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Veille administrative (Réponse ministérielle) : Le Ministère maîtrise-t-il la réforme des autorisations d’urbanisme dont il est l’auteur ?

C’est la question que l’on est en droit de se poser à la lecture de la réponse ministérielle citée ci-dessous, où l’on apprend s’agissant du « changement de destination d'un immeuble à usage d'habitation en immeuble à usage de bureaux » que « si cette transformation n'est pas accompagnée de travaux, (il) n'est astreint à aucune formalité au titre du permis de construire »… alors qu’il s’agit d’un des aspects les plus significatifs de la récente réforme des autorisations d’urbanisme.

TEXTE DE LA QUESTION (publiée au JO le 28/08/2007 ; p.5351)

« Reprenant les termes de la question écrite qu'elle avait posée le 1er mai 2007 sous la précédente législature, demeurée sans réponse, Mme Marie-Jo Zimmermann attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, sur le cas d'une personne qui obtient un permis de construire pour un immeuble à usage d'habitation et qui, finalement, tout en ayant scrupuleusement respecté le permis de construire, utilise cet immeuble pour des bureaux à destination de professions libérales. Elle souhaiterait connaître quels sont, dans cette hypothèse, les moyens de recours de la commune ou, éventuellement, des riverains »

TEXTE DE LA REPONSE (publiée au JO le 29/01/2008 ; p.793)

« Le changement de destination d'un immeuble à usage d'habitation en immeuble à usage de bureaux, si cette transformation n'est pas accompagnée de travaux, n'est astreint à aucune formalité au titre du permis de construire. Le changement opéré ne peut, éventuellement, être soumis qu'à l'autorisation préalable de changement d'usage prévue à l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation. Toute infraction aux dispositions de cet article est sanctionnée par les peines et mesures de restitution prévues à, l'article L. 651-2 du même code. En revanche, dès lors que l'utilisation faite des locaux de l'immeuble méconnaît les dispositions du plan d'occupation des sols ou du plan local d'urbanisme, l'infraction prévue à l'article L. 160-1 alinéa 1er du code de l'urbanisme est constituée, et il appartient au maire au premier chef et à toute personne concernée de faire engager des poursuites pénales en application de l'article L. 480-1 et suivants du même code ».

 

Sous l’empire de l’ancien article L421-1 du Code de l’urbanisme, tous les travaux emportant un changement de destination relevaient du permis de construire, quelle que soit la nature et l’importance des travaux projetés, y compris s’il s’agissait de simples travaux d’aménagement intérieur n’ayant aucun impact sur le volume, le nombre de niveaux et l’aspect extérieur de la construction existante considérée (Cass. crim., 11 février 1992, Cne de cassis, pourvoi n°90.80702).

Il reste qu’il était nécessaire que des travaux soient effectués puisque le droit des autorisations d’urbanisme ne saisissait pas le cas des changements de destination résultant d’un simple usage et, en d’autres termes, ne s’accompagnant d’aucun travaux concomitants.

Or, les nouveaux articles R.421-13, R.421-14 et R.421-17 du Code de l’urbanisme ont totalement bouleversé le principe et les règles issus de l’ancien article L.421-1.

En premier lieu, les articles précités saisissent et régissent les changements de destination des constructions existantes en tant que tels et, par principe, indépendamment donc de toute considération liée au fait de savoir s’ils accompagnent ou non de travaux.

En second lieu, les changements de destination relèvent, par principe, du régime déclaratif, sauf, par exception, à relever des cas pour lesquels un permis de construire est requis au titre du nouvel article R.421-14.

Il reste que cet article ne saisit expressément qu’à une occasion le cas des changements de destination et ce, pour assujettir à permis de construire « les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s’accompagnent d’un changement de destination » ; ce dont il résulte, d’une part, qu’à défaut de s’accompagner d’un changement de destination, ces travaux seront dispensés de toute formalité et, d’autre part, qu’aucun changement de destination n’est assujetti en tant que tel à permis de construire. Par voie de conséquence, des travaux emportant un changement de destination ne pourront être assujettis à permis de construire qu’à la condition qu’à un autre titre, ils relèvent de l’un ou plusieurs des cas prévus par des nouveaux articles R.421-14, R.421-15 et R.421-16 du code de l’urbanisme.

Pour être complet sur ce point, on soulignera également que le nouvel article R.421-14 du code de l’urbanisme apporte deux précisions – ultérieurement reprises par le nouvel article R.421-17 relatif aux travaux et changements de destination soumis à déclaration – s’agissant du mode d’appréciation de ces changements.

D’une part, il précise que les changements de destination à prendre en compte sont les changements entre les différentes destinations définies à l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme relatif au contenu des prescriptions du règlement du plan local d’urbanisme (sur le mode d'appréciation dans le temps, voir ici). En effet, une des principales difficultés rencontrées pour l’application du régime du permis de construire aux travaux emportant un changement de destination d’une construction existante tenait, au premier chef, à ce que le code de l’urbanisme ne précisait jamais les différentes destinations possibles d’une construction ; les différentes catégories énoncées par le formulaire « CERFA » de demande de permis de construire ne trouvant leur fondement dans aucune disposition législative ou réglementaire du code.

C’est ainsi à la jurisprudence qu’a incombé le rôle de déterminer si un changement d’usage ou d’affectation constituait ou non un changement de destination au sens, principalement, des anciens articles L.421-1 et R.422-2 (m) du code de l’urbanisme, ce dont il a résulté un nombre considérable de destinations possibles, aux limites et aux nuances parfois subtiles et difficiles à circonscrire.

Or, si l’article R.123-9 du code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000 dite « SRU » est venu préciser cette notion, ce n’est qu’à l’égard des possibilités de moduler les prescriptions d’un règlement de plan local d’urbanisme en considération de la destination des constructions considérées.

Précisément, le nouvel article R.421-14 du code de l’urbanisme fait de l’article R.123-9 une référence plus générale valant également pour ce qui concerne le contrôle des changements de destination. Au sens du nouvel article R.421-14 constitue ainsi un changement de destination celui intervenant entre les différentes catégories prévues par l’article R.123-9, à savoir les constructions destinées à l’habitation, à l’hébergement hôtelier, aux bureaux, aux commerces, à l’artisanat, à l’industrie, les exploitations agricoles ou forestières.

Il reste qu’il faut souligner l’absence de précision du rédacteur du décret lequel s’est bordé à viser l’article R.123-9 du code de l’urbanisme alors que cet article dispose, d’une façon générale, que « les règles édictées dans le présent article peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt » mais ce, tout en précisant, plus particulièrement, que « en outre, des règles particulières peuvent être applicables aux constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif », lesquels constituent, dans les plans locaux d’urbanisme, une des destinations possibles d’une construction.

Or, il s’agit d’une destination spécifique qui, en substance, se substitue à la destination primaire de l’ouvrage considéré. C’est ainsi qu’à titre d’exemple, une résidence médicalisée privée pour personnes âgées constitue intrinsèquement et en toute hypothèse une construction à destination de commerce, laquelle peut toutefois accéder au statut d’équipement collectif et être soumise aux prescriptions spécifiquement prévues par le plan local d’urbanisme pour ce type d’équipement, si d’une façon plus particulière la résidence considérée répond à un besoin de la population. On peut dès lors se demander si la catégorie des « constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif » constituera une destination à part entière pour application du principe posé par les nouveaux articles R.421-14 et R.421-17. Mais a priori, la réponse devrait être négative puisque si tel était le cas, le simple fait pour une construction de perdre les caractéristiques pour lesquelles elle pouvait être considérée comme un équipement d’intérêt collectif, pour ainsi s’en retrouver réduite à sa destination primaire, constituerait un changement de destination.

D’autre part, le nouvel article R.421-14 du code de l’urbanisme précise expressément que pour l’application de ses dispositions visant le cas d’un changement de destination, « les locaux accessoires d’un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal ».

Il faut rappeler, en effet, qu’au regard de la jurisprudence rendue en la matière, notamment, au titre des anciens articles L.421-1 et R.422-2 (m) du code de l’urbanisme, non seulement le nombre de destinations possibles d’une construction était élevé mais, en outre, une même construction pouvait présenter plusieurs destinations puisque la destination d’un ouvrage n’était pas déterminée en considération de sa vocation générale ou de sa destination dominante mais appréciée local par local (CE.5 avril 1996, Caisse générale de retraite des cadres par répartition, req. n°133813)

C’est ainsi qu’à titre d’exemple, des travaux tendant à rendre habitable un garage annexe d’une habitation emportaient un changement de destination de ce local exigeant un permis de construire et non pas une simple déclaration de travaux, y compris si sa surface de plancher était inférieure à 20 mètres carrés (CAA. Nantes, 2 décembre 1998, M. Luccioni, req. n°96NT02119).

Précisément, il résulte de la règle posée par le nouvel article R.421-14 du code de l’urbanisme qu’un tel changement ne constituera plus un changement de destination susceptible d’être soumis à autorisation puisque ce garage, en tant que local accessoire, sera réputé avoir la même destination que le local principal, en l’occurrence l’habitation. II reste qu’ici encore, il incombera à la jurisprudence de définir ces notions de locaux accessoires et de locaux principaux.

Il n’en demeure pas moins qu’il résulte de ce que qui précède que le changement de destination évoqué dans la réponse ministérielle ici commentée est assujetti à la formation préalable d’une décision de non-opposition à une déclaration formulée au titre de l’article R.421-17 (b) du Code de l’urbanisme…



Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet Frêche & Associés

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