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Modificatif de régularisation des permis groupés et annulation partielle des permis de construire valant division

Un permis de construire groupé délivré en méconnaissance de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme ne peut pas être ultérieurement régularisé par un « modificatif » délivré sous l’empire de l’ancien article R.431-24 du Code de l’urbanisme. Partant, le vice affectant cette autorisation dans sa totalité est de nature à en emporter l’annulation globale.

CAA. Paris 4 novembre 2011, Société Murat Vazire, req. n°10PA02696


Dans cette affaire, la société appelante avait obtenu un permis de construire en vue de l’édification d’un ensemble immobilier comportant plusieurs bâtiments sur un terrain de 10.230 mètres carrés. Cette autorisation devait toutefois être contestée puis annulée par le Tribunal administratif de Paris au motif tiré de la méconnaissance de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme.


La société pétitionnaire devait toutefois interjeter appel de ce jugement en contestant l’assujettissement même de son projet à la procédure de permis de construire valant division ; assujettissement que confirma cependant la Cour administrative d’appel de Paris au terme d’une appréciation des caractéristiques du projet principalement fondée sur des critères rarement mis autant en exergue en la matière :

« considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit, sur un terrain d'assiette de 10 230 m², la construction par un seul maître d'ouvrage d'un ensemble immobilier comportant plusieurs bâtiments de R+5 à R+10 étages sur 3 et 4 niveaux de sous-sol, à usage d'habitation (211 logements dont 64 logements sociaux), d'une aumônerie, d'un hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) comprenant 80 chambres ; que les immeubles comprenant 147 logements destinés à la vente, sont situés le long de la rue de Varize et du boulevard Murat et les immeubles comprenant 64 logements sociaux, et l'EHPAD sont situés au sud de la parcelle le long du boulevard Murat et de la rue du général Delestraint ; que ces deux groupes de bâtiments sont séparés par une allée traversant du nord au sud l'intégralité du terrain d'assiette et délimitant deux zones distinctes ; que, par ailleurs, le plan de repérage des clôtures prévoit des clôtures intérieures délimitant la partie du terrain affectée aux immeubles destinés à la vente comprenant des clôtures privatives pour les logements situés au rez-de-chaussée, la partie du terrain affectée à l'établissement destiné aux personnes âgées et la partie du terrain affectée aux immeubles destinés aux logements sociaux ; que l'organisation spatiale du projet s'organise ainsi autour d'unités fonctionnelles distinctes destinées à la vente, aux logements sociaux et à un établissement privé pour l'hébergement de personnes âgées ; qu'à la date des décisions contestées, le projet prévoyait ainsi, à tout le moins, de réaliser une division en propriété ou en jouissance de son terrain pour la partie affectée à l'établissement pour personnes âgées ; que, dès lors, le projet entrait dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme ».

Mais plus spécifiquement, la Cour devait implicitement rejeter la demande de la société appelante tendant à l’application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme pour ce faisant prononcer l’annulation globale du permis de construire contesté.

En première analyse, une telle solution est on ne peut plus logique puisque l’on sait que l’autorisation de construire et l’autorisation de diviser portée sur un permis groupé délivré au titre de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme ou par l’actuel article R.431-24 sont indivisibles ; telle étant la raison pour laquelle la Cour administrative d’appel de Bordeaux a déjà eu l’occasion de préciser que l’article L.600-5 ne trouvait pas selon elle à s’appliquer en la matière (CAA. Bordeaux, 17 mars 2009, Sté Bouygues Immobilier, req. n°07BX02438).

Il reste que dans l’affaire objet de cet arrêt de la Cour bordelaise le permis avait été délivré conformément à l’article R.421-7-1 précité – et avait été annulé au motif que la superficie de certains des terrains à créer méconnaissait les prescriptions de l’article 5 du POS communal – alors qu’en l’espèce le permis de construire contesté avait été délivré au vu d’un dossier ne comportant pas les pièces requises par l’article précité et en conséquence d’une demande manifestement formulée en dehors de la procédure du permis de construire valant division.

Or, s’il est vrai que ces vices sont de nature à affecter la totalité du projet en cause, il n’en demeure pas moins que la solution retenue sur ce point est plus surprenante en ce qu’elle émane de la Cour administrative d’appel de Paris dont on sait qu’elle a été la première à appliquer l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme :

• d’une part, en s’affranchissant du critère d’invisibilité juridique traditionnellement mis en œuvre par la jurisprudence pour apprécier la propension de l’autorisation contestée a donné lieu à une simple annulation partielle ;
• d’autre part, en allant au-delà de la lettre de l’article précité en prononçant l’annulation partielle d’un permis de construire alors que le vie dont il était entaché l’affectait dans sa totalité.

Dans cette précédente affaire (CAA. Paris, 4 décembre 2008, SNC Hôtel La Bretonnerie, req. n°07PA03606), la Cour administrative d’appel de Paris avait en effet induit que la circonstance que l’autorisation contestée soit affectée d’illégalité dans sa totalité ne s’opposait pas au prononcé d’une annulation partielle au titre de l’article précité dès lors que le vice affectant cette autorisation pouvait être aisément régularisée par un « modificatif ».

On pourrait ainsi considérer qu’en prononçant l’annulation totale de l’autorisation en cause dans l’affaire objet de la note de ce jour, la Cour administrative d’appel de Paris a ainsi estimé qu’une autorisation obtenue en tant que permis de construire simple ne peut être régularisée par un « modificatif » délivré au vu d’un dossier comportant les pièces requises dans le cas d’une demande portant sur une opération groupée.

Tel n’est cependant pas le cas, du moins d’une façon générale. Et il faut dire qu’une telle solution aurait été pour le moins contestable.

D’un point de vue procédural, en effet, il faut rappeler que l’autorisation dite « permis de construire valant division » n’existe pas en tant que telle dans le Code de l’urbanisme puisque cette autorisation n’est rien d’autre qu’un permis de construire de droit commun présentant pour seule particularité d’être délivré au vu d’un dossier comportant les pièces aujourd’hui requises par l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme.

Or, tout vice affectant un permis de construire, y compris les vices de forme ou de procédure, est susceptible d’être purgé par un « modificatif » (CE. 2 février 2004, SCI La Fontaine de Villiers, 238.315) puisqu’un « modificatif » forme avec le permis primitif une autorisation unique dans la légalité doit s’apprécier comme si n’était en cause qu’une seule décision.

De ce fait, la solution retenue en l’espèce par la Cour administrative d’appel de Paris ne remet aucunement en cause le bien-fondé (selon nous) des arrêts ayant déjà reconnu la possibilité de régulariser un permis de construire délivré en méconnaissance de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme par un « modificatif » délivré au vu d’un dossier comportant les pièces prescrites par cet article (CAA. Nancy, 10 juin 2010, Mme Anne A., req. n°09NC00357).

Quant au fond, et même à admettre qu’un tel « modificatif » n’ait pas pour seul objet de régulariser les vices affectant l’autorisation initiale mais vise en fait à modifier la nature de cette dernière en la transformant en un permis de construire valant division, il reste que selon nous une telle conclusion n’exclue pas en elle-même le recours à un tel modificatif dès lors qu’en principe, cette transformation n’a aucun impact sur les modalités d’application des règles d’urbanisme opposables au projet compte tenu de l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme (voir ici) ; étant précisé que le PLU applicable en l’espèce (celui de la Ville de Paris) ne s’oppose au principe posé par cet article que s’agissant des lotissements.

Il n’en demeure pas moins que la Cour administrative d’appel de Paris a bien rejeté l’argument de la société appelante, selon lequel le « modificatif » qu’elle avait ultérieurement obtenu avait régularisé l’autorisation contesté, mais ce au motif spécifique suivant :

« considérant que les requérantes soutiennent que le permis modificatif délivré le 30 septembre 2008 n'était soumis qu'à l'application des nouvelles dispositions de l'article R. 431-24 du code de l'urbanisme et, qu'ainsi, la délivrance de ce permis a eu pour effet de régulariser le permis de construire initial ; qu'à supposer même que ces dispositions soient moins exigeantes, seules les dispositions de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme, demeuraient applicables au regard du projet contenu dans la demande initiale ; que, par suite, le permis modificatif du 30 septembre 2008 n'a pu régulariser sur ce point le permis initial ».

La Cour semble donc avoir estimé que le « modificatif » allégué par la société appelante ne pouvait régulariser le permis primitif attaqué dans la mesure où celui-ci avait été délivré sous l’empire de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme, contrairement au « modificatif » allégué relevant pour sa part de l’article R.431-24.

Deux observations liminaires toutefois.

D’une part, et d’une façon générale, il semble que la société appelante se soit bornée à évoquer l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme pour contester le principe même de l’assujettissement de cette opération à la procédure du permis de construire valant division.

D’autre part, et plus spécifiquement, le « modificatif » allégué par la société appelante n’avait a priori pas pour objet de régulariser l’autorisation primitive mais tendait uniquement à modifier « le permis initial pour l'alignement des 4 niveaux de sous-sol sur la façade des bâtiments côté rue de Varize et la façade de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendante (EHPAD) côté rue du général Delestraint ».

Pour autant, la solution retenue n’en est pas moins quelque peu surprenante ; d’autant que la motivation de l’arrêt sur ce point est pour le moins sur cursive.

En effet, si la Cour administrative d’appel de Paris a pu avoir quelques difficultés avec la propension régularisatrice du « modificatif » (CAA. Paris, 14 janvier 2001, SCI La Fontaine de Villiers, req. n°99PA00757)., il reste qu’elle l’a dorénavant parfaitement intégrée ; au point d’ailleurs de la théoriser dans un considérant de principe et de la mettre en œuvre pour les vices affectant la forme et les mentions mêmes de l’arrêté de permis de construire initial (CAA. Paris, 30 octobre 2008, M. Gilbert Y., req. n°05PA04511). De même, c’est cette Cour qui avait pu juger que l’irrégularité des divisions foncières précédemment pratiquées en méconnaissance de la règlementation sur les lotissements pouvait être régularisée par le seul assouplissement de cette réglementation (voir ici).

D’ailleurs, s’il est vrai que les conséquences d’une modification des règles de fond ne sont pas en tous points comparables à celles liées à l’évolution des règles de procédure, il n’en demeure pas moins que pour sa part la Cour administrative d’appel de Nantes a pu juger qu’une autorisation de lotir délivrée avant le 1er octobre 2007 pouvait être régularisée par un permis d’aménager modificatif (CAA. Nantes, 4 mai 2010, Cne de Belz, req. n°09NT01343).

Mais il est vrai que pour sa part la Cour administrative d’appel de Nantes n’a jamais hésité à reconnaitre aux autorisations modificatives des vertus régularisatrices allant peut-être au-delà de celles qu’elles revêtent effectivement (CAA. Nantes, 22 avril 2008, Ministre de l’écologie, req. n°07NT02508)...

 


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

 

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