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Les bureaux et les locaux de formation annexes à un établissement pénitencier ne constituent pas un équipement public au sens du règlement d’urbanisme local

La seule circonstance qu’un permis de construire soit délivré à une personne publique ne suffit pas à faire regarder la construction ainsi autorisée comme un équipement public au sens du règlement d’urbanisme local. Par voie de conséquence, lorsque cette construction ne répond pas à un besoin d’intérêt collectif, les règles opposables doivent être déterminées en considération de la seule destination de cette dernière.

CE. 18 octobre 2006, Synd. des copropriétaires de l’immeuble « Les Jardins d’Arago », req. n°294.096


Dans cette affaire, le Préfet de Paris avait délivré un permis de construire autorisant la construction d’un bâtiment annexe à la maison d’arrêt de la santé, lequel était destiné à accueillir des bureaux et des locaux de formation. Pour ce faire, le Préfet s’était fondé sur les articles 14 et 15 du règlement de POS communal qui autorisaient un coefficient d’occupation du sol dérogatoire fixé à 3 pour « les équipements publics participant à la vie locale » alors qu’il était fixé, par principe, à 0,5 pour les constructions à destination de bureaux et d’activités.

Or, précisément, les requérants soutenaient que nonobstant la circonstance que la construction projetée ait vocation à être édifiée pour l’Etat, celle-ci ne pouvait pas être considérée comme un équipement public au sens des articles 14 et 15 du POS communal et, par voie de conséquence, devait se voir appliquer les règles de « droit commun », c’est-à-dire celles applicables aux constructions à destination de bureaux et d’activités. Précisément, le Conseil d’Etat a accueilli ce moyen en jugeant que :

« Considérant que, pour prendre l'arrêté du 8 février 2006 accordant un permis de construire pour la construction d'une annexe à la maison d'arrêt de la santé, le préfet de Paris a fait application des dispositions des articles U.H.14.1 et U.H.15 du règlement du plan d'occupation des sols de la ville de Paris, qui, respectivement, dans le secteur d'implantation du bâtiment projeté, fixent un coefficient d'occupation des sols de 3 pour certaines destinations, dont les « équipements publics participant à la vie locale », alors que ce coefficient n'est en principe que de 0,5 pour les bureaux et les activités, et autorisent des dépassements limités de ces coefficients ; qu'à cet effet, le bâtiment projeté a été regardé comme constituant un tel équipement ; que, toutefois, eu égard aux caractéristiques du projet en cause, qui, ainsi qu'il ressort du dossier soumis au juge des référés, est séparé de la maison d'arrêt de la santé par une rue et qui, pour l'essentiel, a vocation à accueillir des bureaux et des locaux de formation, le juge des référés a commis une erreur de droit en estimant que le moyen tiré de la méconnaissance des règles applicables en matière de coefficient d'occupation des sols n'était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire litigieux ; qu'ainsi, le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE « LES JARDINS D'ARAGO » est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ».

On sait, en effet, que les règlements d’urbanisme locaux ont la possibilité d’édicter des règles spécifiques pour les équipements publics. Il reste qu’eu égard, à la finalité de la règle d’urbanisme les dérogations ainsi instituées ne peuvent se justifier par le seul fait que la construction en cause soit une construction publique, c’est-à-dire réalisée par ou pour le compte d’une personne publique (sur l’insuffisance du critère organique : Ccl Y.AGUILA sur CE. 23 novembre 2005, req. n°262.105, in BJDU, n°1/2006, p.20).

En effet, pour qu’une construction publique puisse bénéficier des règles spécifiques applicables aux équipements publics, il est également nécessaire qu’elle réponde à l’intérêt général, c’est-à-dire, en la matière, qu’elle ait vocation à offrir un service d’intérêt collectif aux administrés.

Or, s’il ne fait pas de doute qu’un établissement pénitencier répond à un besoin d’intérêt collectif, il reste qu’au cas présent, la construction litigieuse n’avait pas vocation à accueillire des détenus, ni à participer directement à l’exécution du service public pénitencier mais était principalement destinée à accueillir des bureaux et des locaux de formation. En fait, le seul lien que cette construction présentait avec la maison d’arrêt de la santé était d’être sise à proximité de cette dernière.

Par voie de conséquence, cette construction n’était pas destinée à offrir un service d’intérêt collectif aux administrés et ne pouvait donc être considérée comme un équipement public, quand bien même devait-elle être affectée à un service administratif de l’Etat.

Cette solution n’est pas totalement nouvelle puisque le Conseil d’Etat avait déjà eu l’occasion de dénier la qualité d’établissement public à des bureaux affectés à un organisme de sécurité sociale (CE. 3 mai 2004, CPAM de la Meuse, req. n°223.091). Et dans cette affaire, le Commissaire du gouvernement MITJAVILLE avait précisé que :

« la notion d’équipement public n’est pas clairement définie en droit et peu d’arrêts sont intervenus pour l’éclairer. Mais la notion d’équipement public ne saurait se confondre avec celle de bâtiment public, ni bien sûr avec celle de bâtiment accueillant du public. (…) Les bureaux de la CPAM, où les agents accomplissent leur travail, ne sont pas des équipements publics comme le sont une école, un hôpital, une piscine ou une bibliothèque, lesquels accueillent du public pour lui offrir un service d’enseignement, de soins, de loisirs. Il y’a dans la notion d’équipement public, l’idée de réponse apportée à un besoin collectif, par la mise à disposition d’installations sportives, culturelles, médicales, etc., ce que ne recouvre pas une simple construction de bureaux administratifs, même s’ils accueillent du public ».

Mais il faut souligner que dans cette affaire la caisse d’assurance maladie titulaire du permis de construire était un établissement privé cependant que dans l’arrêt commenté la construction projetée avait vocation à être affectée à un service de l'Etat.

Cet arrêt confirme donc que le seul fait que le pétitionnaire soit une personne publique ou que la construction projetée ait vocation à être réalisée pour le compte d’une collectivité publique ne peut suffire à considérer cette construction comme un équipement public. En ce sens, le Ministère de l’Equipement avait d’ailleurs lui-même déjà estimé que :

« les constructions à destination d’équipements collectifs correspondent à une catégorie vaste et ambiguë qui englobe l’ensemble des installations, des réseaux et des bâtiments qui permettent d’assurer à la population résidence et aux entreprises les services collectifs dont elles ont besoins (…).
Le POS peut distinguer ce type de destination des autres constructions (…).
Les bureaux correspondent aux locaux où sont effectués des tâches administratives et de gestion, dans le cadre de l’administration, des organismes financiers et des assurances (…)
» (DGUHC, « Guide des POS », Juillet 1999, p.102).

Mais il est vrai que lorsque le règlement de POS vise spécifiquement « les équipements publics », il est nécessaire que la construction projetée non seulement réponde à un besoin intérêt collectif mais, en outre, soit réalisée par et/ou pour une personne publique.

Il reste que s’agissant des PLU, cette considération organique ne devrait plus avoir lieu d’être dès lors que l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme dispose que « les règles édictées dans le présent article peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt. En outre, des règles particulières peuvent être applicables aux constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif ».

Il s’ensuit que si les PLU peuvent édicter des règles spécifiques pour les « constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif », leur édiction et leur application doivent être indépendantes de toute considération liée à la qualité publique ou privée du maître d’ouvrage.


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat à la cour.
Cabinet Frêche & Associés

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