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Plan local d'urbanisme - Page 9

  • Les bureaux et les locaux de formation annexes à un établissement pénitencier ne constituent pas un équipement public au sens du règlement d’urbanisme local

    La seule circonstance qu’un permis de construire soit délivré à une personne publique ne suffit pas à faire regarder la construction ainsi autorisée comme un équipement public au sens du règlement d’urbanisme local. Par voie de conséquence, lorsque cette construction ne répond pas à un besoin d’intérêt collectif, les règles opposables doivent être déterminées en considération de la seule destination de cette dernière.

    CE. 18 octobre 2006, Synd. des copropriétaires de l’immeuble « Les Jardins d’Arago », req. n°294.096


    Dans cette affaire, le Préfet de Paris avait délivré un permis de construire autorisant la construction d’un bâtiment annexe à la maison d’arrêt de la santé, lequel était destiné à accueillir des bureaux et des locaux de formation. Pour ce faire, le Préfet s’était fondé sur les articles 14 et 15 du règlement de POS communal qui autorisaient un coefficient d’occupation du sol dérogatoire fixé à 3 pour « les équipements publics participant à la vie locale » alors qu’il était fixé, par principe, à 0,5 pour les constructions à destination de bureaux et d’activités.

    Or, précisément, les requérants soutenaient que nonobstant la circonstance que la construction projetée ait vocation à être édifiée pour l’Etat, celle-ci ne pouvait pas être considérée comme un équipement public au sens des articles 14 et 15 du POS communal et, par voie de conséquence, devait se voir appliquer les règles de « droit commun », c’est-à-dire celles applicables aux constructions à destination de bureaux et d’activités. Précisément, le Conseil d’Etat a accueilli ce moyen en jugeant que :

    « Considérant que, pour prendre l'arrêté du 8 février 2006 accordant un permis de construire pour la construction d'une annexe à la maison d'arrêt de la santé, le préfet de Paris a fait application des dispositions des articles U.H.14.1 et U.H.15 du règlement du plan d'occupation des sols de la ville de Paris, qui, respectivement, dans le secteur d'implantation du bâtiment projeté, fixent un coefficient d'occupation des sols de 3 pour certaines destinations, dont les « équipements publics participant à la vie locale », alors que ce coefficient n'est en principe que de 0,5 pour les bureaux et les activités, et autorisent des dépassements limités de ces coefficients ; qu'à cet effet, le bâtiment projeté a été regardé comme constituant un tel équipement ; que, toutefois, eu égard aux caractéristiques du projet en cause, qui, ainsi qu'il ressort du dossier soumis au juge des référés, est séparé de la maison d'arrêt de la santé par une rue et qui, pour l'essentiel, a vocation à accueillir des bureaux et des locaux de formation, le juge des référés a commis une erreur de droit en estimant que le moyen tiré de la méconnaissance des règles applicables en matière de coefficient d'occupation des sols n'était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire litigieux ; qu'ainsi, le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE « LES JARDINS D'ARAGO » est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ».

    On sait, en effet, que les règlements d’urbanisme locaux ont la possibilité d’édicter des règles spécifiques pour les équipements publics. Il reste qu’eu égard, à la finalité de la règle d’urbanisme les dérogations ainsi instituées ne peuvent se justifier par le seul fait que la construction en cause soit une construction publique, c’est-à-dire réalisée par ou pour le compte d’une personne publique (sur l’insuffisance du critère organique : Ccl Y.AGUILA sur CE. 23 novembre 2005, req. n°262.105, in BJDU, n°1/2006, p.20).

    En effet, pour qu’une construction publique puisse bénéficier des règles spécifiques applicables aux équipements publics, il est également nécessaire qu’elle réponde à l’intérêt général, c’est-à-dire, en la matière, qu’elle ait vocation à offrir un service d’intérêt collectif aux administrés.

    Or, s’il ne fait pas de doute qu’un établissement pénitencier répond à un besoin d’intérêt collectif, il reste qu’au cas présent, la construction litigieuse n’avait pas vocation à accueillire des détenus, ni à participer directement à l’exécution du service public pénitencier mais était principalement destinée à accueillir des bureaux et des locaux de formation. En fait, le seul lien que cette construction présentait avec la maison d’arrêt de la santé était d’être sise à proximité de cette dernière.

    Par voie de conséquence, cette construction n’était pas destinée à offrir un service d’intérêt collectif aux administrés et ne pouvait donc être considérée comme un équipement public, quand bien même devait-elle être affectée à un service administratif de l’Etat.

    Cette solution n’est pas totalement nouvelle puisque le Conseil d’Etat avait déjà eu l’occasion de dénier la qualité d’établissement public à des bureaux affectés à un organisme de sécurité sociale (CE. 3 mai 2004, CPAM de la Meuse, req. n°223.091). Et dans cette affaire, le Commissaire du gouvernement MITJAVILLE avait précisé que :

    « la notion d’équipement public n’est pas clairement définie en droit et peu d’arrêts sont intervenus pour l’éclairer. Mais la notion d’équipement public ne saurait se confondre avec celle de bâtiment public, ni bien sûr avec celle de bâtiment accueillant du public. (…) Les bureaux de la CPAM, où les agents accomplissent leur travail, ne sont pas des équipements publics comme le sont une école, un hôpital, une piscine ou une bibliothèque, lesquels accueillent du public pour lui offrir un service d’enseignement, de soins, de loisirs. Il y’a dans la notion d’équipement public, l’idée de réponse apportée à un besoin collectif, par la mise à disposition d’installations sportives, culturelles, médicales, etc., ce que ne recouvre pas une simple construction de bureaux administratifs, même s’ils accueillent du public ».

    Mais il faut souligner que dans cette affaire la caisse d’assurance maladie titulaire du permis de construire était un établissement privé cependant que dans l’arrêt commenté la construction projetée avait vocation à être affectée à un service de l'Etat.

    Cet arrêt confirme donc que le seul fait que le pétitionnaire soit une personne publique ou que la construction projetée ait vocation à être réalisée pour le compte d’une collectivité publique ne peut suffire à considérer cette construction comme un équipement public. En ce sens, le Ministère de l’Equipement avait d’ailleurs lui-même déjà estimé que :

    « les constructions à destination d’équipements collectifs correspondent à une catégorie vaste et ambiguë qui englobe l’ensemble des installations, des réseaux et des bâtiments qui permettent d’assurer à la population résidence et aux entreprises les services collectifs dont elles ont besoins (…).
    Le POS peut distinguer ce type de destination des autres constructions (…).
    Les bureaux correspondent aux locaux où sont effectués des tâches administratives et de gestion, dans le cadre de l’administration, des organismes financiers et des assurances (…)
    » (DGUHC, « Guide des POS », Juillet 1999, p.102).

    Mais il est vrai que lorsque le règlement de POS vise spécifiquement « les équipements publics », il est nécessaire que la construction projetée non seulement réponde à un besoin intérêt collectif mais, en outre, soit réalisée par et/ou pour une personne publique.

    Il reste que s’agissant des PLU, cette considération organique ne devrait plus avoir lieu d’être dès lors que l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme dispose que « les règles édictées dans le présent article peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt. En outre, des règles particulières peuvent être applicables aux constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif ».

    Il s’ensuit que si les PLU peuvent édicter des règles spécifiques pour les « constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif », leur édiction et leur application doivent être indépendantes de toute considération liée à la qualité publique ou privée du maître d’ouvrage.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat à la cour.
    Cabinet Frêche & Associés

  • L’enquête publique conjointe à une déclaration d’utilité publique et à une mise en compatibilité du document d’urbanisme local ne peut avoir d’autre objet que ce qui est nécessaire à l’opération

    Eu égard au caractère exceptionnel de l’enquête publique conjointe prévue par l’actuel article L.123-16 du Code de l’urbanisme, celle-ci ne peut légalement porter que sur des modifications du document d’urbanisme local nécessaires à la réalisation de l’opération objet de la déclaration d’utilité publique. A défaut, l’enquête publique est irrégulière et, par voie de conséquence, la déclaration d’utilité publique emportant approbation des nouvelles dispositions du document d’urbanisme local encourt l’annulation.

    CAA. Versailles, 21 septembre 2006, Syndicat des copropriétaires de la résidence du Bel-Ebat à la Celle-Saint-Cloud, req. n°04VE01032


    Bien qu’il ait un champ d’application limité et appelle peu de commentaires, l’arrêt commenté n’en mérite pas moins d’être signalé dans la mesure où il a trait au régime de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique emportant une mise en compatibilité des documents d’urbanisme locaux, lequel n’a généré que peu de jurisprudence.

    On sait, en effet, qu’aux fins d’éviter que la réalisation de certains projets ne soit empêchée ou retardée soit par l’opposition des communes concernées, soit par la mise en œuvre cumulée de deux procédures distinctes, l’ancien article L.123-8 du Code de l’urbanisme et son actuel article L.123-16 prévoient que la déclaration d’utilité publique d’une opération peut emporter la mise en compatibilité des dispositions du documents d’urbanisme local lorsque celles en vigueur s’opposent à la réalisation de cette opération.

    Mais à cet effet, il est impératif que l'enquête publique concernant cette opération ait porté à la fois sur l'utilité publique de cette dernière et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence.

    La question se posait, toutefois, de savoir si cette enquête publique conjointe pouvait porter sur d’autres modifications du document d’urbanisme local que celles strictement nécessaires à la réalisation de l’opération objet de la procédure de déclaration d’utilité publique. C’est à cette interrogation que la Cour administrative d’appel de Versailles a apporté une réponse, en l’occurrence négative, en jugeant que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-8 du code de l'urbanisme : La déclaration d'utilité publique d'une opération qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ne peut intervenir que si : - l'enquête publique concernant cette opération, ouverte par le représentant de l'Etat dans le département, a porté à la fois sur l'utilité publique de l'opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence ; La déclaration d'utilité publique emporte approbation des nouvelles dispositions du plan. (…) ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'enquête publique relative à la mise en conformité des plans locaux d'urbanisme des communes du Chesnay et de Rocquencourt, portait sur la pose d'écrans de protection phonique le long de l'autoroute A 13 sur la section comprise entre l'ouvrage de franchissement de la route départementale 307 à l'est et l'échangeur de la route nationale 186 à l'ouest ; que si elle mentionnait les emprises nécessaires à la construction en retrait de ces écrans, la réservation de telles emprises par les plans locaux d'urbanisme modifiés créant des emplacements réservés à cet effet avait pour objectif l'élargissement futur de l'autoroute ; qu'ainsi, les modifications de ces plans réservant lesdits emplacements étaient sans lien avec l'opération en cause qui ne nécessitait pas une assiette au sol aussi importante et excédaient, par voie de conséquence, les objectifs de l'enquête publique ; que, par suite, le Tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de droit en estimant que l'arrêté attaqué du préfet des Yvelines ne méconnaissait pas les dispositions précitées de l'article L. 123-8 du code de l'urbanisme
    ».

    En substance, la Cour administrative d’appel de Versailles a donc jugé qu’une enquête publique relative à une déclaration d’utilité publique portant « sur la pose d'écrans de protection phonique le long de l'autoroute A 13 sur la section comprise entre l'ouvrage de franchissement de la route départementale 307 à l'est et l'échangeur de la route nationale 186 à l'ouest » ne pouvait pas, au titre des modifications des documents d’urbanisme locaux concernés, intégrer « les emprises nécessaires à la construction en retrait de ces écrans, la réservation de telles emprises par les plans locaux d'urbanisme modifiés créant des emplacements réservés à cet effet avait pour objectif l'élargissement futur de l'autoroute » dès lors que « les modifications de ces plans réservant lesdits emplacements étaient sans lien avec l'opération en cause ».

    Il faut ainsi souligner l’interprétation extrêmement stricte de la Cour qui a donc jugé que les travaux d’élargissement d’une autoroute « étaient sans lien » avec la pose d’écrans de protection phonique le long de cette dernière alors qu’ils n’étaient pas dénués de toute connexité avec cette opération.

    Une telle solution est néanmoins logique.

    Tout d’abord, elle est conforme à la lettre de l’ancien article L.123-8 et de l’actuel article L.123-16 du Code de l’urbanisme qui prévoient une enquête publique conjointe et non pas deux enquêtes publiques distinctes mais concomitantes. Il n’y a donc pas de raison à ce qu’une telle enquête intègre des travaux qui ne sont pas conjoints à l’opération objet de la déclaration d’utilité publique et aux dispositions du document d’urbanisme local à modifier pour la rendre compatible avec ce dernier.

    Ensuite, elle permet d'assurer la clarté de l’enquête et la parfaite information des administrés qui pourront ainsi se concentrer sur les modifications du document d’urbanisme local nécessaires à l’opération objet de la procédure de déclaration d’utilité publique sans avoir à rechercher si d’autres modifications, sans rapport immédiat avec cette dernière, sont également prévues.

    Enfin et surtout, elle assure le respect du principe constitutionnel d’autonomie des collectivités locales. Il faut, en effet, rappeler que la procédure prévue par l’ancien article L.123-8 et de l’actuel article L.123-16 du Code de l’urbanisme est conduite par le Représentant de l’Etat dans le département dont l’arrêté déclaratif d’utilité publique emporte l’approbation des nouvelles dispositions des documents d’urbanisme des communes concernées.

    S’il censure l’arrêté en cause sur le terrain du vice de procédure et, plus spécifiquement, des règles relatives à l’enquête publique, l’arrêt commenté garantit ainsi que la procédure prévue par les articles précités ne soit mise en œuvre que pour assurer la mise en compatibilité de l’opération objet de la déclaration d’utilité publique et ne soit pas l’occasion d’apporter aux documents d’urbanisme locaux des modifications que cette opération n’exigerait pas.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat à la Cour
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Les parcelles dont le pétitionnaire n’est pas propriétaire ne peuvent pas être prises en compte lorsque l’article 9 du POS régit l’emprise au sol des constructions en considération de la superficie de l’unité foncière

    Lorsque l’article 9 du règlement d’urbanisme local régit l’emprise au sol maximale des constructions en considération non pas de la superficie du terrain d’assiette du projet mais au regard de celle de l’unité foncière, seule la surface des parcelles dont le pétitionnaire est propriétaire peut être pris en compte pour apprécier l’emprise au sol de la construction projetée et, partant, la légalité du permis de construire s’y rapportant.

    CAA. Douai, 21 septembre 2006, M. Michel X., req. n°05DA01426


    Dans cette affaire, un permis de construire quatre maisons individuelles sur un même terrain d’assiette avait été obtenu le 31 janvier 2002. Le 7 mars suivant le Maire devait, toutefois, procéder au retrait de ce permis de construire au motif que le pétitionnaire s’était faussement déclaré propriétaire d’une des parcelles à construire et qu’après déduction de la superficie de cette portion du terrain d'assiette du projet, ce dernier méconnaissait les dispositions du règlement du plan d'occupation des sols de la commune relatif à l'emprise maximale au sol des constructions.

    Il faut en effet préciser qu’en l’espèce l’article 9 du plan d’occupation des sols communal disposait que « l'emprise au sol de toute construction ne peut excéder 20 % de la superficie du secteur parc couvrant l'unité foncière concernée, sauf pour les terrains et parc de sports ».

    Or, la notion d’unité foncière se définit comme « un îlot de propriété d’un seul tenant, composé d’une parcelle ou d’un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à une même indivision » (CE. 27 juin 2005, Cne de Chambéry, req. n°263.667) cependant que la notion de terrain d’assiette d’un projet recouvre de façon plus opérationnelle l’ensemble des parcelles sur lesquelles porte une demande de permis de construire.

    Il s’ensuit que ces deux notions ne se recoupent pas nécessairement et, plus concrètement, qu’un terrain d’assiette peut inclure une partie seulement d’une unité foncière plus vaste ou, comme en l’espèce, plusieurs unités foncières. Il reste que lorsqu’une prescription d’un règlement d’urbanisme local est édictée en considération des caractéristiques de l’unité foncière, la légalité d’un permis de construire doit être appréciée au regard de ces seules dernières et non pas en considération de celles du terrain d’assiette pris dans son ensemble. C’est pourquoi, dans l’arrêté commenté, la Cour administrative d’appel de Douai à jugé :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article UB 9-4 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune d'Haubourdin applicable en l'espèce : « L'emprise au sol de toute construction ne peut excéder 20 % de la superficie du secteur parc couvrant l'unité foncière concernée, sauf pour les terrains et parc de sports » (…) ; qu'il résulte de l'instruction que la construction autorisée par le permis de construire litigieux délivré le 31 janvier 2002 par le maire d'Haubourdin à la SCI « Saint-André » en vue de la construction de quatre maisons individuelles, avait pour effet, compte tenu de la superficie du terrain d'assiette sur lequel la société pouvait légalement prétendre à un droit de construire en qualité de propriétaire dudit terrain, de dépasser de 31,60 m2 l'emprise au sol autorisée par les dispositions précitées de l'ensemble des bâtiments édifiés sur ce terrain (…) qu'ainsi c'est à bon droit que le maire de la commune d'Haubourdin, en constatant l'illégalité dont était entaché le permis de construire qu'il avait délivré, a, par arrêté en date du 7 mars 2002, retiré l'autorisation précédemment accordée ».

    Il faut ainsi souligner que ni le retrait du permis de construire du 30 janvier 2002, ni l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai n’est motivé par la fraude à l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme qu’a constitué le fait pour le pétitionnaire de se déclarer faussement propriétaire de l’ensemble du terrain d’assiette du projet et ce faisant, d’induire que ce dernier constituait une seule et même unité foncière.

    On sait, en effet, qu’aux termes de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme une demande de permis de construire ne peut être présentée que par le propriétaire du terrain à construire et/ou par une personne disposant d’un titre habilitant à construire. Et dans ce second cas, il incombe au pétitionnaire de renseigner le formulaire de demande « CERFA » sur ce point et de produire le titre l’habilitant à obtenir un permis de construire sur le terrain. A défaut, il est considéré comme le propriétaire apparent de ce dernier.

    Mais au cas présent, le pétitionnaire ne s’était pas borné à omettre de fournir les renseignements requis mais avait déclaré être propriétaire de l’ensemble des parcelles d’assiette de son projet. Il reste qu’en vertu d’une jurisprudence constante, le fait de se déclarer faussement propriétaire de l’ensemble ou d’une partie du terrain à construire est constitutif d’une fraude entachant d’illégalité le permis de construire obtenu et susceptible d’en justifier le retrait sans qu’aucun délai ne soit opposable à l’administration pour ce faire.

    Mais ce n’est donc pas sur le terrain de la fraude que le retrait du permis de construire du 30 janvier 2002 a été validé mais sur le seul fondement de l’article 9 du règlement d’urbanisme local en ce qu’il régissait l’emprise des constructions en considération de la superficie de l’unité foncière et en considération du fait qu’après déduction de la superficie de la portion du terrain d'assiette dont le pétitionnaire s’était faussement déclaré propriétaire, le projet méconnaissait les prescriptions dudit article 9.

    Il faut donc en déduire que même si le pétitionnaire avait disposé d’un titre habilitant à construire sur cette portion de terrain, sa superficie n’aurait pas pu être prise en compte pour établir l’emprise au sol des constructions projetées dès lors qu’il n’en était pas propriétaire puisque la Cour a apprécié cette emprise au seul regard « de la superficie du terrain d'assiette sur lequel la société pouvait légalement prétendre à un droit de construire en qualité de propriétaire dudit terrain ».

    Il s’ensuit que lorsque l’article 9 du règlement d’urbanisme local régit l’emprise au sol maximale des constructions en considération non pas de la superficie du terrain d’assiette du projet mais au regard de celle de l’unité foncière seule la surface des parcelles dont le pétitionnaire est effectivement propriétaire peut être pris en compte pour apprécier l’emprise au sol de la construction projetée et, a contrario, qu’il convient, le cas échéant, de ne pas prendre en compte les autres parcelles composant le terrain d’assiette du projet même si le pétitionnaire dispose d’un titre habilitant à construire sur ces dernières.

    Pour satisfaire aux prescriptions de l’article 9 du POS communal le pétitionnaire aurait donc dû non pas se borner à se déclarer faussement propriétaire de la portion de terrain en cause mais acquérir effectivement cette dernière, quitte à le faire dans le seul but d’augmenter ses droits à construire en qualité de propriétaire au regard de cet article puisque le Conseil d’Etat a jugé que le fait d’acquérir une bande de terrain voisine du terrain à construire aux seules fins de respecter les prescriptions du règlement d’urbanisme local relatives à l’emprise au sol et à la densité des constructions n’est pas constitutif d’une fraude (CE. 30 décembre 2002, SCI d’HLM de Lille et environs, req. n°232.584 ; voir également ici).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat à la Cour
    Cabinet Frêche & Associés.

  • L’obligation d’écarter une prescription illégale du document d’urbanisme local ne vaut pas lorsque cette illégalité est couverte par l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme

    Si le principe général du droit selon lequel l’administration a l’obligation de ne pas appliquer une norme réglementaire qu’elle sait illégale vaut à l’égard des documents d’urbanisme locaux, cette obligation n’est toutefois pas opposable lorsque cette illégalité procède de l’un des vices de forme ou de procédure couverts par l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme.

    CAA. Marseille, 7 septembre 2006, M. X…, req. n° 04MA02245


    L’arrêt commenté confirme le jugement rendu dans l’instance au cours de laquelle le Tribunal administratif de Nice a posé au Conseil d’Etat la question préjudicielle ayant amené ce dernier à rendre l’avis dit « Marangio » (CE. 9 mai 2005, M. Marangio, avis n° 277.280).

    Dans cette affaire, la révision du POS communal approuvée le 23 décembre 1995 avait été annulée le 5 novembre 1998 pour insuffisance du rapport de présentation. Par voie de conséquence, le POS approuvé en 1985 était redevenu en vigueur puisque, par principe, l’annulation d’un document d’urbanisme local emporte la remise en vigueur du document lui étant immédiatement antérieur.

    Il reste que dans la mesure où le POS initial de 1985 était affecté du même vice et, en d‘autres termes, tout aussi illégal que sa version révisée en 1995, le Maire avait décidé de ne pas en faire application (suivant ainsi une précédente délibération du Conseil municipal actant de l’illégalité du POS initial) et avait conséquemment instruit une demande de certificat d’urbanisme sur le fondement des dispositions supplétives du règlement national d’urbanisme et, notamment, en considération de la règle dite de « constructibilité limitée » posée par l’article L.111-1-2 du Code de l’urbanisme.

    On sait, en effet, qu’en vertu d’un principe général du droit, l’administration a l’obligation de ne pas appliquer une norme réglementaire qu’elle sait illégale (CE. 14 novembre 1958, Sieur Ponard, Rec., p.554). Ce qui, s’agissant des documents d’urbanisme locaux, implique de faire application soit des prescriptions du document immédiatement antérieur, soit, en l’absence d’un tel document, des dispositions supplétives du règlement national d’urbanisme ; sans que n’y aient fait obstacle les dispositions de l’ancien article L.124-4-1 du Code de l’urbanisme, aux termes duquel les POS ne pouvaient pas être abrogés (CE. avis du 8 décembre 1998, « Les grands avis du Conseil d’Etat, p.293).

    Il reste que l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme (issu de la loi n°42-112 du 9 février 1994) précise que «l'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un schéma directeur, d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan d'occupation des sols, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause ».

    La problématique était ainsi de savoir si l’obligation faite à l’administration de ne pas appliquer un document d’urbanisme illégal était opposable lorsque son illégalité procède d’un des vices d’illégalité externe visés par l’article précité. Interrogé sur ce point par le Tribunal administratif de Nice, le Conseil d’Etat a répondu que les dispositions de l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme avait été introduite par le législateur, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994, pour prendre en compte le risque d'instabilité juridique, particulièrement marqué en matière d'urbanisme, résultant, pour les décisions prises sur la base des actes qui y sont mentionnés, de la multiplicité des contestations de la légalité externe de ces derniers et, par voie de conséquence, que le législateur a ainsi implicitement mais nécessairement institué une dérogation au principe général susvisé (CE. 9 mai 2005, M. Marangio, avis n° 277.280).

    Il s’ensuit que non seulement l’administration n’a pas l’obligation d’écarter un document d’urbanisme local illégal entrée en vigueur depuis plus de six mois lorsqu’il n’est entaché que par un des vices visés par l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme mais, bien plus, que l’administration doit appliquer ses prescriptions indépendamment de son illégalité. C’est ainsi que la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que :

    « Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions susmentionnées que, saisi d'une demande d'autorisation ou de certificat d'urbanisme, le maire est tenu, lorsqu'il y statue après l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa prise d'effet, de se fonder sur le document d'urbanisme en vigueur dès lors que sa légalité n'est affectée que par des vices de procédure ou de forme au sens des dispositions précitées de l'article L.600-1, réserve étant faite de ceux qui sont mentionnés à ses trois derniers alinéas, au nombre desquels ne figure pas l'insuffisance du rapport de présentation ;
    Considérant que le Tribunal administratif de Nice a annulé la délibération en date du 23 février 1995 par laquelle le conseil municipal du Beausset a approuvé la révision du plan d'occupation des sols de la commune, par un jugement du 5 novembre 1998 confirmé par un arrêt de la cour de céans du 22 décembre 2003 ; que si, par une délibération en date du 17 mars 1999, le conseil municipal de la commune du Beausset a considéré que le POS approuvé en 1985 redevenu applicable, était entaché de la même irrégularité que celle retenue par le juge à l'encontre du document d'urbanisme annulé et tirée de l'insuffisance du rapport de présentation, le maire était néanmoins tenu de faire application dudit plan approuvé en 1985 et ne pouvait l'écarter du fait de l'expiration du délai de six mois à compter de sa prise d'effet, en se fondant, à le supposer même établi, sur ce vice de forme ; que, par suite, c'est à tort que le maire du Beausset a statué sur la demande de certificat d'urbanisme présentée par Mme X en se fondant sur les dispositions supplétives des règles générales d'urbanisme et notamment celles visées à l'article L.111-1-2 du code de l'urbanisme
    ».

    Cette solution est somme toute logique puisque l’on voit mal pourquoi l’administration devrait écarter une norme en considération d’un vice de forme ou de procédure qu’un requérant ne pourrait invoquer par voie d’exception dans le cadre d’un recours à l’encontre d’une décision en faisant application.

    On précisera, toutefois, qu’ainsi que le souligne l’arrêt commenté, cette dérogation au principe général du droit posé par la jurisprudence « Ponard » ne vaut pas lorsque le vice d’illégalité externe affectant le document d’urbanisme local considéré compte parmi ceux prévus par le 3e alinéa de l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme, à savoir : « lorsque le vice de forme concerne : soit l'absence de mise à disposition du public des schémas directeurs dans les conditions prévues à l'article L. 122-1-2 dans sa rédaction antérieure à la loi nº 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ; soit la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l'enquête publique sur les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales ; soit l'absence du rapport de présentation ou des documents graphiques ».

    En d’autres termes, lorsque l’illégalité du document d’urbanisme local procède de l’un des trois vices précités, l’administration se doit de ne pas en faire application, même si son entrée en vigueur date de plus de trois mois. Ce qui n’était donc pas le cas en l’espèce, dans la mesure où, d’une part, l’insuffisance du rapport de présentation d’un document d’urbanisme local n’est pas assimilable à une absence de rapport (CAA. Bordeaux, 28 octobre 1999, Association des cinq cantons de la Barre, req. n°96BX00112) et où, d’autre part, si le Conseil d’Etat a pu considérer qu’une telle insuffisance était constitutive d’un vice d’illégalité interne (CE . 26 novembre 1993, SCI du Domaine de Maurevert, req. n°82.285), il a abandonné cette jurisprudence consécutivement à l’entrée en vigueur de l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme pour juger ainsi qu’il s’agit d’un vice de forme dont l’illégalité ne peut plus être excipée passé un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur du document d’urbanisme local en cause (CE. 12 juin 1995, Association intercommunale contre un projet de carrière, BJDU, n°4/1995, p.281).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés