La location de places de stationnement dans un parc privé ne saurait permettre de répondre aux prescriptions de l’article 12 du règlement d’urbanisme local
Dès lors qu’en cas d’impossibilité technique de réaliser les places de stationnement requises, l’article L.421-3 du Code de l’urbanisme ne permet que de prendre une concession à long terme dans un parc public de stationnement et/ou d’acquérir des places dans un parc privé, la location de places de stationnement dans un parc privé ne permet pas d’assurer la légalité du permis de construire obtenu au regard de l’article 12 du règlement d’urbanisme local.
CAA. Versailles, 10 mai 2007, Cne Ballancourt-sur Essonne, req. n°05VE01731
Voici un arrêt à la portée somme toute classique mais qui présente l’intérêt de permettre d’appréhender un des aspects peu traités de la réforme des autorisations d’urbanisme résultant de l’ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 et du décret n°2007-18 du 5 décembre 2007 : la modification des obligations mises à la charge des constructeurs en matière de stationnement.
Dans cette affaire, la commune de Ballancourt-sur-Essonne avait délivré un permis de construire autorisant la transformation d’un local à usage d’atelier en logement, laquelle, aux termes de l’article 12 du POS communal, imposait la réalisation de deux places de stationnement.
Toutefois, confronté à une impossibilité technique de réaliser ces places de stationnement sur le terrain d’assiette de l’opération, le pétitionnaire devait opter pour un dispositif alternatif consistant à acquérir une place de parking dans la commune et à en louer deux autres dans un parc privé.
Il reste que si la loi du 13 décembre 2000 dite « SRU » a assoupli le régime applicable en la matière, puisque précédemment la seule alternative possible consistait en la prise en concession des places manquantes dans un par public de stationnement, elle n’a ajouté à l’article L.421-3 du Code de l’urbanisme que la possibilité de justifier des obligations résultant de l’article 12 du règlement local d’urbanisme par « l'acquisition de places dans un parc privé de stationnement existant ou en cours de réalisation ».
Telle est la raison pour laquelle la Cour administrative d’appel de Versailles a donc considéré que, si l’impossibilité technique de réaliser les places de stationnement requises était établie, le dispositif alternatif auquel avait recouru le pétitionnaire était inopérant :
« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le local dont le permis de construire attaqué autorise la rénovation était à usage d'atelier à la date à laquelle ce permis a été délivré ; que dès lors, et quelle qu'ait été l'affectation du local indiquée dans un acte notarié de 1982 relatif à une vente du terrain d'assiette de l'immeuble, le projet autorisé constituait une opération de transformation d'un local à usage d'atelier en local à usage d'habitation ; qu'ainsi, les dispositions précitées de l'article 12 du règlement de la zone UA du plan d'occupation des sols étaient applicables ; qu'il est toutefois constant que le terrain d'assiette du projet ne permet pas l'implantation des deux aires de stationnement requises pour un logement ; que, si, à la date de la décision attaquée, les pétitionnaires justifiaient de l'acquisition d'une place de parking dans la commune ainsi que de la location pour une durée de vingt ans de deux places sur une propriété privée voisine, ces deux dernières places n'étaient pas louées dans un parc public de stationnement comme le prévoient les dispositions précitées de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme ; qu'il suit de là que l'arrêté a été délivré en méconnaissance desdites dispositions et de celles de l'article 12 du règlement de la zone UA du plan d'occupation des sols, sans que les pétitionnaires puissent utilement se prévaloir de ce qu'ils seraient devenus, postérieurement à l'arrêté attaqué, titulaires d'une promesse de vente portant sur une aire de stationnement et, peu important que les deux places louées auprès d'un propriétaire privé n'étaient pas déjà comptées au titre des obligations de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme ».
A l’instar d’autres juridictions ayant fait une application stricte de l’article L.421-3 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 décembre 2000 dite « SRU », en considérant que l’acquisition des places manquantes dans un parc privé ne permettait pas de satisfaire aux obligations imposées en la matière (pour exemple : CAA. Nancy, 1er juillet 1999, Rudy Girbig, req. n°96NC00479 ; TA. Versailles, 16 février 1999, Decrette, req. n° 98-06191) puisque ce dernier ne permettait alors que d’obtenir une concession dans un parc public (pour exemple : CAA. Bordeaux, 11 février 20002, Thiw Thiong, 98NC00479), la Cour a donc jugé que la location de deux places dans un parc privé était inopérante dès lors que dans sa rédaction applicable à la date des faits, l’article L.421-3 ne prévoyait que l’acquisition de places dans un tel parc. Et la circonstance qu’ultérieurement à la délivrance du permis de construire contesté son pétitionnaire ait conclu une promesse de vente portant sur ces deux places était nécessairement sans incidence compte tenu du principe selon lequel la légalité d’une telle autorisation s’apprécie à sa date de délivrance ; pas plus que la durée pour laquelle ces places avaient été initialement louées puisqu’une telle considération n’intéresse que les concessions obtenues dans un parc public de stationnement (pour exemple, comparer : CE. 30 juin 1993, SCI du 21-23 rue du Bouquet-de-Longchamp, req. n°130.372 et CE. 8 décembre 2000, Ville de Paris, req. n°202.766).
On précisera ainsi que si la réforme des autorisations d’urbanisme entrant en vigueur le 1er octobre 2007 ne change pas cet aspect du régime des obligations imposées aux constructeurs en matière de stationnement, celle-ci procède néanmoins à certaines modifications significatives.
Antérieurement noyées au sein des dispositions de l’article L.421-3 du code de l’urbanisme, le traitement des obligations imposées aux constructeurs en matière de stationnement est dorénavant fixé par les nouveaux articles L.111-6-1, L.123-1-2, L.123-1-3 et L.332-7-1. Mais pour ce qui intéresse l’objet de la présente note, on relèvera plus particulièrement que les trois premiers alinéas de l’article L.123-1-2 disposent que :
« Lorsque le plan local d'urbanisme impose la réalisation d'aires de stationnement, celles-ci peuvent être réalisées sur le terrain d'assiette ou dans son environnement immédiat.
Lorsque le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition à une déclaration préalable ne peut pas satisfaire aux obligations résultant de l'alinéa précédent, il peut être tenu quitte de ces obligations en justifiant, pour les places qu'il ne peut réaliser lui-même, soit de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation et situé à proximité de l'opération, soit de l'acquisition de places dans un parc privé de stationnement répondant aux mêmes conditions.
En l'absence d'un tel parc, le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition à une déclaration préalable peut être tenu de verser à la commune une participation en vue de la réalisation de parcs publics de stationnement dans les conditions définies par l'article L. 332-7-1».
Il s’ensuit que le principe selon lequel le constructeur doit réaliser « lui-même » les places de stationnement requises « sur le terrain d'assiette ou dans son environnement immédiat » demeure : ce n’est donc qu’à défaut de pouvoir réaliser ces aménagement qu’il sera autorisé à recourir à un dispositif alternatif. De même, l’alinéa 2 du nouvel article L.123-1-2 du code de l’urbanisme ne semble pas de nature à modifier le principe selon lequel ce n’est qu’en cas d’impossibilité technique de les réaliser que, pour les places manquantes, il pourra recourir à ce dispositif (CE. 6 novembre 1998, Cne de Martigues, req. n°117.668).
En revanche, l’alinéa 2 du nouvel article L.123-1-2 modifie subtilement la consistance de ce dispositif alternatif.
Aux termes de l’alinéa 4 de l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme et en cas d’impossibilité technique de réaliser l’ensemble des places requises, le constructeur pouvait donc être tenu quitte de ses obligations en la matière en justifiant « soit de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation, soit de l'acquisition de places dans un parc privé de stationnement existant ou en cours de réalisation ».
Or, l’alinéa 2 du nouvel article L.123-1-2, tout en conservant cette possibilité, impose que le parc public ou privé soit « situé à proximité de l'opération ». Il s’ensuit que l’obtention d’une concession dans un parc public ou l’acquisition de places dans un parc privé éloigné du terrain d’assiette de l’opération ne permet pas de satisfaire aux obligations prescrites par le nouvel article L.123-1-2 du code de l’urbanisme.
On relèvera ainsi que dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 dite « SRU », l’ancien article L.421-3 du code de l’urbanisme prévoyait qu’à défaut de pourvoir réaliser lui-même les places de stationnement requises, le constructeur pouvait être tenu quitte de ses obligations en la matière « soit en justifiant, pour les places qu'il ne peut réaliser lui-même, de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation, soit en versant une participation fixée par délibération du conseil municipal (...) en vue de la réalisation de parcs publics de stationnement dont la construction est prévue » et classait donc au même rang l’obtention d’une concession à long terme et le versement d’une participation financière.
Pour sa part, la loi du 13 décembre 2000 a maintenu à l’alinéa 4 de l’ancien article L.421-3 la possibilité d’obtenir une concession à long terme dans un parc public de stationnement et a introduit la possibilité d’acquérir des places dans un parc privé mais à reléguer à l’alinéa 7 la possibilité pour le constructeur de payer une participation financière compensatoire et ce, « à défaut de pouvoir réaliser l’obligation prévue au quatrième alinéa ».
Précisément, si l’alinéa 2 du nouvel article L.123-1-2 du code de l’urbanisme prévoit que le constructeur peut être tenu quitte de ses obligations en matière de réalisation de place de stationnement en justifiant « soit de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation et situé à proximité de l'opération, soit de l'acquisition de places dans un parc privé de stationnement répondant aux mêmes conditions », son alinéa 3 précise que « en l'absence d'un tel parc, le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition à une déclaration préalable peut être tenu de verser à la commune une participation en vue de la réalisation de parcs publics de stationnement dans les conditions définies par l'article L. 332-7-1 ».
Dorénavant, il est donc parfaitement clair que ce n’est donc que dans l’hypothèse où le constructeur ne peut pas, « en l’absence d’un tel parc », prendre en concession ou acquérir les places complémentaires requises qu’il pourra régulièrement se libérer de ses obligations par le paiement d’une participation financière.
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet Frêche & Associés