérante avait obtenu un permis de construire portant sur l’édification de 35 maisons individuelles, lequel devait être contesté sur le fondement de l’article 5 du règlement de POS applicable disposant que « « pour être constructible, un terrain doit avoir une surface minimale de 500 m². En cas de lotissements ou de groupes d'habitations, certaines parcelles issues de l'opération peuvent avoir une superficie minimale de 300 m², sans que la moyenne de celles-ci ne soit inférieure au seuil fixé précédemment ». Et précisément, ce moyen devait être retenu par le Tribunal administratif de Pau puis par la Cour administrative d’appel

    « Considérant que l'opération projetée par la SOCIETE BOUYGUES IMMOBILIER doit, eu égard à sa conception, ainsi qu'au contenu du dossier, notamment l'engagement du demandeur, pris au titre d'un « permis de construire valant division », et faisant référence à l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme, être regardée, non comme un lotissement, mais comme une division de terrain en propriété ou en jouissance ; que, dans ces conditions, le permis en cause vaut autorisation de division parcellaire en application des dispositions de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme ; que la circonstance que les constructions projetées seront vendues sous le régime de la vente en l'état futur d'achèvement ne rend pas par elle-même inapplicables les dispositions de l'article III NA 5, qui imposent qu'un terrain susceptible d'accueillir trente cinq constructions ait une superficie minimale de 17 500 m² (35x500 m²) ; que la surface du terrain à prendre en compte pour l'application des dispositions de l'article III NA 5 précité ne peut être en l'espèce que, soit la superficie de 17 447 m² indiquée par le pétitionnaire dans la demande de permis de construire du 13 août 2004, soit la superficie de 17 367 m² mentionnée dans l'attestation notariale du 28 septembre 2004, inférieures au minimum de 17 500 m² susmentionné ; qu'ainsi, compte tenu de la superficie du terrain à prendre en considération ci-dessus déterminée, et dès lors qu'il est constant que le projet prévoit effectivement une division en propriété, les dispositions de l'article III NA 5 précité du règlement du plan d'occupation des sols ont été méconnues ; que, par suite, le permis de construire délivré le 22 décembre 2004 est entaché d'illégalité ».

    Cette solution apparait difficilement contestable en l’état. En effet, quand bien pourrait-il être considéré qu’il y a lieu e faire application du principe fixé par l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme – en ce qu’il dispose que « dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction, sur un même terrain, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, les règles édictées par le plan local d'urbanisme sont appréciées au regard de l'ensemble du projet » – a un permis de construire délivré avant l’entrée en vigueur (le 1er octobre 2007) de ce dispositif dans la mesure où celui-ci n’a pas trait à la détermination des règles applicables mais à leur modalité d’application, il reste qu’en toute hypothèse, l’article précité précise que la règle qu’il pose vaut « sauf si le règlement de ce plan s'y oppose ».

    Or, en l’espèce, l’article 5 du règlement de POS applicable précisait expressément que « en cas de lotissements ou de groupes d'habitations, certaines parcelles issues de l'opération peuvent avoir une superficie minimale de 300 m², sans que la moyenne de celles-ci ne soit inférieure au seuil fixé précédemment ».

    Partant, il y avait donc lieu de faire application des solutions précédemment dégagées par la jurisprudence administrative et, notamment, par la jurisprudence dite « Ville de Sceaux » et, en d’autres termes, de faire application des prescriptions de l’article 5 susvisé non pas à l’échelle de l’ensemble du terrain à construire mais à l’échelon de chacune des trente-cinq parcelles à créer en exécution du permis de construire contesté – et, compte tenu des spécificité de cet article, en considération de la superficie moyenne de ces trente-cinq parcelle comme l’a d’ailleurs clairement jugé la Cour en précisant « qu'il résulte de ces dispositions que cette règle de surface minimale ne doit pas être appréciée parcelle par parcelle mais par rapport à la surface moyenne des parcelles obtenue en divisant celle du terrain d'assiette par le nombre de lots nouvellement créés » – pour ainsi constater la méconnaissance des prescriptions de cet article par cette autorisation ; étant précisé que dans la mesure où les dispositions de cet article se bornaient à viser, d’une part, les opérations induisant une division (« en cas de lotissements ou de groupes d'habitations ») et, d’autres part, les « parcelles issues de l'opération », il n’y avait pas lieu de rechercher si les divisions induites par l’opération en cause étaient en propriété ou en jouissance.

    Il reste qu’à titre subsidiaire, la société requérante avait sollicité que le permis de construire ne soit que partiellement annulé en application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme. Mais cette demande devait également être rejetée par la Cour au motif suivant :

    « Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, dont la requérante demande la mise en œuvre : « lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. L'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive » ; que le motif d'illégalité du permis de construire délivré retenu ci-dessus, qui met en cause la division parcellaire du terrain d'assiette des constructions, affecte la totalité du permis et ne permet donc pas au juge de prononcer l'annulation partielle du permis litigieux ».

    A ce stade, il faut s’interroger sur le point de savoir en quoi aurait pu consister l’annulation partielle sollicitée au regard du motif d’annulation retenu. Selon nous, trois principales pistes pouvaient être envisagées.

    Tout d’abord, on peut considérer qu’il peut être fait grief au permis de construire contesté d’avoir porter sur un terrain d’une superficie insuffisante pour accueillir l’opération telle qu’elle était projetée.

    Or, quand bien même ce vice aurait-il pu être régularisé par un « modificatif » consistant à adjoindre au terrain des opérations une bande de terrain voisine destiné à augmenter la superficie d’un des « lots » à créer et ce faisant, à augmenter la superficie moyenne de chacun des trente-cinq « lots » projetés, il ne demeure pas moins que l’insuffisante superficie du terrain d’assiette d’une opération ne peut être raisonnablement considérée comme n’affectant qu’une « partie du projet » au sens de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme puisqu’il ne peut y avoir d’opération de construction sans terrain.

    Dès lors que l’irrégularité du terrain d’assiette d’une opération concerne l’ensemble de celui-ci et de façon indissociable, force est donc de considérer qu’elle affecte d’illégalité l’ensemble de l’opération projetée sur ce terrain.

    Inversement, au regard de la contenance du terrain d’assiette de l’opération projetée, on peut ensuite considérer que c’est la création d’un trente-cinquième « lot » et d’une trente-cinquième construction qui a affecté d’illégalité le permis de construire contesté et, partant, que la Cour administrative d’appel n’aurait donc pu annuler cette autorisation qu’en tant qu’elle prévoyait ce trente-cinquième « lot » et cette trente-cinquième construction.

    Il reste que ce faisant la Cour aurait ipso facto réduit la superficie du terrain d’assiette du permis de construire dont, par voie de conséquence, les trente-quatre « lots » et constructions validés n’auraient toujours pas respectés les prescriptions de l’article 5 du règlement de POS applicable.

    Enfin, au regard de la contenance du terrain d’assiette de l’opération et de la consistance de cette dernière, on peut plus généralement reprocher au permis de construire contesté d’avoir valu autorisation de division au titre de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme pour ainsi conclure à ce que la Cour aurait pu annuler ce permis qu’en ce qu’il valait également autorisation de division pour, en d’autres termes, le valider en tant que permis « simple ».

    Il faut, toutefois, relever que pour conclure à ce que l’autorisation en cause relevait du champ d’application de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme, la Cour s’est fondée sur la « conception » de l’opération en cause.

    Il n’est en effet pas inutile de rappeler que le seul fait qu’un dossier de demande de permis de construire comporte ou non les pièces requises par l’article précité ne suffit pas à établir que le permis de construire sollicité est ou non un permis de construire valant division. En effet, le juge administratif apprécie l’applicabilité de l’article précité non pas en considération des pièces produites par le pétitionnaire mais au regard des caractéristiques de l’ensemble immobilier projeté objet de la demande de permis de construire, dont il peut déduire que sa réalisation, sa commercialisation et/ou sa gestion impliquera nécessairement des divisions foncières (CE. 8 février 1999, Cne de La Clusaz, req. n°171.94 ; CAA. Lyon, 10 juin 1997, Sté MGM, req. n°96LY00389 ;CE. 27 avril 1994, M. Vuillerme, req. n°139.238).

    Par voie de conséquence, une telle annulation partielle n’aurait eu aucun sens puisqu’elle aurait impliqué de transformer en un permis de construire simple une autorisation portant sur une opération qui au regard de sa conception relevait nécessairement du champ d’application de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme. En substance, une telle annulation partielle aurait donc eu pour effet de substituer à la méconnaissance de l’article 5 du règlement de POS applicable une violation de l’article R.421-7-1.

    Et pour conclure, on relèvera qu’en outre et à transposer au « modificatif » prévu par l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme les règles générales applicables en la matière (notamment : CE. 22 novembre 2002, François-Poncet, req. n° 204.224), on voit mal comment le pétitionnaire aurait pu ensuite régulariser son projet – et donc transformer son permis devenu simple en un permis de construire valant division – par un simple « modificatif ».



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés