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Lorsque le projet relevant du permis de construire contesté est divisible, la méconnaissance de l’article R.421-4.al.2 du Code de l’urbanisme n’emporte l’annulation du permis de construire qu’en ce qu’il autorise la composante du projet assujettie à ses p

Lorsque les maisons individuelles sont dissociables de l’hôtel autorisé par le même permis de construire, l’absence de justification au dossier présenté par le pétitionnaire d’une demande d’autorisation « CDEC » n’emporte l’annulation de ce permis qu’en tant qu’il autorise cet hôtel mais est sans incidence sur la légalité de celui-ci en ce qu’il permet l’édification des maisons.

CAA. Nantes, 18 avril 2006, Sté Investimmo Régions, req. n°04NT01390.


S’il est déjà quelque peu ancien (bien qu’il n’ait été publié que le 6 novembre 2006 sur le site Legifrance), l’arrêt commenté offre la possibilité d’appréhender la portée de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme qui dans sa rédaction issue de la loi « ENL » dispose que « lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation.L'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive ».

Bien que cet article puisse apparaître particulièrement novateur, ce dernier ne constitue cependant pas une réelle nouveauté et se borne, en fait, à consacrer une pratique jurisprudentielle aussi ancienne que fréquente dont l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes constitue un bon exemple (voir ici également).

Dans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire unique autorisant tout à la fois la construction de 125 maisons individuelles ainsi que l’édification d’un hôtel de 73 chambres. A ce dernier titre, sa demande de permis de construire relevait donc de l’article R.421-4.al.-2 du Code de l’urbanisme en ce qu’il prescrit que « lorsqu'il s'agit de constructions à usage commercial assujetties à l'autorisation de la commission départementale d'urbanisme commercial en vertu de l'article 29 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat, la demande de permis de construire est complétée par la copie de la lettre adressée par le préfet au demandeur de l'autorisation précitée lorsque le dossier joint à la demande d'autorisation a été reconnu complet ».

Or, précisément, le dossier de demande de permis de construire présenté par le pétitionnaire ne contenait pas le justificatif prescrit par l’article précité : le permis de construire contesté était donc illégal.

La question était, toutefois, de savoir si cette illégalité procédant de l’absence d’une pièce exigible uniquement en considération de l’établissement hôtelier projeté devait également emportert l’annulation du permis de construire litigieux en ce qu’il autorisait, par ailleurs, 125 maisons individuelles.

On sait, en effet, que le principe d’indivisibilité du permis de construire, lequel s’oppose à son annulation partielle (CE. 5 novembre 1975, Sté Pativa, Rec., p.544), connaît une exception notable puisque lorsque les composantes du projet relevant de la demande présentée par le pétitionnaire sont dissociables, le permis de construire est alors divisible à leur égard. Il s’ensuit que celui-ci peut légalement faire l’objet d’un refus (CE. 4 janvier 1985, SCI Résidence du Port, req. n°47.248), d’un retrait ou d’une annulation partiels (CE. 18 février 2004, Csrts Constant, req. n°261.171) ainsi que, par ailleurs, d’un transfert partiel (en ce sens : CAA. Marseille, 18 mars 2004, Cne de Beausoleil, req. n°01MA00551) vers un ou plusieurs tiers (sous réserve de la problématique liée, en pareil cas, à l’exigibilité éventuelle d’une autorisation de lotir puisqu’un tel transfert est susceptible d’emporter l’intervention de plusieurs maître d’ouvrage sur un même terrain et, par voie de conséquence, une division foncière de ce dernier avant l’achèvement des travaux).

En l’espèce, le juge de première instance n’avait toutefois pas eu se pencher sur cette problématique puisqu’il avait estimé que le terrain à construire était sis dans une zone protégée au titre de l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme issu de la loi « Littoral ». Or, quelles que soient ses caractéristiques intrinsèques et sa divisibilité matérielle, un projet de construction est toujours indivisible pour application des dispositions du Code de l’urbanisme issues de la loi « Littoral » (CE. 10 mai 1996, Sté du Port de Toga SA, req. n°140.799).

Saisie en appel, la Cour administrative d’appel de Nantes devait, toutefois, estimé que l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme n’étaient pas applicables au terrain à construire et, par voie de conséquence, annuler le jugement de première instance qui avait censuré l’ensemble du permis de construire au motif tiré de la méconnaissance des prescriptions de cet article.

Dès lors, il s’agissait pour la Cour de juger si la méconnaissance de l’article R.421-4.al.-2 du Code de l’urbanisme pouvait emporter l’annulation de l’ensemble du permis de construire contestée, y compris donc pour ce qu’il autorisait 125 maisons individuelles alors que ces dernières n’exigeaient pas la production au dossier du document prescrit par l’article précité. En l’espèce, la Cour a ainsi jugé que :

« considérant qu'aux termes de l'article R. 421-4 alinéa 2 du code de l'urbanisme : Lorsqu'il s'agit de constructions à usage commercial assujetties à l'autorisation de la commission départementale d'urbanisme commercial en vertu de l'article 29 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat, la demande de permis de construire est complétée par la copie de la lettre adressée par le préfet au demandeur de l'autorisation précitée lorsque le dossier joint à la demande d'autorisation a été reconnu complet ;
considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de la société Investimmo Régions portait également sur la construction d'un hôtel de 71 chambres qui est assimilable à une construction à usage commercial ; qu'il était, dès lors, soumis, en vertu de l'article 29 de la loi du 27 décembre 1973, désormais codifié à l'article L. 720-5 du code de commerce, à l'autorisation préalable de la commission départementale d'équipement commercial ; qu'il est constant que le dossier de la demande de permis de construire déposée par la société Investimmo Régions n'était pas complété par l'attestation préfectorale exigée par les dispositions précitées de l'article R. 421-4 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, l'arrêté litigieux, qui présente un caractère divisible en ce qu'il autorise, à la fois, la construction d'un ensemble de 125 maisons d'habitation et l'édification d'un établissement hôtelier de 71 chambres, lesquels constituent deux projets distincts en raison de leur objet propre et totalement dépourvus de lien de complémentarité entre eux, dont les emprises au sol sont nettement séparées, est illégal en ce que l'autorisation qu'il délivre porte sur cet équipement hôtelier
» ;

pour ainsi, après avoir rejeté les autres moyens présentés par les requérants, n’annuler le permis de construire litigieux qu’en tant qu’il avait autorisé l’édification de l’hôtel dès lors que celui-ci était dissociable des 125 maisons individuelles par ailleurs projetées. A cet égard, on peut relever que pour ce faire, la Cour administrative d’appel de Nantes a souligné que :

- d’une part, les emprises au sol des deux ensembles étaient nettement séparées, ce dont il résulte que la circonstance qu’un projet de constructions ait vocation à être implanté sur une même unité foncière n’en constitue pas nécessairement un ensemble indissociable mais, a contrario, qu’un ensemble projeté sur deux unités foncières distinctes n’en est pas ipso facto divisible (CE. 26 mars 1997, ADLA, req. n°172.183) ;
- d’autre part, ces deux ensembles était dépourvus de lien de complémentarité entre eux, ce qui doit être compris comme signifiant qu’il n’existait entre les maisons et l’hôtel aucun lien d’interdépendance fonctionnelle et/ou juridique.

Mais quoi qu’il en soit, cet arrêt illustre donc parfaitement le fait qu’avant même l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme issu de la loi « ENL », une autorisation d’urbanisme pouvait n’être que partiellement annulée, pour autant, donc, qu’elle soit divisible.

Précisément, la question posée par l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme est de savoir si la faculté ainsi offerte au juge administratif l’est quand bien même l’autorisation et le projet contestés seraient-ils indivisibles. A notre sens, cette question appelle une réponse négative.

En effet, sans qu’il soit ici possible d’approfondir plus cette notion, on précisera qu’à la lumière de la jurisprudence rendue en la matière, un permis de construire et l’ouvrage ou l’ensemble immobilier qu’il autorise ne sont divisibles que pour autant que chacune des composantes considérée comme dissociable ne soit pas indispensable à la viabilité juridique et fonctionnelle des autres et ce faisant, à la légalité du permis de construire pris dans son ensemble.

C’est ainsi qu’un ensemble de plusieurs bâtiments distincts mais reliés entre eux par un accès et un parc de stationnement communs formeront un ensemble indivisible (CE. 1er décembre 1995, M. Ménager & Autres, req. n° 137.832 ; CAA. Nancy, 4 mars 1997, Epx Ravachol c/ Ville de Reims, req. n° 94NC01290) puisque cet accès et ce parc de stationnement sont indispensables à la conformité du projet aux prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme et, le cas échéant, des articles 3 et 12 du règlement d’urbanisme local.

De même, lorsque les composantes du projet sont techniquement ou fonctionnement indissociables leur ensemble formera un tout indivisible devant faire l’objet d’une seule et même demande de permis de construire (CE. 26 mars 1997, ADLA, req. n°172.183) de sorte à ce que l’administration compétente puisse, comme le lui impose l’article L.421-3 du Code de l’urbanisme, prendre parti sur l’ensemble des aspects du projet tel qu’il est conçu par le pétitionnaire (CE. 7 novembre 1973, Giudicelli, req. n° 85.237).

Il s’ensuit qu’une annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme indivisible aboutirait à autoriser un projet illégal et/ou un projet ne correspondant pas à celui sur lequel l’administration a pris parti au titre de l’article L.421-3 du Code de l’urbanisme et ce, alors que l’alinéa 2 de l’article L.600-5 n’impose nullement au bénéficiaire de solliciter de l’administration qu’elle lui délivre « un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive ». En d’autres termes, une telle interprétation de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme aboutirait à permettre au juge administratif ce a quoi l’administration ne peut procéder sans entacher sa décision d’illégalité…

Dans ce contexte, il nous semble donc que l’article précité se borne à consacrer l’ancienne pratique jurisprudentielle admettant l’annulation partielle des autorisations d’urbanisme divisibles et, par voie de conséquence, n’autorise pas le juge administratif à aller au delà que ce qui lui était déjà permis.

En réalité, la seule véritable innovation de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme tient à son alinéa 2 en ce que, tout d’abord, il officialise la notion de « modificatif » qui jusqu’à présent était strictement jurisprudentielle, ensuite, il permet d’obtenir un « modificatif » sur la base d’un permis de construire annulé ce que la jurisprudence prohibait (voir, toutefois, sur la possibilité d'obtenir un "modificatif" de régularisation sur la base d'un permis de construire suspendu en application de l'article L.521-1 du Code de justice administrative : CE. 24 février 2003, M. Jean-Michel X., req. n°251.928) et, enfin, prévoit le recours à la technique du « modificatif » indépendamment de toute considération liée à l’importance des modifications requises et à leur impact sur l’économie générale du projet initial.

Mais sur ces deux derniers points, il n’est pas à exclure qu’il s’agisse là de deux des multiples imprécisions dont est entachée la loi « ENL » dont on peut regretter, malgré l’importance des enjeux poursuivis, qu’elle ait été adoptée avec autant de précipitation et si peu de rigueur juridique…


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat à la Cour
Cabinet Frêche & Associés

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