Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Les documents d’urbanisme locaux peuvent-ils interdire certaines formes de commerces ?

Il résulte de l’article L.123-1 du Code de l’urbanisme alors applicables qu’un POS peut légalement interdire certaines formes de commerces dans une zone déterminée sans porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie.

TA. Versailles, 8 avril 2008.pdf, Sté Immo-Concept, req. n°0707895


Voici un jugement appelant peu de commentaires mais qui permet de tordre le cou à l’idée aussi fausse que rependue selon laquelle, par principe, un POS ne saurait n’autoriser ou n’interdire que certaines formes particulières d’activités commerciales.

Dans cette affaire, le requérant avait formulé une déclaration de travaux destiné à étendre une agence immobilière dans un local voisin, initialement occupé en tant que bijouterie.

Mais le Maire devait s’opposer à cette déclaration au motif tiré de l’article UA.2 du POS communal en ce qu’il interdisait dans la zone toute nouvelle implantation de bureaux ou de services. Et pour sa part, le requérant devait contester la légalité de cette décision d’opposition en excipant de l’illégalité de cette disposition du POS communal ; moyen que rejeta donc le Tribunal administratif de Versailles au motif suivant :

« Considérant qu’aux termes de l’article L.123-1 du code de l’urbanisme : « Les plans locaux d’urbanisme (…) peuvent : I° Préciser l’affectation des sols selon les usages qui peuvent en être fait ou la nature des activités qui peuvent être exercées (…) » ; et qu’aux termes de l’article UA 2.4 du plan d’occupation des soles de la commune de Maisons-Laffitte, est interdite : « Dans le secteur UAa, toute nouvelle implantation de bureaux et de services en rez-de-chaussée, avenue de Longueil » ;
Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de présentation du POS, que cette interdiction, qui n’est ni générale ni absolue, vise à assurer l’objectif de protection des commerces fixé par ledit POS afin que les agences bancaires et immobilières ne participent pas à l’éviction des commerces traditionnels dont le centre-ville a besoin ; qu’eu égard à l’objet d’un plan d’occupation des sols, un tel document peut, pour des motifs d’urbanisme, interdire l’exercice de certaines activités commerciales dans une zone sans porter une atteinte illégale à la liberté du commerce et de l’industrie ou au droit de propriété ; que, par suite, le moyen invoqué, par la voie de l’exception , tiré de l’illégalité de cette disposition du POS, doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que les travaux objet de la déclaration de la société IMMO CONCEPT prévoyait l’extension d’une agence immobilière située au 30, avenue Longueil, en lui adjoignant le local commercial situé au rez-de-chaussée du n°32 de cette voie ; que cette extension, si elle n’implante pas une nouvelle enseigne sur l’avenue Longueil, entraîne la création d’une activité de services dans une boutique jusqu’alors occupée par une bijouterie ; qu’ainsi, en s’opposant aux travaux litigieux, le maire a fait application de l’article UA 2.4 précité du plan d’occupation des sols
».


Cette solution n’est toutefois pas nouvelle puisque le Conseil d’Etat a eu l’occasion de jugé que :

« Considérant qu'aux termes du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Yenne, en Savoie, publié le 6 mai 1982 et dans sa rédaction en vigueur à la date de délivrance du permis litigieux, la zone UE est "une zone réservée aux activités économiques, destinée à recevoir des établissements industriels, scientifiques ou techniques, des activités artisanales et commerciales à l'exclusion de l'habitat et des commerces de détail" ; que ces dispositions soumettent à la même interdiction le petit commerce et les magasins à grande surface se livrant à des opérations de commerce de détail ; qu'eu égard à l'objet d'un plan d'occupation des sols, un tel document peut interdire l'exercice de certaines activités commerciales dans une zone sans porter une atteinte illégale à la liberté du commerce et de l'industrie ;
Considérant que, par un arrêté du 20 décembre 1982, le préfet de la Savoie a autorisé M. X... à construire un bâtiment à usage de supermarché en zone UE ; qu'un tel établissement, alors même que, comme le soutient le requérant, des activités de commerce de gros et de demi-gros étaient également prévues à titre accessoire, est principalement destiné à la vente au détail ; que dès lors, M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal adminitratif a annulé la décision susmentionnée
» (CE. 26 novembre 1986, Fol, req. n°65.618).


ou, plus clairement encore, que :

« Considérant d'une part qu'aux termes de l'article L 123-1 du code de l'urbanisme, les plans d'occupation des sols fixent les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols et notamment "les règles concernant le droit d'implanter les constructions, leur destination, leur nature, leur aspect extérieur, leurs dimensions..." ; qu'ainsi ces plans peuvent délimiter des zones dans lesquelles l'implantation des établissements commerciaux est interdite ou réglementée ; que, dans ces zones, des motifs d'urbanisme peuvent justifier l'application de règles différentes selon la nature ou l'importance des établissements concernés ; que la SOCIETE GUYENNE ET GASCOGNE n'est donc pas fondée à soutenir qu'en interdisant l'implantation de commerces de détail de plus de 500 m2 de surface commerciale dans les zones UA et UB du centre ville de Lourdes, les auteurs du plan d'occupation des sols de cette commune auraient méconnu l'article L 123-1 du code de l'urbanisme ;
Considérant d'autre part que l'existence d'une législation soumettant à une autorisation particulière l'implantation de commerces de détail au delà d'un certain seuil de surface commerciale en vue de maintenir un équilibre entre les différentes formes de commerce ne fait pas obstacle à ce que, pour des motifs d'urbanisme, les plans d'occupation des sols interdisent dans certaines zones l'implantation de surfaces commerciales inférieures à ce seuil ;
Considérant enfin qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en approuvant l'interdiction des commerces d'une surface hors oeuvre nette de plus de 500 m2 sur un sixième du territoire de la ville de Lourdes, dans des quartiers denses et peuplés du centre ancien de la ville où la circulation est difficile, notamment en période d'affluence, le préfet des Hautes-Pyrénées ait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ou que cette décision ait répondu à d'autres motifs que ceux qui justifiaient légalement une telle interdiction ; que, dès lors cette interdiction ne porte pas d'atteinte illégale au principe de la liberté du commerce et de l'industrie
" (CE. 7 mai 1986, req. n°57.902).


Il est, toutefois, permis de s’interroger sur le point de savoir si cette solution est totalement transposable aux PLU. A priori oui dans la mesure où les décisions précitées sont motivée par l’article L.123-1 du Code de l’urbanisme alors applicable que l’actuel article L.123-1 du Code de l’urbanisme n’a pas substantiellement changé ; ce dispositif devant être interprété au regard de l’article L.121-1 du Code de l’urbanisme en ce qu’il dispose que « la diversité des fonctions urbaines et la mixité sociale dans l'habitat urbain et dans l'habitat rural, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs en matière d'habitat, d'activités économiques, notamment commerciales, d'activités sportives ou culturelles et d'intérêt général ainsi que d'équipements publics, en tenant compte en particulier de l'équilibre entre emploi et habitat, de la diversité commerciale et de la préservation des commerces de détail et de proximité ainsi que des moyens de transport et de la gestion des eaux ».

Il reste que l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme en ce qu’il dispose que « les règles édictées dans le présent article peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt » induit que les règles édictées par un règlement de zone peuvent variées pour les constructions de destination distinctes mais ne peuvent voir leur applicabilité et leur contenu modulés au sein d’une même destination de construction et, donc, notamment selon la nature des commerces en cause.

Sur ce point comme sur tous les autres, force est donc d’attendre une jurisprudence significative sur la portée exacte de l’article précité.



Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

Commentaires

  • si je peux me permettre, et je le fais comme d'habitude, cette décision a été rendue à mon sens dans un environnement nouveau : les décisions citées du CE portaient sur la surface des commerces, pas sur la nature de leur activité commerciale.

    la décision du TA de Versailles me semble novatrice sur ce point, mais elle s'inscrit naturellement dans l'évolution des articles du CU relatifs à la protection de la diversité commerciale : ce qui disparait peu à peu de la loi Royer et des articles du code du commerce qui la reprennent -elle est aujourd'hui une nouvelle fois mise en cause par le député Charié dans ses rapports- apparait en miroir dans les article L121-1 et L123-1 du CU à travers la Loi de modernisation de l'économie adoptée quelques semaines après la décision commentée -et dont on connaissait déjà la teneur à l'époque- : on a ainsi vu apparaitre cet été

    *au L121-1 un objectif de "diversité commerciale et de la préservation des commerces de détail et de proximité "

    *au L123-1, le "commerce" cité dès le premier alinéa, puis plus loin, une dispositions prévoyant que le PLU peut comprendre un "document d'aménagement commercial"

    la grande nouveauté est donc que la loi donne désormais au PLU la possibilité de distinguer les types d'activité accueillies dans les commerces que le règlement autorise.

    c'est dans cette évolution de fond que je replacerais pour ma part la décision du TA de Versailles, en attendant, comme vous le soulignez, que l'ensemble des décrets d'application de cette LME soit publiés.

  • J'avais effectivement oublié le "document d'aménagement commercial" sur lequel j'ai pourtant travaillé pas plus tard que ce matin...

    Reste néanmoins le "problème" de l'article R.123-9 du Code de l'urbanisme.

    Mais en toute hypothèse, il est clair qu'à terme, la question relévera des PLU puisqu'ainsi que l'a rappelé le gouvernement dans la réponse du 27/01/2009 (relevée dans le post du 31/01) "le Gouvernement s'est engagé à présenter un projet de loi visant à intégrer le droit de l'équipement commercial de manière pérenne dans le droit commun de l'urbanisme. Afin d'élaborer des propositions permettant cette intégration, le Premier ministre a confié, le 1er septembre 2008, une mission d'expertise au député Jean-Paul Charié qui procède actuellement aux consultations nécessaires"

  • Désolée de vous importuner mais je ne réussi pas à ouvrir la page de la brève du 7 février dernier.

    Merci d'avance

Les commentaires sont fermés.