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JURISURBA - Page 56

  • Déclaration d’achèvement & « modificatif balai » : jusqu’à quand peut-on légalement obtenir cette autorisation ?

    La circonstance qu’un permis de construire modificatif ait été obtenu après la formulation de la déclaration d’achèvement n’a aucune incidence sur la légalité de cette autorisation dès lors que la conformité des travaux n’a pas été actée.

    CAA. Nancy, 21 janvier 2011, M A…, req. n°09NC01896


    Voici, un arrêt qui appelle peu de commentaires mais dont la solution, et surtout sa clarté et son absence d’ambiguïté, sont les bienvenus.

    tour cons.jpgComme on le sait, en effet, la problématique de l’articulation du régime du permis de construire modificatif avec le régime applicable aux travaux sur existants n’est pas une question anodine puisqu’elle implique d’apprécier le moment à partir duquel la construction initialement autorisée peut être considérée comme achevée. En effet, tant que les travaux se rapportant à la construction objet du permis de construire initial ne sont pas achevés, toute modification de cette dernière ou toute adjonction d’un ouvrage attenant ou structurellement lié à celle-ci implique à toute le moins un « modificatif » ; y compris si pris isolément les travaux projetés relèvent du champ d’application de la déclaration préalable, voire sont dispensés de toute formalité au titre du Code de l’urbanisme .

    En revanche, et a contrario, dès lors que la construction initialement autorisée est achevée, les travaux projetés sur celle-ci ne peuvent plus relever d’un « modificatif ». Il convient ainsi de la apprécier isolément au regard du régime des travaux sur existants résultant des articles R.421-13 et suivants du Code de l’urbanisme pour déterminer s’ils sont dispensés de toute formalité, impliquent la formulation d’une déclaration préalable ou exigent un nouveau permis de construire.

    Mais en toute hypothèse, il convient donc de déterminer à partir de quand l’ouvrage peut-être considéré comme achevé au regard du droit du permis de construire.

    C’est à cette question que répond clairement l’arrêté commenté.

    Dans cette affaire, la partie défenderesse avait obtenu un permis de construire qu’elle exécuta avant de formuler une déclaration d’achèvement.

    Toutefois, dans la mesure où les travaux réalisés n’étaient pas strictement conformes à ceux autorisés, le pétitionnaire formula une demande de « modificatif » ; aux fins de régulariser ces travaux, autorisation lui fut délivrée après la formulation de la déclaration d’achèvement.

    Or, ce « modificatif » devait être contesté notamment sur le moyen tiré de sa prétendue illégalité résultant de sa délivrance postérieure à la déclaration d’achèvement précédemment formulée. Mais ce moyen devait être rejeté par le Tribunal administratif de Besançon puis par la Cour administrative de Nancy et ce, aux termes d’un considérant on ne peut plus clair :

    « Considérant, en premier lieu, que la seule circonstance qu'une déclaration d'achèvement des travaux a été adressée par le pétitionnaire, M. B, à la ville de Montbéliard, le 6 octobre 2007, ne fait pas obstacle à la délivrance d'un permis de construire modificatif dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un certificat de conformité ait été délivré ou que le permis de construire initial soit devenu périmé du fait de l'interruption des travaux pendant un délai supérieur à une année ».

    Une telle solution est difficilement contestable ; si ce n’est qu’une déclaration d’achèvement formulée le 6 octobre 2007 n’avait pas vocation à aboutir à un certificat de conformité…

    A l’instar de l’ancien article R.460-1 du Code de l’urbanisme, l’actuel article R.460-2 prévoit en effet la formulation d’une déclaration spécifiquement instaurée aux fins d’acter de l’achèvement des travaux précédemment engagés, laquelle est principalement destinée à déclencher les opérations de contrôle portant sur la conformité des travaux réalisés.

    Pour autant, cette déclaration ne suffit pas à établir l’achèvement de l’ouvrage réalisé. En effet, si les ouvrages illégaux ne sauraient valablement faire l’objet d’une déclaration d’achèvement de travaux, ne serait-ce que dans la mesure où l’article R.462-1. prévoit que cette déclaration « est signée par le bénéficiaire du permis de construire » – ce qui implique qu’il y’en ait un (en ce sens : CAA. Bordeaux, 9 mars 2006, M. Vivien X., req. n°02BX02177) – la formulation de cette déclaration ou son absence n’a à elle seule aucune incidence sur l’appréciation de l’état d’achèvement des constructions régulièrement autorisées ou, plus précisément, ne constitue par principe qu’un simple indice ou, dans certains cas, une simple présomption.

    Il ressort en effet de la jurisprudence tant judiciaire qu’administrative que l’absence de déclaration d’achèvement ne s’oppose pas à ce que l’ouvrage soit considéré comme achevé et le cas échéant conforme au permis de construire ou, a contrario, inachevé malgré la formulation d’une telle déclaration (Cass.civ., 11 mai 2000, Mme Duguet, Bull. civ., III, p.107 ; CAA. Versailles, 21 avril 2005, René Cazals, req. n°02VE03315 ; CE. 30 janvier 1995, M. et Mme Lambourdière, req. n° 138907 ; CE. 18 janvier 1980, Boussard, req. n°12651 ; CE. 14 janvier 1983, M.Y, req. n°26022).

    L’appréciation de l’achèvement ou de l’inachèvement d’une construction au regard du droit de l’urbanisme s’apprécie en effet de façon concrète, en considération de son état physique (Cass.civ., 11 mai 2000, Mme Duguet, Bull. civ., III, p.107).

    Il est vrai cependant que la formulation d’une déclaration d’achèvement constitue un indice, voire même une présomption (art. R.600-3 ; C.urb).

    Il reste que pour ce qui concerne tant le régime des travaux sur existants que celui du « modificatif », il existe un certain rapport d’indissociabilité entre l’achèvement de la construction et la conformité de cette dernière. En effet (voir ici) :

    - Lorsque la construction existante a été exécutée en méconnaissance du permis de construire l’ayant autorisé, tout nouveau travaux ultérieurement projetée sur cette dernière impliquera, sous réserve du bénéfice de la prescription décennale introduite par l’article L.111-12 du Code de l’urbanisme, la régularisation préalable ou concomitante de celle-ci par un permis de construire dont la demande sera, sur la forme et sur le fond, instruire comme si elle portait sur une construction nouvelle à édifier ;

    - Lorsque l’immeuble en cours de réalisation est édifiée en méconnaissance du permis de construire s’y rapportant, un « modificatif » ne saurait être légalement obtenu sans que celui-ci ne régularise les travaux irrégulièrement entrepris.

    D’ailleurs, aux termes du nouvel article R.462-9 du Code de l’urbanisme : « lorsqu'elle estime que les travaux ne sont pas conformes à l'autorisation, l'autorité compétente pour délivrer le permis ou prendre la décision sur la déclaration préalable met en demeure, dans le délai prévu à l'article R. 462-6, le maître de l'ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité avec l'autorisation accordée ».

    Cet article induit donc lui-même qu’un « modificatif » – du moins de régularisation – peut être sollicité et légalement délivré, nonobstant la formulation préalable d’une déclaration d’achèvement.

    Cette conclusion est d’ailleurs conforme à la nature de la déclaration d’achèvement telle qu’elle est actuellement régie par l’article R.462-1 du Code de l’urbanisme et dont il résulte qu’elle atteste non seulement de l’achèvement mais également de la conformité des travaux réalisés.

    De ce fait, force est de donc de considérer que l’achèvement et la conformité des travaux sont deux notions indissociables et, par voie de conséquence, que tant que les travaux réalisés ne peuvent être regardés ou réputés conformes à l’autorisation obtenue, ils ne peuvent être considérés comme achevés.

    En d’autres termes, un « modificatif » peut être sollicité et légalement obtenu tant que le délai ouvert à l’administration pour contester la conformité des travaux n’a pas expiré ou, du moins, tant que l’administration n’a pas délivré le certificat attestant de ce que la conformité de ces travaux n’a pas été contesté.

    Reste maintenant le problème plus concret de l’articulation d’un tel « modificatif » avec l’objet et le déroulement des opérations de récolement…

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • L’opération portant sur la division d’un terrain en trois lots mais dont l’un accueille un bâtiment illégalement édifié constitue-t-elle un lotissement au sens d’un POS approuvé sous l’empire de l’ancien article R.315-1 du Code de l’urbanisme ?

    Un lot supportant une construction illégale constitue néanmoins un terrain déjà bâti au sens de l’article R.442-2 a) du Code de l’urbanisme et n’a donc pas à être décompté pour déterminer si le lotissement projeté est ou non soumis à permis d’aménager. En outre, l’interdiction des lotissements résultant d’un règlement d’urbanisme approuvé sous l’empire de l’ancien article R.315-1 du Code de l’urbanisme ne sont pas opposable à une déclaration de division ne portant pas sur un lotissement au sens de cet article.

    TA. Marseille, 12 janvier 2001, Raffini & autres, req. n°12 janvier 2011 (ici)


    Dans cette affaire le requérant envisageait la création d’un lotissement ayant pour objet la création de deux lots à bâtir desservis par une voie commune à aménager ; projet ayant pour effet d’isoler un troisième lot, lequel était déjà bâti. C’est dans cette mesure qu’il ne formula qu’une simple déclaration de lotissement (art. R.421-19 & R.421-23 ; C.urb) ; l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme précisant que : « pour l'application du a de l'article R. 421-19, ne sont pas pris en compte pour l'appréciation du nombre de terrains issus de la division d'une propriété foncière les terrains supportant des bâtiments qui ne sont pas destinés à être démolis ».

    Il reste que la construction présente sur ce terrain n’avait jamais donné à un permis de construire. C’est la raison pour laquelle la Ville s’opposa à cette déclaration en faisant valoir qu’en l’absence de régularisation préalable de ce bâtiment sa parcelle d’assiette devait être considérée comme un troisième lot à bâtir, si bien que le projet qui incluait la réalisation d’une voie commune devait donner un permis d’aménager.

    On sait, en effet, qu’en droit de l’urbanisme, il faut dissocier les constructions matériellement existantes de celles juridiquement existantes puisque sauf à avoir été réalisée à une époque où cette autorisation n’était pas requise (CE. 15 mars 2006, Ministère de l’Equipement, req. n°266.238), une construction édifiée sans autorisation d’urbanisme, en vertu d’une autorisation devenue caduque ou d’une autorisation annulée n’a aucune existence légale malgré son existence physique (CE. 5 mars 2003, Nicolas Lepoutre, req. n°252.422) ; sauf à être ultérieurement régularisée par un permis de construire spécifiquement obtenu à cet effet ou par l’effet de la « prescription décennale » introduite par l’article L.111-12 du Code de l’urbanisme, laquelle n’était cependant pas applicable en l’espèce dès lors qu’il n’était pas contesté que le bâtiment présent sur le terrain n’avait jamais donné lieur à un permis de construire (art. L.112-2 e) ; C.urb). En outre, compte tenu du caractère réel et non pas personnel de la législation sur les autorisations de construire, la circonstance que celui qui envisage la réalisation de travaux portant sur une construction dépourvue d’existence légale n’ait en rien participé à l’édification de celle-ci n’aura strictement aucune incidence (CAA. Lyon, 24 février 1994, M. X…, req. n°92LY01466).

    Ces règles issues de la jurisprudence dite « Thalamy » ont principalement vocation à s’appliquer dans le cas de travaux devant prendre appui sur une construction illégalement. Mais la condition tenant à « l’existence légale » de la construction considérée peut jouer dans d’autres cas.

    Ainsi, pour application des articles L.146-1 et suivant du Code de l’urbanisme conditionnant la réalisation de travaux de construction à l’urbanisation du secteur au sein duquel ils sont projetés il a été jugé que les constructions dépourvues d’existence légale ne pouvaient être prises en compte pour apprécier le caractère urbanisé du site (CE. 27 septembre 2006, Commune du Lavadou, req. n°275.922). Dans le même sens, et pour application des prescriptions de règlements d’urbanisme locaux limitant les possibilités de construction attachées au terrain à l’édification d’annexe, il a été jugé qu’il ne peut y avoir annexe sans qu’une construction préexiste sur le terrain (CAA., 25 janvier 1996, Cne de Richardais, req. n°94NT00600 ; CAA. Nantes, 29 juin 1994, Cne de Villedomer, req. n°92NT00761), cette construction devant bien entendu une existence légale (CAA. Nancy, 2 février 2001, Francis X., req. n°97NC01134).

    En revanche, le seul fait qu’un terrain accueille une construction illégale ne le rend pas inconstructible (CAA. Marseille, 15 mai 2008, Cne de Fuveau, req. n°06MA00807) : même sans régularisation de cette construction, des bâtiments nouveaux peuvent être implantés sur ce terrain pour autant qu’ils ne prennent pas appui sur celle-ci (CE. 25 avril 2001, Ahlborn, req. n° 207.095 ; CAA. Nancy, 26 juin 2008, M. Aloyse X…, req. n°07NC00436).

    A priori, il aurait donc dû être fait abstraction en l’espèce du bâtiment existant sur le troisième lot, lequel était constructible malgré l’illégalité de cette construction.

    Pour autant, le juge des référés du Tribunal administratif de Nice a donc considéré que ce lot constituait bien un terrain déjà bâti au sens de l’article R.442-2 a) du Code de l’urbanisme et n’avait donc pas à être décompté pour déterminer si le projet impliquait ou non l’obtention d’un permis d’aménager.

    Ce faisant, le Tribunal nous semble ainsi s’être écarté des règles générales gouvernant la notion de construction existante au sens du droit de l’urbanisme pour s’en tenir à une approche propre à la règlementation sur les lotissements.

    En effet, il résulte de l’article L.442-1 du Code de l’urbanisme que le régime des lotissements s’applique au projet ayant pour objet ou pour effet de créer, par le jeu de divisions foncières, non pas des terrains constructibles mais des terrains destinés à être bâtis.

    Et précisément, la démarche qui aurait consisté en l’espèce à faire abstraction de la présence physique d’un bâtiment en considération de son illégale édification n’aurait aboutie qu’à caractériser un terrain nu dont le caractère constructible ne permet pas nécessairement d’en déduire qu’il est effectivement destiné à l’implantation d’un bâtiment.

    Or, malgré son illégalité au regard du droit de l’urbanisme, il n’en demeure pas moins qu’en raison de la présence physique du bâtiment sur le lot en cause il était difficile de présumer que sa formation répondait à une intention d’y construire ou appelait la délivrance d’un permis de construire ; la régularisation de bâtiment n’étant pas le préalable nécessaire à l’édification de construction sur les deux lots à bâtir déclarés en tant que tels par le requérant.

    La seule illégalité du bâtiment présent sur ce lot ne suffisait donc pas à caractériser un lot à bâtir au sens de la règlementation sur les lotissements, et donc un troisième lot à construire impliquant l’obtention d’un permis d’aménager.

    Mais par ailleurs, et par le jeu d’une substitution de motifs, la Ville devait justifier son opposition par l’article NB.1 du POS communal interdisant les lotissements au sein de cette zone ; amenant ainsi le requérant à exciper de l’illégalité de cette disposition en soutenant qu’une telle interdiction consistait en l’édification d’une règle de procédure.

    On sait en effet que par de nombreuses réponses ministérielles, l’administration a souvent précisé qu’un POS ou un PLU ne pouvait légalement interdire les lotissements dans la mesure où ces documents ne peuvent édicter que des règles de fond. Et il est tout a fait exact qu’ils ne sauraient édicter une règle de procédure, c’est à dire conditionner l’exécution de travaux et la délivrance de l’autorisation d’urbanisme s’y rapportant à une formalité (autorisation, avis, production de documents) que ne prévoit pas le Code de l’urbanisme. Selon l’administration, la notion de lotissement ne serait donc pas une notion de « fond » mais une procédure.

    Pourtant de nombreux arrêts ont fait application de règlements d’urbanisme locaux interdisant les lotissements. (CAA. Lyon, 22 octobre 1996, SCI Grande Garrigue, req. n°94LY00367). Bien plus, il a été expressément jugé qu’un lotissement constitue non pas une procédure mais « un type d'occupation et d'utilisation des sols » que les auteurs d’un règlement de POS peuvent légalement interdire au titre de l’ancien article R.123-21 du Code de l’urbanisme (CAA. Versailles, 6 novembre 2008, Sté Foncière de l’Ouest, req. n°07VE01713). Et l’on voit mal pourquoi il devrait en aller pour un PLU dès lors que l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme dispose que « le règlement peut comprendre tout ou partie des règles suivantes : occupations et utilisations du sol interdites (&) occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières » et qu’à titre d’exemple, son article L123-5 précise que « le règlement et ses documents graphiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, pour la création de lotissements ».

    Au surplus, il ressort selon nous nettement des dispositions issues de la réforme des autorisations d’urbanisme que le lotissement est bien une notion de « fond » et non pas une procédure dès lors que l’article L.442-1 définissant les opérations constituant un lotissement, d’une part, et l’article L.442-2 ayant trait à ceux exigeant un permis d’aménager d’autre part dissocient donc nettement la définition du lotissement en tant qu’opération d’aménagement des règles de procédure applicables s’agissant des autorisations requises pour leur réalisation. Or, comme on le sait, il y a deux procédures distinctes d’autorisation possibles (permis d’aménager ou déclaration d’aménagement) pour une seule et même définition de ce type d’opération : c’est donc bien que le lotissement n’est pas une procédure.

    D’ailleurs, en l’espèce, le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille n’a pas considéré que l’interdiction des lotissements était illégale mais a estimé qu’elle n’était pas applicable en dès lors que cette interdiction avait été édictée en considération de la définition du lotissement posée par l’ancien article R.315-1 du Code de l’urbanisme, tel qu’il était en vigueur à la date d’approbation du POS communal.

    Sur ce point, il faut toutefois relever que le juge a précisé que cette inopposabilité de cette interdiction ne procédait pas de cette seule circonstance mais du fait que « la division foncière déclarée » en l’espèce ne correspondait pas à la définition du lotissement au sens de l’ancien article R.315-1 du Code de l’urbanisme : l’ensemble des dispositions relatives aux lotissements des POS ou des PLU adoptés sous l’empire de cet article ne sont donc pas nécessairement inapplicables.

    Or, force est de constater que la définition du lotissement posée par l’ancien article R.315-1 du Code de l’urbanisme n’est fondamentalement pas si éloignée de celle posée par l’actuel article L.442-1 : il s’agit d’une opération impliquant la réalisation de divisions foncières en vue de l’implantation de bâtiments.

    La seule différence substantielle tient à ce qu’aux termes de l’ancien article R.315-1 le nombre de lots à construire était une composante intrinsèque de la définition du lotissement, laquelle impliquait la création de plus de trois terrains à bâtir, déduction faite, déjà, des terrains supportant des bâtiments n’étant pas destinés à être démolis, alors qu’aux termes des dispositions actuellement en vigueur cette considération a surtout une incidence sur la détermination de l’autorisation requise (art. L.442-2, R.421-19 C ;urb) ; permis d’aménager ou décision de non-opposition à déclaration préalable.

    Le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille semble donc avoir considéré qu’il ne s’agissait pas d’un lotissement au sens de l’article NB.1 du POS communal dans la mesure où la déclaration ne portait que sur la création de deux lots à construire.

    Ce faisant le Tribunal a donc implicitement validé une disposition d’un POS interdisant les lotissements mais en se limitant à une caractérisation comptable de la notion et ce, sans autre considération et, notamment, sans rechercher les motifs pour lesquels les auteurs du POS communal en cause avait entendu interdire les lotissements.

    La notion de lotissement au sens des dispositions d’un POS ou d’un PLU ne vise donc pas toute division foncière liée à un acte de construction (voir également : CAA. Marseille, 5 mars 2010, SCI La Ferrage, req. n°00928). Sauf disposition contraire, elle doit être appréciée au regard de la définition retenue par le Code de l’urbanisme dans sa version en vigueur à la date d’approbation de ces dispositions.

    Mais pour conclure, force est de rapprocher l’ordonnance commentée du jugement du Tribunal administratif de Limoges (TA. Limoges, 4 février 2010, SCI La Pigeonnie n°33, req. n°09-00518) ayant considéré qu’une division n’emportant la création que d’un lot à construire ne constituait pas un lotissement et, surtout, avec les conclusions du rapporteur public qui dans cette affaire avait relevé qu’une solution inverse procédant d’une « interprétation extensive du lotissement conduirait à faire obstacle à toute division foncière dans les communes où les règlements applicables à une zone interdisent tout lotissement » (Ccl J. Charret, BJCL, n°6/10, p.447) ; la combinaison de ces deux décisions offrant une parfaite illustration des difficultés présentées par l’imprécision de la définition actuelle du lotissement…

    (Un grand merci à MK)

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Tout change rien ne change : quel est l’apport de l’article R.431-13 du Code de l’urbanisme ?

    Dès lors que le projet de construction n’est pas conforme à l’affectation du domaine public sur lequel il empiète, le permis de construire ne peut être légalement délivré sans déclassement préalable du terrain.

    CAA. Bordeaux, 28 octobre 2010, Mme Sylviane X., req. n°10BX00075


    Antérieurement au dispositif entrée en vigueur le 1er octobre 2007, l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme disposait que « la demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain, soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation dudit terrain pour cause d'utilité publique. (…). Lorsque la construction est subordonnée à une autorisation d'occupation du domaine public, l'autorisation est jointe à la demande de permis de construire ».

    Cette autorisation d’occupation domaniale était requise quelles que soient la nature et l’importance de l’empiètement sur le domaine public (CE. 22 novembre 1995, SCI du 6, rue de Linière, BJDU, n°6/1995 ; CE. 20 mai 1994, C.I.L de Champvert, Rec., p.1250).

    En outre, elle devait nécessairement être jointe au dossier de demande de permis de construire. A défaut, le permis de construire était illégal et encourrait l’annulation, y compris lorsque cette autorisation avait effectivement été obtenue avant le permis de construire et avait été délivrée par la même autorité que celle ayant octroyé ce permis (CAA. Bordeaux, 19 mai 2008, SCI Parc de Fondargent, req. n°06BX01188).

    Surtout, ce dispositif amenait le juge administratif à contrôler la validité et le caractère adéquat de l’autorisation domaniale obtenue et, plus généralement, la compatibilité entre le projet de construction autorisé et l’affectation du domaine public sur lequel il portait en tout ou partie (CE. 23 avril 2003, Comité d’intérêt de Quartier Vallon des Auffes Corniche, req. n°249.918).

    Ainsi, lorsque le projet ne correspondait pas l’affectation du domaine public, le permis de construire était voué à l’annulation en cas de contentieux sur ce point. Il s’ensuivait qu’en pareil cas, il était nécessaire que le terrain soit déclassé préalablement à la date de délivrance du permis de construire ou, à tout le moins, que le principe de ce déclassement ait été acté à cette date (CE. 23 avril 2003, Comité d’intérêt de Quartier Vallon des Auffes Corniche, req. n°249.918).

    Mais comme on le sait, la règle générale issue de l’ancien article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme a été bouleversée par le dispositif entrée en vigueur le 1er octobre 2007 puisque s’il résulte de l’article R.423-1 du Code de l’urbanisme que le permis de construire a encore vocation à sanctionner le « titre habilitant à construire » du pétitionnaire, il résulte également de l’article R.431-5 que ce dernier n’a cependant plus qu’à attester de ce titre et ce, par la seule signature du formulaire « CERFA ».

    Ce principe connait cependant une forme d’exception puisque l’article R.431-13 précise toutefois que « lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public ».

    La finalité poursuivie en la matière par les rédacteurs de ces articles est ainsi parfaitement résumée par le commentaire de l’article précité opérée par le Code de l’urbanisme 2010 des éditions Dalloz :

    « Les anciennes dispositions de l’article R.421-1-1 imposaient de joindre l’autorisation d’occupation du domaine public à la demande de permis de construire. Cette autorisation d’occupation du domaine public est en principe délivrée pour une durée déterminée ; mais le silence de cette autorisation sur sa durée ne la rend pas illégale. En effet, il ne fait pas échec à son caractère précaire, lui-même fondé sur le principe d’inaliénabilité, pour un motif d’intérêt général, à cette autorisation. La jurisprudence, particulièrement abondante, sanctionnait fréquemment la méconnaissance de ces dispositions. De manière schématique, elle s’assurait que le pétitionnaire était bien en possession d’une telle autorisation, régulièrement délivrée et pouvant être regardée comme constituant un titre approprié à la nature de l’ouvrage projeté. Le juge se prononçait donc également sur la régularité du titre. Selon l’article L.233-1 du code général de la propriété des personnes publiques, sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordés ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires, etc. De manière plus générale, il est de jurisprudence constante que les litiges nés de l’occupation sans titre du domaine public, que celle-ci résulte de l’absence de tout titre ou de l’expiration, pour quelque cause que ce soit, du titre précédemment détenu, relèvent (sauf dans le cas de voie de fait ou dans celui où s’élève une contestation sérieuse en matière de propriété) de la compétence de la juridiction administrative.
    Ces contentieux de régularité du titre ne devraient toutefois plus être portés dans les litiges portant sur la régularité des autorisations de construire. En effet, les nouvelles dispositions se bornent à exiger la production d’une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine pour engager une telle procédure d’autorisation. Le principe d’indépendance des législations, largement consacré et organisé par la réforme, sera ainsi mieux respecté
    ».


    Sauf que non…

    Dans notre affaire, le pétitionnaire avait en effet obtenu un permis de construire portant pour partie sur une parcelle relevant du domaine public routier. C’est sur ce point que cette autorisation devait être attaquée puis annulée et ce au motif suivant :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme : Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public. ; qu'aux termes de l'article R. 423-1 du même code : Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; (...) ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de construction de la SCI le Mas des Bonnes Méditerranée empiète sur une portion de la voie communale affectée à la circulation publique, longeant la propriété de cette société ; qu'il est constant que cette voie communale fait partie du domaine public de la commune de Rodelle ; que compte tenu de l'emprise définitive sur le domaine que constitue l'habitation projetée par la SCI le Mas des Bonnes Méditerranée, cette construction ne pouvait faire l'objet de la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public citée par l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, aucune autorisation d'édifier un bâtiment ne pouvait être accordée sans qu'il ait été préalablement procédé au déclassement de cette portion du domaine public communal ; qu'aucune procédure de déclassement ni aucune délibération du conseil municipal de Rodelle donnant son accord à une telle procédure n'est intervenue ; que, par suite, Mme est fondée à soutenir que l'arrêté du 30 septembre 2008 par lequel le maire de Rodelle a délivré à la SCI le Mas des Bonnes Méditerranée un permis de construire est entaché d'illégalité
    ».


    En se fondant sur les dispositions combinées des articles R.423-1 et R.431-13 du Code de l’urbanisme et surtout en soulignant que « cette construction ne pouvait faire l'objet de la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public citée par l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme » la Cour a ainsi adopté une solution strictement identique à celle qu’aurait appelé l’ancien article R.421-1-1 : le projet n’étant pas conforme à l’affectation du domaine public sur lequel il portait partiellement, la procédure à suivre n’était pas la production de la pièce prévue par l’article R.431-13 mais la procédure de déclassement préalable de cette dépendance domaniale ou, à tout le moins, l’engagement d’une telle procédure à la date de délivrance.

    Reste donc l’apport strictement formel de ce dispositif : lorsqu’au regard de la nature du projet le pétitionnaire peut valablement obtenir une autorisation d’occupation du domaine public, il n’a plus à l’obtenir et à la produire au dossier avant la délivrance du permis de construire, il doit seulement justifier à cette date « l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public ».

    Mais même sur ce point la portée de cette innovation textuelle doit être relativisée puisque ce dispositif acte et s’inspire pour partie d’une pratique jurisprudentielle constituant l’une des rares entorses au principe selon lequel la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance puisque le juge administratif admettait de valider un permis de construire dont le titulaire ne disposait pas d’un titre à la date d’obtention de cette autorisation dès lors qu’à cette date il justifiait d’un engagement du propriétaire suffisamment ferme pour considérer qu’il serait bien ultérieurement « titré »…

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • L’incidence de la divisibilité du permis de construire sur l’appréciation des conditions nécessaires à la suspension de son exécution

    Dès lors que le permis de construire contesté autorise une maison et un garage architecturalement distincts et divisibles au sens de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, c’est non seulement les moyens se rapportant à sa légalité mais également l’urgence à en suspendre l’exécution qui doivent être appréciés non pas globalement mais isolément, bâtiment par bâtiment.

    TA. Grenoble, 8 décembre 2010, M. et Mme CIPRI, req. n°10-04965



    Dans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire une maison d’habitation ainsi qu’un garage dédié au stationnement de véhicules, lequel devait toutefois faire l’objet d’un recours en annulation puis d’une requête aux fins de suspension. Il reste qu’à la date à laquelle le juge des référés fut amené à statuer sur cette requête, le bâtiment à usage de garage était déjà quasiment achevé.

    m&g.jpgOr, les deux bâtiments objets du permis de construire attaqué étaient distincts et divisibles. C’est cette considération qui détermina l’ensemble de l’analyse du juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble et l’ensemble des motifs de son ordonnance puisqu’il jugea, d’une part, que l’urgence devait s’apprécier séparément, bâtiment par bâtiment, et d’autre part, que la portée des moyens présentés par les requérants à l’encontre de l’autorisation contestée devaient être appréciés distinctement selon le bâtiment ou les bâtiments auxquels ils se rapportaient. C’est ainsi qu’après avoir constaté le quasi-achèvement des travaux du garage, et par voie de conséquence, le défaut d’urgence à en suspendre l’exécution, le juge des référés rejeta de ce seul chef la requête pour ce qu’elle concernait ce bâtiment. Partant, et s’agissant du doute sérieux quant à la légalité du permis de construire en litige, il écarta d’emblée l’ensemble des moyens ayant exclusivement trait au garage pour s’en tenir aux moyens se rapportant à la maison d’habitation et aux moyens communs aux deux bâtiments.

    Pour déterminer cette « méthodologie », le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble s‘est fondé sur l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il dispose que « lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation » et ne vise donc que la possibilité d’une annulation partielle des autorisations d’urbanisme ou, a contrario, ne prévoit pas la possibilité d’en suspendre partiellement l’exécution.

    Il reste que bien avant l’entrée en vigueur de l’article L.600-5 précité le juge administratif s’était déjà reconnu la possibilité de n’annuler que partiellement une autorisation d’urbanisme (CE. 2 février 1979, Cts Sénécal, req. n° 05.808 ; CE. 16 février 1979, SCI Cap Naio c/ Dlle Fournier, Rec., p.66) et certains arrêts avaient déjà prononcé la suspension seulement partielle de l’exécution d’une décision administrative. Mais sur ce point, la solution n’est toutefois pas nouvelle puisque d’autres tribunaux se sont déjà expressément fondés sur l’article précité pour ne suspendre que partiellement l’exécution d’un permis de construire (TA. Melun, 18 octobre 2010, Racle & Fabre, req. n°10-06418 ; TA Toulouse, 17 août 2009, Assoc. de la Rue du Canon d'Arcole, req. n° n° 0903007).

    Toute la question en l’état est toutefois de savoir si l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme s’est borné à consacrer la pratique jurisprudentielle antérieure à son entrée en vigueur ou si au contraire l’intention du législateur a été d’aller au-delà en permettant au juge administratif de s’affranchir des critères traditionnels d’appréciation de la divisibilité du permis de construire ; question que la jurisprudence rendue en application de l’article L.600-5 ne permet pas encore de trancher réellement en l’absence de réponse du Conseil d’Etat.

    En effet, comme on le sait, si certaines cours appliquent l’article précité en se limitant aux possibilités d’annulation partielle précédemment dégagées par la jurisprudence (pour exemples : CAA. Nantes, 25 juin 2008, Cne de Bucy, req. n°07NT03015 & CAA. Lyon, 1er juillet 2008, Cne de Valmeinier, req. n°07LY02364), d’autres tendent à le mettre en œuvre indépendamment de toute considération liée à la divisibilité du projet, en se bornant à rechercher si le vice affectant l’autorisation contestée peut ou non être régularisé par un « modificatif » obtenu en application de l’article précité (CAA. Marseille, 7 octobre 2010, Clément A…., req. n°08MA03370).

    Au cas présent, il ressort clairement des termes mêmes de l’ordonnance commentée que le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble s’est prononcé en considération de la dissociabilité des bâtiments autorisés et de la divisibilité subséquente du permis de construire attaqué. Il semble toutefois avoir établi en considération de deux critères distincts ; l’un matériel, l’autre juridique.

    Or, la mise en œuvre combinée de ces deux critères apparait finalement assez révélatrice des hésitations du juge administratif s’agissant des modalités de mise en œuvre de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme et, plus généralement, des modalités selon lesquelles il doit dorénavant apprécier la divisibilité d’un projet et d’un permis de construire.

    Dans le « considérant » exposant la démarche qui selon lui devait être la sienne, le juge des référés énonce en effet que celle-ci vaut dans le cas « d’un permis de construire autorisant la construction de deux éléments architecturalement distincts et si l’opération ainsi autorisée est divisible au sens de l’article L.600-5 ».

    Puis dans le « considérant » suivant dédié à la caractérisation du projet autorisé par le permis de construire objet de la requête dont il était saisi, le juge expose que « le projet litigieux se compose de deux bâtiments distincts, une maison et un garage ; que dès lors le projet doit être considéré comme divisible au sens des dispositions susmentionnées » de l’article L.600-5.

    Sur ce point, le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble nous semble ainsi avoir eu recours à un critère matériel somme toute assez peu éloigné de la définition de « l’ensemble immobilier unique » retenue par le Conseil d’Etat dans l’arrêt « Ville de Grenoble » (CE. 17 juillet 2009, Ville de Grenoble, req. n°301.615), telle que cette définition a déjà être pu être mise en œuvre par certaines cours (CAA. Bordeaux, 1er avril 2010, Nadia X., req. n°09BX00275 ; CAA. Nantes, 16 février 2010, Pascal X., req. n°09NT00832).

    Ainsi, dès lors que les deux bâtiments étaient distincts et dotés d’une fonction propre, et donc sans lien physique, ni rapport d’interdépendance fonctionnelle, le projet autorisé par le permis de construire contesté pouvait être considéré comme divisible.

    Il reste que le juge des référés ne s’est pas contenté de ce constat puisqu’il a mis en exergue le fait que « les dispositions du document d’urbanisme relatives au stationnement n’imposent pas que le stationnement des véhicules doive s’effectuer dans un bâtiment couvert ». Il a donc implicitement considéré que le projet était divisible dans la mesure où, si le garage avait pour fonction d’abriter des aménagements destinés à satisfaire les besoins en stationnement de la maison d’habitation au regard de l’article 12 du règlement d’urbanisme local applicable, ce garage n’était cependant pas en lui-même nécessaire à la conformité du projet puisque l’article 12 permettait la réalisation de places de stationnement à l’aire libre.

    Le cas échéant, il aurait donc été possible de suspendre l’exécution du permis de construire uniquement en tant qu’il autorisait le bâtiment à usage de garage puisqu’une telle suspension partielle n’aurait donc pas eu pour effet de permettre la réalisation de travaux qui auraient alors été non-conformes à cet article 12.

    Dans cette mesure, le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble a donc également recherché s’il existait entre la maison et le garage projetés un rapport d’interdépendance juridique ; critère pourtant inopérant pour caractériser un ensemble immobilier unique au sens de l’arrêt « Ville de Grenoble ».

    Mais en toute hypothèse, et en l’absence de tout rapport d’interdépendance physique, fonctionnel ou juridique, le juge des référés a donc considéré que la maison et la garage autorisés par le permis de construire en litige étaient divisibles et, partant, a donc apprécié distinctement, bâtiment par bâtiment, la réunion des conditions posées par l’article L.521-1 du Code de justice administrative pour ordonner la suspension de l’exécution d’un acte administratif.

    Une telle démarche est difficilement contestable. En effet, à l’examen de la jurisprudence rendue en la matière il apparait que la divisibilité d’un projet d’urbanisme produit ses effets à tous les stades : la nature et le nombre d’autorisations susceptibles d’être obtenues ; le pouvoir de l’administration statuant sur la demande ; le pouvoir de l’administration pour retirer l’autorisation délivrée ; le délai de validité de l’autorisation pour engager les travaux ; l’appréciation de la conformité des travaux ; le sort contentieux de l’autorisation. Et pour cause puisqu’en fait, lorsqu’un arrêté portant permis de construire est divisible, c’est qu’il intègre déjà « plusieurs décisions », si bien qu’il faut apprécier distinctement l’objet et les effets de « chacune des autorisations » (Concl. J. Burguburu sur : CE. 17 juillet 2009, Ville de Grenoble », BJDU n°4/2009, p.274).

    Il s’ensuit, notamment, que les moyens ne se rapportant qu’à l’une des composantes divisibles d’une opération objet d’un permis de construire ne peuvent emporter l’annulation de ce dernier qu’en tant qu’il porte sur cette composante et ce, quelle que soit la nature de la cause d’illégalité l’affectant, y compris donc s’il s’agit d’un vice de légalité externe se rapportant à la procédure de délivrance de l’autorisation d’urbanisme considérée.

    C’est ainsi qu’il a été jugé que la circonstance qu’un dossier de demande de permis de construire ne comporte pas le justificatif de la demande d’autorisation d’exploitation commerciale alors prescrite par l’ancien article R.421-4 (al.2) du Code de l’urbanisme n’affectait d’illégalité le permis de construire obtenu qu’en tant qu’il portait sur la réalisation de hôtel et non pas en tant qu’il prévoyait également la construction de maisons individuelles dès lors que cet hôtel, d’une part, et ces maisons, d’autre part, pour avoir été autorisés par un même arrêté n’en formaient pas moins deux projets distincts (CAA. Nantes, 18 avril 2006, Sté Investimmo Régions, req. n°04NT01390).

    On voit donc mal pourquoi aurait-il dû en être autrement en matière de référé-suspension, y compris pour ce qui concerne l’appréciation de la condition de l’urgence à suspendre l’exécution de l’autorisation d’urbanisme en litige.

    On sait d’ailleurs que cette condition présente un point commun avec les conditions dans lesquelles l’exécution de travaux irréguliers peut être ordonnée sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme.

    En effet, de la même façon qu’il n’y a plus urgence à suspendre un permis de construire lorsque les travaux autorisés sont achevés ou quasiment achevés, il n’y a plus lieu d’ordonner l’interruption des travaux sur le fondement de l’article précité lorsque les travaux relevant du champ d’application de la procédure de permis de construire ont été accomplis (CE. 2 mars 1994, Cne de Saint-Tropez, req. n°135.448).

    Or, à ce titre, il a pu être jugé que l’interruption de travaux irréguliers pouvait être ordonnée pour l’ensemble du projet dès lors que ce dernier était composé de bâtiments indissociables (CE, 25 sept. 1995, Marchand, req. n°118.863) ou, plus récemment, qu’un arrêté interruptif de travaux ne précisant pas les bâtiments qu’il concernait mais visait deux procès-verbaux ne constatant la non-conformité que pour deux des trois bâtiments projetés devait être considéré comme n’ordonnant l’interruption que des travaux portant sur ces deux bâtiments dans la mesure où le troisième était divisibles de ces derniers (CAA. Bordeaux, 8 février 2010, David Henry X…, req. n°09BX00808). Il n’est donc pas incohérent que la démarche à suivre soit identique en matière de référé-suspension s’agissant de la condition d’urgence.

    Mais il s’ensuit que si l’ordonnance commentée nous semble offrir sur ce point une solution inédite, il n’en demeure pas moins que celle-ci ne nous semble donc pas procéder directement de l’apport de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme ou de la plus grande divisibilité des autorisations d’urbanisme voulue par l’arrêt « Ville de Grenoble ».

    (merci à EW ainsi qu'à VG) 



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés