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Le coefficient d’occupation au sol d’une construction doit être établi au regard de la superficie de l’ensemble de l’unité foncière sur laquelle elle est projetée tant que cette dernière n’a pas été effectivement divisée

Dans la mesure où, d’une part, la norme d’urbanisme s’applique à l’échelle de l’unité foncière et où, d’autre part, la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance, le respect des prescriptions relatives au coefficient d’occupation au sol des constructions doit être apprécié en considération de la superficie de l’ensemble de l’unité foncière tant qu’elle n’a pas été divisée, y compris si à la date de délivrance du permis de construire, il est établi qu’elle a vocation à faire l’objet d’une division en propriété.

CAA. Versailles, 29 mars 2007, ADEJJ, req. n°06VE01147


Dans cette affaire, la commune de Chily-Mazarin était propriétaire d’un terrain relevant de son domaine public, d’une superficie de 2.973 mètres carrés, qu’elle devait décider de scinder en deux « volumes » aux fins d’en déclasser un pour le vendre à un tiers. La commune créa ainsi un premier « volume » de 1.760 mètres carrés et un second de 1.213 mètres carrés qu’elle déclassa puis de vendit à la société Pax Progrès Pallas sous condition suspensive, notamment, de l’obtention un permis de construire que cette dernière obtint sur ce second volume.

Mais ce permis de construire devait être contesté au regard des prescriptions de l’article 14 du POS communal – fixant en l’occurrence le COS à 1,20 – dans la mesure où celui-ci autorisait la construction d’un immeuble d’une SHON de 2.417 mètres carrés, puisque selon l’association requérante et à s’en tenir à la superficie du « volume » sur lequel, d’une part, le pétitionnaire disposait d’un titre habilitant à construire et, d’autre part, portait ce permis de construire, la SHON constructible s’y limitait à 1.455 mètres carrés.

On sait, en effet, que par principe la densité d’une construction s’apprécie en considération de la superficie de l’unité foncière sur laquelle porte le permis de construire (sur ce principe : CE. 22 juin 1984, Comité de défense de la zone d’habitations individuelles de Neully-Plaisance, req. n°38.939), ce qui exclut, a contrario, de prendre en compte la superficie de l’unité foncière initiale dont a été détaché le terrain à construire :

« Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-22-2° du code de l'urbanisme : "Le coefficient d'occupation des sols s'applique à la superficie du terrain qui fait l'objet de la demande d'autorisation de construire (...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire présentée pour la société Pyrénées Hôtels avait pour objet la construction d'une résidence hôtelière d'une superficie hors oeuvre nette de 2 758 m2 sur des parcelles d'une superficie de 3 968 m2 situées dans la zone UT du plan d'occupation des sols de Saint-Lary-Soulan où le coefficient d'occupation des sols applicable est de 1 ; que si les parcelles objet du permis proviennent de la division d'un ensemble foncier de 20 605 m2 acquis par la commune pour y aménager un complexe thermal, le coefficient d'occupation des sols s'applique à la surface des parcelles détachées qui ont fait l'objet de la demande d'autorisation de construire, et non à celle de l'unité foncière initiale ; qu'en conséquence, le projet de la société Pyrénées Hôtels excède les possibilités de construction afférentes auxdites parcelles ; que, par suite, la commune de SAINT-LARY-SOULAN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a, par le jugement attaqué, annulé l'arrêté du maire de Saint-Lary-Soulan en date du 11 juin 1987 qui a fait droit à la demande de la société » (CE. 12 mai 1993, Cne de Saint-Lary , req. n°99.611).


Il reste que cette solution n’était pas totalement transposable au cas présent dans la mesure où, dans cette affaire, la division du terrain avait d’ores et déjà été réalisée à la date de délivrance du permis de construire en cause cependant que, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, la division du terrain à construire pour être programmée à la date de délivrance du permis de construire contestée n’en était pas pour autant réalisée puisque l’ensemble des conditions suspensives à la vente du terrain n’avait pas été levé.

Précisément, l’une des principales difficultés d’application des règles d’urbanisme aux opérations impliquant une division foncière tient à ce que non seulement la norme d’urbanisme s’applique à l’échelle de l’unité foncière, c’est-à-dire au terrain composé de plusieurs parcelles contiguës appartenant à un même propriétaire ou une même indivision, mais qu’en outre, la légalité d’une autorisation d’urbanisme s’apprécie à sa date de délivrance.

Or, ces principes peuvent conduire à certaines situations « incohérentes » au regard des objectifs poursuivis par le droit de l’urbanisme, ce qui explique que la jurisprudence a pu hésiter sur les modalités d’application de la norme d’urbanisme aux opérations de construction impliquant une division foncière et, notamment, à celles relevant d’un permis de construire valant division.

A sa date de délivrance, en effet, un permis de construire valant division portant sur une seule et même unité foncière autorise, à terme, la réalisation de divisions foncières pouvant consister en des divisions en propriété. A la date de délivrance du permis de construire, le projet porte donc sur une seule unité foncière mais l’on sait qu’à terme, chaque construction sera implantée sur une unité foncière distincte.

Suivant le principe selon lequel la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance, celle-ci devrait donc être appréciée, à titre d’exemple, au regard de l’article 8 du règlement local d’urbanisme relatif à l’implantation des constructions sur une même propriété. Or, il se peut que le projet ne soit pas conforme à l’article 7 relatif à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives alors que celui-ci n’est pas applicable pour ce qui concerne l’implantation des constructions projetées par rapport aux limites des unités foncières qui seront constituées par la réalisation du projet. A sa date de délivrance, le permis de construire est donc parfaitement légal bien qu’il autorise un projet qui dès son exécution aboutira à l’implantation de bâtiments qui seront irréguliers au regard de l’article 7 du règlement local d’urbanisme.

D’ailleurs, c’est principalement l’application des règles relatives à la surface minimale des terrains constructibles, telles qu’elles ont vocation à être définies par l’article 5 du règlement local d’urbanisme, lesquelles ne sont pas si éloignées de celles relatives à la densité des constructions fixées par son article 14, qui illustre le mieux les hésitations de la jurisprudence rendue en la matière sur le point de savoir si ces règles devaient être appliquées à l’échelle du terrain d’assiette de l’opération où à l’échelon de chaque lots à constituer (TA. Versailles, 26 septembre 1986, Abihssara, req. n° 85-2619 ; CAA. Paris, 28 septembre 1993, SCI Le Domaine de Roissy, req. n° 93PA00247 ; CAA. Paris 31 mars 1994, Cne de Mareil-sur-Mauldre, req. n° 93PA00452 ; CAA Paris, 17 janv. 2002, req. n° 99PA02662, EURL MODAP ; CE. 13 mai 1988, Comité de défense des sites de la Turbie, req. n° 72.100).

En l’espèce, toute la question était donc de savoir s’il convenait d’apprécier la régularité du projet à la seule date de délivrance du permis de construire contesté pour ainsi prendre en compte l’ensemble de la superficie de l’unité foncière ou de tenir compte de sa division future pour ainsi ne considérer que la superficie du « volume » sur lequel le pétitionnaire disposait d’un titre habilitant à construire. Et c’est la première solution qu’a retenue la Cour administrative de Versailles en jugeant que :

« Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Chilly-Mazarin a, dans un premier temps, divisé la parcelle AK 348 faisant partie de son domaine public, en deux volumes, le premier correspondant à une superficie au sol de 1 760 m2 et comprenant cette surface ainsi que l'espace situé au-dessus, le deuxième correspondant à une superficie au sol de 1 213 m2 et comprenant l'espace situé au-dessus de cette surface ainsi que le tréfonds de la totalité de la parcelle ; que, par deux délibérations en date du 12 mai 2003, la commune a déclassé le volume 2, a décidé de vendre ce dernier à la société Pax Progrès Pallas pour la somme de 925 000 , de céder à celle-ci les droits de construire nécessaires à la réalisation de l'opération et d'autoriser le maire à signer avec la société une promesse de vente puis à passer avec elle un acte de vente après la réalisation de différentes conditions suspensives dont, en particulier, l'octroi d'un permis de construire ; qu'il ressort clairement des stipulations de la promesse de vente passée entre la commune et la société le 8 juillet 2003, prorogée en dernier lieu jusqu'à la date du 31 mars 2005, que le transfert de propriété prévu par cet acte ne pouvait prendre effet que sous réserve de la réalisation de plusieurs conditions suspensives, parmi lesquelles l'octroi du permis de construire ; qu'il s'en déduit qu'à la date de délivrance du permis de construire litigieux, la division du terrain en propriété et en jouissance n'était pas intervenue ; que, par suite, la commune pouvait répartir librement entre la superficie correspondant au volume 2 et celle correspondant au volume 1 la surface hors oeuvre nette (SHON) résultant de l'application du coefficient d'occupation des sols à la superficie totale de la parcelle AK 348 ; que, compte tenu du coefficient d'occupation des sols de 1,20 applicable en l'espèce ainsi qu'il vient d'être dit, de la superficie de 2 973 m2 de la parcelle et de l'existence sur la partie de la parcelle correspondant au volume 1 d'un bâtiment conservé d'une SHON de 429 m2, la SHON maximum constructible était de 3 168,60 m2 ; que, dès lors, le moyen tiré par l'ADEJJ de ce que le permis de construire litigieux, en autorisant la société Pax Progrès Pallas à réaliser un immeuble de 2 417 m2 de SHON sur la superficie correspondant au volume 2, excède la SHON maximum constructible doit être écarté ».

En cela, l’arrêt commenté va donc dans le sens, à l’égard d’une opération ne constituant pas un lotissement et ne relevant pas d’un permis de construire valant division, du décret n°2007-18 du 5 janvier 2007 en ce qu’il a inséré au Code de l’urbanisme et, plus précisément, au sein de ces dispositions intéressant le règlement de PLU, un nouvel article R.123-10-1 précisant que : « dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction, sur un même terrain, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, les règles édictées par le plan local d'urbanisme sont appréciées au regard de l'ensemble du projet, sauf si le règlement de ce plan s'y oppose ».

Il n’en demeure pas moins que de par la réalisation de la division en propriété du terrain sur lequel portait le permis de construire contesté, d’une part, l’immeuble édifié en exécution de ce dernier s’en trouvera en « surdensité » et donc non conforme aux prescriptions de l’article 14 du POS communal et que, d’autre part, nonobstant l’abrogation de l’ancien article L.111-5 par la loi dite « SRU », les droits à construire sur le « volume » conservé par la commune de Chily-Mazarin s’en trouveront considérablement réduits – par la consommation d’une part des droits y étant attachés par le permis de construire en cause – du moins au regard de la récente jurisprudence de la Cour administrative d’appel de Versailles (CAA. Versailles, 28 décembre 2006, Cne d’Orgerus, Construction & Urbanisme n°3/2007) pour qui cette seule abrogation ne semble pas de nature à justifier l’abandon de la jurisprudence dite « Campero » (CE. 23 octobre 1987, Campero, req. n°63.007).

Mais pour conclure, une observation spécifique mérite d’être formulée dès lors que, dans l’arrêt commenté, la Cour administrative d’appel de Versailles a souligné qu’à « la date de délivrance du permis de construire litigieux, la division du terrain en propriété et en jouissance n'était pas intervenue », ce qui induit que la solution aurait pu être différente si malgré l’absence de division en propriété de l’unité foncière en cause, celle-ci avait néanmoins fait l’objet d’une division en jouissance alors que dans la mesure où une telle division n’emporte pas la constitution de plusieurs unités foncières, elle n’est, en toute hypothèse, pas susceptible d’avoir une incidence sur les modalités d’application classiques de la normes d’urbanisme, y compris lorsqu’elle intervient au titre d’un permis de construire valant division (pour un exemple récent : CAA. Lyon, 8 juin 2006, M.X & autres, req. n°02LY01598).

Mais surtout, si à la date de délivrance du permis de construire contesté la vente du « volume » à construire n’avait pas été réalisée et si, par voie de conséquence, la division en propriété de l’unité foncière en cause n’avait pas été encore opérée, il n’en demeure pas moins que le pétitionnaire tirait sont titre habilitant à construire d’une promesse de vente préalable ayant ainsi procédé à son profit à un « transfert des droits à construire » de la Ville sur son terrain, ce qui, selon un arrêt récent de la Cour administrative d’appel de Versailles (CAA. Versailles, 8 juin 2006, M… X., AJDA, n°31/2006), semblait constituer le critère déterminant de la notion de division en jouissance (sur la division en volume, voir ici)…



Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabient FRÊCHE & Associés

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