Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Sur l’intérêt à agir du titulaire du permis de construire initial à l’encontre du « modificatif » délivré à un tiers

Dès lors que le « modificatif » a été obtenu conformément à une convention conclue entre son titulaire et le bénéficiaire d’un permis de construire initial, ce dernier n’a pas intérêt à agir à l’encontre de l’autorisation modificative.

TA. Cergy-Pontoise, 23 octobre 2009, SCI « Cotte & Lac, req. n°0705031-1


Dans cette affaire, le requérant avait obtenu le transfert d’un permis de construire un ensemble immobilier à destination de logements et de commerces devant relever du régime de la copropriété. Ultérieurement, il devait ainsi vendre un des lots de cette copropriété à un tiers mais ce, tout en l’autorisant à obtenir un « modificatif » portant sur ce lot.

Ce « modificatif » obtenu, le titulaire du permis de construire initial devait toutefois attaquer cette autorisation en invoquant le fait qu’il était tenu « de mener la construction de l’immeuble jusqu’à son terme conformément audit permis de construire sur la base duquel au surplus ont été délivrées l’assurance dommages ouvrage de l’immeuble ainsi que la garantie d’achèvement ». Mais sa requête devait donc être rejetée comme irrecevable pour défaut d’intérêt à agir et ce, au motif suivant :

« Considérant que, pour contester l'arrêté susvisé en date du 11 décembre 2006, par lequel la commune d'Enghien-les-Bains a accordé un permis de construire modificatif à la SCI « Chance et lac », ainsi que la décision en date du 5 mars 2007 par laquelle le maire de la commune d'Enghien-les-Bains a rejeté son recours gracieux à l'encontre dudit arrêté, la SCI COTTE ET LAC se prévaut de sa qualité de titulaire du permis de construire initial, délivré le 21 février 2005 à la SCI Yoline, puis transféré à elle le li mai 2005 pour l'édification d’un immeuble à usage d'habitation et de commerce, situé 1ter boulevard Cotte à Enghien-les Bains qu'elle soutient, qu'en tant que bénéficiaire dudit permis, elle est tenue de mener à bien la construction de l'immeuble jusqu'à son terme, conformément audit permis sur la base duquel ont été délivrées l'assurance dommages ouvrage de l'immeuble ainsi que la garantie d'achèvement et que les travaux autorisés par le permis modificatif litigieux délivré à la SCI « Chance et lac » ne sauraient intervenir qu'après l'achèvement de l'immeuble et l'obtention du certificat de conformité que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que le permis de construire modificatif attaqué a été sollicité par la SCI « Chance et lac» conformément à l'autorisation qui lui en avait été donnée par la SCI COTTE ET LAC, dans l'acte de vente en l'état futur d'achèvement des lot n° 11, 42 et 43 de l'immeuble en copropriété situé 1 ter boulevard Cotte à Enghien-les Bains, conclu avec elle le 6 octobre 2006 et qui disposait « le vendeur autorise l’acquéreur à titre personnel avant le dépôt de la déclaration d’achèvement des travaux, une demande de permis de construire modificatif à l’effet de modifier le lot numéro onze objet des présentes par surélévation de la toiture de l'immeuble objet des présentes et de créer un volume sous la toiture sans création d'une surface hors œuvre nette supplémentaire pour le lot numéro onze (...) » ; que le permis de construire modificatif attaqué, sollicité et obtenu dans le strict respect de cette convention, dont la requérante n'a contesté la validité ni antérieurement au dépôt de sa requête, ni même dans cette dernière et dont les modalités d'exécution sont, en tout état de cause, sans incidence sur sa légalité, ne préjudicie à aucun intérêt conférant la SCI COTTE ET LAC qualité pour le contester ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI COTTE ET LAC n'est pas recevable à demander l'annulation du permis de construire modificatif délivré le 11 décembre 2006 par la commune d'Enghien-les-Bains à la SCI « Chance et lac », ainsi que la décision en date du 5 mars 2007 par laquelle le maire de la commune d'Enghien-les-Bains a rejeté son recours gracieux ; que, par suite, sa requête doit être rejetée
» ;


copro.jpgUne telle solution apparait difficilement contestable. Comme l’a en effet relever le Tribunal, l’acte de vente conclu entre la SCI COTTE & LAC et la SCI CHANCE & LAC stipulait que : « le VENDEUR [la SCI COTTE & LAC] autorise L’ACQUEREUR [la SCI CHANCE & LAC] à déposer à titre personnel avant le dépôt de la déclaration d’achèvement des travaux une demande de permis de construire modificatif à l’effet de modifier le lot numéro onze (11) objet des présentes par surélévation de la toiture de l’immeuble objet des présentes et de créer un volume sous la toiture sans création d’une sruface hors œuvre nette supplémentaire pour le lot n°11 ». Or, le permis de construire modificatif contesté portait bien sur le lot en cause et autorisait une augmentation de la hauteur de l’immeuble à construire résultant d’une surélévation de toiture emportant une création de comble. En d’autres termes, le permis de construire modificatif attaqué correspondait strictement à ce qu’avait accepté et autorisé la SCI COTTE & LAC.

Dès lors, force était donc d’admettre que ce permis de construire modificatif ne pouvait lui faire grief et, par voie de conséquence, que la SCI COTTE & LAC n’avait pas intérêt à agir à son encontre.

En outre, il faut souligner que la demande de « modificatif », présentée en application de l’acte de vente précité du 6 octobre 2006, ne tendait pas au transfert du permis de construire initial et que l’arrêté contesté du 11 décembre 2006 se bornait à délivrer un permis de construire modificatif.

Or, comme on le sait, un « modificatif » ne se substitue pas au permis de construire initial mais s’y intègre (CAA. Marseille, 21 janvier 1999, Sté Terre & Pierre, req. n°96MA02171 ; TA. Versailles, 22 février 1994, SCI Les Ornes, req. n°935140) pour former avec lui une autorisation unique.

Il n’est donc pas déraisonnable de considérer que, sur un plan personnel, le permis de construire modificatif attaqué avait donc pour effet de rendre le permis de construire initial, tel que modifié par l’arrêté du 11 décembre 2006, conjoint à la SCI COTTE & LAC et à la SCI CHANCE & LAC.

Par voie de conséquence, sur le plan matériel, la requérant était donc co-bénéficiaire des modifications autorisées par le permis de construire modificatif attaqué ; étant rappelé qu’il s’agissait là de la conséquence de l’acte de vente conclu le 6 octobre 2006, laquelle, en toute hypothèse, devait donc être réputée avoir été acceptée par la SCI requérante. Bien qu’emportant le retrait du permis initial pour pas partie modifiée par l’autorisation contestée, cette dernière n’avait donc pas intérêt à agir à l’encontre de cette autorisation puisque, du fait de cet acte, elle ne pouvait être regardée comme lui faisant grief.

D’ailleurs, la requête apparaissait procédait non pas tant de la délivrance du permis de construire modificatif que de ses conséquences s’agissant de son exécution au regard des liens contractuels de la SCI COTTE & LAC et de la SCI CHANCE & LAC.

Cette requérante soutenait en effet que bénéficiaire du permis initial, elle était tenue « de mener la construction de l’immeuble jusqu’à son terme conformément audit permis de construire sur la base duquel au surplus ont été délivrées l’assurance dommages ouvrage de l’immeuble ainsi que la garantie d’achèvement ».

Il reste qu’un tel argument apparaissait inopérant dès lors, donc, qu’un « modificatif » s’intègre au permis de construire primitif, ce dont il résulte que son bénéficiaire ne peut plus légalement bâtir la construction telle qu’autorisée par le permis initial, c’est-à-dire sans tenir compte de l’intervention du « modificatif » obtenu (CAA. Marseille, 21 janvier 1999, Sté Terre & Pierre, req. n°96MA02171 ; TA. Versailles, 22 février 1994, SCI Les Ornes, req. n°935140) ; étant rappelé, ici encore, qu’il s’agissait là de la conséquence de l’acte de vente conclu le 6 octobre 2006.

Mais en outre, la requérante soutenait, en substance, que les travaux faisant l’objet du permis de construire modificatif attaqué ne pouvaient intervenir qu’après l’achèvement de l’immeuble et l’obtention de la conformité par elle, le titulaire du « modificatif » étant débiteur à cet égard de ses acquéreurs de lots de copropriété, de la remise de ce certificat de conformité. Il reste que :

- tout d’abord, l’acte de vente conclu le 6 octobre 2006 stipulait expressément que « le VENDEUR autorise L’ACQUEREUR à déposer à titre personnel avant le dépôt de la déclaration d’achèvement des travaux une demande de permis de construire modificatif » ;

- ensuite, un permis de construire modificatif ne peut être légalement délivré une fois que le permis de construire initial a été exécuté et que la déclaration d’achèvement a été formulée (pour exemple : CE. 23 septembre 1988, Sté Les Maisons Goëland, req. n°72.387) ;

- enfin, dans la triple mesure où :

un « modificatif » ne se substitue pas au permis de construire initial mais s’y intègre (CAA. Marseille, 21 janvier 1999, Sté Terre & Pierre, req. n°96MA02171 ; TA. Versailles, 22 février 1994, SCI Les Ornes, req. n°935140) ;
une déclaration d’achèvement ne peut régulièrement être formulée avant l’entière exécution des travaux autorisés (CE. 14 janvier 1983, M.Y, req. n°26022) ;
un certificat de conformité est un acte indivisible, si bien qu’il ne peut y avoir de conformité partielle (CE. 20 Janvier 1988, M. Mariac, req. n° 64616) et que l’inachèvement des travaux justifie un refus de certificat (CAA. Lyon, 21 mars 2000, SCL Les Glovettes, req. n° 95LY01518. TA. Nice. 10 mars 1994, Sté Laffite Bail, req. n°89.777) ;

la requérante ne pouvait légalement formuler une déclaration d’achèvement et obtenir un certificat de conformité avant que les travaux autorisés par le permis de construire, tel que modifié par le « modificatif » attaqué, aient été entièrement exécutés.

Mais en toute hypothèse, ces considérations liées à l’exécution du permis de construire « modificatif » attaqué et à ses conséquences s’agissant de la responsabilité civile de la SCI COTTE & LAC et/ou de la SCI CHANCE & LAC ne pouvait conférer à la société requérante intérêt à en obtenir l’annulation dès lors qu’elles étaient totalement étrangère à la légalité d’une autorisation d’urbanisme.

Enfin, la société requérante faisait grief le titulaire du « modificatif » attaqué de considérer qu’il incombait à la requérante de réaliser personnellement les travaux objets de cette autorisation alors même que cette autorisation de construire n’avait pas été sollicitée et obtenu par elle.

Il reste, outre que l’on pouvait considérer que le permis de construire modificatif attaqué avait eu pour effet de rendre le permis de construire initial, tel que modifié par l’arrêté du 11 décembre 2006, conjoint à la SCI COTTE & LAC et à la SCI CHANCE & LAC, que la question de savoir laquelle de ces deux SCI CHANCE & LAC ou de la SCI COTTE & LAC devait exécuter les travaux autorisés permis de construire « modificatif » contesté n’avait pas vocation à être tranchée par le juge administratif, la légalité d’un permis de construire ainsi que, d’ailleurs, la régularité des travaux exécutés étant, comme le sait, indépendantes de toute considération liée à l’auteur de ces travaux.

En résumé, et à suivre les allégations de la requérante, il n’était donc pas déraisonnable de considérer que la requête avait exclusivement pour but de régler des difficultés que n’avait pas été traitées l’acte de vente conclu le 6 octobre 2006. Il reste que le recours pour excès de pouvoir et le juge administratif n’ont nullement vocation à participer au règlement d’un litige entre deux sociétés co-contractantes et à pallier les lacunes d’un contrat de droit privé…




Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés
 

Commentaires

  • bonjour Patrick,

    Une convention d'ordre privé n'empêche pas d'avoir intérêt à agir quand on sait que même un protocole de non-recours n'a d'effet que civilement et non dans le cadre de l'excès de pouvoir ( Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, du 30 décembre 1996, 94PA02185, mentionné aux tables du recueil Lebon)...

    Le seul lien ici, si l'on veut en rester au strict droit administratif, n'est il pas uniquement -et comme vous le soulignez- l'unicité du permis, le permis modificateur participant totalement du et au permis initial et le requérant étant alors co-titulaire de l'autorisation qu'il conteste ?

    et un pétitionnaire ne peut-il engager un recours contre des prescriptions d'un PC qui lui a été accordé ?

  • Bonjour Emmanuel,

    Le protocole de non recours (voir la note : http://jurisurba.blogspirit.com/archive/2006/11/27/un-protocole-de-non-recours-a-l%E2%80%99encontre-d%E2%80%99un-permis-de-cons.html) est un peu différent dans la mesure où l'on peut s'interroger sur la validité même d'une telle convention.

    En outre dans un tel protocole, le co-contractant ne donne pas son accord à l'obtention d'un permis de construire en considération d'une prérogative dont il dispose à cet égard mais s'engage à ne pas exercer les droits dont il dispose en cas de tiers.

    Rien de tel dans cette affaire puisque puisque c'est en sa qualité de titulaire du permis initial que la requérante avait autorisé la défenderesse à otenir un modificatif.

    Dans une certaine mesure, la situation était donc comparable à celle d'une requéte émanant du titulaire d'origine à l'encontre du transfert de permis pour lequel il aurait donné son accord ou d'une requête à l'encontre d'un retrait sollicité par le pétitionnaire.

    Bien à vous.

  • Compris, merci

Les commentaires sont fermés.