Sur l’affichage d’un permis de construire délivré en application de l’article L.451-1 du Code de l’urbanisme (suite)
Le défaut de mention de la surface à démolir sur le panneau d’affichage ne s’oppose pas nécessairement au déclenchement du délai de recours des tiers à l’encontre d’un permis de construire valant également autorisation de démolition.
TA. Cergy-Pontoise, Ordonnance du 27 décembre 2011.PDF, req. n°n°11-05922
Dans une récente note, nous avions traité de l’arrêt par lequel la Cour administrative d’appel de Nancy avait considéré que, lorsque le permis de construire avait été délivré en application de l’article L.451-1 du Code de l’urbanisme et, concrètement, lorsque ce permis vaut également autorisation de démolition, l’absence de mention sur le panneau d’affichage de la surface des bâtiments à démolir s’opposait au déclenchement du délai de recours des tiers et ce, pour l’ensemble de l’autorisation contestée, y compris si les requérants ne formulent aucun moyen spécifiquement dirigé à l’encontre du « volet démolition » du projet.
Dans notre commentaire, nous avions adhéré au principe retenu par la Cour mais ce, tout en émettant une réserve quant à sa mise en œuvre dans ce cas d’espèce.
Précisément, l’ordonnance de tri (art. R.222-1 ; CJA) du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise vient nous conforter dans cette double analyse ; étant toutefois précisé par souci de transparence que l’auteur de ces lignes est également l’auteur du mémoire en défense ayant provoqué cette ordonnance.
On précisera ainsi que pour opposer la forclusion des requérants, le pétitionnaire soutenait qu’un arrêté délivré en application de l’article L.451-1 du Code de l’urbanisme portait en fait deux autorisations distinctes – un permis de construire, d’une part, et un permis de démolir, d’autre part – dans la mesure où en substance :
• d’un point de vue procédural, tout d’abord, l’article précité ne prévoit qu’une faculté destinée à éviter d’avoir systématiquement à formuler une demande de permis de démolir distincte de la demande de permis de construire ; cet article – d’ailleurs inséré au sein d’un chapitre propre aux « dispositions applicables à un permis de démolir » – n’instituant donc pas une procédure obligatoire aboutissant à un permis valant démolition conçue comme une autorisation indivisible, à l’instar à titre d’exemple d’un permis groupé délivré au titre de l’article R.431-24 ;
• sur le fond, ensuite, il résulte de l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme que les règles d’urbanisme applicables aux travaux de construction, d’installation ou d’aménagement (al.1) sont totalement distinctes de celles opposables aux travaux de démolition (al.2), si bien que la conformité du « volet construction » et du « volet démolition » d’une demande formulée au titre de l’article L.451-1 du Code de l’urbanisme s’apprécie donc au regard de règles et de préoccupations d’urbanisme distinctes ;
• sur le plan contentieux, enfin, l’annulation d’un permis de démolir ne remet pas en cause la légalité du permis de construire puisqu’en vertu du principe d’indépendance des procédures et des législations, cette annulation bien que rétroactive n’a aucune incidence sur le fait que l’autorisation de construire a été délivré au vu d’un dossier comportant le justificatif d’une demande de permis de démolir alors que, pareillement, dans le cas visé par l’article L.451-1 du Code de l’urbanisme l’illégalité éventuelle du « volet démolition » d’un permis de construire ne remet pas en cause le fait que cette autorisation a été délivrée au regard d’un dossier comportant les pièces requises lorsque le pétitionnaire met en œuvre la faculté prévue par cet article ;
de sorte que les deux autorisations portées par un arrêté obtenu au titre de l’article précité sont totalement dissociables tant d’un point de vue juridique que contentieux, si bien que :
• il est possible d’exercer un recours ne portant que sur le « volet démolition » ou que sur le « volet construction » autorisé par un tel arrêté ;
• les mentions du panneau d’affichage d’un permis de construire obtenu sur la base de l’article précité sont donc elles-mêmes dissociables ;
• et par voie de conséquence, que l’omission affectant le panneau apposé en l’espèce ne s’est pas opposée au déclenchement des délais de recours pour ce qui concerne l’autorisation de construire.
Or, bien que l’ordonnance commentée ce jour ne se soit pas expressément prononcée sur ce point, il en ressort assez clairement que le Tribunal n’a pas suivi cette analyse puisque ce n’est pas en raison de cette prétendue « dissociabilité » que la requête a été rejeté comme tardive ; ce dont il résulte que le Tribunal a ainsi implicitement admis que le défaut de mention de la surface à démolir pouvait affecter d’irrégularité l’affichage de l’autorisation pour son ensemble.
Pour rejeter la requête, le Tribunal a en effet apprécié de façon on ne peut plus traditionnel la régularité de l’affichage du permis de construire contesté dans cette affaire en considérant que le défaut de mention des surfaces à démolir ne constituait pas « dans les circonstances particulières » de l’espèce une erreur substantielle dès lors que le panneau apposé sur le terrain des opérations comportait par ailleurs les informations requises pour permettre au tiers de prendre connaissance du dossier en mairie.
Ce faisant, le Tribunal s’est donc écarté de l’analyse de la Cour administrative d’appel de Nancy précédemment commenté, laquelle était à notre sens quelque peu contestable dans la mesure où elle s’y était bornée à juger que « la circonstance que les requérants aient pu avoir accès au dossier de permis de construire qu'ils ont produit lors de leur première demande d'annulation dudit permis de construire le 27 mai 2010 devant le Tribunal, ne peut avoir pour effet de regarder les informations mentionnées sur le panneau comme étant suffisantes pour faire courir le délai de recours contentieux ».
On voyait mal en effet pourquoi la mention de la surface des bâtiments à démolir ferait exception au régime de l’affichage des autorisations d’urbanisme tel qu’il découle de sa finalité.
Il faut ainsi rappeler que toute erreur ou omission affectant l’affichage d’un permis de construire ne s’oppose pas au déclenchement du délai des recours des tiers : il est encore nécessaire que cette erreur ou cette omission présente un caractère substantiel. Et pour cause puisque la « philosophie » des dispositions aujourd’hui codifiées aux articles R.424-15 et A.424-16 du Code de l’urbanisme est de permettre aux tiers « d’aller à la mairie pour prendre toute la mesure du projet » ; ce qui implique que le panneau apposé à ce titre sur le terrain des opérations soit renseigné de façon suffisante « afin d’éviter [que les tiers] soient dissuadés d’agir par une information ambiguë ou incomplète » (Conclusions ARRIGHI de CASANOVA sur CE. 16 février 1994, Sté Northerntélécom immobilier, BJDU, 1994, n°4, p.92).
Un panneau d’affichage même renseigné de façon imprécise ou erronée satisfait ainsi aux dispositions précitées dès lors qu’il permet néanmoins aux tiers de saisir l’économie générale du projet et de comprendre qu’il leur est loisible de consulter le dossier produit par le pétitionnaire (CE. 14 novembre 2003, Ville de Nice, req. n°254.003).
Aussi, dès lors qu’en l’espèce, les travaux de démolition projetés portaient sur des bâtiments présentant une superficie globale de 511 mètres carrés, il était difficile de considérer que ces travaux constituaient une composante substantielle d’un projet impliquant la construction d’un bâtiment d’une hauteur de 18 mètres et d’une SHON de 4.499 mètres sur un terrain de 1.987 mètres carrés et, par voie de conséquence, que le fait que le panneau apposé sur le terrain à construire n’ait pas renseigné sur la surface des bâtiments à démolir avait privé les tiers d’une information indispensable à leur compréhension de l’économie générale du projet et de nature à la dissuader d’aller en mairie prendre connaissance du dossier…
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés
Commentaires
à noter : le même tribunal a rendu peu de temps avant un jugement mettant en oeuvre, pour un PC combiné à un PD, une technique qui nous est chère : la divisibilité des opérations... permettant d'annuler partiellement une autorisation... notamment si l'erreur portant sur une partie seulement de cette autorisation permet une telle division..."compte tenu du caractère limité de ces illégalités et de ce qu’elles peuvent en conséquence être corrigées par l’auteur de la décision sans avoir à en reprendre l’instruction".
TA de Cergy : 25 novembre 2011, 1ère ch., n° 0907947, A. G…, C (68-03-25-02).
(voir page 18 de http://cergy-pontoise.tribunal-administratif.fr/media/document/TA_CERGY_PONTOISE/lettre-ta-n10-2e-semestre-2011.pdf )
bonjour, et merci pour cette décision que je trouve interessante,
toutefois, je ne partage pas totalement votre analyse, ni celle du TA de Cergy Pontoise.
en effet, en premier lieu, il me semble que la jurisprudence du CE en matière de publicité des autorisations d'urbanisme est devenue plus stricte a l'encontre des pétitionnaire - le ppe de sécurité juridique devant se concilier avec le droit fondamental au recours.
il me semble ainsi que la philosophie de l'affichage n'est plus de permettre aux tiers d'identifier le permis et d'aller le consulter en mairie (conception minimaliste),mais de permettre aux tiers de preserver leur droit et d'arreter leur décision de faire un recours ou non à l'encontre de l'autorisation, ce qui implique de renseigner avec précision les éléments se rapportant à la nature et consistance de l'opération et voiers et délais de recours (avis du CE de 2008).
or, le TA e CERGY semble avoir fait application de la conception minimaliste, en estimant que l'affichage est suffisant dès lors que le numero et la date du permis, ainsi que l'adresse de la mairie permettaient d'identifier le permis de construire en allant le consulter en mairie.
or, selon moi, ces éléments sont inopérants, et la régularité d'un affichage doit être appréciée objectivement au regard de la nature et consistance de l'opération globale de construction qui doit être définie avec précision.
dans le cas de l'espèce, la démolition du batiment et garage implantés sur le terrain d'assiette de la construction présente selon moi un caractère substantiel puisqu'il se rapporte à la nature même de l'opération autorisée par le PC (demolition et construction)
l'absence de cette mention prive d'efficacité l'affichage du pc quand bien même les surfaces démolies serait très inférieures à la SHON autorisée.
en outre on peut se demander quelle aurait été le raisonnement du tribunal si le requérant avait contester le PC en tant qu'il autorise la démolition de ces batiments?
En réalité, le tribunal s'est certainement fondé sur le fait que le PC avait pour objet la construction de logement sociaux, et que cette autorisation poursuivait donc un but d'interet général.
le probleme est que l'interet général c'est avant tout de respecter et faire contrôler la légalité des autorisation d"urbanisme.
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