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Interprétation & Application des normes - Page 14

  • Un ensemble indivisible ne constitue pas nécessairement un bâtiment unique pour application de la règle d’urbanisme

    Deux volumes accueillant chacun un logement certes accolés mais qui n’ont en commun qu’un accès à la voie publique et des équipements extérieurs susceptibles de les rendre indivisibles, n’en forment pas pour autant un bâtiment unique.

    CAA. Paris, 24 mai 2007, M. Raymond Y., req. n°04PA03314


    Dans cette affaire, le requérant avait obtenu un permis de construire présenté comme portant sur un bâtiment accueillant deux logements qui, s’il ne respectait pas les prescriptions de principe de l’article UD.14 du POS communal, avait été autorisé au titre des dispositions dérogatoires de ce dernier prévoyant que « dans le cas de la construction d'un seul pavillon sur une parcelle de superficie réduite, il est toujours possible de réaliser les SHON suivantes indépendamment de la valeur du C.O.S. applicable : ( ) 150 m2 de SHON constructible pour les terrains d'une surface supérieure à 300 m2 ».

    Mais c’est précisément sur ce point que devait être contesté et annulé ce permis de construire et ce, au motif suivant :

    « Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article UD 14 du règlement du plan d'occupation des sols de Sèvres relatif au coefficient d'occupation des sols (C.O.S.) : « 14.1 - Les valeurs du C.O.S. sont : Zone Uda : 0,40 ( ) 14.2 - Dans le cas de la construction d'un seul pavillon sur une parcelle de superficie réduite, il est toujours possible de réaliser les SHON suivantes indépendamment de la valeur du C.O.S. applicable : ( ) 150 m2 de SHON constructible pour les terrains d'une surface supérieure à 300 m2. » ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des plans joints à la demande, que le projet litigieux est constitué de deux bâtiments distincts de hauteur et de style différents et dont les seules parties communes concernent les équipements extérieurs ainsi que la rampe d'accès des véhicules à la voie publique ; qu'ainsi, cet ensemble ne peut être assimilé à un seul pavillon au sens du plan d'occupation des sols rendant ainsi les dispositions dérogatoires précitées de l'article UD 14-2 sur les valeurs du C.OS inapplicables ; que, par suite, M. Y n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a également retenu ce second motif pour annuler la décision litigieuse ».

    En substance, la Cour a donc considéré que les deux « volumes » formant le projet objet du permis de construire en cause formaient de deux bâtiments distincts – rendant donc inapplicable les dispositions dérogatoires de l’article UD.14.2 du POS communal – nonobstant, la double circonstance qu’ils disposaient d’une rampe d’accès et d’équipements extérieurs communs et qu’ils soient accolés (sur une question connexe, voir ici).

    En effet, l’existence d’aménagements communs est sans incidence sur l’appréciation du nombre de bâtiments projetés mais participe seulement à déterminer si ces derniers forment ou non ce qu’il est convenu d’appeler un « ensemble indivisible » ou encore un « tout indissociable ».

    C’est ainsi qu’un ensemble de bâtiments même autorisés par plusieurs permis de construire mais reliés entre eux par un seul accès commun à la voie publique formeront de ce fait un ensemble indivisible (CE. 1er décembre 1995, M. Ménager & Autres, req. n° 137.832) puisque pour être conformes aux prescriptions d’urbanisme applicable en la matière, il est impératif que chaque bâtiment à construire ait un accès à la voie publique et que cet accès soit saisi par le permis de construire en autorisant la construction (CE. 16 janvier 1987, SCI Ascodif, req. n° 64.032 ; CAA. Marseille, 18 février 1999, M. Tremellat, req. n° 96MA02391).

    En revanche, deux maisons individuelles n’étant reliées entre elles par aucun équipement commun constitueront, même lorsqu’elles sont autorisées par un seul et même permis de construire, un ensemble dissociable, si bien, d’ailleurs, que ce permis de construire pourra être frappé de caducité partielle (CAA. Marseille, 22 avril 1999, M. Bracco, req. n° 97MA00647).

    Il reste, donc, que si un bâtiment unique forme nécessairement un ensemble indivisible (CE. 26 janvier 1994, M. Mathieu Gonnet, req. n° 127.397 ; CAA. Marseille, 18 mars 2004, Cne de Beausoleil, req. n° 01MA00551), le simple fait que deux « volumes » soient reliés entre eux par un équipement commun, tel un auvent, voir par un élément de construction, tel un garage, susceptible de les rendre indivisibles ne saurait suffire à les faire regarder comme une construction unique (CE. 4 février 1994, Cne de Porancé, req. n°112.512) ou un logement unique (CE. Cne de Saint-Cannat, req. n°130.369).

    Par voie de conséquence, c’est donc à juste titre qu’en l’espèce, la Cour administrative d’appel de Paris a considéré que le fait que les deux « volumes » en cause aient en commun un accès à la voie publique et des équipements extérieurs n’avait pas en eux-mêmes pour effet de les faire accéder au statut de bâtiment unique. Sur ce point, l’arrêt commenté peut ainsi être rapproché de celui par lequel la même Cour a récemment jugé que :

    « Considérant que les constructions projetées, présentées dans le dossier de demande du permis de construire litigieux comme deux bâtiments à usage d'habitations totalisant trois logements, ne présentent aucune différence avec celles qui avaient fait l'objet d'une première demande de permis, qui portait sur la construction d'un ensemble de trois maisons ; que le projet ne prévoit pas de parties communes aux bâtiments, à l'exception de la partie du sous-sol destinée au stationnement des véhicules ; qu'ainsi, et bien que les deux constructions jumelées comportent certaines superstructures et une dalle uniques, ce projet doit être regardé, pour l'application des dispositions réglementaires précitées, comme portant en réalité sur la réalisation de trois pavillons, dont deux accolés » (CAA. Paris, 31 décembre 2004, SCI Sceaux Desgranges, req. n°01PA00560).

    C’est donc, au premier chef, au regard des ses caractéristiques constructives qu’il convenait de rechercher si le projet objet du permis de construire contesté constituait ou non un bâtiment unique ; étant précisé qu’a contrario, la seule circonstance que ce projet impliquait clairement la réalisation de deux logements distincts ne s’opposait pas, à elle seule, au bénéfice des dispositions dérogatoires de l’article UD.14.2 puisque ce dernier se bornait à viser « le cas d’un seul pavillon », ce qui en soi ne s’opposait pas à ce qu’y soient réalisés plusieurs logements (en ce sens : CE. 14 juin 2004, Mariotte, req. n°243.811).

    Mais sur ce point, la Cour administrative d’appel de Paris devait donc considérer qu’il s’agissait de deux bâtiments distincts puisque de « hauteur et de style différents ». Et à cet égard, la solution rendue peut être rapprochée, a contrario, de l’arrêt (sur lequel il y aurait, toutefois, beaucoup à redire sur ce point ; puisqu’il fut, en revanche l’objet de nombreux débats dans le cadre de la fameuse « copropriété horizontale ») par lequel la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé :

    « Considérant que le projet de la S.C.I. Enez Eussa, objet du permis de construire délivré le 30 mai 1997 par le maire de Puilboreau, porte sur la construction d'un bâtiment comprenant deux habitations individuelles, sur le lot n° 6 du lotissement "les Flénauds" à Puilboreau, autorisé par arrêté municipal du 12 juillet 1995 ; que ces deux habitations sont accolées, ont une toiture et une façade communes et constituent, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, un bâtiment unique ».

    Mais l’on précisera qu’a contrario, le seul fait que différents « volumes » horizontaux soient, à titre d’exemple, de hauteurs différentes ne suffit pas à les faire regarder comme formant autant de bâtiments distincts puisqu’à titre d’exemple, il a été jugé que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article 9 du règlement du lotissement du Collet Redon au Pradet (Var) : " ... La hauteur des bâtiments sera limitée à deux niveaux avec un maximum de 7 mètres mesurés à l'égout de la toiture à compter du point aval de la construction ..." ;
    Considérant que pour l'application des dispositions précitées aux transformations projetées d'un bâtiment existant, la villa de Mme MATHIEU-GONNET même si elle se compose de plusieurs corps de bâtiment de différentes hauteurs doit être considérée comme un tout indissociable ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la hauteur autorisée de la construction doit être calculée en fonction de chacun de ces corps de bâtiment ; qu'ainsi, il ressort des pièces du dossier que la hauteur de la villa calculée à compter du point aval de la construction excède le maximum de 7 mètres autorisé
    » (CE. 26 janvier 1994, M. Mathieu Gonnet, req. n° 127.397)

    Quant à la circonstance que les deux « volumes » en cause soient accolés, celle-ci est également insuffisante (CAA. Paris, 31 décembre 2004, SCI Sceaux Desgranges, req. n°01PA00560), y compris, d’ailleurs, lorsqu’ils présentent une réelle unité architecturale (CE. 7 mai Boisdeffre, req. n°251.596).

    Néanmoins, si la solution retenue par la Cour nous paraît totalement justifiée, son analyse nous paraît imparfaite ou, à tout le moins, incomplète puisqu’ainsi qu’il a été pré-exposé, la différence ou l’unicité de hauteur, de dimensions et/ou de style n’est pas totalement suffisante pour déterminer si le projet consiste en un ou plusieurs bâtiments distincts. On relèvera ainsi, à titre d’exemple, que sur cette question le Conseil d’Etat a jugé que :

    « Considérant qu'il ressort du dossier qu'en raison de la configuration du terrain d'assiette et d'une servitude de passage grevant ledit terrain, l'immeuble à usage d'habitation pour lequel M. Cohen a obtenu le permis de construire litigieux en date du 17 août 1989 se compose de deux corps de bâtiments séparés au rez-de-chaussée par un passage ouvert et comportant chacun une toiture indépendante ; qu'il est cependant constant qu'à partir du premier étage les deux corps de bâtiments communiquent et que les logements qui y sont aménagés sont accessibles par un même escalier et desservis par des circulations communes ; qu'ainsi, l'immeuble dont il s'agit, constituait une unique construction au sens des dispositions précitées ; que le moyen tiré de ce que son édification aurait nécessité la délivrance de deux permis doit en tout état de cause être écarté » (CE. 25 septembre 1995, MME Giron, req. n° 120.438)

    ou, a contrario, que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article UE 1-8 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Chéron, applicable au projet litigieux, La construction de plusieurs bâtiments sur une même propriété est autorisée à condition que la distance horizontale comptée entre tous les points du bâtiment soit au moins égale à (...) la hauteur de la façade la plus haute, avec un minimum de huit mètres, si la façade la plus basse comporte des baies principales assurant l'éclairement des pièces principales ou de travail ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que les maisons de ville numérotées 2, 3, 4, 5 et 6 dans la demande de permis de construire qui, bien qu'accolées les unes aux autres autour d'une cour, sont destinées à être occupées séparément, ont ainsi le caractère de bâtiments distincts au sens des dispositions rappelées ci-dessus ; que ces maisons présentent toutes des ouvertures principales les unes vers les autres alors qu'elles sont séparées en plusieurs points par des distances inférieures à six mètres ; qu'il suit de là que le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de droit en jugeant que le moyen relatif à l'inobservation de la disposition précitée du règlement du plan d'occupation des sols n'était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire litigieux ; que M. X est dès lors fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée » (CE. 7 mai Boisdeffre, req. n°251.596)

    Il nous semble donc que la parfaite motivation du « considérant » commenté aurait impliqué quelques mots sur l’autonomie fonctionnelle de chacun des deux « volumes » en cause.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur la notion de voie ouverte à la circulation au sens de l’article 6 du règlement local d’urbanisme

    Dès lors qu’un sentier n’est emprunté que par des piétons et n’est pas affectée à la circulation générale, il ne peut constituer une voie au sens de l’article 6 du règlement local d’urbanisme. En revanche, au sens de ce dernier, une impasse privée constitue une voie ouverte à la circulation automobile dès lors qu’elle est empruntée par des véhicules quand bien même ne constituerait-elle pas une voie ouverte à la circulation générale.

    CAA. Paris 10 mai 2007, M. Y., req. n°04PA02209 / CAA. Bordeaux, 29 mai 2007, Cne de Soorts-Hossegor, req. n°05NX00180

    Les deux arrêts aujourd’hui commentés, outre leur intérêt pratique, illustrent parfaitement l’importance des termes utilisés par les prescriptions du règlement local d’urbanisme et, notamment, par son article 6 qui aux termes de l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme a vocation à réglementer « l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques », sans plus de précision sur le statut des voies auxquelles il est susceptible de s’appliquer.

    Dans la première affaire, les requérants avaient obtenu un permis de construire autorisant l’édification de deux annexes – en l’occurrence, un abri de jardin et un atelier – de leur résidence principale lequel devait être contesté par un voisin et, conséquemment, annulé par le Tribunal administratif de Paris au motif que les constructions projetées méconnaissaient les règles d’implantation prescrite par l’article UD.6 du POS communal disposant que « 6.1 Voies publiques ou privées ouvertes à la circulation automobile : / Les constructions en superstructure doivent être implantées à 4 mètres minimum de l'alignement actuel ou futur des voies publiques ou de l'emprise des voies privées... / 6.2 Voies de desserte uniquement piétonne : / Les limites de l'emprise de ces voies sont assimilées à des limites séparatives et les règles de l'article UD 7 s'appliquent. / 6.3 En cas de voies d'accès réservées exclusivement aux véhicules de sécurité, les normes applicables sont fixées par les services de sécurité ».

    Les constructions litigieuses étant en l’espèce projetées en limite de l’allée privée bordant leur terrain, toute la question était ainsi de savoir si cette dernière constituait une voie ouverte à la circulation automobile au sens de l’article UD.6.1 du POS communal ou une voie piétonne au sens de son article UD.6.2 ; étant rappelé que dès lors qu’un article 6 vise expressément les voies privées, ses prescriptions sont applicables à ces dernières, puisque ce n’est qu’à défaut d’une telle précision qu’elles ne sont réputées opposables qu’aux seules voies publiques (CE. 16 mars 2001, M. & Mme Chomel, req. n°214.489, spéc. Ccl Ch. Maugüé, BJDU, 2001, p.89), l’implantation des constructions par rapport aux voies privées étant alors régie par l’article 7 relatif à leur distances par rapport aux limites séparatives

    C’est la première possibilité qu’a retenu la Cour administrative d’appel de Paris en jugeant que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'allée des Fontenettes a été créée initialement pour assurer la desserte d'un groupe de quatre maisons implantées sur les parcelles 252 à 255 et qu'en 1994, à la suite d'une division de terrain donnant naissance aux parcelles 300 et 301, il a été constitué une double servitude de passage, sur l'allée au profit de la propriété X, sur une bande d'un mètre de largeur dans la partie terminale de l'allée au profit des copropriétaires de l'allée et pour la création de places de stationnement ; que, dès lors, l'allée est une voie privée, et non une simple servitude de passage ; que cette voie est empruntée par les véhicules des occupants des cinq immeubles qu'elle dessert et, le cas échéant, par les véhicules des services publics ; qu'il ressort également des pièces du dossier que les entreprises qui ont réalisé les travaux de construction nécessités par le permis de construire litigieux y ont fait passer leurs véhicules ; que, dans ces conditions et bien qu'il s'agisse d'une impasse et qu'elle ne soit pas ouverte à la circulation générale, l'allée des Fontenettes doit être regardée comme une voie privée ouverte à la circulation automobile, au sens des dispositions réglementaires précitées, qui sont ainsi applicables au projet de M. et Mme Y ; que, la construction envisagée étant située en limite séparative de l'allée, c'est à juste titre que le Tribunal administratif de Paris a estimé que le permis de construire litigieux avait été délivré en méconnaissance de l'article UD 6.1 précité ».

    En premier lieu, la Cour a donc considéré que dès lors que l’allée en cause était grevée d’une servitude de passage, celle-ci devait être considérée comme une voie (sur l’appréciation de la largeur d’une voie privée au regard de l’article 3 d’un règlement local d’urbanisme en considération de l’assiette de la servitude de passage la grevant : CAA. Marseille, 12 avril 2007, Cne de Rouret, req. n°05MA00292).

    En second lieu, elle a estimé que dès lors que cette voie était effectivement empruntée par des véhicules, elle constituait d’une voie au sens de l’article UD.6.1 du POS communal alors même qu’il s’agissait d’une voie privée n’étant pas ouverte à la circulation publique puisque ce dernier visait, plus généralement, les voies ouvertes à la circulation automobile.

    Précisément, il faut se demander quelle aurait été la solution retenue par la Cour administrative d’appel de Paris si l’article UD.6.1 avait visé de façon plus restrictive les voies ouvertes à la circulation générale ou à la circulation publique.

    Mais l’on peut supposer qu’elle aurait considéré que l’article UD.6 aurait alors été inopposable au permis de construire contesté puisque la voie en cause pour être empruntée par des véhicules n’en était pas pourtant ouverte à la circulation générale ou publique et, par ailleurs, ne constituait pas de ce fait une voie piétonne visée par son paragraphe 2, ni une « voie pompiers » visée par son paragraphe 3 puisque pour être empruntée, notamment, par des véhicules des services publics elle n’en était pas pour exclusivement dédiée à l’accessibilité des engins de secours.

    Dans la second affaire, c’est l’implantation d’un local ostréicole et des bassins de traitement par rapport aux voies et, notamment, par rapport à un sentier bordant le terrain objet du permis de construire en litige qui était contestée ; ce dernier ayant été annulé en première instance au motif que les constructions projetées n’étaient pas implantées à la distance prescrite par l’article ND.6 du POS communal par rapport à ce sentier ».

    Il reste que, d’une part, l’article précité disposait que « les constructions seront implantées avec un recul minimum de 6 mètres de l'alignement des voies existantes ou à créer » et que, d’autre part, le sentier considéré n’était utilisé que par des piétons. Telle étant la raison pour laquelle la Cour administrative d’appel de Bordeaux devait pour sa part juger que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article VI ND 6 du plan local d'urbanisme : « Les constructions seront implantées avec un recul minimum de 6 mètres de l'alignement des voies existantes ou à créer » ;
    Considérant que le sentier autour du lac d'Hossegor n'est emprunté que par les piétons et n'est pas affecté à la circulation générale ; qu'ainsi, il ne constitue pas une voie au sens de l'article VI ND 6 du plan local d'urbanisme de Soorts-Hossegor ; que, par suite, la COMMUNE DE SOORTS-HOSSEGOR est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 2 décembre 2004, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 3 mars 2003 par lequel le maire de Soorts-Hossegor a accordé à M. A et à M. B un permis de construire au motif que les deux bassins dont la construction est autorisée par le permis de construire litigieux se situent à moins de six mètres de ce sentier ».


    Au surplus, on relèvera que dès lors qu’un sentier constitue, au sens du Code de la voirie routière du moins, une voie privée et que l’article ND.6 ne précisait pas expressément s’appliquer à ces voies, le sentier en cause en l’espèce ne pouvait donc pas emporter application des prescriptions de ce dernier. Mais il en résulte également que sauf à qu’il le préciser expressément, les prescriptions de l’article 6 d’un règlement local d’urbanisme n’ont pas vocation à s’appliquer aux voies piétonnes, lesquelles ne constituent donc pas des voies ouvertes à la circulation générale.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Le respect des prescriptions de l’article 13 du règlement de PLU s’apprécie à l’échelle de l’ensemble du terrain d’assiette des constructions projetées malgré son éventuelle division en jouissance

    Sauf disposition contraire du règlement de PLU, le respect des prescriptions édictées par ce dernier doit s’apprécier à l’échelle de l’ensemble du terrain d’assiette des constructions. Il s’ensuit que lorsque ce terrain a fait l’objet ou doit faire ultérieurement l’objet d’une division en jouissance, cette circonstance n’a aucune incidence sur ce point : le respect de ces prescriptions n’a pas à être apprécié à l’échelle de chacun des lots issus de cette division.

    CAA. Lyon, 8 juin 2006, M. X & autres, req. n°02LY01598


    On sait que l’unité foncière – définie comme « l’îlot de propriété d’un seul tenant, composé d'une parcelle ou d'un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision » (CE. 27 juin 2005, Cne de Chambéry, req. n°264.667) – constitue, par principe, l’assiette territoriale des prescriptions d’urbanisme.

    Or, en application de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme, un même permis de construire peut impliquer la construction de plusieurs bâtiments sur une même unité foncière et la division subséquente de cette dernière, laquelle peut prendre la forme de simples divisions en jouissance qui, ne constituant donc pas des divisions en propriété, n’aboutissent pas à la création de plusieurs unités foncières issues du tènement d’origine.

    Il n’en demeure pas moins que ces divisions en jouissance emportent la création de « lots privatisés ». Dès lors, au regard des objectifs poursuivis par les prescriptions d’urbanisme, on peut légitiment se demander si ces lots doivent être considérés comme des terrains pour l’application de ces dernières.

    En effet, dans la mesure où chacune des constructions édifiées sur chacun de ces lots sont toutes édifiées sur une même unité foncière, leur implantation a naturellement vocation à être régie par l’article 8 du règlement d’urbanisme local dont on rappellera qu’aux termes de l’article 123-9 du Code de l’urbanisme, il a trait à « l’implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur une même propriété » et non pas par son article 7 relatif à « l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives » dans la mesure où, précisément, les limites intérieures de ces lots ne constituent pas des limites de propriété. Il reste qu’au regard de la finalité de l’article 7, il ne serait pas totalement illogique d’en appliquer les prescriptions à chacun de ces lots. De même, s’agissant de l’article 5 du règlement local d’urbanisme relatif à la surface minimale des terrains pour être constructibles, la question est de savoir si c’est la surface totale de l’unité foncière qui doit être appréciée, en vertu au principe selon lequel l’unité foncière constitue l’assiette territoriale des prescriptions d’urbanisme, ou la surface de chacun des lots à créer, ce qui répondrait, du moins pour partie, aux objectifs de l’article 5.

    Or, à cette question, les réponses apportées par la jurisprudence ont parfois été contradictoires, notamment pour ce qui concerne les conditions d’application de l’article 5.

    On peut ainsi relever que, dès 1988, le Conseil d’Etat a jugé qu’en l’absence de dispositions contraires dans le règlement local d’urbanisme, son article 5 n’interdit pas la construction de plusieurs bâtiments sur une même unité foncière dès lors que la superficie totale de cette dernière respecte la règle de surface minimale (CE. 13 mai 1988, Comité de défense des sites de la Turbie, req. n° 72.100), quand bien même la surface de leur terrain d’assiette respectif n’y serait pas conforme.

    Néanmoins, la Cour administrative d’appel de Paris devait ultérieurement considérer (CAA. Paris, 28 septembre 1993, SCI Le Domaine de Roissy, req. n° 93PA00247) – comme l’avait précédemment fait, d’ailleurs, le Tribunal administratif de Versailles (TA. Versailles, 26 septembre 1986, Abihssara, req. n° 85-2619) – que les règles locales d’urbanisme relatives à la surface minimale des terrains à construire devaient être appliquées pour chaque lot à créer mais ce, avant de juger quelques mois plus tard qu’il convenait effectivement d’apprécier uniquement la surface de l’unité foncière primitive indépendamment donc de toute considération liée à celle de ces lots (CAA. Paris 31 mars 1994, Cne de Mareil-sur-Mauldre, req. n° 93PA00452).

    L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon ici commenté apporte un nouvel élément de réponse à cette question et ce, à travers l’application de l’article 13 du règlement local d’urbanisme relatif aux « obligations imposées aux constructeurs en matière de réalisation d’espaces libres, d’aires de jeux et de loisirs, et de plantations » (art. R.123-9-13° ; C.urb).

    Dans cette affaire, le permis de construire attaqué autorisait la construction de plusieurs bâtiments sur une même unité foncière dont la réalisation et la commercialisation devaient emporter la division en jouissance. Or, si a priori le pétitionnaire respectait les prescriptions de l’article 13 du plan d’occupation des sols à l’échelle du terrain pris dans sa globalité, les requérants soutenaient que tel n’était pas le cas à l’échelle de chacun des lots issus de ces divisions, pris isolément. Mais à ce moyen d’annulation, la Cour administrative d’appel de Lyon a donc opposé, confirmant ainsi le jugement de première instance du Tribunal administratif de Dijon (TA. Dijon, 4 juin 2002, req. n° 01-3195), que :

    « Considérant que le b) du 1) de l'article 1 NA 13 du règlement du plan d'occupation des sols de Talant, relatif à l'aménagement des espaces libres liés à une opération de construction, prévoit une superficie minimum d'espaces verts égale à « 40 % de la surface du terrain dont 20 % d'un seul tenant avec 1 arbre de haute tige ou 4 arbustes pour 100 m² » ; que le terrain ainsi visé est le terrain d'assiette de l'opération de construction sur laquelle porte la demande de permis de construire et qu'il en résulte que le respect de l'obligation de réaliser des espaces verts d'un seul tenant sur 20 % de la surface du terrain doit s'apprécier à l'échelle du terrain dans son ensemble ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le respect de cette obligation devrait s'apprécier en tenant compte des limites des lots, s'agissant d'un projet portant sur la réalisation de plusieurs constructions avec division en jouissance de la propriété foncière, doit être écarté ».

    Le respect des prescriptions de l’article 13 du règlement local d’urbanisme s’apprécie donc à l’échelle de l’ensemble de l’unité foncière ou, à tout le moins, de sa portion constituant l’assiette foncière de la demande de permis de construire et non pas à l’échelle de chacun des lots à créer lorsque ceux-ci ont vocation à résulter d’une division en jouissance.

    En première analyse ce mode d’appréciation valant, a priori, pour l’ensemble des prescriptions d’urbanisme opposables au projet, apparaît parfaitement cohérent.

    D’une part, ainsi qu’il a été pré-exposé, il correspond au principe selon lequel l’assiette foncière des prescriptions d’urbanisme est l’unité foncière ou, à tout le moins et plus généralement, sa portion constitutive du terrain d’assiette de la demande de permis de construire.

    D’autre part, on rappellera que, d’une part, la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance et que, d’autre part, les divisions visées par l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme relatif au permis de construire valant division sont celles pratiquées ultérieurement à l’acte de construction et, a fortiori, à la délivrance du permis de construire (CE. 26 mars 2003, Cts Leclercq, req. n°231.425).

    Il s’ensuit qu’à la date de délivrance du permis de construire valant division son terrain d’assiette est constitué d’un seul tenant et, en d’autres termes, qu’aucun lot n’existe : il n’y a donc pas lieu de prendre en compte les lots à constituer. Par voie de conséquence, il ne devrait pas en aller différemment lorsque ces lots ont vocation à résulter de divisions en propriété puisqu’à la date de délivrance du permis de construire celui-ci ne porte que sur une seule et même unité foncière.

    Il faut, toutefois, relever que l’alinéa 2 de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme précise que « dans le cas mentionné au premier alinéa, et lorsqu'un coefficient d'occupation des sols est applicable au terrain, la demande peut être accompagnée d'un plan de division du terrain précisant, le cas échéant, le terrain d'assiette de la demande d'autorisation et répartissant entre chacun des terrains issus de la division la surface hors oeuvre nette ».

    L’alinéa précité – dont on soulignera qu’il ne distingue pas les divisions en jouissance des divisions en propriété – autorise donc le pétitionnaire à ventiler librement la SHON constructible attachée au terrain d’assiette de la demande entre les lots à créer sans considération de la surface respective de ces derniers (CAA. Paris 29 septembre 1998, Kaufam et Broad, req. n°93PA01204).

    Or, dans la mesure où l’article R.421-7-1.al.-2 du Code de l’urbanisme semble être conçu comme une exception et qu’une exception de vaut que pour ce qu’elle vise expressément, force serait donc de considérer que le respect des autres prescriptions d’urbanisme doit, dans ce cas, être apprécié à l’échelle des lots à créer et non à l’échelle du terrain d’assiette de la demande pris dans son ensemble. Il reste que dans le cas où le constructeur n'entend pas profiter de la possibilité offerte par l'article R.421-7-1.al.-2 du Code de l'urbanisme, il n'a aucune raison, puisque rien ne lui impose, de produire un plan de division faisant apparaître la limite des lots à créer ; ce qui rend impossible l'application des prescriptions d'urbanisme lot par lot. Mais en toute hypothèse, il va sans dire que l'application de ces prescriptions se fasse lot par lot ou à l'echelle de l'ensemble du terrain de l'opération selon que le pétitionnaire ait ou non usé de la faculté prévue par l'article précité...

    Dans ce contexte, on ne peut donc qu’inciter, d’une part, les auteurs du règlement local d’urbanisme à prévoir des règles spécifiques pour les lots à créer ou à préciser expressément que ses prescriptions visant les terrains leur sont applicables et espérer, d’autre part, que le décret d’application de l’ordonnance du 8 décembre 2005 du relative à la réforme des autorisations d’urbanisme précisera les règles d’application des prescriptions d’urbanisme aux lots à créer.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés